Déclarations de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et le Mali, l'aide au développement, l'immigration clandestine, la coopération décentralisée et la coopération sanitaire, Bamako les 20 et 21 décembre 1997.

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Circonstance : Voyage officiel de M. Lionel Jospin au Maroc, au Sénégal et au Mali du 17 au 21 décembre 1997

Texte intégral

Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, lors de son arrivée au Mali le 20 décembre 1997
Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Gouverneur,
Chers Amis,
Permettez-moi de vous dire très simplement toute la satisfaction que ma délégation et moi-même éprouvons à nous trouver aujourd'hui parmi vous à Bamako.
C'est la première fois depuis l'indépendance de ce pays qu'un Premier ministre français se rend au Mali. Ensemble, nous écrivons donc aujourd'hui une nouvelle page de notre histoire commune et j'en suis très heureux.
En posant le pied sur votre sol, ma première pensée va à tous les Soudanais -puisqu'on ne parlait pas encore à l'époque de Maliens-, qui ont donné leur vie pour la liberté de la France pendant les deux guerres mondiales. Nous conservons à leur égard, et à l'égard de votre pays, une dette qui demeure très présente dans nos esprits. J'exprime aussi notre reconnaissance à tous les anciens combattants maliens qui ont lutté à nos côtés au cours de notre histoire commune. Nous ne les oublions pas.
Alors que tant de conflits fratricides agitent encore notre planète, y compris malheureusement sur le continent africain, le plus beau titre de gloire de la troisième République du Mali, poursuivant les efforts déjà accomplis pendant la période de transition, est d'avoir ramené la paix et la concorde sur l'ensemble du territoire après la crise qui a secoué le Nord de votre pays. La Flamme de la Paix que vous avez allumée à Tombouctou demeure une grande source d'inspiration pour nous tous qui sommes à la recherche d'une planète pacifiée et fraternelle. Vous avez su trouver par vous-même, avec l'appui de vos voisins et amis, les voies de la réconciliation. De tout coeur, je vous en félicite.
Je rends hommage aussi au grand désir de démocratie et de liberté qui s'est exprimé ici en mars 1991, au courage de tous ceux qui se sont levés pour que naisse un Mali meilleur et qui l'ont parfois payé du prix de leur vie. Leur sacrifice n'aura pas été inutile. Leur exemple vous guide sur la voie que vous avez choisie celle de la démocratie, de la promotion des droits de l'homme -et de la femme-, du progrès économique et social.
Le Mali a accompli beaucoup de chemin sous la direction du Président Alpha Oumar Konaré, que je me réjouis de rencontrer, et sous votre impulsion, Monsieur le Premier Ministre. Votre taux de croissance fait notre admiration, même si chacun sait que beaucoup reste à faire.
Je suis venu vous dire que la France, ses partenaires européens, ses amis du mouvement de la francophonie qui nous réunit, souhaitent profondément et sincèrement votre progrès et votre réussite. La France souhaite établir avec vous, comme avec les autres pays africains auxquels tant de liens nous attachent, un partenariat renouvelé qui comble vos attentes et qui nous permette de réussir ensemble, Maliens et Français, Africains et Européens, notre entrée dans le 21ème siècle.
Même si elle est déjà longue, nous ne sommes en réalité qu'au début de notre histoire commune, de l'histoire commune de l'Afrique et de l'Europe, confrontées aux mêmes défis de la modernité, de la mondialisation de l'économie, de la sauvegarde de notre planète pour nos enfants et nos petits-enfants et aussi de l'affirmation de notre identité propre, confirmée par l'échange.
Je souhaite que mon passage parmi vous nous permette de faire un pas de plus sur la voie de cet avenir commun.
Je vous remercie.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 mai 2001)
Toast du Premier ministre, M. Lionel Jospin, lors du diner offert en son honneur par le Premier ministre de la République du Mali, M. Ibrahim Boubacar Kaita, le 20 décembre 1997
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Chers Amis,
Je voudrais vous dire tout d'abord le profond plaisir que j'éprouve, et
qu'éprouvent tous les membres de ma délégation, à nous retrouver ce soir à
Bamako, dans un pays auquel nous sommes attachés par tant de liens. Nous sommes
heureux de bénéficier de la proverbiale hospitalité malienne, qui s'exprime ce
soir avec une chaleur particulière. Je vous remercie, Monsieur le Premier
ministre, des paroles fortes et sincères que vous venez de prononcer.

Le président de la République malienne, le Président Alpha Oumar Konaré, aime à
nous rappeler l'importance de votre enracinement historique. Soyez assurés que
nous demeurons très conscients, nous Français, de toute la richesse du passé
malien. Nous savons que vous êtes les héritiers de grands empires et d'une
histoire prestigieuse qui a forgé votre identité et qui a formé ici une nation,
riche de la diversité et surtout de l'harmonie entre ses différentes
composantes. Vous avez la fierté de cette histoire et vous entendez que votre
avenir soit une réussite à la mesure de notre brillant passé. Ainsi
entrerez-vous la tête haute dans le 21ème siècle.

Le passé nous a lié très étroitement à travers la période coloniale, qui a eu
ses ombres et ses lumières. Vous avez la sérénité nécessaire pour vouloir
conserver le meilleur de cet héritage commun et c'est aussi ce que nous
souhaitons. Pour nous, Français, le devoir de mémoire nous impose surtout de
conserver le souvenir de ces nombreux Soudanais qui ont donné leur vie pour
notre liberté au cours des deux guerres mondiales et qui ont été nos compagnons
d'armes tout au long de l'histoire de ce siècle. Soyez assurés que nous ne les
oublions pas, que nous demeurons profondément reconnaissants et fidèles à leur
souvenir.

Les relations entre le Mali et la France, entre le Mali et l'Union européenne,
sont fondées sur une base extrêmement simple et solide. Nous Français, nous
Européens, avons un intérêt profond à avoir à nos côtés un Mali en paix, un
Mali riche, prospère, démocratique, moderne, un Mali ayant une identité forte,
sûr de lui-même, offrant à chacun de ses enfants une existence harmonieuse dans
le cadre d'un développement durable. Ce qui est vrai pour le Mali est vrai pour
l'ensemble des pays africains. Lorsqu'un pays africain se développe,
s'enrichit, se modernise, il devient un partenaire plus solide pour nous et
pour toute l'Europe. C'est cette reconnaissance de nos intérêts communs qui
fonde notre partenariat. Et je suis venu aujourd'hui au Mali d'abord pour
rendre hommage à tout ce que vous avez déjà accompli et pour voir avec vous
comment progresser ensemble sur cette route.

Nous avons un atout essentiel sur ce chemin, le plus fort laissé par notre
histoire commune, c'est celui de la langue. Le Français est votre langue
officielle, celle de votre système éducatif et de votre vie publique et je m'en
félicite. Il n'y a aucune contradiction, nous l'avons souvent dit, entre la
place de la langue française dans votre société et celle de vos langues
nationales qui sont un élément essentiel de votre identité. Nous comprenons
fort bien votre volonté de promouvoir ces langues nationales au sein de votre
système éducatif, pour lequel vous consentez un grand effort, déjà couronné de
succès. La langue française vous appartient. C'est en français d'ailleurs que
votre grand poète Amadou Hampaté Bâ disait : " je suis un diplômé de la grande
université de la Parole, enseignée à l'ombre des baobabs ".

J'ai fait référence à l'importance croissante du partenariat entre l'Afrique et
l'Union européenne, au sein de laquelle la France tient toute sa place. L'Union
européenne est appelée à l'avenir à jouer un plus grand rôle dans nos
relations, un rôle plus ambitieux, y compris sur le plan politique, à mesure
que nous Européens développons notre politique étrangère et de sécurité
commune. Ce grand ensemble de 360 millions d'Européens, et plus encore à
l'avenir à mesure que l'Union s'élargira, sera pour vous un partenaire à
l'importance sans cesse croissante.

Vous aurez l'avantage d'avoir une monnaie librement convertible, à parité fixe,
avec la future monnaie commune des Européens, l'euro. Soyez convaincus que
c'est une chance pour vous et pour tous les membres de l'actuelle zone franc.
Les échanges en seront grandement facilités. Vos exportations trouveront dans
les pays utilisant l'euro un marché pratiquement sans limite, très ouvert et
accessible. Je suis convaincu que vous n'avez pas à craindre le passage à
l'euro, bien au contraire. Les mécanismes actuels de la zone subsisteront et
vous ouvriront des possibilités nouvelles, d'importance essentielle pour
l'avenir.

Je voudrais conclure en soulignant notre attachement à l'étroitesse des
rapports qui existent entre nous, à l'amitié profonde qui nous unit. Le passé a
créé entre nous des liens très forts. Je suis profondément convaincu qu'à
l'avenir les relations entre le Mali et la France, entre l'Afrique dans son
ensemble et l'Union européenne, vont, y compris avec des coopérations communes,
se développer de façon considérable. C'est un grand dessein pour nous. Dans ce
vaste cadre, l'amitié entre le Mali et la France a toute sa place et cette
place ne fera que grandir.

Je suis heureux de lever mon verre à la prospérité de votre pays, Monsieur le
Premier ministre, et à l'amitié entre la France et le Mali.

Vive le Mali et Vive la France ! Vive les relations entre le Mali et la France !.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2001)
Allocution devant l'Assemblée nationale malienne le 21 décembre 1997
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députes,
Mesdames, Messieurs,
Sachez d'abord que j'attache beaucoup de prix à l'accueil que vous me réservez
aujourd'hui à Bamako et à l'occasion que vous m'offrez de m'exprimer devant la
représentation nationale du Mali.

Comme vous ne l'ignorez pas, le séjour - hélas trop bref - que j'effectue chez
vous, après Dakar, constitue ma première visite en Afrique en tant que Premier
ministre de la République française. Le choix que j'ai fait d'aller au Sénégal
et au Mali en réponse à l'invitation des autorités des deux pays n'est
évidemment pas fortuit : je souhaitais en effet marquer d'emblée tout l'intérêt
que le gouvernement français porte aux processus démocratiques, qui au Sénégal
et au Mali, comptent sans doute parmi les plus avancés du continent.

En quelques années, depuis une date qui correspond en gros au discours prononcé
par le Président Mitterrand à la Baule, même s'il faut se garder en
l'occurrence d'exagérer la relation de cause à effet, l'Afrique a accompli des
pas de géant sur la voie qui conduit à l'édification d'un système démocratique
moderne. Partout, ou du moins presque partout, des conférences nationales se
sont tenues, qui ont pu débattre des problèmes du pays et des préoccupations
des différentes couches de la population ; des nouvelles constitutions ont été
élaborées et approuvées par les citoyens ; des élections ont été organisées qui
ont permis à ceux-ci de se prononcer librement sur le choix de leurs présidents
et de leurs représentants tant dans les parlements que parfois au niveau local.
Souvent, des institutions ont été également été crées qui ont pour mission
d'assurer le contrôle du pouvoir exécutif, et, plus généralement le bon
fonctionnement du système de séparation des pouvoirs, telles que cours
suprêmes, cours constitutionnelles, commissions de l'audiovisuel, conseil de la
magistrature, commissions des Droits de l'Homme, etc.

Le Mali s'est trouvé à la pointe de cette évolution remarquable. Il a pu
franchir, grâce au général Amadou Toumani Touré, et à une transition
représentative de toutes les forces politiques et sociales de progrès auxquels
je me plais à rendre ici hommage, la période nécessaire à la création
d'institutions équilibrées, et porter à sa tête dans des conditions régulières
un chef de l'Etat, le président Alpha Oumar Konaré dont les convictions
démocratiques ne sont mises en doute par personne.

Incontestablement, une première étape a été franchie, et bien franchie, par la
plupart des pays africains sur le chemin mal balisé, parfois chaotique ou
tortueux, mais toujours exigeant, de l'accès à la démocratie. Ce chemin, se
sont les peuples qui le montrent. Dans le coeur de chaque citoyen est
enracinée, de façon plus ou moins consciente et affirmée, une aspiration
fondamentale à participer, selon des modes qui sont fonction de la culture, de
l'histoire et des traditions de chaque pays, à l'élaboration et à la mise en
oeuvre des règles de vie commune de la société dans laquelle il vit. Cette
vérité première est, quoi qu'aient pu en dire certains, tout aussi valable en
Afrique qu'ailleurs, et on ne voit pas au nom de quoi l'homme africain se
distinguerait sur ce point. Comme les autres, les peuples de ce continent ont
besoin, pour mobiliser leur créativité et leur dynamisme non seulement au
service de leurs intérêts propres, mais à celui de l'intérêt général de la
nation qu'ils constituent, de se sentir directement impliqués dans
l'élaboration de la politique de leur pays.

Il faut bien dire qu'à cet égard, beaucoup de pays africains, y compris, je
pense, le Mali, se trouvent à un tournant, et, je veux le croire, au seuil
d'une nouvelle étape. La vie démocratique en effet ne s'arrête pas à
l'organisation d'élections, même si celles-ci apparaissent comme une condition
indispensable. Comme toute construction humaine, le système démocratique a
besoin d'avancer pour ne pas reculer, de se perfectionner pour se consolider et
résister au travail de sape du temps et des hommes.

La vertu, dans laquelle Jean-Jacques Rousseau voyait le principe de la
démocratie, étant devenue une qualité démodée, sinon rare, le bon
fonctionnement du système est appelé à reposer tout autant sur l'amélioration
de ses composantes et de ses structures que sur la pratique qu'en font ses
responsables.

Sans prétendre donner quelque leçon que ce soit à quiconque, il me semble que
les institutions dont se sont dotés les pays démocratiques africains peuvent
être confortées par quelques compléments, en fonction de la culture et de
l'expérience de chacun : par exemple, l'organisation, au niveau national et au
niveau régional, de contre-pouvoirs qui permettent d'équilibrer le poids du
pouvoir exécutif central, et par ailleurs de former des responsables de
différentes sensibilités politiques à l'exercice des responsabilités ;
l'élaboration d'un véritable statut de l'opposition qui ait pour effet de ne
pas rejeter celle-ci dans les limbes après un échec électoral, mais au
contraire de la préparer à assumer, le cas échéant et sans heurts, une
véritable alternance ; ou encore l'adoption et l'application d'une loi
électorale qui recueille l'assentiment des principales forces politiques des
pays, ainsi que l'établissement de listes et de cartes électorales qui ne
puissent être contestées.

Ces quelques "recettes" de démocratie me semblent dignes être partagées et
adaptées au talent de chaque pays, mais elles ne valent que par la bonne
volonté de tous. Celle-ci est indispensable, qu'il s'agisse des pouvoirs en
place ou de ceux-ci - qui encore une fois, c'est là le jeu normal des choses -
aspirent à les remplacer. En un mot, il faut qu'aucun acteur de la vie
politique de pays ne se sente exclus, ou ne choisisse de s'exclure du débat
public. Rien de plus triste à cet égard que de voir dans de plus en plus de
cas, des oppositions refuser de prendre part aux consultations électorales ou
en prôner le "boycott actif". Chacun a des droits, mais aussi des obligations.
Aux pouvoirs en place, de favoriser le dialogue et la concertation, de résister
aux tentations d'hégémonie et de ménager dans l'organisation des processus
électoraux et, plus généralement, dans la vie politique du pays, les conditions
rendant mérites du Mali, qui contribue à fonder son prestige actuel sur la
scène internationale, est d'avoir trouvé la voie du retour à la paix après la
crise qui a sévi dans le nord de votre pays. La Flamme de la Paix, que vous
avez fait briller par une belle nuit de Tombouctou, en est le symbole. Je vous
en félicite. Faites tout pour que cette précieuse paix soit maintenue. Elle
mérite toute votre attention et tous vos efforts.

Nos efforts communs seront poursuivis et vont déboucher sur des projets
concrets. Un dispositif multilatéral, élaboré en collaboration avec les Nations
unies et l'OUA, se met en place. Beaucoup de pays extérieurs au continent comme
les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et bien d'autres, ont déjà
manifesté l'intention de soutenir ce dispositif dans le cadre d'un partenariat
actif avec les pays africains qui souhaitent y participer, comme le Mali.

Quand la paix est assurée, chaque pays peut se consacrer entièrement aux tâches
de son développement. Chacun est désormais le principal maître d'oeuvre de son
essor économique. Mais la France considère, comme vous le savez, que l'aide
publique au développement demeure nécessaire dans la phase actuelle, même si le
but même de cette aide au développement est de créer une situation où elle
deviendrait inutile.

Je crois que l'aide française, année après année, a fait ici la preuve de son
efficacité et je sais que vous l'appréciez. Nous cherchons, du côté français, à
nous réorganiser pour être encore plus efficaces à vos côtés. Nous n'oublions
pas qu'un Mali démocratique, fort et prospère est profondément conforme à nos
intérêts et nous comptons sur vous pour définir les voies et moyens en vue de
parvenir au résultat que nous souhaitons ensemble. Nous en avons parlé avec
votre Premier ministre, M. Ibrahim Boubacar Keita.

A l'aide publique au développement viennent s'ajouter de plus en plus des aides
multiples venant de nos villes, de nos départements, de nos régions ou de nos
organisations non gouvernementales. Cette coopération décentralisée me paraît
jouer un rôle essentiel, au-delà même des sommes qui peuvent être en jeu. En
effet, elle crée des liens humains entre individus et entre communautés. Un
certain nombre de vos communes, de vos cercles ou de vos régions ont déjà des
partenaires, comme Bamako avec Angers, dont le Maire, Jean Monnier, est parmi
nous ce soir - et je le salue -, ou comme la région de Tombouctou avec la
région Rhône Alpes, parmi bien d'autres. D'autres cherchent à établir de
nouveaux jumelages et je souhaite qu'elles y parviennent. Il y a là un
mouvement que nous devons encourager et qui aura des effets profondément
bénéfiques à l'avenir.

La question des mouvements migratoires entre vous et nous, entre vous et ce que
nous appelons l'espace Schengen, c'est-à-dire le groupe des pays de l'Union
européenne qui ont établi entre eux une complète liberté de circulation des
personnes, est dans tous les esprits. Je suis sûr que nous pouvons trouver
facilement un terrain d'entente si vous comprenez bien nos préoccupations et si
nous comprenons bien les vôtres, comme nous nous efforçons de le faire.

Les pratiques que nous avons établies en matière de visas et qui parfois
suscitent de votre part des réserves, visent à empêcher l'arrivée en France de
personnes désirant s'établir dans notre pays de façon irrégulière. Encore
faut-il agir dans le respect des droits des personnes et de la dignité des
Etats. Nous nous y emploierons. Ces pratiques ne visent nullement à empêcher
les déplacements de tous ceux qui souhaitent aller et venir entre nos pays pour
les motifs les plus variés, sans avoir pour autant l'intention de s'y établir
contre notre volonté. Mais les intentions sont parfois difficiles à mesurer et
certains Maliens à l'esprit fertile, experts en faux documents, ne nous ont pas
facilité la tâche, il faut bien le dire. Il faudra sans doute, ensemble, y
mettre un peu de clarté.


Permettez-moi de conclure au-delà de ces quelques difficultés dont nous ne
devons pas surestimer l'ampleur sur l'étroitesse de nos liens et l'amitié qui
nous unit. A vous, les représentants de la nation malienne, je présente les
voeux de succès dans vos travaux du gouvernement de la France./.


(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2001)
Allocution devant les personnalités maliennes et la communauté française de Bamako
le 21 décembre 1997
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mon Général,
Mes chers compatriotes,
Chers Amis,
C'est un grand plaisir pour ma délégation et pour moi-même de vous accueillir
nombreux ici, - Maliens et Français ensemble -, dans cette résidence de France
qui est un lieu si propice à la célébration de notre amitié. Symbole des liens
multiples et étroits qui nous unissent, symbole de notre histoire partagée,
votre présence est aussi la promesse d'un avenir commun mutuellement bénéfique.

Depuis hier, j'ai pu apprécier la traditionnelle hospitalité malienne. J'ai été
heureux de m'entretenir avec Son Excellence le président Alpha Oumar Konaré,
président de la République du Mali, avec vous, Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs les Responsables de
partis politiques, que vous apparteniez aux oppositions ou à la majorité
présidentielle.

Je voudrais vous rendre un hommage particulier, Général Amadou Tournani Touré,
pour le rôle éminent que vous avez joué à la tête de l'Etat malien pendant la
période de transition, pour votre dévouement à la cause des enfants, pour votre
recherche de l'apaisement des crises en Afrique et particulièrement pour votre
rôle en République centrafricaine à la tête de la MISAB. L'intervention des
forces maliennes et d'autres forces africaines a permis de ramener la concorde
et la paix civile dans ce pays troublé. Elle est un modèle de ce que devrait
être à l'avenir l'action de forces africaines de maintien de la paix telles
qu'ensemble, avec de nombreux pays africains, avec de multiples partenaires,
elles permettent de surmonter les crises les plus graves dans ce continent.

La coopération pour le développement demeure un objectif fondamental de notre
action internationale. Elle le demeurera et en particulier avec les pays -
comme le Mali - qui ont avec nous des liens historiques forts. Nous avons
engagé une réflexion en profondeur pour définir les modalités d'une réforme de
notre dispositif de coopération, de façon à le rendre plus efficace. L'objectif
est de rénover nos instruments techniques et financiers pour les adapter aux
nouveaux défis du monde en développement. Je saisis cette occasion pour rendre
hommage à tous ceux qui, ici, sur le terrain, se dévouent avec beaucoup de
succès au service de la coopération franco-malienne.

Mon gouvernement attache aussi une grande importance à cette autre forme de
partenariat que nous appelons la coopération décentralisée. Elle correspond
bien à la propre politique de décentralisation du gouvernement malien, -
illustrée par la création dans ce pays de 701 communes -, et qui permet le
renforcement des liens humains, notamment entre les nouvelles générations qui
ne se connaissent pas assez.

Je sais toutes les difficultés auxquelles le Mali, comme ses voisins sahéliens
est confronté - les sécheresses à répétition, l'avancée du désert, la
difficulté de faire profiter tous les citoyens des fruits de la croissance. Je
salue ici la présence d'une délégation de pays sahéliens, réunis sous l'égide
d'ENDA-Tiers Monde - une ONG au travail exemplaire - et du CILSS en vue de
mettre en commun leurs réflexions et leurs espoirs.

Je voudrais donner l'assurance à nos amis maliens que la France continuera à
soutenir leurs efforts de développement avec ses partenaires européens, avec
tous les membres d'un mouvement francophone modernisé et efficace.

***
Permettez-moi de m'adresser aussi à mes compatriotes français. Vous êtes de ces
Français qui bougent, qui entreprennent ailleurs, parfois en prenant des
risques personnels. Soyez assurés que je suis attentif à vos préoccupations et
que j'ai pour vous du respect.

Dans ma déclaration de politique générale le 19 juin dernier, j'ai proposé de
nouer avec les Français un nouveau Pacte républicain fondé sur le retour aux
sources de notre République et sur la modernisation de notre démocratie. Je
souhaite profondément que vous vous sentiez partie prenante de ce nouveau Pacte
proposé par le gouvernement à tous les Français. Notre nouvelle législation sur
la nationalité fait partie de ce nouveau Pacte. Rien n'est plus étranger à la
France que le discours xénophobe et raciste. Le droit du sol est consubstantiel
à la nation française. Nous le rétablissons donc dans sa vision républicaine
traditionnelle.

Je suis heureux de saluer parmi vous ceux qui ont la nationalité française et
qui ont aussi une autre nationalité et notamment ici la nationalité malienne.
Vous avez un rôle essentiel à jouer comme trait d'union entre les deux pays,
entre les deux cultures, puisque vous participez de l'une et de l'autre. Vous
êtes français, puisque vous avez choisi de l'être. Mais cela ne vous impose
nullement de renoncer à tout ce qui, dans votre autre culture, est compatible
avec les lois et les valeurs de la République française. Il convient que nos
cultures s'enrichissent mutuellement. C'est votre rôle d'y contribuer.

La France demeure fidèle à sa politique d'intégration républicaine, déterminée
et généreuse, pour tous ceux qu'elle accepte au sein de la nation française.
Pour tous les autres, ceux qui souhaitent nous rendre visite, faire chez nous
des études, des recherches, nouer des liens d'affaires, séjourner un temps
parmi nous sans pour autant acquérir la nationalité française, il convient que
la République les accueille selon ses lois. Elles doivent être claires et
précises. Elles doivent demeurer conformes à la tradition d'hospitalité de la
France afin de nous permettre de maintenir et de développer les relations
multiformes qui nous lient avec nos partenaires étrangers et notamment ici,
avec vous, les Maliens.

Nous ne pouvons accepter, pour autant, la venue de travailleurs qui
entendraient demeurer dans notre pays en situation irrégulière. Telle est la
finalité de notre politique de maîtrise des flux migratoires. C'est en ce sens
que nous procédons à une révision d'ensemble de notre législation sur le droit
des étrangers et l'immigration, rendue trop complexe, parfois incohérente,
parfois peu humaine par trop de modifications successives. Nous demandons à nos
amis maliens de ne pas chercher à venir s'établir chez nous de façon
irrégulière. L'état de notre économie, le niveau élevé de chômage, ne nous
permettent pas de les accueillir. Par contre, nous sommes sensibles aux
préoccupations qu'ils expriment quant à certaines rigidités de notre politique
de visas. L'attribution des visas ne doit pas empêcher les déplacements, les
voyages de tous ceux qui entendent se conformer à nos lois et séjourner dans
notre pays de façon régulière. Avec nos partenaires européens de l'espace
Schengen, nous nous efforçons de corriger ces rigidités de façon que les liens
multiformes entre nous puissent se maintenir et se développer.

Soyez assurés que je garderai un souvenir très fort de ce trop bref passage au
Mali, de l'accueil chaleureux et émouvant que j'y reçois. J'en repartirai
convaincu que nous ne sommes qu'au début de notre histoire commune, que le
partenariat entre la Mali et la France, tout comme entre l'Afrique et l'Union
européenne, jouera un rôle essentiel à l'avenir. Nos amis maliens me paraissent
déterminés à progresser avec nous, avec l'Union européenne, sur le chemin du
progrès politique, économique et social, et à préparer, ensemble, notre avenir
commun.

Je vous remercie de votre accueil,
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2001)

Allocution au centre de santé communautaire (CSOM) de Bankoni,
le 21 décembre 1997
Le Centre de Santé communautaire de Bankoni que j'ai souhaité visiter ce matin
est bien l'illustration de cette nouvelle façon de coopérer que nous voulons
développer avec nos partenaires africains.

D'abord ce centre de santé est le résultat d'une demande forte des intéressés
eux-mêmes, c'est à dire de la population bamakoise du quartier de Bankoni. En
effet, le CSCOM de Bankoni qui existe en réalité depuis 1988 a d'abord été
ouvert dans un local loué parce qu'il s'agissait d'une expérience nouvelle et
que l'association n'avait pas les moyens d'entreprendre la construction d'un
bâtiment neuf.

Quelque 10 ans après le lancement de cette expérience qui s'est révélée
répondre aux besoins des populations puisque 207 centres de santé
communautaires fonctionnent maintenant au Mali dont 35 à Bamako, l'association
de santé communautaire de Bankoni s'est mobilisée pour construire son propre
bâtiment, adapté à une demande des populations du quartier toujours plus
importante.

Et c'est là qu'intervient cette manière différente de procéder, dont je parlais
en commençant : plutôt que de se tourner vers l'Etat malien, lequel, pas plus
que l'Etat français, n'a les moyens de régler tous les problèmes des citoyens,
l'association de Bankoni s'est rapprochée de ses amis du jumelage Angers-Bamako
pour préparer ce projet avec eux. Tout naturellement, la mission française de
coopération et d'action culturelle a accepté de participer au financement du
projet. L'Etat malien est également intervenu pour concéder un terrain à bâtir,
par l'entremise du District de Bamako, et confirmer que le CSCOM de Bankoni
figurait toujours en bonne place dans la carte sanitaire de la capitale. Les
bénéficiaires ont aussi apporté leur contribution à hauteur de 6 millions de
francs CFA et nous voyons aujourd'hui le résultat de ce quadruple partenariat :
un bâtiment adapté, opérationnel depuis le début de cette année, et bien
utilisé par une équipe de professionnels, médecins, infirmiers, sages-femmes,
qui comme l'année dernière réaliseront dans ce centre plus de 26 000
consultations et près de 3000 accouchements.

Cette nouvelle façon de coopérer, qui implique moins l'Etat et plus directement
les bénéficiaires n'est possible que parce que les Maliens eux-mêmes adhèrent à
cette démarche participative de codéveloppement.

Moins d'Etat, mieux d'Etat. Cette philosophie, que nous faisons nôtre
entièrement, prend ici tout son sens.

Moins d'Etat : dans un projet comme celui-ci, l'Etat malien et l'Etat français
ne sont que deux des quatre partenaires de l'opération et sans l'apport du
jumelage Angers-Bamako qui a financé les deux-tiers de l'investissement total,
ce bâtiment, nécessaire, n'aurait pas vu le jour. Je sais que Charles Josselin,
notre secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie, a fait d'une
meilleure participation des coopérations décentralisées au développement des
pays africains qui le souhaitent, un axe majeur de notre politique de
coopération. L'exemple d'aujourd'hui me convainc qu'il a raison.

J'ajoute que les Français qui viennent ici dans le cadre de ces jumelages et
les élus qui les accompagnent, conseillers municipaux, maires, conseillers
généraux, députés, sénateurs, participent ensuite, à leur retour, à une
information plus juste de l'opinion publique française sur les relations
véritables et profondes entre la France et l'Afrique. Les échanges, notamment
de jeunes, qu'ils suscitent participent de cette même approche d'une Afrique
qui bouge, d'une Afrique d'hommes et de femmes décidés à prendre en main leur
propre avenir.

Moins d'Etat, mieux d'Etat : l'Etat malien, nous l'avons dit tout à l'heure,
est ici resté dans ses fonctions de contrôle en vérifiant que la localisation
du CSCOM était en cohérence avec la carte sanitaire de Bamako et
d'encouragement en faisant octroyer un terrain pour sa construction.
Ainsi, à partir de besoins exprimés par les populations et grâce à un dialogue
ouvert et constructif entre tous les partenaires intéressés, il peut naître un
projet durable parce que voulu et accepté par les bénéficiaires. Je m'en
réjouis et je vous remercie de cette visite.

Vive la population de Bankoni. Vive la coopération franco-malienne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 juin 2001)