Tribune de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire générale de l'UDF, dans "Le Figaro" du 16 février 2002, sur l'abandon du franc au profit de l'euro et sur la nécessité d'harmoniser les politiques monétaires et économiques au niveau européen, intitutlée "Le franc est mort, vive l'euro".

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Adieu au franc ! Dimanche, l'euro l'aura définitivement évincé. Et l'efficacité de la monnaie unique tiendra à l'assise et à la solidité de cinq piliers : son appropriation par les Européens ; l'enracinement de la Banque centrale européenne (BCE) ; le pacte de stabilité et de croissance ; la coordination des politiques économiques ; enfin. le budget communautaire.
La mise en uvre de l'Euro fiduciaire s'est passée en France et dans les autres pays de manière heureuse. Sans difficultés pratiques ou opérationnelles, mais aussi avec une réelle adhésion des citoyens européens et le soutien des entreprises. C'est un gage de crédibilité, au dedans comme au dehors, qui discrédite les eurosceptiques, même récemment convertisUn gage de crédibilité, aussi , pour la BCE qui a remporté un triple défi : le lancement initial de monnaie unique en 1999, la résistance aux chocs monétaires mondiaux et, enfin, la gigantesque et magnifique opération du passage à l'Euro-pratique.
Bien sûr les progrès en matière de communication et de transparence sont à poursuivre. Mais mettre en cause, comme le font certains, cette jeune institution et son indépendance, c'est jouer contre la crédibilité des Européens dans le monde, contre la baisse des taux d'intérêts, contre l'emploi.
Cette confiance, en la BCE heureusement indépendante conduit à souhaiter que les modalités de son dialogue avec les autorités politiques trouvent à s'approfondir. Cet approfondissement ne mérite à ce stade aucun changement institutionnel mais des pratiques de plus en plus confiantes entre les acteurs. Si la crédibilité monétaire est acquise et mûrira avec l'âge, qu'en est-il de la crédibilité économique européenne ? Ici, il reste beaucoup à faire.
Le. pacte de stabilité et de croissance a tous les avantages et inconvénients d'un outil assez frustre ( les critères de Maastricht, et notamment celui du déficit budgétaire limité à 3 % des PIB ). II est évident qu'un tel outil est la garantie de la solidarité et de la confiance mutuelle entre les pays de la zone.
Le principal problème d'application de ce pacte de confiance est que nous - notamment les Français - n'avons pas su profiter de la croissance des dernières années pour réduire les dépenses et mener à bien les réformes des appareils publics nécessaires pour rendre durablement crédible notre capacité à la performance. II aurait fallu au moins atteindre l'objectif de l'équilibre structurel des budgets sur les dépenses de fonctionnement. Dans ce contexte, il ne saurait être question de modifier le pacte, sauf à donner aux marchés le signal d'un renoncement - même si la situation allemande doit amener à une interprétation intelligente, du fonctionnement des stabilisateurs automatiques.
Quant aux politiques économiques, l'unilatéralisme reste malheureusement en vigueur : il n'y a pas eu de réponses communes face à la hausse du prix du pétrole, à la question de la bonne utilisation des recettes de la croissance ; la gestion du dossier UMTS a été marquée par les surenchères nationales aboutissant à l'appauvrissement des opérateurs européens de la téléphonie. Les politiques solitaires de la France en matière de 35 heures obligatoires. de TGAP, de législations sur les licenciements ou sur la pénalisation des chefs d'entreprises sont nuisibles à la compétitivité du site France, mais aussi à la consolidation d'une Europe économique partagée.
La première urgence pour donner sa pleine efficacité à l'euro est de progresser rapidement dans l'harmonisation des règles sur les marchés de capitaux et la libéralisation des secteurs encore trop peu ouverts aux chances de croissance d'un marché unifié (transports et énergie notamment).
II y a ensuite un équilibre à trouver entre la stimulante concurrence, fiscale et le besoin évident d'harmonisation pour éviter les " dévaluations fiscales compétitives " déloyales. La fiscalité des collectivités locales est variable, mais dans un cadre, avec des assiettes, et des limites de taux communs ; c'est dans le même esprit qu'il faut entre pays de la zone Euro, définir une sono de " serpent " de fluctuations fiscales, comme cela fut le cas pour les fluctuations monétaires au départ du processus qui a conduit à l'euro. Une telle évolution suppose le passage à la majorité qualifiée pour les votes européens en matière dé fiscalité. L'échec sur ce plan du traité de Nice est l'un des plus dommageables.
Enfin, l'instrument budgétaire reste totalement entre les mains des autorités nationales. Or les besoins de péréquations entre zones aux rythmes d'expansion éventuellement différents se posent désormais à l'échelle européenne. Le maniement efficace du " policy mix " entre les actions monétaires et budgétaires est désaccordé puisque les manches de ces deux outils ne sont pas entre les mêmes mains. Ajoutons qu'il est douteux de pouvoir mener une politique européenne de défense sérieuse, ou des actions de cohésions convenables à l'égard des futurs Etats membres, avec un budget commun limité à 1,27 % du PIB européen.
Le dernier pilier de la crédibilité et de l'efficacité de l'euro à consolider est ainsi le transfert vers l'échelon européen d'une part plus importante des capacités budgétaires nationales.
Comme en matière fiscale comme pour la coordination des politiques, un budget européen plus fort méritera une autorité européenne plus affermie, et donc politiquement responsable. L'euro, c'est déjà de la politique : son efficacité, c'est encore plus d'intégration. La confiance mutuelle entre Européens, gage de la confiance des observateurs du monde entier à notre égard, passera par l'affirmation de moyens institutionnels politiques crédibles : non seulement un " gouvernement économique ", mais un gouvernement tout court.
(source http://www.groupe-udf.asso.fr, le 19 février 2002)