Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir répondu à mon invitation. Certains parmi vous assistaient en juin dernier à la présentation des mesures d'accompagnement prises en faveur des friches, des squats et des fabriques artistiques. Nous sommes depuis engagés dans leur mise en uvre. Avant d'évoquer la rencontre internationale qui se déroulera à Marseille, dans un mois à peine, permettez moi de faire brièvement le point.
Huit séminaires inter-régionaux se sont tenus depuis l'automne, offrant à plus de 1500 artistes, opérateurs culturels, élus locaux et responsables administratifs l'opportunité de confronter leurs expériences et de croiser leur regard sur ces aventures. Je crois pouvoir dire sans être démenti, que ce tour d'horizon des possibles mais aussi des difficultés persistantes, s'est avéré très fructueux.
Tout comme le sont les travaux de la cellule inter directionnelle mise en place au sein du Ministère de la Culture et du groupe d'inspecteurs s'attelant à l'élaboration de critères d'évaluation de ces expérimentations artistiques inédites.
En outre, pour la première fois, des mesures nouvelles sont affectées aux espaces intermédiaires. Ces dernières s'élèvent à 2,8 millions d'Euros. La directive nationale d'orientation pour l'année 2002 consacre ainsi, "l'aide aux disciplines en développement, aux compagnies et aux lieux intermédiaires", comme l'un des deux objectifs marquants du gouvernement en matière de politique culturelle.
C'est donc, à ce stade précis où nous sommes parvenus, qu'interviendra la rencontre internationale que j'ai décidé de provoquer. Près de cent cinquante personnalités ont répondu à mon appel. Des artistes comme Jean Nouvel, Edward Bond ou Arpad Schilling, pour livrer la singularité de leur regard. Des intellectuels comme Miguel Benasayag, François Dagognet, ou Aminata Drama Traoré pour discerner les enjeux de civilisation que recouvrent ces aventures. Des opérateurs culturels comme Fazette Bordage, Chantal Lamare ou Borka Pavicevic afin de nous familiariser avec l'étrangeté stimulante de ces projets. Mais aussi des responsables administratifs, des élus locaux, des ministres, pour mettre en débat les réponses politiques que méritent ces initiatives atypiques.
Pendant trois jours, plusieurs centaines de participants vont dialoguer sans relâche au sein d'ateliers et de tables rondes. Ils disposeront, sur le site de la rencontre, la friche de la Belle de Mai, d'espaces d'information et d'expression : un salon convivial, une bibliothèque, une librairie, un pôle multimédia, un journal quotidien de la rencontre ...
A l'occasion de cette rencontre, j'ai pris l'initiative de solliciter des personnalités afin que soient réalisées dix-huit monographies sur des villes étrangères, de Kinshasa à Kiev en passant par Bogota. Vous en trouverez la liste exhaustive dans le dossier de presse. Cette commande fournit à mon sens un premier état des lieux sommaire, à l'échelle du monde, des expérimentations artistiques et culturelles conduites hors du champ institutionnel.
Il prolonge de la sorte le repérage auquel s'était livré Fabrice Lextrait en France dans le rapport que je lui avais demandé de me remettre.
Cet outil d'investigation est à l'image de la rencontre elle-même, de la forte dimension internationale que nous avons voulu lui donner. Des artistes, des opérateurs culturels et des responsables politiques venus de vingt-neuf pays y participeront. A cet égard, j'appelle votre attention sur la forte représentation des pays africains et du Moyen-Orient.
Elle est je crois tout à fait éclairante sur la contribution qu'est en mesure d'apporter la coopération artistique à l'égalité des rapports entre le nord et le sud. Ainsi, ces trois journées de dialogue et de mutualisation d'expériences par définition singulières, relèvent à mes yeux d'un exercice grandeur nature de citoyenneté mondiale, en matière d'art et de culture.
La vocation de cette rencontre est de mener l'investigation la plus fine possible de tout ce que révèlent ces aventures. Bien des questions restent en suspens. Les interrogations qui figurent dans le programme mis à votre disposition ne sont pas de pures formes. Elles vont à n'en pas douter susciter des confrontations, des prises de position parfois contradictoires. C'est en tout cas le vu que je formule. Est-ce un nouveau rapport entre l'art et la société, une nouvelle figure de l'artiste, de ses oeuvres qui se cherchent, si je puis dire, au sein de ces expériences ? Sommes-nous confrontés à l'émergence d'une nouvelle fonction sociale de l'art ? Pour ma part j'en suis intimement convaincu. Dès lors comment, sans les conduire à s'assagir, aider ces aventures à troubler l'ordre des choses ? Comment les soustraire à la précarité sans tarir le goût du risque qui les caractérise ?
Depuis le départ, mon parti pris à toujours été de construire de manière expérimentale des réponses politiques aux questions soulevées par ces initiatives. Elles constituent un cas d'école pour ce qu'il est désormais convenu d'appeler la réforme de l'Etat.
Toutes ces aventures sont engagées et conduites par des collectifs d'artistes, par des citoyens et des acteurs de la vie associative de notre pays. Dès lors il est impensable que l'élaboration d'une politique publique de soutien et d'accompagnement leur échappe, ne serait ce qu'un peu. C'est au fond la raison d'être de cette rencontre que de conforter la démarche.
Permettez-moi d'ajouter que cet objectif prend un relief particulier, qui ne vous aura pas échappé, au regard de l'actualité du débat autour de la culture. Mon sentiment est qu'il ne suffit pas d'opposer le front uni de l'indignation à la chronique d'une mort annoncée. Le plus intolérable en définitive, serait que le désir d'art de la société, les attentes et les initiatives citoyennes qu'il suscite, ne trouvent à se mettre sous la dent que les réponses du marché, dont chacun mesure la part d'archaïsme et les limites.
Pour ma part, je ne me résous pas à cette éventualité. C'est le sens des mesures que je prends en faveur des espaces intermédiaires. Elles sont de nature à moderniser et renforcer l'espace public de la culture, en se mettant au diapason de ce qu'exprime la société. Si telle n'était pas l'ambition, la démarche engagée serait dépourvue de sens.
Qui plus est, nous sommes à la croisée des chemins en matière de politique culturelle. Je pense que cette rencontre internationale va révéler quelque chose de capital à mes yeux : pourquoi ne pas chercher du côté de l'art et de la culture les réponses aux questions les plus vives posées à notre société et au monde ? Cela implique d'en finir une bonne fois pour toutes avec la fâcheuse manie de l'approche sectorielle de ce champ. Je ne doute pas une seconde que les participants à cette rencontre s'y emploieront, chacun à sa manière. C'est pour ma part ce que je me suis efforcé de faire en donnant à ce dossier une dimension interministérielle.
A ce titre, la rencontre est à l'image du dossier lui-même, le fruit d'une construction commune à laquelle ont pris part les ministères des Affaires Etrangères, de la Ville, de l'Emploi, de l'Equipement et des Transports, de l'Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, de l'Economie Solidaire et du Tourisme.
Je tiens à saluer l'implication de la ville de Marseille, du Conseil Général des Bouches-du-Rhône et du Conseil Régional Provence-Alpes-Côtes d'Azur.
Dans cette construction, le rôle de l'AFAA et de la Friche la Belle de Mai est bien sûr essentiel. La mobilisation de l'équipe d'Olivier Poivre d'Arvor aux côtés de celle de la Friche et de celle du ministère, doit nous permettre d'assurer le plus grand retentissement à cet événement.
Pour finir, permettez-moi de remercier les associations Alissart, AutreParts, Fanfare, Hors les Murs, TransEuropHalles.
Leur mobilisation est pour moi un exemple d'une nouvelle approche de la construction d'une politique culturelle.
Merci de l'attention que vous m'avez portée.
Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 17 janvier 2002)
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir répondu à mon invitation. Certains parmi vous assistaient en juin dernier à la présentation des mesures d'accompagnement prises en faveur des friches, des squats et des fabriques artistiques. Nous sommes depuis engagés dans leur mise en uvre. Avant d'évoquer la rencontre internationale qui se déroulera à Marseille, dans un mois à peine, permettez moi de faire brièvement le point.
Huit séminaires inter-régionaux se sont tenus depuis l'automne, offrant à plus de 1500 artistes, opérateurs culturels, élus locaux et responsables administratifs l'opportunité de confronter leurs expériences et de croiser leur regard sur ces aventures. Je crois pouvoir dire sans être démenti, que ce tour d'horizon des possibles mais aussi des difficultés persistantes, s'est avéré très fructueux.
Tout comme le sont les travaux de la cellule inter directionnelle mise en place au sein du Ministère de la Culture et du groupe d'inspecteurs s'attelant à l'élaboration de critères d'évaluation de ces expérimentations artistiques inédites.
En outre, pour la première fois, des mesures nouvelles sont affectées aux espaces intermédiaires. Ces dernières s'élèvent à 2,8 millions d'Euros. La directive nationale d'orientation pour l'année 2002 consacre ainsi, "l'aide aux disciplines en développement, aux compagnies et aux lieux intermédiaires", comme l'un des deux objectifs marquants du gouvernement en matière de politique culturelle.
C'est donc, à ce stade précis où nous sommes parvenus, qu'interviendra la rencontre internationale que j'ai décidé de provoquer. Près de cent cinquante personnalités ont répondu à mon appel. Des artistes comme Jean Nouvel, Edward Bond ou Arpad Schilling, pour livrer la singularité de leur regard. Des intellectuels comme Miguel Benasayag, François Dagognet, ou Aminata Drama Traoré pour discerner les enjeux de civilisation que recouvrent ces aventures. Des opérateurs culturels comme Fazette Bordage, Chantal Lamare ou Borka Pavicevic afin de nous familiariser avec l'étrangeté stimulante de ces projets. Mais aussi des responsables administratifs, des élus locaux, des ministres, pour mettre en débat les réponses politiques que méritent ces initiatives atypiques.
Pendant trois jours, plusieurs centaines de participants vont dialoguer sans relâche au sein d'ateliers et de tables rondes. Ils disposeront, sur le site de la rencontre, la friche de la Belle de Mai, d'espaces d'information et d'expression : un salon convivial, une bibliothèque, une librairie, un pôle multimédia, un journal quotidien de la rencontre ...
A l'occasion de cette rencontre, j'ai pris l'initiative de solliciter des personnalités afin que soient réalisées dix-huit monographies sur des villes étrangères, de Kinshasa à Kiev en passant par Bogota. Vous en trouverez la liste exhaustive dans le dossier de presse. Cette commande fournit à mon sens un premier état des lieux sommaire, à l'échelle du monde, des expérimentations artistiques et culturelles conduites hors du champ institutionnel.
Il prolonge de la sorte le repérage auquel s'était livré Fabrice Lextrait en France dans le rapport que je lui avais demandé de me remettre.
Cet outil d'investigation est à l'image de la rencontre elle-même, de la forte dimension internationale que nous avons voulu lui donner. Des artistes, des opérateurs culturels et des responsables politiques venus de vingt-neuf pays y participeront. A cet égard, j'appelle votre attention sur la forte représentation des pays africains et du Moyen-Orient.
Elle est je crois tout à fait éclairante sur la contribution qu'est en mesure d'apporter la coopération artistique à l'égalité des rapports entre le nord et le sud. Ainsi, ces trois journées de dialogue et de mutualisation d'expériences par définition singulières, relèvent à mes yeux d'un exercice grandeur nature de citoyenneté mondiale, en matière d'art et de culture.
La vocation de cette rencontre est de mener l'investigation la plus fine possible de tout ce que révèlent ces aventures. Bien des questions restent en suspens. Les interrogations qui figurent dans le programme mis à votre disposition ne sont pas de pures formes. Elles vont à n'en pas douter susciter des confrontations, des prises de position parfois contradictoires. C'est en tout cas le vu que je formule. Est-ce un nouveau rapport entre l'art et la société, une nouvelle figure de l'artiste, de ses oeuvres qui se cherchent, si je puis dire, au sein de ces expériences ? Sommes-nous confrontés à l'émergence d'une nouvelle fonction sociale de l'art ? Pour ma part j'en suis intimement convaincu. Dès lors comment, sans les conduire à s'assagir, aider ces aventures à troubler l'ordre des choses ? Comment les soustraire à la précarité sans tarir le goût du risque qui les caractérise ?
Depuis le départ, mon parti pris à toujours été de construire de manière expérimentale des réponses politiques aux questions soulevées par ces initiatives. Elles constituent un cas d'école pour ce qu'il est désormais convenu d'appeler la réforme de l'Etat.
Toutes ces aventures sont engagées et conduites par des collectifs d'artistes, par des citoyens et des acteurs de la vie associative de notre pays. Dès lors il est impensable que l'élaboration d'une politique publique de soutien et d'accompagnement leur échappe, ne serait ce qu'un peu. C'est au fond la raison d'être de cette rencontre que de conforter la démarche.
Permettez-moi d'ajouter que cet objectif prend un relief particulier, qui ne vous aura pas échappé, au regard de l'actualité du débat autour de la culture. Mon sentiment est qu'il ne suffit pas d'opposer le front uni de l'indignation à la chronique d'une mort annoncée. Le plus intolérable en définitive, serait que le désir d'art de la société, les attentes et les initiatives citoyennes qu'il suscite, ne trouvent à se mettre sous la dent que les réponses du marché, dont chacun mesure la part d'archaïsme et les limites.
Pour ma part, je ne me résous pas à cette éventualité. C'est le sens des mesures que je prends en faveur des espaces intermédiaires. Elles sont de nature à moderniser et renforcer l'espace public de la culture, en se mettant au diapason de ce qu'exprime la société. Si telle n'était pas l'ambition, la démarche engagée serait dépourvue de sens.
Qui plus est, nous sommes à la croisée des chemins en matière de politique culturelle. Je pense que cette rencontre internationale va révéler quelque chose de capital à mes yeux : pourquoi ne pas chercher du côté de l'art et de la culture les réponses aux questions les plus vives posées à notre société et au monde ? Cela implique d'en finir une bonne fois pour toutes avec la fâcheuse manie de l'approche sectorielle de ce champ. Je ne doute pas une seconde que les participants à cette rencontre s'y emploieront, chacun à sa manière. C'est pour ma part ce que je me suis efforcé de faire en donnant à ce dossier une dimension interministérielle.
A ce titre, la rencontre est à l'image du dossier lui-même, le fruit d'une construction commune à laquelle ont pris part les ministères des Affaires Etrangères, de la Ville, de l'Emploi, de l'Equipement et des Transports, de l'Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports, de l'Economie Solidaire et du Tourisme.
Je tiens à saluer l'implication de la ville de Marseille, du Conseil Général des Bouches-du-Rhône et du Conseil Régional Provence-Alpes-Côtes d'Azur.
Dans cette construction, le rôle de l'AFAA et de la Friche la Belle de Mai est bien sûr essentiel. La mobilisation de l'équipe d'Olivier Poivre d'Arvor aux côtés de celle de la Friche et de celle du ministère, doit nous permettre d'assurer le plus grand retentissement à cet événement.
Pour finir, permettez-moi de remercier les associations Alissart, AutreParts, Fanfare, Hors les Murs, TransEuropHalles.
Leur mobilisation est pour moi un exemple d'une nouvelle approche de la construction d'une politique culturelle.
Merci de l'attention que vous m'avez portée.
Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 17 janvier 2002)