Texte intégral
Emmanuel MACRON
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs.
Merci, Monsieur le Président, pour votre accueil et vos mots. Je suis heureux d'être de retour en Chine pour cette quatrième visite d'État, un an après votre propre visite d'État en France, qui avait marqué le temps fort des célébrations du 60e anniversaire de l'établissement de nos relations diplomatiques. Je n'oublie pas, au-delà de Paris, votre présence dans les Hautes-Pyrénées. Et en effet, après Pékin aujourd'hui, nous serons demain ensemble à Chengdu, et j'y suis très sensible. Je veux vous remercier de ce geste, et cela illustre notre attachement commun à ancrer chaque moment fort de la relation bilatérale franco-chinoise dans un territoire, une province, en Chine comme en France. Je garde vivantes à l'esprit mes visites à Xi'an, Shanghai et Canton. Comme je le sais, vous avez présents à l'esprit vos visites dans les Hautes-Pyrénées que j'évoquais ou à Beaulieu-sur-Mer en 2019.
Ce dialogue que nous entretenons repose sur la confiance, la compréhension mutuelle et la volonté d'agir ensemble dans un contexte international extrêmement incertain, jalonné par les crises, vous l'avez rappelé à l'instant, et notre volonté aussi que ce dialogue puisse nourrir la feuille de route sino-européenne. Vous savez combien la France veut et œuvre à une plus grande autonomie stratégique européenne, et dans ce cadre, nous souhaitons travailler dans un esprit positif avec la Chine sur la base d'une relation équilibrée, fondée sur l'égalité et le respect mutuel. C'est exactement ce qui a nourri nos discussions de ce matin. Je voudrais en rendre compte simplement au travers de trois aspects : un agenda pour la stabilité géopolitique, un agenda pour l'équilibre économique et un agenda pour la soutenabilité environnementale.
En matière de stabilité géopolitique, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, on a longuement évoqué ce matin la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine, conflit qui représente une menace vitale pour la sécurité européenne, mais aussi pour le respect de l'ordre international fondé sur la règle de droit et l'efficacité de notre charte commune. Je crois que nous mesurons l'un et l'autre la gravité de la situation et la nécessité d'avoir une paix robuste et durable. Vous savez combien la France y est engagée et je souhaite que nous puissions renforcer notre coopération dans ce cadre. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, nous avons une responsabilité particulière. Je crois que nous devons tout faire pour que, justement, les compromis soient trouvés, mais que derrière, le droit international soit préservé et que la stabilité soit tenue dans la durée. J'espère que la Chine pourra se joindre à notre appel et à nos efforts pour parvenir dans les meilleurs délais à, tout le moins, à un cessez-le-feu sous la forme d'un moratoire sur les frappes visant les infrastructures critiques. C'est clé pour l'hiver qui vient, puisqu'aujourd'hui, les infrastructures civiles et en particulier énergétiques sont toujours sous le feu russe, mais plus largement que nous arriverons à œuvrer ensemble pour cette paix juste et durable, c'est-à-dire respectueuse du droit international.
Sur le conflit au Proche-Orient, vous l'avez évoqué, monsieur le Président, au-delà du cessez-le-feu conclu à Gaza et l'Accord de paix de Charm el-Cheikh, qui ont été des étapes importantes, je crois que le travail de nos deux pays s'inscrit en droite ligne de la Déclaration de New York et de la résolution 2803. Nous soutenons les deux États parce que nous soutenons une solution politique dans la durée qui seule permettra d'avoir la stabilité dans la région. Je salue les annonces humanitaires que vous venez de faire. Nous avons nous-mêmes contribué à cela, il y a quelques semaines, lorsque j'ai reçu le 11 novembre dernier le président Abbas à Paris. Nous sommes revenus évidemment sur les autres sujets de tension géopolitique et nous continuerons de nous coordonner sur ces dossiers.
Sur ce qui est de l'agenda d'équilibre en matière économique, j'ai eu l'occasion longuement avec le Président, ce matin, d'échanger sur la situation. Nous avons des déséquilibres mondiaux aujourd'hui qui nécessitent une plus grande coordination entre nos économies et, nos présidences de l'APEC et du G7 l'année prochaine devront permettre d'œuvrer en ce sens. L'Europe et la Chine ont un rôle à jouer pour poser avec d'autres partenaires les fondations d'une gouvernance économique mondiale équitable, solide, fondée sur des règles et non sur la loi du plus fort. Ces déséquilibres qui s'accumulent aujourd'hui ne sont pas soutenables. Ils font courir des risques de crise financière. Ils mettent en péril notre capacité à croître ensemble. C'est pourquoi je suis convaincu que nous avons à gagner, à mieux nous coordonner. L'accord, d'ailleurs, qui a été signé aujourd'hui, les accords, vont dans ce sens qui permettent de rétablir des termes, une coopération bilatérale, mais aussi d'un dialogue multilatéral plus coopératif.
Au fond, l'Europe doit se réformer pour être plus compétitive et investir davantage. La Chine doit poursuivre cet agenda de renforcement de sa consommation domestique. Nous devons trouver un cadre pour accroître les investissements directs chinois en Europe, et en particulier en France, créateurs de valeurs ajoutées et d'emplois. C'est ce que nous souhaitons développer. J'ai eu l'occasion de le réaffirmer. Nous allons, dans un instant, échanger avec des investisseurs chinois et français en ce sens pour permettre de jalonner le parcours en la matière, mais c'est absolument clé. Nous avons d'ailleurs plusieurs succès récents, je pense, à ce que nous avons su faire en termes de batteries électriques. C'est cet agenda qu'il faut poursuivre. Je me félicite également de votre volonté réaffirmée à l'instant de favoriser l'accès au marché chinois pour les produits français, et en particulier dans le secteur de l'agroalimentaire. Nous avons su trouver une issue à ce qui était à un moment des sujets de malentendu et nous continuons d'avancer. Les accords signés aujourd'hui sont également très importants et je considère que tout ce que nous pouvons faire pour l'agroalimentaire français, du vin à toutes les grandes filières (porc, volaille, bœuf) est absolument clé. De la même manière que nous voulons continuer en matière d'aéronautique, de nucléaire civil, de recherche, comme les accords aujourd'hui aussi ont permis de le faire. Nous avons pu ensemble, au service de cet agenda, souligner l'importance des échanges humains et de nos échanges d'étudiants. Vous l'avez rappelé, Président.
Enfin, notre agenda se prolonge naturellement autour des enjeux de soutenabilité auxquels nous nous devons d'apporter des réponses concrètes. Je pense aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, les océans, mais aussi au soutien financier aux pays les plus vulnérables. Là-dessus, nous avons acté plusieurs coopérations très concrètes en matière de lutte contre la pollution plastique, pour n'en citer qu'une, mais en prenant aussi plusieurs initiatives dans les mois qui viennent, compte tenu de l'agenda international. Cette convergence, d'ailleurs, se prolonge dans le domaine culturel : nous actons aujourd'hui plusieurs accords dans le domaine du patrimoine, de l'audiovisuel, des arts de la scène. Cette coopération est absolument décisive, comme l'est aussi celle sur les pandas, vous l'avez rappelé, et nous aurons l'occasion demain dans le Sichuan de pouvoir l'illustrer pleinement. C'est une des fiertés du partenariat entre nos deux pays. J'aurai l'occasion aussi demain, Monsieur le Président, après nos échanges, de me rendre à l'Université du Sichuan, qui sera à nouveau l'occasion de rencontrer la jeunesse chinoise et de lui dire qu'elle est bienvenue en France pour faire ses études, comme nous souhaitons aussi avoir davantage d'étudiants et de jeunes Français venant dans votre pays.
Voilà, Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président, ce que je souhaitais ici dire, je dirais, en syntonie avec ce que vous venez d'évoquer. Nos dialogues sont riches, approfondis. Nous avons décidé, il y a deux ans, d'ailleurs, de relancer plusieurs formats stratégiques qui ont permis, ces derniers mois, de scander les choses. Rien n'est simple. Les déséquilibres actuels, comme les crises géopolitiques, au fond, pourraient faire courir le risque à nos pays de prendre des chemins singuliers. Je pense que nous sommes convaincus l'un et l'autre, d'abord, de l'importance de la coopération internationale, du cadre onusien et d'un multilatéralisme efficace. C'est pourquoi, aussi, ces visites sont essentielles pour remettre sur la table tous les sujets et bâtir, par la volonté, des chemins de convergence et de coopération. Et je crois que nous partageons cette volonté. C'est ce qui me rend encore plus confiant à l'issue de nos échanges.
Merci pour votre attention.