Article de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale et candidat à l'élection présidentielle, dans "France Soir" du 30 novembre 2001, sur la situation en Afghanistan et sur la nécessité d'une aide de la France.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France soir

Texte intégral

En Afghanistan la liberté l'emporte. Le régime des taliban s'est effondré. Les bases arrières du terrorisme international ont été démantelées. Kaboul revit. On y réentend de la musique. On y revoit la télévision. Les femmes retrouvent leurs droits fondamentaux. Après de longues décennies terribles pendant lesquelles les Afghans ont subi l'oppression soviétique, une longue guerre civile et l'horreur du régime des taliban, à Kaboul on respire le bonheur d'une liberté retrouvée. Mais on y croise aussi le malheur d'un peuple. Celui des réfugiés, celui d'un peuple démuni qui subi les rigueurs du froid et de la faim, qui tente de survivre au délabrement sanitaire.
Il a fallu la tragédie du 11 septembre pour que le monde découvre enfin l'Afghanistan, la cruauté du régime des taliban, le sort qu'il réservait aux femmes et l'abri qu'offrait ce pays au terrorisme international.
La réaction des Américains et l'appui international qu'ils ont reçu marque la fin d'un long aveuglement et d'une longue complaisance .
Mais sur le terrain, la libération de l'Afghanistan est avant tout l'uvre des Afghans eux-mêmes au travers des forces du Front Uni de l'ex-commandant Massoud, victime d'un attentat deux jours avant le 11 septembre. Ce sont elles qui se sont emparées de Kaboul et ont assuré la déroute des taliban.
Ce faisant, elles nous ont épargné à la fois la vie des soldats que la France, comme d'autres pays, était prête à engager en Afghanistan, et les risques d'embrasement du monde musulman que comportait une intervention étrangère occidentale massive.
Leur victoire éclair a déjoué les pronostics de tous les Cassandre qui se glosaient de l'inefficacité des bombardements américains, prédisaient l'enlisement et annonçaient déjà un nouveau Vietnam. C'était là surestimer la force des taliban et sous-estimer, après l'avoir méconnue, la force de la résistance afghane et l'énergie d'un peuple qui se libère.
La France est aujourd'hui attendue en Afghanistan. Car même si son aveuglement d'avant-hier ou ses hésitations d'hier peuvent être sources de malentendus, elle reste le pays des libertés. Et l'image de l'ex-commandant Massoud a souvent été associée à celle du Général de Gaulle. Pour les Afghans, la France est aussi le pays généreux dont les organisations humanitaires sont présentes sans interruption depuis 20 ans en Afghanistan.
A Kaboul j'ai retrouvé mes amis, le général Fahim, Ministre de la Défense, et le Ministre des Affaires étrangères, M. Abdullah Abdullah, plus que jamais fidèles à la mémoire du commandant Massoud. Celui-ci avait évoqué naguère devant moi dans la Vallée du Panshir, son espoir de pouvoir un jour libérer Kaboul et sa volonté d'y installer aussitôt une autorité provisoire élargie et représentative de l'ensemble de la diversité afghane. C'est l'enjeu des négociations aujourd'hui engagées entre toutes les parties afghanes. A Bonn aujourd'hui, à Kaboul demain. Massoud voulait aussi faire de l'Afghanistan un pays uni, pratiquant un Islam modéré, tolérant, respectueux des droits de l'homme et de la femme.
Les Afghans ont besoin des Français pour reconstruire un pays martyrisé et détruit. Ils ont besoin de notre appui politique. Ils ont besoin de notre appui militaire sur des missions précises, comme par exemple la rénovation, la sécurisation ou le déminage d'un aéroport ; et Il est regrettable que l'on se soit précipité dans l'envoi des forces françaises au risque de les voir bloquées sans avoir mieux préparé et discuté de leur mission avec les nouvelles autorités de Kaboul.
Les Afghans ont peut-être besoin avant tout de notre appui économique et humanitaire. Tout est à reconstruire. Ce sera une tâche de longue haleine. Et au-delà de ce soutien économique et humanitaire, la France est attendue pour s'impliquer dans des projets précis, comme la reconstruction d'un hôpital à Kaboul, la réouverture du lycée français de Kaboul, sans oublier -comme le Dr Abdullah Abdullah en a manifesté le souhait- cet autre lycée français, le lycée Malalaï, qui accueillait les jeunes Afghanes.
Si nous avions le devoir de réagir sans faiblesse aux attentats du 11 septembre, la communauté internationale -et particulièrement la France- a aujourd'hui le devoir d'apporter un soutien sans faille à la reconstruction d'un nouvel Afghanistan.
(Source http://www.alainmadelin.com, le 7 janvier 2002)