Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Vous avez reçu hier, avec le Premier ministre, des parlementaires qui suivent les sujets de défense, notamment pour parler du budget et des votes à venir. Est-ce que vous en êtes ressorti rassurée ? Est-ce que ce matin, vous avez la certitude ou à minima la conviction qu'ils vont donner un budget à la France et donc à nos armées ?
CATHERINE VAUTRIN
Je n'ai bien sûr aucune certitude ce matin. Mais ce qui était intéressant, c'était de pouvoir échanger avec ces parlementaires, membres des commissions de la défense de l'Assemblée et du Sénat. Et il y avait plusieurs présidents de groupes de l'Assemblée comme du Sénat. Et l'enjeu, c'était évidemment d'expliquer ce qu'il y a dans ce budget. Tout simplement, parce que, particulièrement, à l'Assemblée, nous n'avons pas eu de débat sur le sujet de la défense. Puisque comme vous le savez, à partir du moment où la partie recette du budget a été rejetée à l'Assemblée, la partie dépense n'est pas examinée. Et donc, c'est la raison pour laquelle le Premier ministre souhaite organiser la semaine prochaine, le 10 décembre, ce que nous appelons un débat au titre de l'article 50-1 de notre constitution, qui permettra de discuter le budget de la défense.
ADRIEN GINDRE
Et il y aura un vote à cette occasion-là ?
CATHERINE VAUTRIN
Il y aura un vote…
ADRIEN GINDRE
Et précisément, sur le budget, on demandera un avis séparé ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors, c'est un vote sur ce que nous présentons. Ça ne vaut pas vote du budget.
ADRIEN GINDRE
Donc, pas validation, quand même ?
CATHERINE VAUTRIN
Bien sûr que non. Mais ça a le mérite de pouvoir échanger sur un point très important qui est celui de ce budget de la défense, qui est le seul budget en augmentation importante présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour l'année 2026.
ADRIEN GINDRE
Catherine VAUTRIN, même chez vos soutiens, même chez les soutiens officiels du Gouvernement, les Républicains ont raison notamment, je pense à eux, il y a aujourd'hui toujours un suspense sur ce que sera leur vote final. Qu'est-ce que vous avez envie de leur dire ? Est-ce qu'il y aura une forme d'irresponsabilité de leur part, spécifiquement à ne pas voter votre budget ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, je pense que chacun des Français le voit, vous l'expliquez dans vos journaux tous les jours : l'Europe se réarme, la situation mondiale est une situation qui a beaucoup changé, les dividendes de la paix sont terminés. Augmenter le budget, pourquoi est-ce que nous le faisons ? Nous le faisons évidemment pour augmenter notre sécurité, pour, quelque, part montrer que la France est capable de se défendre, puisque la volonté de la France est toujours de se défendre.
ADRIEN GINDRE
On serait en danger sans ce budget ?
CATHERINE VAUTRIN
L'idée, c'est vraiment d'être en capacité d'être respecté. Pour être respecté, il faut être entraîné. Ça veut dire qu'il faut avoir la capacité, évidemment, d'entraîner nos armées, d'acquérir des matériels. Et c'est aussi un enjeu très important pour nos entreprises. Vous le savez, en France, 220 000 emplois sont liés aux entreprises de défense, partout sur nos territoires. Donc, c'est un enjeu qui concerne quelque part de très nombreux Députés, de très nombreux Sénateurs. Certains ont un régiment, d'autres ont une entreprise liée à l'armement sur leur territoire. Donc, c'est vraiment aussi une mobilisation pour ces entreprises.
ADRIEN GINDRE
Je précise, Catherine VAUTRIN, je le rappelle, que le Premier ministre a fait le pari du débat et du vote. C'est bien le Gouvernement qui a choisi de renoncer, à ce stade, au 49-3. À votre place, hier, la présidente LR de la région Île-de-France, Valérie PECRESSE, dit : « Il ne doit pas y avoir de tabou, le 49-3 est fait pour ce type de situation-là ». Je rappelle que sous Élisabeth BORNE, c'était il n'y a pas si longtemps que ça, tous les budgets donc ceux des armées, à fortiori, sont passés par 49-3. Ce serait votre responsabilité s'il y a un échec à la fin.
CATHERINE VAUTRIN
Je crois qu'on l'a vu : le Premier ministre a fait le choix du dialogue et de la discussion. Le 49-3, à l'origine, son approche, c'était quelque part de travailler avec sa majorité. Il ne vous a pas échappé, Adrien GINDRE, que nous avons 11 groupes à l'Assemblée nationale.
ADRIEN GINDRE
Mais y compris des sujets avec ceux qui vous soutiennent.
CATHERINE VAUTRIN
Et qu'il n'y a aucune majorité. Donc, toute la question, c'est la culture du compromis, de la discussion. C'est ce que fait actuellement le Premier ministre, ce que fait la ministre des Comptes publics. Cette semaine, à l'Assemblée, ils reprennent le projet, en fait, de texte sur la sécurité sociale. On le voit bien, je voyais ce matin que sur 80 articles, il en reste une dizaine. Donc, tout le sujet, c'est le compromis. Nos concitoyens attendent de nous la capacité à ce que chacun prenne ses responsabilités.
ADRIEN GINDRE
Mais vous le ferez, y compris le cas échéant, à la fin si ça permet de doter nos armées d'un budget ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, le sujet, il faut être très clair, ce n'est pas les armées toutes seules.
ADRIEN GINDRE
Non, mais c'est ce qui vous concerne.
CATHERINE VAUTRIN
Le budget des armées, il est dans le projet de loi de finances.
ADRIEN GINDRE
Bien sûr.
CATHERINE VAUTRIN
Globalement, l'objectif, c'est que la France puisse avoir un projet de loi de finances. Parce que si nous n'avons pas de projet de loi de finances, ça veut dire qu'en ce qui concerne la défense, il n'y a pas de commandes. S'il n'y a pas de commandes, ça veut dire pas d'équipements nouveaux et pas de carnet de commandes pour les entreprises.
ADRIEN GINDRE
Justement, une petite précision : une actualisation de ce qu'on appelle la loi de programmation militaire était prévue d'ici la fin de l'automne. L'automne se termine dans trois semaines. Est-ce que la loi sera présentée, débattue, dans le délai qui avait été promis ?
CATHERINE VAUTRIN
Il ne vous a pas échappé que les textes budgétaires prennent beaucoup de temps. Et donc, l'actualisation de la loi de programmation militaire se passera au premier trimestre 2026.
ADRIEN GINDRE
Premier trimestre 2026.
CATHERINE VAUTRIN
Mais pour autant, dans le budget pour 2026, il y a bien évidemment la partie qui concerne 2026 pour que nous puissions faire les commandes nécessaires.
ADRIEN GINDRE
Le financement. On le disait, on l'évoquait, on se prépare et on a besoin de budget pour beaucoup de points très différents : se préparer, se renforcer, s'équiper, vous le disiez à l'instant. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait tout à fait saisi. En revanche, à quoi on devait exactement se préparer ? Je voudrais vous montrer un extrait d'un reportage qui a été diffusé dimanche soir dans la page spéciale Russie, dans le 20h de TF1, au sujet des centres de formation militaire en Russie, à destination des jeunes. C'est un reportage qui a été tourné par Jérôme GARRO, Michael Merle et Helena DABAC.
JEROME GARRO
Les plus jeunes ont 8 ans.
INTERVENANTE
Prenez des notes pendant qu'Artyom fait les manipulations.
JEROME GARRO
Aujourd'hui : leçons sur le fonctionnement d'un fusil Kalashnikov. Depuis 2023, le même cours est devenu obligatoire dans tous les lycées de Russie, à partir de 15 ans.
ADRIEN GINDRE
Cours obligatoire partout, à partir de 15 ans. Qu'est-ce que ça vous inspire ? La Russie est en train de préparer ses nouvelles générations à faire la guerre contre nous, contre l'Europe ?
CATHERINE VAUTRIN
La Russie est dans une économie de guerre. Et la Russie a déclaré la guerre à l'Ukraine en 2022. Cela fait trois ans.
ADRIEN GINDRE
Il y a un risque d'invasion, y compris chez nous ?
CATHERINE VAUTRIN
Ce n'est absolument pas la situation de la France aujourd'hui. Aujourd'hui, la France est engagée pour se réarmer de façon à être en capacité de se défendre. Ce qui est important et je crois ce que nous devons avoir…
ADRIEN GINDRE
Mais se défendre face à une éventuelle invasion russe ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne suis pas en train de vous dire que nous sommes en train de nous défendre face à une invasion. Je vous dis que nous sommes obligés d'être équipés pour être respectés.
ADRIEN GINDRE
Mais comprenez qu'il peut être difficile à suivre, l'idée de face à quoi nous devons nous défendre.
CATHERINE VAUTRIN
Aujourd'hui, le sujet concerne, et vous le savez, l'Ukraine depuis trois ans. La volonté de la France est de s'engager sur une approche de paix en Ukraine, de conditions de sécurité. C'est cela qui nous motive.
ADRIEN GINDRE
Mais vous n'êtes pas inquiète pour notre pays, vous, aujourd'hui ?
CATHERINE VAUTRIN
Je suis aujourd'hui dans une situation où, je dis, les dividendes de la paix sont terminés. Nous devons donc être équipés, parce que pour être respectés, il faudrait équiper, entraîner et craints.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous diriez que la Russie est notre ennemi ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne suis pas là pour commenter ce qu'est la Russie. Ce que je constate aujourd'hui, c'est que la Russie a envahi l'Ukraine, et qu'au moment où nous parlons de paix, il y a des civils qui meurent pratiquement chaque jour en Ukraine. C'est cela, aujourd'hui, notre engagement : c'est de rechercher un compromis pour la paix, particulièrement en Ukraine, parce que c'est là qu'aujourd'hui, vous avez quasi tous les jours des victimes civiles.
BRUCE TOUSSAINT
Rechercher un compromis, y compris en parlant avec Vladimir POUTINE ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous avez vu qu'il y a, aujourd'hui, les États-Unis, qui se sont organisés en médiateurs, qui discutent avec le reste de l'Europe.
BRUCE TOUSSAINT
Tout à fait, un émissaire.
CATHERINE VAUTRIN
Et c'est ça qui est important. Quand on parle finalement d'un compromis de paix pour l'Ukraine, cela concerne en premier lieu, à juste titre, l'Ukraine. Cela concerne aussi l'Europe, ne serait-ce que pour les garanties de sécurité, parce que ce que nous voulons pour l'Ukraine, c'est une paix juste, une paix durable, avec des garanties de sécurité.
ADRIEN GINDRE
Hier, le chef de l'État, il utilisait un mot très important au sujet de la Russie. Il disait : " La vraie dictature est là ". Est-ce que c'est la position officielle de la France ? Est-ce que c'est votre position ? Est-ce que la Russie est une dictature pour vous ? Est-ce que vous utilisez le mot ?
CATHERINE VAUTRIN
Je n'ai pas utilisé ce mot. Ce que le Président de la République a évoqué était un sujet autour de la corruption et sur le fait que dans une démocratie, il y a une lutte contre la corruption. Et l'exemple qui était pris, le Président de la République était interrogé sur l'Ukraine et sur le fait que le Président ZELENSKY avait limogé ceux qui étaient recherchés pour la corruption.
ADRIEN GINDRE
Donc, la Russie n'est pas une dictature ?
CATHERINE VAUTRIN
Je n'ai pas dit ça.
ADRIEN GINDRE
Donc la Russie est une dictature ?
CATHERINE VAUTRIN
Je termine, si vous le voulez bien. Le sujet, c'est de dire que dès lors qu'on lutte contre la corruption, on est dans une démocratie. La question, c'est : est-ce qu'effectivement, en Russie, on lutte contre la corruption ? Nous ne sommes pas dans la même situation qu'ailleurs en Europe.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 décembre 2025