Texte intégral
MARC-OLIVIER FOGIEL
Bonjour Annie GENEVARD,
ANNIE GENEVARD
Bonjour,
MARC-OLIVIER FOGIEL
À la suite d'une journée très tendue hier, de deux réunions de crise avec le Premier ministre, entourée de plusieurs ministres et préfets, vous proposez donc d'accélérer la vaccination en annonçant la vaccination de 750 000 bovins. Sur le terrain, les agriculteurs sont toujours en colère. Ils disent non à l'abattage systématique des troupeaux. Toujours des blocages ce matin, vous avez entendu. Est-ce que vous craignez que ça dégénère ?
ANNIE GENEVARD
Moi, je pense que le moment est venu de lancer cette très large campagne de vaccination très rapidement. C'est un vrai défi logistique, vous savez.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais je dis que c'était un dialogue de sourds, ce n'est pas ce qu'ils demandent. Vous entendez le porte-parole de la Confédération paysanne qui s'est dit atterré par vos annonces. Est-ce que finalement, vous nous dites ce matin, on ne reviendra pas en arrière l'abattage systématique ? On continue quoi qu'il arrive ?
ANNIE GENEVARD
Je crois que la meilleure façon de protéger et d'éviter précisément qu'on ne perde des animaux, c'est de vacciner. La vaccination c'est la protection la meilleure, la plus efficace. On va faire quelque chose d'inédit, c'est le plus grand plan de vaccination sur le plus large espace que nous ayons conduit depuis l'arrivée de cette maladie. Pour cela, on a les doses. 500.000 doses que nous avons déjà aujourd'hui. Et cette nuit, nous sommes allés chercher aux Pays-Bas, 400.000 doses supplémentaires.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous en avez combien ce matin ?
ANNIE GENEVARD
On en a 900.000 qui vont être disponibles. On a déjà commencé de vacciner avec les 500.000 dont nous disposons. Et aujourd'hui, nous aurons 400.000 doses supplémentaires de façon à ce que jeudi, nous ayons 900.000 doses pour vacciner 750.000 bovins.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous redites ce matin aux agriculteurs qui sont sur les barrages : " L'abattage systématique, on continue, c'est la seule solution ". Ils ne veulent pas vous entendre Madame la Ministre.
ANNIE GENEVARD
Alors sur ce point, à la suite de ma visite en Occitanie, nous avons décidé sur cette question qui est effectivement très débattue, vous le savez, de constituer une cellule de dialogue scientifique. Et le Gouvernement se mettra à l'écart. On va mettre autour de la table, des représentants du monde de l'élevage, cinq personnes qui représentent et ce territoire et cette profession, et puis des experts en santé animale.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc vous laissez la porte ouverte ce matin ?
ANNIE GENEVARD
Non mais ils ont fait une proposition de protocole alternative. Cette proposition, elle mérite d'être examinée. Je ne la rejette pas d'un revers de main. Je les considère, nous les écoutons. Mais l'appréciation, moi, je ne suis pas scientifique, je ne suis pas vétérinaire. Donc on va les mettre en... Ils vont se mettre autour de la table et ils vont en parler.
MARC-OLIVIER FOGIEL
J'entends bien. Je reviens à ma première question. On approche de Noël. Est-ce que vous craignez que ce mouvement finalement s'amplifie et finalement soit impossible à contrôler ?
ANNIE GENEVARD
Il faut des réponses précises. Vous savez, les agriculteurs, je les connais bien, je travaille avec eux depuis tant d'années et je sais que ce ne sont pas des gens qui se payent de mots. Quand on leur dit, en Ariège, d'ici au 31 décembre, les 1 000 exploitations seront vaccinées, il faut tenir son engagement. Quand je leur dis : " Nous allons avoir les doses, nous les aurons dès jeudi, il n'y a pas de problème ". Quand je leur dis : " Nous nommons un préfet coordonnateur pour qu'il organise presque militairement la vaccination ", je ne me paye pas de mots.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Militairement, justement, vous avez vu que les vétérinaires sont menacés. Même le syndicat vétérinaire invite ses adhérents à faire jouer le droit de retrait s'ils se sentent menacés. Est-ce que vous craignez que vous n'ayez pas suffisamment de bras ou de devoir protéger les vétérinaires qui vont devoir vacciner les troupeaux ?
ANNIE GENEVARD
Moi, je voudrais adresser aux vétérinaires un immense remerciement et ma gratitude, parce que ce sont les piliers du sanitaire en France. Et ce sont aussi les interlocuteurs naturels des éleveurs. Un éleveur connaît son veto, il a l'habitude de travailler avec lui, ils sont très respectés.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Mais vous les entendez, ils ont aujourd'hui peur au ventre.
ANNIE GENEVARD
Depuis quelque temps, ils sont menacés. Et ça, c'est insupportable.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Les faire exercer sous la protection de la gendarmerie, c'est une option ?
ANNIE GENEVARD
Non, je me souviens très bien d'une vétérinaire me disant il est hors de question qu'on aille vacciner entre deux gendarmes. Ce n'est pas possible. Donc, j'appelle tout le monde à la raison et à abandonner toute violence à l'égard de quiconque, mais spécialement à l'égard de ceux qui sont là pour les aider. Alors, en matière de veto, on va mobiliser les libéraux, les vétérinaires d'État, les retraités, les étudiants. Il nous faut des bras. On a des doses, il nous faut des bras maintenant.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Les doses, vous en aurez donc 900 000 jeudi. Vous excluez toujours la vaccination généralisée aujourd'hui. L'objectif, c'est un million de bovins.
ANNIE GENEVARD
Alors, c'est 750 000 bovins sur toute la zone.
MARC-OLIVIER FOGIEL
D'accord
ANNIE GENEVARD
Qui englobe dix départements dans le sud-ouest. C'est une très large zone. C'est la plus large, c'est deux fois plus qu'en Savoie, par exemple. Donc, c'est déjà très conséquent. Il faut savoir que quand on vaccine, ça emporte des conséquences. On ne peut plus, par exemple, sortir de la zone pour commercer. On ne peut plus vendre, non seulement en France, mais aussi à l'étranger. Or, la France exporte beaucoup.
MARC-OLIVIER FOGIEL
C'est bien même l'objet. L'épidémie, elle est sous contrôle ce matin. Il n'y a plus de foyer actif.
ANNIE GENEVARD
Il y a un foyer actif.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Qui est où ?
ANNIE GENEVARD
Un foyer actif, je ne saurais vous dire.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Il y a un foyer actif, mais vous dites que c'est sous contrôle.
ANNIE GENEVARD
C'est sous contrôle parce qu'on a l'impression, à entendre certains, que l'épidémie flambe et qu'elle n'est pas contrôlée. En réalité, elle l'est et il faut qu'elle le soit. Parce que l'enjeu, c'est de protéger 16 millions de bovins. C'est une fierté de l'agriculture française.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Est-ce que vous craignez que ces bovins ne puissent pas participer au salon de l'agriculture ? On le disait au journal de 7h. La question se pose. Est-ce qu'elle se pose pour vous, Madame la Ministre ?
ANNIE GENEVARD
Alors, bien sûr, il faudra se la poser le moment venu. Mais vous savez, le salon de l'agriculture, nous n'y sommes pas encore. C'est dans deux mois, nous verrons bien où nous en serons.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Oui, mais il faut ce délai d'incubation. Est-ce que vous êtes inquiète, à minima ?
ANNIE GENEVARD
Non, parce que l'essentiel du territoire national est indemne aujourd'hui. Il faut quand même raison garder. On n'est pas dans une épidémie généralisée. Aujourd'hui, on a eu 4 cas en Occitanie, en dehors des Pyrénées-Orientales. D'ailleurs, qui sont probablement venus des Pyrénées-Orientales par des mouvements non contrôlés. Et je veux dire, d'ailleurs, à votre micro, combien il est important de ne pas bouger les animaux en zone réglementée. Parce que c'est comme ça qu'on peut diffuser la maladie. Donc, l'immense majorité du territoire national est indemne de cette maladie aujourd'hui. Il faut le dire quand même.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc, pas inquiète pour le Salon de l'agriculture, mais l'option est sur la table malgré tout.
ANNIE GENEVARD
Le moment venu, il faudra décider en responsabilité. Mais on a deux mois devant nous.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Vous avez entendu certains agriculteurs et éleveurs qui redoutent cet abattage systématique, puisque même si vous laissez la porte ouverte ce matin, c'est toujours la doctrine, menacent de contourner les règles, de ne plus informer les autorités sanitaires quand l'une des bêtes est malade. Que leur dites-vous ce matin ?
ANNIE GENEVARD
Alors, je leur dis que cette maladie exige une déclaration obligatoire.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Ils le savent.
ANNIE GENEVARD
C'est la loi.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Ils le disent : " On va contourner les règles ". J'en ai interviewé moi-même qui disent : " On va en arriver là et ça va être pire finalement ". Le remède va être pire que le mal.
ANNIE GENEVARD
Alors, je dirais deux choses. D'abord, on commet un délit, donc on se met en défaut vis-à-vis de la loi. Deuxièmement, on expose ses voisins, on expose ses amis. Donc, est-ce que c'est ça qu'on veut promouvoir ? Parce que cacher la maladie n'empêche pas la maladie d'être là et de se propager.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Est-ce que pour conclure, encore deux questions. Vous craignez finalement, malgré ce que vous nous dites ce matin, que la colère ne retombe pas ? Ou que dites-vous, je vais le dire autrement, aux agriculteurs qui, ce matin, sont sur les barrages ?
ANNIE GENEVARD
Bien sûr, c'est une colère. En fait, c'est une colère qui vient de loin aussi. Il faut la mesurer, il faut la comprendre. Il y a la question de la DNC qui est sur ce territoire d'Occitanie qui est un territoire pauvre.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Et vous leur dites quoi ce matin ?
ANNIE GENEVARD
C'est une difficulté. Je dis d'abord : " Pas de violence, et pas de dégradation non plus ". On est à un moment particulier où on essaie de répondre à cet immense défi qui est de lutter contre une maladie très grave qui peut exploser tout le cheptel français. 16 millions de têtes de bovins, quand même. C'est de ça qu'on parle. Un agriculteur sur trois est un éleveur. Donc ma responsabilité c'est de les protéger tous.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Votre responsabilité et celle du Premier ministre. On voit depuis hier qu'il semble avoir repris la main. Est-ce que vous avez l'impression finalement aujourd'hui d'être désavoué ?
ANNIE GENEVARD
Non. Avez-vous déjà vu un Premier ministre qui, quand une crise est nationale, ne s'en mêle pas ? Enfin bon, soyons sérieux
MARC-OLIVIER FOGIEL
Donc aujourd'hui, vous êtes en soutien, le Premier ministre en soutien de votre action, c'est ça ?
ANNIE GENEVARD
Mais bien sûr. Là c'est même non seulement le Premier ministre mais tout le Gouvernement. Enfin c'est une affaire qui concerne tout le Gouvernement. D'abord parce que tous les ministres viennent de territoires peu ou prou où il y a de l'élevage, où il y a de l'agriculture. Donc on est tous concernés.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Je ne comprends pas si vous êtes inquiète ou pas ce matin, pour conclure.
ANNIE GENEVARD
Je suis bien sûr préoccupée. Comment ne le serait-on pas quand on voit les mouvements, les blocages ? Alors, la question des blocages routiers, quand même, pose un sujet à un moment tout à fait particulier de l'année où les familles vont rejoindre pour Noël, leur famille. Donc moi je dis : " Pas de blocage " parce que les Français sont auprès de leurs agriculteurs. Mais s‘ils empêchent les gens de rejoindre leur famille, d'aller fêter Noël avec leurs proches, là je pense que la population ne sera plus du tout d'accord. Donc, j'invite chacun à l'apaisement, à l'approche de Noël.
MARC-OLIVIER FOGIEL
Merci madame la ministre, vous êtes venue, ce matin, sur RTL. Merci à vous.
ANNIE GENEVARD
Merci.
THOMAS SOTTO
Merci Marc-Olivier. On retient donc un 400 000 doses de vaccin arrivés des Pays-Bas, cette nuit pour vacciner dans l'urgence le cheptel français. Et il y a, ce matin, un foyer actif même si la ministre n'a pas su nous dire où il se trouvait. Merci Marc-Olivier.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 décembre 2025