Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, à La Chaîne info le 27 février 2002, sur son absence de responsabilités dans la campagne de L. Jospin et sur la poursuite de la lutte contre l'insécurité.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Vous êtes ministre de l'Intérieur. Est-ce que le ministre de l'Intérieur que vous êtes, ami de L. Jospin, va s'impliquer dans la campagne ?
- "Je vais d'abord remplir ma tâche, lourde mais exaltante, de ministre de l'Intérieur. C'est ce que le Premier ministre m'a demandé, Place Beauvau, à plein temps, pour travailler, notamment à rétablir la sécurité là où elle n'est pas. Vous savez, c'est un dossier majeur, on y reviendra sans doute..."
On va en parler...
- "Et bien évidemment, j'aurai aussi mon engagement, tout le monde le sait. Je ne vais pas le nier ici. Je vais voter chaleureusement pour L. Jospin et faire campagne. Mais en dehors de mes fonctions ministérielles. Je pense que les Français ne comprendraient pas que le ministre de l'Intérieur, avec les problèmes qui sont ceux qu'il à résoudre, notamment avec les policiers, fasse autre chose que son travail de ministre de l'Intérieur."
C'est-à-dire que le ministre de l'Intérieur n'ira pas à "L'Atelier", comme on dit, mais le soir, il a droit de faire campagne ?
- "Mais je passerai à "L'Atelier", vous le verrez bien, très rapidement. J'y passerai. Mais je n'aurai pas de responsabilités dans la campagne, je ne veux pas... Je crois qu'on ne peut pas faire les deux choses à la fois. Quand on est ministre de l'Intérieur, c'est un travail très prenant. Et donc, je veux le faire complètement."
L. Jospin a dit qu'il allait bientôt arrêter ses engagements officiels. Faites-vous partie de ceux qui vont être appelés à le remplacer ?
- "Ses engagements officiels... Il va tenir sa place, sa fonction. Je vais le retrouver tout à l'heure au Conseil des ministres. Donc, le Gouvernement va continuer à fonctionner, les ministres vont faire leur travail, le Premier ministre va arbitrer, décider. Mais il ne veut pas utiliser sa fonction de Premier ministre pour faire campagne électorale. Il ne veut pas... Il était quasiment dans la dernière de ses prestations officielles hier, Place Beauvau, avec moi, pour décorer les gens de Toulouse."
Hier, il a reçu S. Pérès aussi...
- "Là, il est dans sa..."
Oui, mais il est de tradition que, lorsqu'un chef d'Etat ou de gouvernement étranger vient à Paris, il se rende successivement à l'Elysée et à Matignon. Alors pendant la campagne, il ne les recevra pas ?
- "Mais si. Mais là, ce n'est pas une manifestation officielle, c'est dans la responsabilité politique de Premier ministre. Il va continuer bien évidemment à voir les chefs d'Etat, les premiers ministres qui viennent lui rendre visite. La France continue à être gouvernée pendant cette période. Ce n'est pas cela qui est en cause. Ce qui est en cause, c'est de ne pas se servir de la situation de Premier ministre, avec les moyens officiels de la République, pour faire campagne. C'est son éthique... Il partagera son temps entre la campagne électorale et ses fonctions de Premier ministre."
Le début de campagne de J. Chirac que vous observez, cela correspond aussi à cela ?
- "Oui... Enfin, on verra bien comment le président de la République sortant, candidat à nouveau à l'élection présidentielle, pour la troisième ou quatrième fois, va faire campagne et en même temps, continuer à présider. Mais c'est vrai que son septennat n'a pas été, je dirais, celui d'un Président actif, au sens où il y a eu en 1997 la cohabitation. Et le Gouvernement a pleinement gouverné grâce à l'appui de sa majorité. Donc, c'est un fait que les Français ont constaté."
On verra bien au moment des élections... Deux sondages donnent L. Jospin vainqueur cette semaine. C'est fait ?
- "Non. Vous savez les sondages valent ce qu'ils valent. Voilà une semaine, c'était l'inverse. Ensuite, on a été dans du 50-50. Aujourd'hui c'est du 51-49, avec L. Jospin en tête. Bon. C'est toujours mieux de démarrer une campagne et de voir que ce début de campagne cristallise positivement. Mais à mon avis, ce n'est pas le moment... Le moment du second tour n'est pas présent. Comment voulez-vous que les Français fassent en sorte de se mettre dans la position du second tour ? Vous savez, l'élection se jouer en deux temps : il y a le premier tour ; L. Jospin va faire campagne sur la base de son projet pour la France. Et puis il y aura le second..."
Est-ce que L. Jospin est devenu centriste ?
- "Mais non ! Mais cette question... Simplement, il est socialiste, de gauche, et en même temps..."
Mais il n'a pas de projet socialiste ?
- "Mais il ne s'adresse pas aux socialistes dans cette campagne, il s'adresse à l'ensemble des Français. Il a donc raison de ne pas s'enfermer dans un projet purement socialiste. Il s'adresse à l'ensemble des Français. Mais personne ne doute que L. Jospin est socialiste."
On évoquait d'entrée l'insécurité. Elle sera au coeur de la campagne. La semaine dernière, J. Chirac a présenté un plan contre l'insécurité et vous êtes monté au créneau, vous avez dit que c'est du "copier-coller", "il n'a rien compris", "c'est ce qu'on fait"... L'insécurité, elle existe quand même. Alors, est-ce qu'il n'a pas d'idées ou est-ce que ce que vous avez fait et ses idées ne marchent pas ?
- "Je vais vous dire, A. Hausser : l'insécurité est sans doute l'un des dossiers les plus difficiles à affronter dans nos sociétés modernes - parce que la France n'est pas une exception, il n'y a pas un mal français lié à l'insécurité. C'est un dossier difficile, parce qu'on ne peut pas attaquer l'insécurité que par un seul bout. En l'occurrence, la police doit être en première ligne, et je puis vous dire que, moi, ministre de l'Intérieur, elle a les moyens pour agir, elle est plus nombreuse, mieux formée, elle est une police de proximité, partenariale, avec des contrats locaux de sécurité, des opérations ciblées répressives. C'est un élément nouveau que j'ai introduit dans la politique policière. C'est de reconquérir les zones où le non-droit l'emportait. C'était inacceptable."
Il y a du travail !
- "Il y a du travail. Mais il est inacceptable que des bandes, fondées sur l'économie souterraine, le trafic de drogue, s'approprient des territoires, déstabilisent des quartiers entiers. Et donc, ces opérations ciblées répressives, qui portent leurs fruits, visent à déstabiliser les trafiquants, à les déférer à la justice et à les sanctionner, ce qui est fait. Et on va intensifier cette politique. On avait 14 secteurs, on est passé à 100. De manière à ce que police et justice travaillent ensemble pour éradiquer ces phénomènes. C'est un sujet difficile. Le président de la République sortant, le candidat Chirac, s'est sans doute aperçu qu'il y avait des choses qui étaient faites et qu'il ne proposait pas finalement des choses très différentes. Parce que, comme je le dis souvent, l'insécurité est un phénomène dramatique..."
Et vous ne le brocardez plus...
- "L'insécurité n'est ni de gauche ni de droite. Ecoutez, j'ai brocardé ou j'ai critiqué quand il s'agissait, par exemple, de démanteler la police nationale. Or, à partir du moment où on ne le fait plus, je pense que c'est un bon point d'une part, donc je m'en réjouis. Et deuxièmement, vous savez très bien que par rapport à ces phénomènes, les Français ne pensent pas que c'est l'inefficacité de la police qui est en cause. Jamais elle n'a eu autant de moyens. Et je pense que les Français savent que les policiers font ce qu'ils peuvent. Il faut que l'ensemble de la société se mobilise, la chaîne pénale mais aussi la chaîne éducative. On n'a pas le temps ce matin de développer, mais j'ai plein de choses à vous dire là-dessus."
Vous êtes le ministre des Cultes. On déplore une recrudescence d'actes antisémites en France. La France n'est pas un pays antisémite ou est-ce que ce sont des choses qui sont trop mises en valeur actuellement ?
- "Hélas ! La France n'est pas, là non plus, une exception. Et vous savez très bien que l'antisémitisme a existé, qu'il existe, le racisme aussi, et qu'il faut toujours être vigilant, intransigeant vis-à-vis de tout acte d'antisémitisme ou de racisme. Et je puis vous dire que les consignes sont données aux préfets, aux policiers pour être extrêmement vigilants. Et ce n'est pas parce qu'il y a moins d'actes qu'il faut s'en satisfaire. Parce que, encore une fois, "la bête immonde" est toujours présente. Ceci étant, je crois qu'on ne peut pas dire que la France est un pays où l'antisémitisme sévirait. Et d'ailleurs, de ce point de vue, je crois que S. Pérès a dit les choses justes qu'il fallait dire hier, après que les autorités françaises se soient elles aussi exprimées."
Il fallait qu'il le dise ?
- "Je crois que c'était bien que S. Pérès s'exprime comme il s'est exprimé. Ce ne m'étonne pas de S. Pérès, un grand homme d'Etat."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le28 février 2002)