Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations économiques franco-chinoises, à Pékin le 4 décembre 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite d'État en République populaire de Chine : premiers jours à Pékin ; Conclusion du Conseil d'entreprises franco-chinois.

Texte intégral

Emmanuel MACRON

Merci, Monsieur le président, pour vos mots et votre propos à l'instant. Mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les dirigeants d'entreprise, je tiens avant tout à remercier très sincèrement les entreprises présentes et nos hôtes chinois pour la qualité de leur participation. Je sais combien vos échanges alimenteront aussi notre feuille de route commune. Cette discussion illustre aussi la qualité et le potentiel de coopération économique entre la Chine et la France, et elle montre que lorsque nos entreprises et nos investisseurs travaillent de concert avec des résultats concrets, une volonté de se donner un cap, nous arrivons précisément à les mettre en œuvre.

Vous avez rappelé à l'instant, Monsieur le président, l'importance de la prévisibilité. Je crois que c'est au cœur de la relation de confiance qu'il y a entre la Chine et la France et qui fonde aussi la relation de confiance entre nos entreprises. Prévisibilité parce que nous nous connaissons, nous avons appris à nous connaître et vous avez là des dirigeants d'entreprises qui ont su nouer des liens avec votre pays et souvent avec leurs partenaires depuis des décennies.

Nous disposons en effet d'une relation économique solide, 46 milliards d'euros d'investissement français en Chine, 12 milliards d'euros d'investissement chinois en France. Ces chiffres témoignent d'un partenariat de confiance construit dans la durée, de savoir-faire échangé, une expertise aussi sur les marchés de l'un et de l'autre. Aujourd'hui, alors que les entreprises chinoises sont à la pointe de l'innovation, il est temps d'ouvrir une nouvelle page de ce partenariat historique. C'est dans cet esprit que nous partageons un objectif clair, accroître nos investissements croisés et viser une augmentation du stock d'investissement chinois en France d'ici 2030.

Nous l'avons dit, et cette relation bilatérale, au fond, est au cœur aussi de ce que nous voulons faire entre la Chine et l'Europe dans un moment extrêmement sensible de notre vie internationale. Le monde, aujourd'hui, est soumis à des déséquilibres économiques majeurs. Il ne s'agit pas ici de stigmatiser qui que ce soit. Nous sommes co-dépositaires, au fond, d'une coopération nouvelle à lancer. Mais il y a aujourd'hui un déficit du reste du monde commercial à l'égard de la Chine qui est très important et qui est en train de devenir insoutenable, et un manque de consommation intérieure chinoise. Il y a des investissements insuffisants en Europe et un manque de compétitivité européenne. Il y a des déficits jumeaux américains et une trop grande dépendance à l'égard des marchés extérieurs.

La pire des manières de gérer ces déséquilibres, c'est la guerre commerciale. La pire des manières, c'est de regarder devant nous la crise qui est en train de se jouer, et c'est le tandem, en quelque sorte, crise commerciale, repli, restrictions aux exports, montée des tensions et dérégulation de certains segments du secteur financier. Au fond, si nous continuons de faire collectivement comme nous sommes en train de faire, nous irons à la crise. Notre conviction avec le président, nous l'avons dit ce matin, c'est d'aborder de manière très transparente la situation actuelle et d'essayer de la régler par la coopération et le partenariat. C'est ce qui sera au cœur, au fond, de l'agenda du G7 de l'année prochaine pour la France, mais de ce que nous voulons faire ensemble. C'est pourquoi la clé de cela, c'est de regarder secteur par secteur nos règles de subvention et d'accompagnement des entreprises pour ré-harmoniser nos règles de soutien, c'est de réussir à améliorer l'ouverture du marché chinois à nos exports, mais c'est d'identifier aussi les règles de développement d'investissement croisés.

La France est ouverte aux investissements chinois. Depuis 2019, nous sommes le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers. Et donc, tout naturellement, nous voulons accueillir davantage d'investissements chinois à travers des projets et des stratégies de réindustrialisation. C'est ça qui nous permettra d'enrayer le cycle dans lequel nous sommes et donc d'avoir des investisseurs, des entreprises chinoises qui participeront aux côtés de nos industriels européens, au développement, à la création d'emplois sur notre sol, qui permettra d'avoir davantage de partenariats, et d'assurer aussi les transferts de technologies, ce qu'ont fait plusieurs entreprises françaises il y a de cela maintenant plusieurs décennies pour contribuer au développement chinois.

Nous voulons accueillir davantage de projets chinois dans le domaine des batteries, de la mobilité décarbonée, de la robotique industrielle, du photovoltaïque, de l'éolien, pour ne citer que certains exemples, où nous reconnaissons des avancées technologiques chinoises et où il y a une volonté, justement, d'avoir des projets mutuellement bénéfiques. À la lumière, d'ailleurs, de ce que nous avons su faire ces dernières années, je pense évidemment au succès de l'investissement d'Envision à Douai, pour n'en citer qu'un, les Hauts-de-France, en partenariat avec Renault. La première ligne est entrée en production en juin 2025 et elle illustre exactement cette approche. On peut penser aussi au projet d'investissement conjoint entre XTC et Orano, Dunkerque, Axens et Minmetals New Energy Materials, HoloSolis et Trina Solar et au projet porté par DAS Solar dans le photovoltaïque ou aux discussions en cours de certains partenaires chinois avec notre gigafactory française de batteries Verkor. Tous ces projets, sont la preuve que s'ils s'inscrivent dans une logique industrielle de long terme et qu'ils sont fondés sur une logique partenariale, ils trouvent chez nous un terrain favorable pour se développer, et en particulier une électricité décarbonée et compétitive, un écosystème d'innovation mature, une main-d'œuvre hautement qualifiée et un accompagnement public clair, stable et prévisible. Cette dynamique s'inscrit aussi dans une ambition européenne à la fois ouverte et exigeante pour nous donner les moyens de réussir les grandes transitions qui se présentent à notre continent.

Je ne pourrais pas être complet sur notre objectif de rééquilibrage sans évoquer l'enjeu des exportations françaises. Nous avons échangé avec le président sur les voies et moyens de faciliter l'accès au marché chinois pour les produits français, et les entreprises ici présentes peuvent en témoigner, reconnues pour leurs grandes qualités, de l'aéronautique à l'agroalimentaire, en passant par la pharmacie, le luxe, les cosmétiques, les services, etc. Vous avez ici des fleurons qui veulent davantage investir dans votre pays, davantage développer, pouvoir accroître les échanges. En tout cas, notre conviction, c'est que nous devons encore faire davantage, mais que le chemin qui est devant nous est celui d'un rééquilibrage nécessaire, pas par incantation, mais parce que le chemin actuel n'est pas soutenable parce qu'il est rentré dans un déséquilibre trop important. Je vous l'ai dit avec beaucoup de franchise, nous voulons le faire et nous voulons le faire avec vous. Nous voulons consolider les entreprises qui travaillent des deux côtés. Nous voulons améliorer les exports de nos entreprises et nous voulons améliorer les investissements de vos entreprises et de vos grands secteurs dans notre pays et notre continent. Le prochain Sommet Choose France sera une occasion importante d'annoncer de nouveaux investissements chinois de qualité en cohérence avec nos objectifs partagés et ainsi de nous assurer que la relation bilatérale est évidemment au service de la prospérité de nos deux pays, mais également au service d'une coopération permettant le rééquilibrage macroéconomique international. Je vous remercie pour votre attention.