Déclaration de Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, sur le développement des liens entre les enseignements supérieurs et la pratique d'activités artistiques et l'action culturelle à l'université, Paris le 14 janvier 2002.

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Circonstance : Signature du protocole d'accord sur l'enseignement supérieur à Paris le 14 janvier 2002

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les présidents d'université,
Mesdames et Messieurs,
Nous allons signer aujourd'hui entre nos deux ministères un protocole d'accord en matière d'enseignement supérieur. C'est un acte important car inscrit dans la cohérence de la politique d'égalité des chances du gouvernement de Lionel Jospin.
Il y a un peu plus d'un an, nous vous annoncions un plan à 5 ans pour la généralisation de l'éducation artistique et culturelle à l'école. Depuis, beaucoup a été fait et je citerai au moins deux signes très positifs :
- le nombre d'étudiants en IUFM qui ont choisi de s'inscrire, à la rentrée 2001, dans une dominante " arts et culture " dépasse les 50 %. Que les futurs professeurs s'engagent ainsi est extrêmement encourageant pour la réussite de notre plan ; - le nombre de conventions signées entre les Rectorats et les DRAC destinées à la mise en uvre du plan a augmenté, au point que l'objectif que nous nous étions fixé au printemps 2001
- à savoir que toutes les Académies aient contracté avec les DRAC avant la fin de l'année 2002 - est d'ores et déjà en voie d'être atteint.
Malgré le chemin accompli, la tâche demande à être poursuivie. Il me paraît, en effet, nécessaire de garantir qu'il y ait continuité de cette politique pour les publics visés : l'ambition du Gouvernement est qu'à toutes les étapes des études, il puisse y avoir une présence forte des enseignements comme des pratiques artistiques. Cette ambition concerne donc naturellement tous les publics en formation. C'est pourquoi nous avions pris rendez-vous, dès l'année dernière, pour cette rencontre consacrée à l'enseignement supérieur.
Le protocole de coopération qui nous réunit aujourd'hui complète ainsi notre plan avec un double objectif :
- développer plus qu'ils ne le sont les liens entre les enseignements supérieurs ;
- permettre au plus grand nombre d'étudiants de pratiquer une activité artistique ou d'être en contact avec la vie culturelle.
Première partie : les liens entre les enseignements supérieurs
1. L'état des lieux dans les enseignements spécialisés et la recherche
Dans le champ des enseignements artistiques comme dans celui de la recherche, nous ne partons pas de rien. Les enseignements spécialisés et les équipes de recherche dans les domaines artistiques et culturels ont des habitudes de coopération nombreuses et quelquefois anciennes, qui ont donné naissance à une vraie tradition de travail en commun. (Vous en trouverez un certain nombre d'exemples dans le dossier de presse). Les collaborations existantes amènent déjà la présence d'artistes et de professionnels sur les campus, permettant la confrontation de démarches artistiques et de démarches universitaires. On ne saurait trop insister sur le bénéfice que les uns et les autres, artistes, enseignants, chercheurs, étudiants, peuvent tirer de ces échanges. Aujourd'hui il s'agit d'aller bien au-delà.
2. Les innovations du protocole
Tout d'abord, celui-ci entend donner une impulsion forte à un renforcement des échanges et à la création de nouvelles passerelles, de façon à faciliter la circulation des étudiants entre les formations artistiques assurées par les établissements universitaires et ceux dépendant du ministère de la Culture. Des dispositifs de ce type sont déjà en vigueur entre écoles d'art et UFR d'arts plastiques ; de même des conventions existent entre des UFR d'histoire de l'art et l'Ecole du Louvre, qui permettent aux étudiants de passer d'un cursus à l'autre, sans parler de la trentaine de DESS bâtis en commun ou en association entre écoles d'architecture et universités.
Le cursus des études d'architecture est en lui même le symbole de ces rapprochements entre nos deux ministères, liés par un protocole renouvelé récemment. Désormais les diplômes de 1er et 2ème cycle, certains DESS et quelques DEA font l'objet d'une co-habilitation enseignement supérieur - culture. Il faudra poursuivre résolument dans cette voie.
A ce renforcement des coopérations dans le domaine des formations artistiques, s'ajoute une volonté de conduite en commun de formations et de diplômes entre les filières de formation aux métiers de la culture et des filières de formation à d'autres métiers. Je voudrais citer ici les Grands Ateliers de l'Isle d'Abeau que j'ai récemment inaugurés et qui réunissent sur des projets communs six écoles d'architecture, deux écoles d'ingénieurs, trois écoles d'art et un centre de recherche de Rhône-Alpes et d'Auvergne.
Je pense aussi au projet ARTEM (Art-Technologie-Management) qui permettra demain d'engager des coopérations entre l'école des mines de Nancy, l'institut commercial et l'Ecole Nationale supérieure d'art de Nancy, amenant ainsi les étudiants et les enseignants à se confronter à d'autres logiques et à d'autres savoirs.
Le protocole, aujourd'hui, innove dans un autre domaine, en prévoyant l'ouverture aux arts et à la culture de toutes les filières universitaires. Il s'agit, à mes yeux, d'une innovation majeure, qui consiste à sensibiliser l'ensemble des étudiants aux différentes formes d'expression artistique et culturelle en insérant, d'une façon optionnelle, dans les cursus de toutes les disciplines, des unités d'enseignement à caractère culturel et artistique. Ces unités d'enseignement seront naturellement conçues avec la collaboration d'artistes et de professionnels de la culture.
L'objectif de généralisation d'une telle initiation, déjà présente dans certaines filières, rejoint l'ambition du plan à 5 ans pour l'école et l'objectif d'une continuité à la sensibilisation à la création artistique et aux patrimoines, de l'école à l'université, affiché d'entrée de jeux il y a un an. La réalisation d'un tel objectif demandera, certes, un peu de temps mais la volonté affichée marque une avancée que je tiens à souligner.
3. Ce partenariat renforcé ouvre des perspectives nouvelles, qui répondent à des préoccupations communes à nos deux ministères :
- la dynamisation de la recherche, dans tous les secteurs des arts, du patrimoine et de la culture, par l'élaboration de projets de recherche conjoints et l'émergence d'équipes associées ;
- la construction progressive d'un espace européen de l'enseignement supérieur, qui appelle une collaboration aussi bien sur l'organisation du dispositif d'enseignement supérieur que sur celle des diplômes. Je souhaite rappeler ici l'accord intervenu il y a un an entre nos deux ministères pour l'alignement du diplôme national supérieur d'expression plastique sur le grade de mastaire (bac +5) dans l'architecture européenne des diplômes.
Il s'agit d'une première étape, qui doit être suivie et évaluée.
Deuxième partie : Second volet de cet accord, l'action culturelle à l'université.
Dans ce domaine, là encore, nous ne partons pas de rien. En effet, que de chemin parcouru en vingt ans !
C'est au début des années 80 que sont apparues les premières initiatives de rapprochement entre universités et institutions culturelles, sur les campus de Dijon, Clermont-Ferrand, Rennes et Toulouse.
C'est à l'initiative du ministère de la Culture qu'allaient être jetées les bases d'une véritable politique de coopération sur l'action culturelle à l'Université. Son acte fondateur fut la déclaration commune signée par l'actuel Premier ministre Lionel Jospin, alors ministre de l'Education Nationale et vous-même, le 5 décembre 1988 au Musée d'Orsay.
Cette déclaration avait pour objectif essentiel de donner un contenu plus précis à la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur qui assigne aux universités une mission de "diffusion de la culture", et de soutien "à la création individuelle et collective dans les domaines des arts, des lettres, des sciences et des techniques".
Le protocole que nous signons aujourd'hui nous entraîne plus loin dans la réalisation de ces objectifs. Malgré les intentions, nous restons en retrait, par rapport aux pays européens voisins. L'offre culturelle proposée aujourd'hui sur les campus aux étudiants n'atteint pas le niveau de collaboration avec les secteurs culturels constaté tout à l'heure à propos des enseignements. Elle demande à être amplifiée et je me réjouis de ce que ce nouveau protocole lui accorde une place centrale.
De fait, il met fortement l'accent sur : la priorité donnée aux pratiques amateurs des étudiants et des personnels dans tous les domaines artistiques, le soutien à accorder aux projets culturels des étudiants et la reconnaissance de leur nécessaire participation comme de celle de leurs associations à la définition de la politique culturelle des établissements. Enfin, il incite à la généralisation de la création de " cartes-culture ", en relation avec les DRAC et les collectivités territoriales, de façon à rendre plus accessibles aux étudiants les propositions des institutions artistiques et culturelles en dehors de l'université.
Ce développement de l'offre culturelle en milieu universitaire appelle des moyens et des outils nouveaux.
J'en retiens trois qui me paraissent constituer le socle autour duquel s'organisent les conditions de notre réussite commune :
- le renforcement des compétences et des moyens, pour les 40 services culturels déjà existants ;
- la création de services culturels dans tous les établissements universitaires qui en sont aujourd'hui dépourvus, c'est-à-dire un peu plus de la moitié d'entre eux.
L'existence et la création d'un service culturel me paraît en effet déterminante d'autant que sa mission ne doit pas se résumer, à mes yeux, à la seule animation des campus : elle consiste à fédérer les initiatives sur des projets communs, à mettre en relation les partenaires potentiels des projets, à apporter la logistique nécessaire à leur mise en uvre et à coordonner les démarches à entreprendre auprès des collectivités susceptibles de leur apporter un soutien financier. De plus, l'existence d'un service culturel contribue à la lisibilité du projet culturel de l'établissement tant auprès des différentes composantes de la communauté universitaire, qu'auprès des acteurs culturels de la cité.
- Autre levier retenu, à juste titre, la généralisation des conventions entre les DRAC et les universités : ces conventions ne concernent aujourd'hui que le tiers des universités. Je pense que l'objectif qui consisterait à en doubler le nombre, d'ici la fin de la durée assignée à notre protocole, est à la fois ambitieux et raisonnable. Pour ce qui concerne le ministère de la Culture, ces conventions seront assorties, à partir de 2003, de moyens financiers nouveaux au profit des universités qui s'orienteraient vers une véritable politique au profit des publics universitaires.
En conclusion, permettez-moi de mettre en valeur l'apport que peut représenter au sein des universités cet effort dans le domaine culturel. L'université ne constitue pas une communauté aux pratiques culturelles homogènes. Elle est traversée par les inégalités sociales, dont souvent les inégalités d'accès à l'art et à lculture sont le reflet. Un fossé a pu sans doute se creuser entre la culture universitaire et la culture des jeunes qui fréquentent les universités.
Ce fossé constitue, me semble-t-il, un facteur important d'explication de l'échec de beaucoup d'étudiants. Je crois que l'ouverture sur la création artistique, comme sur l'ensemble du champ culturel, peut aider à limiter cette fracture. C'est pourquoi je lance un appel à tous, à vous Mesdames et Messieurs les Présidents d'Université, aux enseignants, aux Directrices et Directeurs régionaux des affaires culturelles (DRAC) comme aux responsables des institutions artistiques et culturelles pour que les demandes d'ouverture aux arts et à la culture, émanant des étudiants et des autres membres de la communauté universitaire trouvent réponse dans la continuité de votre action et dans une grande palette d'initiatives.
J'ai le sentiment que le protocole de coopération que nous signons aujourd'hui nous y aidera.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 14 janvier 2002)