Interview de Mme Corinne Lepage, présidente de Cap 21 et candidate à l'élection présidentielle, à Esseclive.com le 14 février 2002, sur ses conceptions en matière d'environnement et sur l'utilisation d'internet pour sa campagne.

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Média : Esseclive.com

Texte intégral

Esseclive.com: Vous êtes sans consteste une spécialiste de l'environnement. Votre cabinet en est une expression, votre formation et votre expérience une autre: un titre d'avocat, deux DEA, un diplôme de Sciences Po, un doctorat en droit, ... plusieurs livres de spécialistes. Tout en étant spécialiste,comment parler simplement de l'environnement en tant qu'homme politique?
Corinne Lepage: En expliquant aux gens que c'est de leur vie dont il s'agit, tout simplement. Je crois qu'il n'y a de chose compliquée que pour les esprits compliqués; il y a une manière de faire croire aux gens que les choses sont très compliquées pour qu'ils ne s'y intéressent pas. Je crois qu'on peut parler de la question de l'environnement de manière très simple en expliquant aux gens que ce qu'ils boivent, ce qu'ils mangent, l'air qu'ils respirent, c'est la question de leur santé, de leur vie et celle de leurs enfants.
ELC: Si l'on s'intéresse à votre vision de l'environnement, présentée dans un contexte politique, on peut dire que voux cherchez à apporter une vérité dans les débats. Lionel Jospin n'a de cesse de prévoir des réductions du chômage, Chirac des diminutions d'impôts, et vous des jours plus sombres dans le domaine de l'environnement.Ainsi, n'est ce pas dur d'avoir une vision réaliste, je dirais presque dépolitisée au sens où elle n'est pas démagogique?
CL: C'est très difficile de ne pas être démagogique dans un pays qui l'est, tout du moins dont ses élites le sont, et qui incontestablement nous entraîne sur une pente tout à fait fatale. Je dirais que sur le plan économique la France n'arrête pas de reculer, il suffit de regarder les chiffres, ils sont accablants. Je dirais que pour l'environnement c'est exactement la même chose. Je n'ai pas du tout une vision pessimiste des choses, et dans le dernier livre que j'ai écrit qui s'appele "Oser l'espérance" * c'est une vision qui est au contraire positive . Je dis simplement que plus nous attendons pour nous occuper de nos problèmes et moins nous aurons de facilité pour les résoudre, alors même qu'il existe des solutions pour le faire qui passent par le monde économique incontestablement. Je n'ai pas une vision anti-économique des choses, pas du tout. Je crois au contraire que c'est avec l'économie, avec les technologies que l'on peut résoudre nombre de nos problèmes.
ELC: Si l'on se replace dans le cadre de la campagne, l'environnement est certainement un élément crucial pour la France, ne pensez vous pas que L. Jospin et J. Chirac vont plutôt chercher à s'opposer des bilans , laissant de côté durant le seul mois et demi de campagne le thème de l'environnement?
CL: Ce n'est pas seulement le thème de l'environnement, c'est tout simplement le thème de l'avenir. Je suis accablée de constater que l'on est un pays vieux, où l'on regarde toujours vers le passé, pas vers l'avenir, où l'on a une vision de notre jeunesse affligeante, que l'on assimile à la délinquance alors que, dans un pays, la jeunesse est un élément extrêmement dynamique. Nous sommes dans un pays où les candidats à la présidentielle sont tous des gens qui, s'ils étaient dans le privé, seraient retraités et pour certains depuis un grand nombre d'années. Ils sont pour l'essentiel des fonctionnaires qui n'ont jamais mis les pieds dans une entreprise, qui ne savent pas comment les autres vivent. Je ne crois pas que ce soit cela qui donne une vision dynamique à un pays. Par conséquent, le fait de renvoyer bilan sur bilan, cela rentre dans la même logique, une logique technocratique, tournée vers le passé, absolument pas dynamique alors qu'il faut s'adresser à ce qu'il y a de plus dynamique et de plus vivant dans notre pays.
ELC: Alors que vous n'avez eu que cinq minutes de temps de parole selon le CSA** durant le mois de janvier, et que vous êtes une personne aimant les débats d'idée, allez vous réussir à trouver votre place face à deux personnes qui vont occuper toute la scène?
CL: Nous ne sommes pas dans un pays démocratique. Si nous y étions, cela se saurait. J.M Domenach avait écrit que nous sommes le dernier pays soviétique du monde. Nous sommes dans un pays dans lequel il n'y a aucune place pour les idées nouvelles, où la presse politique et les dinosaures politiques vivent en parfaite intelligence, et notamment pour taper sur la tête de tout ce qui sort de nouveau, et comme je fais partie de ce qui sort de nouveau on me tape sur la tête. Comment vais je faire? Avec ce que je peux. Tout d'abord en utilisant des médias qui sont à ma disposition - je pense à internet que j'utilise énormément car c'est un moyen d'entrer en contact direct avec les gens. Nous avons sur Internet, un forum qui fonctionne bien, un site plutôt sympathique***, même s'il n'est pas extrêmement sophistiqué, tout simplement pour des questions financières, mais je crois que c'est un site accueillant, sympathique, ouvert. Notre forum est totalement ouvert.
ELC: En regardant votre site, on peut voir que vous ne parlez pas que d'environnement...Ne pensez vous pas que les médias vous limitent à ce domaine, comme Le Monde qui, il y a quelques jours, présentait les différents points de vue des candidats sur le thème de l'insécurité, et où vous étiez absente?
CL: Le Monde et Libération ont comme politique systématique de me bâillonner. Un article a été préparé par des intellectuels pour me soutenir, Le Monde a refusé de le publier. Le Monde participe ouvertement à cette opération qui vise à m'occulter complètement. Probablement parce que je suis à la frange de l'électorat de droite et de gauche, que je constate que des gens ressentent la même chose que moi - à droite sur certains sujets, à gauche pour d'autres - et que ça veut pas dire grand chose. Ca dérange considérablement Le Monde. Par conséquent, je n'existe ni pour Le Monde, ni pour Libération.
ELC: Pourtant les Verts...
CL: Mais les Verts sont ouvertement soutenus par Libération. Comme je peux représenter une alternative crédible aux Verts, c'est la raison pour laquelle on ne me donne pas la parole. C'est un jeu politique, c'est la presse qui organise les élections.
ELC: Ce qui justifie votre utilisation d'Internet...
CL: Absolument!
ELC: Et pensez vous qu'il y ait beaucoup de "cyber citoyens" qui vont se renseigner sur les sites des candidats? Une enquête disait il y a quelques temps que cela ne rentrerait pas dans la méthode de choix des Français...
CL: On fait dire beaucoup de choses aux Français ! Tous ces systèmes qui disent "les Français disent , les Français pensent " ... ca serait tellement plus simple si les candidats disaient "je dis, je pense", s'ils étaient honnêtes, s'ils assumaient leurs opinions, qu'ils ne parlaient la langue de bois en permanence. Je pense que les gens qui ont envie de se renseigner iront sur les sites. Mais Internet n'est utilisé que par une petite fraction de la population.
ELC: L'Internet est pour vous un outils de dialogue, un outils de communication... aussi un outils de travail? Vous avez des sites que vous affectionnez?
CL: Je travaille beaucoup avec des sites qui touchent à l'environnement, comme le site du Climate Change ou de Media Terre.
ELC: Madame Lepage, je vous remercie.
CL: Merci.
Propos recueillis par François Perrot.
(Source http://www.corinne-lepage.com, le 18 février 2002