Déclaration de Mme Eléonore Caroit, ministre déléguée chargée de la francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l'étranger, sur la lutte contre le commerce illicite de tabac, à l'Assemblée nationale le 26 novembre 2025.

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  • Éléonore Caroit - Ministre déléguée, chargée de la francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l'étranger

Circonstance : Discussion à l'Assemblée nationale d'une proposition de résolution européenne

Texte intégral

Mme la présidente

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de M. Frédéric Valletoux et plusieurs de ses collègues relative à la mise en œuvre du protocole de l'Organisation mondiale de la santé pour " lutter contre le commerce illicite de tabac " (nos 1046, 1241).

La conférence des présidents a décidé que la discussion de ce texte demandée par le groupe Horizons & indépendants ne pourrait se poursuivre au-delà de 17 h 30 afin de préserver le temps nécessaire au débat suivant, inscrit à l'initiative du groupe Les Démocrates.

(…)

Mme Eléonore Caroit, ministre déléguée chargée de la francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l'étranger

L'objectif de cette proposition de résolution est clair : renforcer l'action européenne contre le tabagisme et les trafics de tabac.

Elle s'inscrit dans la continuité des engagements internationaux de la France et témoigne de l'importance que nous accordons à la gouvernance multilatérale incarnée par l'OMS en matière de santé. Enfin, elle tend à aligner l'Union européenne sur les obligations du protocole pour éliminer le commerce illicite du tabac, tel qu'il a été adopté dans le cadre de la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac.

Selon Santé publique France, le tabagisme demeure la première cause de mortalité évitable. Production intensive, émissions industrielles ou déchets polluants : son impact environnemental est lourd. Le trafic du tabac, de ses dérivés et des produits de substitution expose en outre directement les enfants et les adolescents, ciblés par l'arrivée de nouveaux produits comme les sachets de nicotine. Un chiffre doit nous alerter : 16 milliards de cigarettes fumées chaque année en France viennent du marché parallèle. Ce n'est pas marginal ; c'est une autoroute ouverte aux trafiquants.

Le commerce illicite du tabac affaiblit nos politiques de santé ; il nuit à nos efforts environnementaux ; il alimente des circuits criminels et surtout, comme M. le rapporteur l'a rappelé, il prive l'État d'importantes ressources. Par les temps qui courent, nous devons porter à ce dernier point une attention particulière. Enfin, aucun pays ne peut contenir seul ce phénomène transfrontalier. Tant que ces réseaux iront plus vite que nos règles, ils garderont un temps d'avance.

C'est pour répondre à cette menace globale que le protocole de l'OMS –? premier instrument international entièrement consacré à ce sujet – a été adopté en 2012. Il repose sur trois leviers : un contrôle rigoureux de la chaîne d'approvisionnement, un suivi et une traçabilité fiables, une coopération renforcée entre États. Il s'appuie sur des normes internationales fondées sur des preuves solides et établies de manière indépendante et sur la lumière des faits plutôt que sur l'ombre des influences. C'est la force de l'OMS.

La France a soutenu ce texte dès l'origine ; elle l'a ratifié en 2015. Depuis le premier programme national de réduction du tabagisme lancé en 2014, nous menons une stratégie cohérente qui repose sur la prévention, la régulation et l'accompagnement. Vous avez raison, monsieur le rapporteur : cet effort doit se poursuivre car le commerce illicite affaiblit notre lutte contre le tabagisme. Il représente une perte fiscale importante, fragilise les réseaux légaux et nourrit des activités criminelles qui menacent notre sécurité. Appliquer le protocole, c'est refuser que la santé publique devienne une variable d'ajustement pour les trafiquants.

Pour fonctionner, notre action doit aussi s'inscrire dans un cadre européen. L'Union européenne est partie au protocole depuis 2016. Elle a engagé des avancées, notamment en matière de traçabilité, mais elle doit désormais mener le processus à son terme et faire respecter l'ensemble des exigences du texte. Une Europe alignée, c'est une Europe qui ferme la porte au commerce illicite.

Je veux aussi rappeler notre engagement pour défendre les institutions internationales et singulièrement l'OMS, car la lutte contre le commerce illicite du tabac illustre la méthode promue par la France au sein du système multilatéral. À l'heure où le multilatéralisme est de plus en plus critiqué et remis en cause, il faut rappeler qu'un multilatéralisme d'impact peut fonctionner. Ce protocole en est un exemple : ses mécanismes précis font évoluer la manière dont les États coopèrent entre eux et contrôlent les activités illicites. Ce multilatéralisme exigeant constitue le plus efficace des outils ; c'est grâce à lui que nous pouvons avoir un réel impact.

Je veux enfin saluer le rôle de l'OMS : elle fournit un cadre solide, anime la coopération internationale et assure le suivi des engagements pris par tous les acteurs. Vous savez que la France est très attachée à ce qu'elle reste une institution forte et indépendante. Ce protocole montre qu'une organisation internationale peut accomplir des actions concrètes et décisives en faveur de nos concitoyens dès lors qu'elle fédère les États autour d'un objectif clair. Quand l'OMS fixe la direction, la santé mondiale progresse ; c'est pourquoi la France continuera de la soutenir et c'est pourquoi nous soutenons ce projet de résolution. (M. Frédéric Valletoux, rapporteur, et Mme Anne-Cécile Violland applaudissent.)


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 28 novembre 2025