Texte intégral
F. Laborde Aujourd'hui, vous ferez deux communications, l'une sur la médiation familiale et l'autre sur une campagne concernant la violence sexuelle. Mais tout d'abord, une question d'actualité : depuis maintenant deux mois, les médecins sont en grève, les infirmières ont manifesté hier ; aujourd'hui, c'est la "Journée sans toubibs". N'y a-t-il pas un problème dans la gestion de ce conflit de la part du gouvernement Jospin ?
- "La question de la santé aujourd'hui est un problème difficile, parce que c'est à la fois un service public et une profession libérale. Le Gouvernement, qui est à la fois responsable de la bonne gestion et des fonds publics, doit gérer avec rigueur. En même temps, il est légitime que les médecins puissent aussi participer à l'évolution de la société française, c'est-à-dire la diminution du temps de travail et la croissance économique. C'est ce qui explique la difficulté du problème posé aujourd'hui. Aucun problème, fut-il le plus compliqué, n'est sans solution. Encore faut-il se mettre autour de la table et négocier."
Pourquoi ne le fait-on pas alors ?
- "Deux syndicats de médecins généralistes refusent encore de négocier. Il faut qu'ils viennent autour de la table, c'est un appel que les familles leur lancent, parce qu'on parle beaucoup de médecins de famille. D'une façon générale, ils jouent un rôle de proximité très important. Il faut venir autour de la table des négociations et faire en sorte d'en sortir par le haut et de trouver une solution."
Ils ont envie d'être reçus par E. Guigou. Est-ce extravagant comme demande ?
- "E. Guigou et B. Kouchner qui sont en charge de ce dossier travaillent beaucoup. Mais comme je le disais tout à l'heure aussi, il y a des règles institutionnelles : c'est la Caisse nationale d'assurance-maladie qui gèrent les fonds sociaux, les cotisations sociales de tous les Français. Donc, c'est aussi pour protéger les Français que nous faisons attention aux comptes sociaux. En même temps, nous voulons aussi que les médecins aient de bonnes conditions de travail, il faut qu'ils viennent autour de la table pour négocier. Des solutions seront trouvées, j'en suis convaincue."
Hier, on a vu à l'Assemblée nationale un moment un peu agité, un échange un peu vif entre le Premier ministre et l'opposition. Hier soir, à propos du Premier ministre, A. Juppé le décrivait comme "un apothicaire trotskiste". Ne pensez-vous pas que la campagne prend un tour un peu vif - dans l'expression en tout cas ?
- "Sur A. Juppé, "chassez le naturel, il revient au galop". Il n'y a pas de place dans la politique pour les attaques personnelles. On peut faire un peu d'humour, donc je le prendrais sur ce ton. Je crois que les Français attendent d'abord une clarification des différents projets et c'est ce qui sera fait, c'est ce que nous préparons. En tout cas, nous, nous nous gardons des attaques personnelles et je crois que c'est mieux ainsi."
Vous présenterez une communication à propos de votre campagne contre la violence sexuelle. Elle s'appelle "Se taire, c'est laisser faire." Il y a quatre spots, qui sont des petits films extrêmement forts mais pas spectaculaires, parce que la difficulté en la matière, c'est de choquer sans donner à voir.
- "C'est une campagne que j'ai présentée la semaine dernière en réunion des ministres, qui sera lancée vendredi. C'est l'aboutissement d'une année de travail, pour laquelle j'ai été mandatée par le Conseil de sécurité intérieure, parce que la protection de l'enfance est un élément central de la sécurité et que ce pays est suffisamment mûr aujourd'hui pour libérer totalement la parole des enfants. Cette campagne vise à dire que les enfants disent le vrai lorsqu'ils se plaignent d'atteintes sexuelles ou de brutalité de la part des adultes et que leur parole doit toujours être prise en considération. Elle a aussi pour vocation à dissuader les agresseurs, en leur rappelant les condamnations pénales qu'ils encourent. Enfin, elle a pour objectif d'encourager les adultes témoins de toutes ces agressions à parler, de ne pas avoir peur de parler, d'avoir le courage de le faire, même si cela déclenche un certain nombre de remous. Trop longtemps les enfants ont été assignés au silence, parce qu'il n'y avait pas de lieu de parole ; aujourd'hui, ces lieux de parole existent, chacun est au clair sur ses responsabilités, sur l'assistance des enfants en danger. Il faut donc déculpabiliser les enfants qui parlent."
On a récemment assisté à une multiplication d'affaires. On a d'abord vu que les chiffres de la violence sexuelle entre mineurs augmentent, et puis il y a ces affaires de pédophilie de plus en plus graves, notamment dans le nord de la France. Y a-t-il aujourd'hui une sorte de dérive de la société, qui fait que ces affaires sont plus fréquentes qu'elles ne l'étaient ?
- "Je ne crois pas. La question de la pédophilie est un problème millénaire, qui commence seulement à surgir, que l'on commence seulement à prendre à bras le corps. Et si c'est possible dans la France contemporaine, c'est parce que depuis quatre ans, le dispositif législatif et réglementaire ont été mis en place ; d'importantes dispositions ont été votées, comme par exemple les interdictions professionnelles pour toutes les personnes condamnées..."
On va élargir ces interdictions professionnelles ?
- "Oui, bien sûr."
Avec l'affaire de ce petit garçon qui a été tué, à Bordeaux, par son voisin...
- "Oui, le contrôle se renforce, la lutte contre la récidive aussi. Mais ce qu'il faut empêcher, c'est le premier passage à l'acte de la part d'adultes qui savent que les enfants ont du mal à parler et qui, aujourd'hui, grâce à cette campagne, aux actions conduites, aux réformes législatives, vont savoir que désormais les enfants auront le courage de parler et que les adultes doivent avoir aussi le même courage d'accompagner les enfants dans leur prise de parole."
Autre sujet de votre actualité : la médiation familiale. L'idée est, quand un couple est en difficulté, quand il y a des tensions dans une famille, d'aller voir, en amont, - avant que les choses ne prennent un tour irréversible - un médiateur qui écoute tout le monde ?
- "Oui. C'est une réforme très importante, puisque la médiation entre ce matin officiellement dans la politique familiale. C'est une idée à laquelle je tenais beaucoup. Je vais créer un certificat de médiateur familial, c'est-à-dire garantir la qualité de la médiation familiale. Des gens seront formés et il y en a déjà puisqu'il y a en France 200 centres de médiations familiales, mais qui sont mal connus. Il faut donc que cela soit davantage connu pour que les couples puissent épargner à leurs enfants des conflits très durs. La médiation va donc intervenir en amont : c'est-à-dire que dès qu'un couple sera en difficulté, il pourra y avoir recours. Il en existe déjà, comme "L'école des parents" qui est de grande qualité, auprès des caisses d'allocations familiales, des associations familiales comme l'Unaf. Les couples pourront, lorsqu'ils sont en difficulté, recourir à cette médiation pour essayer de régler leurs problèmes, voire essayer de rester ensemble ou faire en sorte que si la séparation est inéluctable, qu'elle se passe correctement."
C'est sur une base volontaire ; si un des deux conjoints ne veut pas y aller, par définition, il n'y a pas de médiation, on ne peut l'obliger à venir ?
- "Il y a deux choses : pour essayer d'éviter la séparation et le divorce, c'est bien sûr sur une base volontaire. En cas de divorce conflictuel, la réforme que j'ai réalisée sur l'autorité parentale va désormais permettre au juge de rendre obligatoire le fait que les couples assistent à une séance d'informations sur la médiation familiale, pour qu'ils règlent correctement les conflits. C'est d'autant plus important que j'ai créé par la loi la garde alternée entre le père et la mère - ils assument donc tous les deux leur autorité parentale - et pour faire la garde alternée des enfants, il faut bien s'entendre. La médiation peut donc jouer un rôle très important."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 janvier 2002)
- "La question de la santé aujourd'hui est un problème difficile, parce que c'est à la fois un service public et une profession libérale. Le Gouvernement, qui est à la fois responsable de la bonne gestion et des fonds publics, doit gérer avec rigueur. En même temps, il est légitime que les médecins puissent aussi participer à l'évolution de la société française, c'est-à-dire la diminution du temps de travail et la croissance économique. C'est ce qui explique la difficulté du problème posé aujourd'hui. Aucun problème, fut-il le plus compliqué, n'est sans solution. Encore faut-il se mettre autour de la table et négocier."
Pourquoi ne le fait-on pas alors ?
- "Deux syndicats de médecins généralistes refusent encore de négocier. Il faut qu'ils viennent autour de la table, c'est un appel que les familles leur lancent, parce qu'on parle beaucoup de médecins de famille. D'une façon générale, ils jouent un rôle de proximité très important. Il faut venir autour de la table des négociations et faire en sorte d'en sortir par le haut et de trouver une solution."
Ils ont envie d'être reçus par E. Guigou. Est-ce extravagant comme demande ?
- "E. Guigou et B. Kouchner qui sont en charge de ce dossier travaillent beaucoup. Mais comme je le disais tout à l'heure aussi, il y a des règles institutionnelles : c'est la Caisse nationale d'assurance-maladie qui gèrent les fonds sociaux, les cotisations sociales de tous les Français. Donc, c'est aussi pour protéger les Français que nous faisons attention aux comptes sociaux. En même temps, nous voulons aussi que les médecins aient de bonnes conditions de travail, il faut qu'ils viennent autour de la table pour négocier. Des solutions seront trouvées, j'en suis convaincue."
Hier, on a vu à l'Assemblée nationale un moment un peu agité, un échange un peu vif entre le Premier ministre et l'opposition. Hier soir, à propos du Premier ministre, A. Juppé le décrivait comme "un apothicaire trotskiste". Ne pensez-vous pas que la campagne prend un tour un peu vif - dans l'expression en tout cas ?
- "Sur A. Juppé, "chassez le naturel, il revient au galop". Il n'y a pas de place dans la politique pour les attaques personnelles. On peut faire un peu d'humour, donc je le prendrais sur ce ton. Je crois que les Français attendent d'abord une clarification des différents projets et c'est ce qui sera fait, c'est ce que nous préparons. En tout cas, nous, nous nous gardons des attaques personnelles et je crois que c'est mieux ainsi."
Vous présenterez une communication à propos de votre campagne contre la violence sexuelle. Elle s'appelle "Se taire, c'est laisser faire." Il y a quatre spots, qui sont des petits films extrêmement forts mais pas spectaculaires, parce que la difficulté en la matière, c'est de choquer sans donner à voir.
- "C'est une campagne que j'ai présentée la semaine dernière en réunion des ministres, qui sera lancée vendredi. C'est l'aboutissement d'une année de travail, pour laquelle j'ai été mandatée par le Conseil de sécurité intérieure, parce que la protection de l'enfance est un élément central de la sécurité et que ce pays est suffisamment mûr aujourd'hui pour libérer totalement la parole des enfants. Cette campagne vise à dire que les enfants disent le vrai lorsqu'ils se plaignent d'atteintes sexuelles ou de brutalité de la part des adultes et que leur parole doit toujours être prise en considération. Elle a aussi pour vocation à dissuader les agresseurs, en leur rappelant les condamnations pénales qu'ils encourent. Enfin, elle a pour objectif d'encourager les adultes témoins de toutes ces agressions à parler, de ne pas avoir peur de parler, d'avoir le courage de le faire, même si cela déclenche un certain nombre de remous. Trop longtemps les enfants ont été assignés au silence, parce qu'il n'y avait pas de lieu de parole ; aujourd'hui, ces lieux de parole existent, chacun est au clair sur ses responsabilités, sur l'assistance des enfants en danger. Il faut donc déculpabiliser les enfants qui parlent."
On a récemment assisté à une multiplication d'affaires. On a d'abord vu que les chiffres de la violence sexuelle entre mineurs augmentent, et puis il y a ces affaires de pédophilie de plus en plus graves, notamment dans le nord de la France. Y a-t-il aujourd'hui une sorte de dérive de la société, qui fait que ces affaires sont plus fréquentes qu'elles ne l'étaient ?
- "Je ne crois pas. La question de la pédophilie est un problème millénaire, qui commence seulement à surgir, que l'on commence seulement à prendre à bras le corps. Et si c'est possible dans la France contemporaine, c'est parce que depuis quatre ans, le dispositif législatif et réglementaire ont été mis en place ; d'importantes dispositions ont été votées, comme par exemple les interdictions professionnelles pour toutes les personnes condamnées..."
On va élargir ces interdictions professionnelles ?
- "Oui, bien sûr."
Avec l'affaire de ce petit garçon qui a été tué, à Bordeaux, par son voisin...
- "Oui, le contrôle se renforce, la lutte contre la récidive aussi. Mais ce qu'il faut empêcher, c'est le premier passage à l'acte de la part d'adultes qui savent que les enfants ont du mal à parler et qui, aujourd'hui, grâce à cette campagne, aux actions conduites, aux réformes législatives, vont savoir que désormais les enfants auront le courage de parler et que les adultes doivent avoir aussi le même courage d'accompagner les enfants dans leur prise de parole."
Autre sujet de votre actualité : la médiation familiale. L'idée est, quand un couple est en difficulté, quand il y a des tensions dans une famille, d'aller voir, en amont, - avant que les choses ne prennent un tour irréversible - un médiateur qui écoute tout le monde ?
- "Oui. C'est une réforme très importante, puisque la médiation entre ce matin officiellement dans la politique familiale. C'est une idée à laquelle je tenais beaucoup. Je vais créer un certificat de médiateur familial, c'est-à-dire garantir la qualité de la médiation familiale. Des gens seront formés et il y en a déjà puisqu'il y a en France 200 centres de médiations familiales, mais qui sont mal connus. Il faut donc que cela soit davantage connu pour que les couples puissent épargner à leurs enfants des conflits très durs. La médiation va donc intervenir en amont : c'est-à-dire que dès qu'un couple sera en difficulté, il pourra y avoir recours. Il en existe déjà, comme "L'école des parents" qui est de grande qualité, auprès des caisses d'allocations familiales, des associations familiales comme l'Unaf. Les couples pourront, lorsqu'ils sont en difficulté, recourir à cette médiation pour essayer de régler leurs problèmes, voire essayer de rester ensemble ou faire en sorte que si la séparation est inéluctable, qu'elle se passe correctement."
C'est sur une base volontaire ; si un des deux conjoints ne veut pas y aller, par définition, il n'y a pas de médiation, on ne peut l'obliger à venir ?
- "Il y a deux choses : pour essayer d'éviter la séparation et le divorce, c'est bien sûr sur une base volontaire. En cas de divorce conflictuel, la réforme que j'ai réalisée sur l'autorité parentale va désormais permettre au juge de rendre obligatoire le fait que les couples assistent à une séance d'informations sur la médiation familiale, pour qu'ils règlent correctement les conflits. C'est d'autant plus important que j'ai créé par la loi la garde alternée entre le père et la mère - ils assument donc tous les deux leur autorité parentale - et pour faire la garde alternée des enfants, il faut bien s'entendre. La médiation peut donc jouer un rôle très important."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 janvier 2002)