Déclaration de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la stratégie française de développement durable et sur la mise en oeuvre de l'Agenda 21, Paris le 1er mars 2002.

Prononcé le 1er mars 2002

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse de présentation des Assises nationales du développement durable du 11 et 12 mars, à Paris le 1er mars 2002

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous ai invité à ce point presse pour vous présenter les Assises nationales du développement durable, que nous organisons, conjointement avec la région Midi-Pyrénées, dont Mme Marie-Françoise Mendez, ici présente, est vice-présidente.
Nous nous étions déjà réunis, avec M. le Président Martin Malvy, le 15 janvier dernier, à la signature de la convention entre le MATE et le Conseil Régional Midi-Pyrénées.
Aujourd'hui, à 10 jours de la tenue de ces Assises, je tenais à vous en rappeler l'importance, et à vous en présenter les enjeux.
Le sommet mondial du développement durable de Johannesburg aura lieu à la fin du mois d'août prochain, c'est-à-dire très bientôt.
La France et l'Europe ont un rôle essentiel à jouer dans ce sommet, d'autant, vous l'avez vu, que M. le Président Bush menace de ne pas s'y rendre lui-même, malgré les exhortations de nombreuses associations.
Vous connaissez le contexte électoral particulier dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui. Il est difficile, dans ces conditions, de se projeter dans l'après- mois de mai/juin.
Pourtant , c'est notre rôle de le faire.
Les Assises Nationales du développement durable de Toulouse, qui se tiendront les 11 et 12 mars prochains, seront ainsi l'occasion, en France, avant ces échéances électorales internes, d'ouvrir un large dialogue sur la préparation du sommet de Johannesburg, et sur le bilan de ce qui a été réalisé dans notre pays depuis la conférence de Rio en 1992.
Le concept de développement durable a été popularisé par le rapport " Brundtland ", rapport de la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement, en 1987. C'est dans ce rapport qui a proposé la définition la plus communément admise du développement durable : " un développement qui réponde aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre
aux leurs "
Vous le savez, le Sommet de la Terre, a constitué une étape décisive dans l'engagement des pays en faveur du développement durable et dans l'expression des finalités et principes fondateurs de ce concept. Elle a mis en valeur l'idée selon laquelle " le monde se localise en même temps qu'il se mondialise ".
Les espoirs de Rio, vous le savez aussi, n'ont pas encore été concrétisés : les modes de production et de consommation ont peu changé, les écarts entre le Nord et le Sud se sont aggravés.
Vous connaissez les principes fondateurs du développement durable : la prise en compte, en amont de toute politiques publique et à chaque étape de leur mise en oeuvre, des trois piliers que sont le développement économique, la protection de l'environnement, et le bien être social. Cette imbrication suppose de sortir de l'idéologie de la croissance du PIB comme seul objectif des politiques de développement.
J'insiste pour ma part sur le fait que le développement durable envisage la personne humaine dans sa globalité. En ce sens, le souci de l'éducation, de la formation tout au long de la vie, de la diversité culturelle et de la protection de la liberté nécessaire à toute création artistique, à toute pensée, font partie du développement durable.
Les principes affirmés à Rio irriguent notre action quotidienne, au sein de ce Ministère, mais aussi au sein de toutes les collectivités locales :
- le principe d'intégration de la protection de l'environnement comme partie intégrante
du processus de développement ;
- le principe de responsabilité et de solidarité internationale ;
- le principe de participation et de nouvelle gouvernance ;
Les 171 gouvernements présents à Rio ont aussi adopté l'Agenda 21 (ou Action 21). Il constitue un plan global d'action qui doit être mis en uvre par les gouvernements, les institutions du développement, les organismes des Nations Unies et les secteurs indépendants.
Ses 40 chapitres font émerger :
- les dimensions économiques et sociales ;
- la conservation et la préservation des ressources aux fins de développement ;
- la participation de la société civile à l'élaboration et la mise en oeuvre d'actions s'appuyant
sur l'expression des besoins de la société civile ;
- la mise en oeuvre de moyens transversaux à toutes les échelles de territoires. Le chapitre 28
recommande ainsi que les collectivités locales mettent en place un Agenda 21 local, traduction
territorialisée de l'Agenda 21.
Depuis Rio, une étape majeure a été franchie à Kyoto, en 1997, et Johannesburg sera la prochaine.

Les enjeux de Johannesburg sont donc fondamentaux :
Le Premier Ministre l'a rappelé dans son discours de Lyon, en soulignant notamment la nécessité d'une OME, de la ratification du Protocole de Kyoto.
Cependant, nous avons quelques inquiétudes car le contexte international n'est pas favorable : le programme d'action de George Bush pour le changement climatique est inacceptable, la conférence de Carthagène a été décevante, celle de Monterrey ne laisse pas d'être inquiétante
Dans ce contexte, il importe plus que jamais de se mobiliser pour que le Sommet du Développement Durable soit un succès qui redonne un nouveau souffle au concept, en insistant sur la nécessaire intégration des préoccupations économiques, sociales et environnementales.
Il faut mettre les ambitions de Johannesburg à la hauteur de celles de Rio. La globalisation les rend plus que nécessaires en même temps qu'elle leur donne un nouveau fondement.
L'ambition principale est l'éradication de la pauvreté, en lien avec l'accès aux biens fondamentaux, l'eau et l'énergie (deux milliards de personnes n'ont pas accès à une énergie suffisante), avec le changement de nos modes de production et de consommation.
La France travaille à des initiatives sur quatre domaines principaux, l'accès à l'eau, l'accès à l'énergie, la protection des ressources naturelles et la diversité biologique. La gouvernance mondiale environnementale reste aussi une de nos ambitions, comme l'a rappelé le Premier Ministre à Lyon malgré le relatif échec de la conférence de Carthagène.
La mobilisation de tous les acteurs, en France, est fondamentale, d'autant plus que le rôle de la France est important par son implication dans le travail de l'Union européenne.

Le Sommet de Göteborg a en effet adopté une stratégie européenne de développement durable.
En mars, le sommet de Barcelone adoptera une stratégie externe de l'Union européenne, en vue de Johannesburg, et au delà. Nous en débattrons entre ministres de l'environnement le 4 mars, pour ce qui concerne les aspects d'environnement et de développement durable. Nos conclusions seront portées à Barcelone.
Vous voyez qu'il nous reste donc encore quelques leviers pour l'action de l'Union européenne d'ici Johannesburg.
Le Premier Ministre a nommé M. Michel Mousel comme président du comité chargé de coordonner les ONG dans la préparation de Johannesburg. Ce comité fonctionne par groupes de travail, dont l'un est consacré aux collectivités locales.
Le MATE est quant à lui chargé de coordonner la préparation de la stratégie française de développement durable qui sera présentée à Johannesburg, et dont un premier état sera proposé au débat à Toulouse.
Cette stratégie est élaborée en concertation avec les associations, les institutions, notamment la Commission française du développement durable, dont je salue ici le rôle, et les collectivités locales.
En effet, si les Assises nationales du développement durable de Toulouse ont été organisées en partenariat entre l'Etat et le Conseil Régional Midi-Pyrénées, c'est bien qu'elles sont avant tout celles des collectivités locales.
Pourquoi ? Justement parce que la stratégie d'action définie à Rio insistait fortement sur la nécessaire implication, participation, des collectivités locales. C'était le principe 22 défini à Rio comme celui de la nécessaire participation de tous les acteurs.
Les Assises de Toulouse seront donc l'occasion de faire le point sur la mise en uvre en France du programme Agenda 21, et notamment de ce chapitre 28 consacré à l'implication indispensable des collectivités locales dans les agendas 21. Elles ont pour but d'inciter les collectivités locales à s'engager dans des démarches d'agenda 21, si elles ne l'ont pas déjà fait, en s'appuyant sur les expériences de celles qui ont ouvert la voie.
De nombreuses initiatives ont été prises, qui vous sont présentées dans le dossier de presse, et qui seront débattues à Toulouse.
Ces Assises sont ainsi l'occasion de partager les expériences réalisées depuis 10 ans par les différentes collectivités, par les institutions, par les associations, par les élus.
Je le répète, il s'agit de la seule occasion, pour les élus locaux, de s'exprimer publiquement sur la mise en uvre de Rio dans leurs collectivités, de faire part de leurs préoccupations pour Johannesburg : c'est donc un moment politiquement très important de concertation et d'échange, mais aussi de construction politique, puisque les Actes des Assises feront partie du document stratégique présenté par la France au sommet de Johannesburg.
10 ateliers auront donc lieu, autour des deux thèmes majeurs des " systèmes naturels et humains vulnérables " et de la " construction collective des choix de société ".
Les deux plénières seront l'occasion de faire un point, avec des intervenants internationaux, sur la mise en uvre de Rio, et sur la préparation de Johannesburg.
Et lors de la table-ronde de clôture, je présenterai l'état d'avancement de cette stratégie française de développement durable proposée par le gouvernement. Cette stratégie est une commande faite à tous les Etats, et sera présentée à Johannesburg. La concertation continuera après Toulouse, mais nous tenons à présenter à Toulouse le fruit de nos travaux.
Enfin, je vous indique que les Assises seront placées sous le parrainage de Jean-Louis Etienne, le célèbre explorateur polaire, dont " l'opération Banquise " est co-financée par le MATE et par le Conseil régional Midi-Pyrénées.
J'insiste sur l'importance que revêt ce moment de débat, de partage d'expériences, dans la perspective de la préparation du sommet du développement durable.
C'est à travers les débats sur le développement durable que s'exprime la recherche de nouvelles régulations face au mouvement de mondialisation. Les équilibres entre les critères de justice et de solidarité sociale, de gestion raisonnée des ressources naturelles et de l'environnement, des préférences collectives en matière de santé et d'éducation sont au cur des controverses sur la mondialisation. La place des acteurs non institutionnels, le rôle des collectivités locales, le besoin de règles encadrant l'intégration des économies et des sociétés s'affirme de façon croissante et ces sujets devront être au cur du débat à Johannesburg.
Les Assises de Toulouse seront un moment important de la préparation de cet événement majeur pour l'avenir de notre planète. C'est pourquoi j'ai le plaisir de vous y convier.
Je vous remercie.

(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 1e mars 2002)