Conférence de presse conjointe de M. Emmanuel Macron, Président de la République, et de M. Volodymyr Zelensky, Président de l'Ukraine, sur les conditions d'une paix durable, le plan américain et les garanties de sécurité dans le cadre de la coalition des volontaires, Paris le 1er décembre 2025.

Prononcé le 1er décembre 2025

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite en France de M. Volodymyr Zelensky le 1er décembre 2025

Texte intégral

Emmanuel MACRON

Mesdames, Messieurs, en vos grades et qualités, je suis très heureux d'accueillir à nouveau à Paris le président Zelensky, 15 jours, jour pour jour, après sa précédente visite, et à un moment qui pourrait être décisif pour l'avenir de la paix en Ukraine et de la sécurité en Europe. En ce jour symbolique, 34 ans, jour pour jour, après le référendum d'indépendance, où partout en Ukraine, la population a voté librement pour être indépendante, y compris dans les territoires que certains voudraient aujourd'hui contester.

Je veux ici d'abord témoigner au président Zelensky, à travers lui, à toute l'Ukraine, tout notre soutien après les nouvelles frappes qui ont visé le pays, martyrisé la ville de Kiev, et je voudrais ici redire nos condoléances, et après ces dernières heures, la frappe qui a touché Dnipro, là aussi en faisant plusieurs victimes civiles. Ce bilan est lourd, insupportable, et il dit aussi combien la Russie signe et aggrave un peu chaque jour le forfait de son agression en contredisant les lois les plus fondamentales de l'humanité et du droit international. Au moment où on parle de paix, la Russie continue de tuer et de détruire. C'est évidemment une insulte aux droits et un obstacle à la paix. Je voudrais aussi dire au président Zelensky tout mon soutien après deux semaines qui ont été particulièrement denses et difficiles, et c'est la raison pour laquelle il était important aujourd'hui que nous puissions nous retrouver, après les discussions qui se sont tenues à Genève, les discussions qui se sont tenues ces derniers jours à Miami, et après la réunion que nous avons tenue de la coalition des volontaires à laquelle a été associé pour la première fois à nos côtés le secrétaire d'État américain Marco Rubio.

Nous sommes dans une situation où les États-Unis ont pris rôle de médiateur, et je salue le travail qui est conduit par l'équipe américaine sous l'autorité du président Trump, les États-Unis d'Amérique, comme l'Ukraine, comme tous les Européens, veulent la paix. Et c'est l'objectif central des négociations qui se sont tenues ces dernières heures et ces dernières semaines. Mais il est clair pour nous tous que lorsqu'on parle de paix, chacun a son rôle à jouer. La Russie d'arrêter l'agression, elle n'a donné aucun signal, aucune preuve en ce sens. L'Ukraine est la seule qui peut discuter de territoire, ce sont les siens, reconnus par le droit international et elle est souveraine. Quand on parle de garantie de sécurité, elles ne peuvent être discutées ou négociées sans que les Ukrainiens, dont c'est le territoire, soient autour de la table, et sans que les Européens et l'ensemble des alliés de la coalition des volontaires soient autour de la table, puisqu'il s'agit des garants et puisqu'il s'agit aussi de la sécurité du territoire européen. Lorsqu'on parle des actifs russes gelés, les pays concernés et l'Union européenne doivent être autour de la table, car ils en ont seules compétences sur ce sujet. Et donc il est important sur chacun de ces points que les compétences soient bien respectées.

Pour ce qui nous concerne, nous continuerons d'avancer sur ce qui relève de nous. Nous avons donc finalisé le travail sur les garanties de sécurité, comme je l'évoquais, importantes pour la sécurité des Européens, des Français et des Ukrainiens. Les prochains jours donneront lieu à des discussions essentielles entre les responsables américains et la coalition des volontaires pour préciser la participation américaine à ces garanties, conformément à ce que nous avons décidé la semaine dernière. En parallèle, les discussions seront engagées pour que la Russie puisse donner toute clarté au médiateur américain dans ce contexte sur sa volonté de paix. Je ne doute pas que nous resterons tous unis aux côtés de l'Ukraine, du respect du droit international, de la paix et de la sécurité pour notre Europe. Je le redis ici aussi avec beaucoup de force, dans ce contexte, notre volonté, et je souligne la coordination très étroite que nous avons avec les Britanniques et les Allemands, est évidemment de bâtir une paix juste et durable pour les Ukrainiens, le jour d'après, le cessez-le-feu, et pour l'ensemble des Européens. À ce titre, après les échanges que nous avons eus ensemble avec le président Zelensky, nous avons pu nous entretenir à la fois avec les négociateurs sur place à Miami, mais aussi avec l'ensemble de nos partenaires européens, pour prévoir les prochains jours et les prochaines semaines, et que tout le monde soit pleinement tenu au courant des avancées.

Ce déplacement est également l'occasion, et je finirai là-dessus, pour la France de réaffirmer son soutien à l'Ukraine face aux tentatives d'effacer son identité. La saison culturelle qui s'ouvre aujourd'hui, en la présence de la première dame d'Ukraine, que je remercie, qui était à nos côtés et qui sera avec mon épouse ce soir pour l'ouverture de ces travaux, signe notre volonté d'oeuvrer dans la durée ensemble pour cette culture ukrainienne et pour nos liens culturels. La Première dame, Madame Zelenska, et mon épouse ont aussi été au Quai d'Orsay pour continuer l'engagement et le soutien international à l'initiative que vous avez lancée et que votre épouse a portée, Monsieur le président, cher Volodymyr, celle en faveur des enfants déportés par la Russie. Ils sont plusieurs milliers et ce sujet demeure et demeurera jusqu'à la dernière seconde un point, évidemment, de mobilisation de tous. En tout cas, la rencontre d'aujourd'hui a permis de faire avancer la concertation entre tous les Européens, de coordonner aussi nos vues avec les négociateurs et de rappeler l'importance de la mobilisation de tous pour une paix juste et durable. Comme je l'évoquais, dans les prochains jours, il y aura des discussions entre la délégation américaine et une délégation russe. C'est à l'issue de celle-ci que plus grande clarté sera faite sur la volonté ou non de la Russie d'avancer. Pour ce qui nous concerne, nous continuerons de soutenir tous les efforts de paix. Dans l'entretemps, nous continuerons de soutenir l'effort de résistance de l'Ukraine. Nous continuerons de sanctionner la Russie, car il en va de notre cohérence et il en va de notre sécurité. Je ne serai pas plus long, mais je vous remercie, Monsieur le président, cher Volodymyr, d'être à nouveau à Paris. Vous savez tout notre soutien et toute notre amitié.

Journaliste

Messieurs les Présidents, selon une analyse publiée aujourd'hui par l'AFP, l'armée russe a réalisé en novembre sa plus grosse progression sur le front en Ukraine depuis un an. Monsieur Zelensky, dans quelle mesure cette situation renforce pour vous l'urgence d'une solution négociée ?

Et puis, s'agissant justement des négociations, une question pour tous les deux. Est-ce qu'il sort des dernières discussions en Floride et des échanges que vous avez eus aujourd'hui avec les négociateurs, une troisième version du plan américain qui sera présentée demain à Vladimir Poutine ? Est-ce que cette version est désormais totalement acceptable par l'Ukraine et par les Européens ? Et quels points sont conservés dans ce plan, notamment en matière de territoire ?

Emmanuel MACRON

Je ne veux pas parler au nom des médiateurs américains qui se déplaceront donc à Moscou dans les prochaines heures, mais ils vont mener une entreprise de médiation qui vise à clarifier les positions russes sur toute une série de sujets, dont celle de la paix. Pour le reste, il n'y a pas aujourd'hui à proprement parler un plan qui soit finalisé.

Sur la question des territoires, il ne peut être finalisé que par le Président Zelensky. Sur la question des actifs gelés, des garanties de sécurité, de l'accession à l'Union européenne, des sanctions européennes, il ne peut être finalisé qu'avec les Européens autour de la table. Donc nous sommes encore à une phase préalable. Mais je veux saluer les efforts de paix des États-Unis d'Amérique et l'effort de médiation qui sera fait demain une nouvelle fois.

Journaliste

Monsieur le Président, en ce qui concerne les pourparlers qu'il y a eu hier, la première question, est-ce qu'il y a eu des questions d'abandon des territoires ? Est-ce qu'il y a eu des pressions ? Est-ce qu'on a parlé des lignes de séparation et à quoi on aboutit, en fin de compte, ou peut-être était-il question des garanties de sécurité ?

Emmanuel MACRON

Nous avons fait 19 paquets de sanctions et nous sommes en train de parler du 20ème paquet de sanctions et la partie américaine s'est associée de leur côté aux sanctions sur les compagnies pétrolières, ça, c'est un fait nouveau. Et donc, maintenant on peut dire que depuis le début de la guerre, la pression est au maximum. Donc maintenant, la sanction va continuer en s'accroissant, mais il faut s'assurer aussi que ce que nous avons pu intensifier en parallèle, c'est notre combat contre la flotte fantôme.

Ça, c'est deux sources très importantes et c'est pour la première fois que nous avons une approche aussi complète en termes de train de sanctions, donc en même temps agissant sur le pétrole et sur la flotte fantôme. Et je vous assure que dans les semaines à venir, la pression sur la Russie sera croissante pour qu'elle puisse financer cette guerre.

[Traduit de l'anglais]

Journaliste

Monsieur le président Zelensky, Monsieur le Président Macron, bonjour. Une affaire de corruption secoue l'Ukraine depuis plusieurs semaines et a couté vendredi son poste au chef de cabinet présidentiel Andriy Yermak. Monsieur le Président Macron, est-ce que vous estimez comme Donald Trump qu'il y a, je cite, un problème de corruption qui ne facilite pas les négociations. Et Monsieur le Président Zelensky, est-ce que vous ne craignez pas que cette affaire vous affaiblisse dans les négociations qui entrent désormais dans une phase décisive. Et Monsieur le Président français, je me permets un sujet supplémentaire. La Belgique continue de s'opposer fermement à l'utilisation des avoirs russes pour financer l'Ukraine. Comment les rallier à votre position, sera-t-il possible de l'annoncer au prochain Conseil européen ? Comment s'assurer que cet argent ne soit pas détourné une fois en Ukraine ?

Emmanuel MACRON

Sur les actifs les Russes, je l'ai dit depuis le début, nous trouverons une option qui, techniquement, permette de répondre à toutes les questions légitimes qui sont posées. Et moi, j'ai beaucoup de respect pour le Premier ministre Bart de Wever, qui pose des questions très précises, techniques. Et donc, il faut qu'on puisse avancer. L'objectif est de finaliser cela pour le prochain Conseil européen, donc avant Noël. Et la Commission aura d'ailleurs des décisions à annoncer dans les jours à venir. L'objectif est que ces actifs soient bien protégés, si je puis dire, de tout changement, et qu'on arrive à en garder le contrôle, et qu'ensuite, les règles internationales soient respectées mais que nous trouvions les solutions adéquates pour donner de la visibilité à l'Ukraine et un financement de son effort de guerre dans le temps long, ou un financement du soutien de ses armées et de leur format dans le temps long. Et donc, nous continuons le travail avec exigence et respect. Pour ce qui est des questions de corruption, je laisserai le Président Zelensky répondre, nous sommes très vigilants, mais les entités en charge ont été créées, renforcées, et elles font leur travail librement.

Les décisions qui devaient être prises ont été prises de manière souveraine par les décideurs ukrainiens. Est-ce que notre rôle est de donner des leçons, nous, à l'Ukraine ? Pas vraiment. Il a pu nous arriver d'avoir d'ailleurs des scandales de ce type. Une démocratie doit s'honorer de savoir les régler avec une justice indépendante et en sachant justement poursuivre tous les décideurs quels qu'ils soient. Je note que vous n'aurez jamais de problème de corruption en Russie et que c'est ça qui devrait émouvoir beaucoup, parce qu'il n'y a pas d'entité indépendante qui gère ces sujets-là. Et donc, comme on donne de l'argent, comme on soutient un effort de guerre, il est normal qu'on soit exigeant, qu'on regarde cela. Donc, des comptes sont rendus.

Mais je constate qu'en tout cas, la lutte contre la corruption fonctionne, puisqu'il y a des décisions qui sont ouvertes et des décisions aussi politiques qui sont prises. Mais n'oubliez jamais, quand on parle dans le débat français, que ce qui est inquiétant, c'est que vous n'avez jamais ce type de décision prise du côté russe, parce que la vraie dictature est là.

Journaliste

Question à la fois attendue et inattendue. La réponse est attendue par beaucoup de personnes. Est-ce que vous avez décidé de la longue ou courte liste des prétendants, peut-être que vous connaissez déjà le nom, qui et quand sera le prochain chef du bureau du Président. Peut-être que vous pourrez donner ce nom maintenant. Il existe un constat largement répandu selon lequel malgré tous les efforts, les Européens restent insuffisamment impliqués dans les négociations. Est-ce que les points du plan, entre guillemets, européen, notamment sur les garanties de sécurité, seront intégrés aux propositions que Monsieur Witkoff apportera demain au dirigeant du Kremlin ?

Emmanuel MACRON

Alors moi, je ne peux pas vous répondre sur ce point. Mais sur la deuxième question que vous posiez, je pense qu'il faut voir les choses telles qu'elles sont. Il y a un effort de médiation américaine —c'est une très bonne chose— qui va maintenant mettre la pression sur la Russie. Voulez-vous ou non la paix ? Et au fond, c'est une nouvelle forme d'initiative, et je veux vraiment saluer les efforts du Président Trump et de son équipe depuis février dernier. Ils ont proposé d'abord un cessez-le-feu. Rappelez-vous, mars de cette année, le Président Zelensky dit : " Je suis d'accord avec le cessez-le-feu ". Ils y vont, les Russes disent : non. Ensuite, on a eu une autre proposition vers juin. On a retravaillé ici à Londres. Les Russes ont dit : non. Après, il y a eu Anchorage, proposition américaine de médiation. Les Russes ont dit : non. Les Américains proposent encore quelque chose. Ils ont une médiation.

Voilà, on va attendre la réponse russe. Est-ce qu'ils sont prêts à arrêter le combat, à faire la paix ? C'est très important. Donc il faut les remercier de cela, de cet effort. Je note quand même que ça fait trois-quatre fois que les Russes nous ont dit : non. Donc ils ne semblent pas très pressés de la faire là où vous avez un Président qui a dit oui sur chacun des schémas, et nous, nous l'avons soutenu. Maintenant, ça ne fait pas un plan de paix complet.

La paix, ensuite, pour ce qui, on le sait bien, la rassemble, c'est un très gros travail. D'abord, les questions territoriales, votre collègue a interrogé juste avant le Président. C'est la responsabilité de votre Président, personne d'autre. Et c'est clair, pour les négociateurs américains, ils l'ont rappelé. Monsieur Rubio, le secrétaire d'État américain, l'a dit avec beaucoup de force et a raison.

Ensuite, la question des sanctions des Européens. Ce sont les Européens qui décideront sur un plan qu'il faudra bâtir ensemble. On ne l'a pas fait. Et donc, je pense qu'il faut bien voir que cette médiation américaine, elle concerne les Américains avec les Russes. Et ils se sont concertés avec principalement l'Ukraine, ce qui est normal, et avec nous. Mais ce n'est pas un plan de paix complet. Le plan de paix complet, il faudra l'Ukraine autour de la table, la Russie autour de la table et les Européens autour de la table. Donc ce n'est pas encore maintenant, mais ça va arriver. Nous, depuis février dernier, on s'est préparés, en particulier sur la question des garanties de sécurité, qui est importante à deux titres.

Le premier, c'est pour que cette paix soit durable pour l'Ukraine et qu'à nouveau, elle n'ait pas une agression comme en 2014 et 2022. Et pour nous, Européens, pour cantonner la puissance russe et éviter qu'elle ne se rapproche. Et donc à ce titre, on a préparé, on a fait toute cette planification dans le cadre de la coalition des volontaires. Et donc là, nous, on est prêts à négocier. De la même manière, on aura finalisé le travail, comme je l'évoquais à votre confrère, dans les prochains jours sur la question des actifs gelés russes. Donc voilà, il y a comme ça une série de sujets qui vont constituer à la fin un plan de paix et auquel nous serons menés, dans lequel les Européens auront un rôle central, parce que plusieurs des sujets que j'ai réitérés au cours de cette conférence de presse ne peuvent être décidés sans les Européens.

Néanmoins, il faut saluer l'importance de cette médiation américaine, et j'espère qu'elle permettra de rapporter des indications d'une volonté de paix russe et des précisions sur cette volonté de paix russe et qu'elle existe. En attendant, je redis ici notre soutien et notre solidarité au peuple ukrainien et à ses dirigeants, parce que chaque jour, on parle de paix en voulant entendre ce message depuis la Russie, on voit les bombes qui, venant de la Russie, tombent sur le sol ukrainien, tuent des civils, les plongent dans le froid, dans l'obscurité. Et donc les faits sont têtus comme disait il y a plus d'un siècle cela un autre Russe. Les faits sont têtus et les faits disent plutôt la guerre. Et donc nous devons continuer d'aider l'Ukraine à résister et de bâtir une paix durable par la négociation.

Animatrice

Cette conférence est maintenant terminée. Merci beaucoup.

Emmanuel MACRON

Merci Messieurs-dames. Merci Président.