Texte intégral
J.-P. Elkabbach -
Pour obtenir les 500 signatures de maires, vous avez crié à la victime, au martyr. En fait, il n'y a jamais eu de complot, sinon dans votre imagination, dans votre tactique ?
- "C'est faux, il y a eu un complot du RPR très évident pour essayer de m'empêcher d'être candidat. Il y a vingt preuves de cela, en particulier la déclaration qu'avait fait Chirac il y a six mois : "Le Pen n'aura pas ses signatures". Immédiatement d'ailleurs, cela avait été réorchestré au Palais Bourbon par ses bras droits, qui avaient expliqué qu'on éplucherait les noms des maires qui avaient signé, ce qui était une menace de sanction contre eux."
Vous savez qu'il y a différentes déclarations complètement opposées à ce que vous dites et que la droite n'a pas voulu s'en mêler. Elle l'a répété à plusieurs reprises, en disant que ce n'était pas son problème...
- "Simplement, les quatre personnalités qui auraient pu en quelque sorte sortir les maires de leur pseudo grève, c'était quatre hautes personnalités RPR : le président de la République, le président du Sénat, le président du Conseil constitutionnel, le président de l'Association des maires."
Mais enfin, vous êtes là, vous êtes dans la bataille...
- "Je suis là avec beaucoup de difficultés et beaucoup d'efforts."
Vous allez vivre votre rêve ultime : être une nouvelle fois candidat à l'Elysée ?
- "Non, je ne rêve pas, moi. J'agis."
Il paraît que vous avez appelé les maires l'un après l'autre. Est-ce que je peux vous demander combien la chasse aux parrains vous a coûté ?
- "Cela a coûté cher, parce qu'il a fallu mettre sur le terrain des gens, depuis déjà des mois, pour essayer d'avoir les promesses de signature et, au moment où j'allais faire exécuter ces promesses, dans l'euphorie en quelque sorte, puisque j'avais le nombre suffisant, pratiquement plus de la moitié d'entre eux ont refusé d'exécuter la dette d'honneur qu'ils avaient, ceci parce qu'ils ont été l'objet de pressions extrêmement directes qui les ont forcés à se retirer - forcés, parce qu'ils n'étaient pas courageux."
Je passe à une chose beaucoup plus importante : l'attaque à Naplouse et à Bethléem continue. Les opérations militaires dans les villes palestiniennes sont en cours. Est-ce que vous donnez raison ou tort à la stratégie d'A. Sharon ?
- "Je ne voudrais pas porter de jugement sur une affaire aussi complexe. Je suis un leader nationaliste français. Par conséquent, je m'intéresse d'abord et avant tout à la politique de la France, surtout en campagne électorale présidentielle. Mais je ne peux pas ne pas être bouleversé et attristé par le fait que les lieux saints - lieux saints d'abord de la religion chrétienne, mais aussi les lieux saints des trois religions - soient le centre d'un maesltröm de violence. Je me demande même si cela ne pourrait pas apparaître comme une annonce apocalyptique."
Mais vous ne répondez pas à la question : est-ce qu'il y avait une autre voie pour Sharon et, d'autre part, est-ce que vous estimez que Y. Arafat est dans son rôle ou qu'il reste le dernier maître du terrorisme et des attentats-suicidaires des kamikazes ?
- "Un Etat qui se trouve confronté au terrorisme qui vise sa population civile est obligé de riposter, cela ne fait aucun doute. Nous nous sommes trouvés dans cette situation quand nous étions en Algérie, à Alger en particulier, pendant la bataille d'Alger, où le FLN avait lancé une offensive terroriste contre les populations civiles et où la 10ème Division de parachutistes - mais avec beaucoup moins de casses que maintenant - avait éradiqué les réseaux terroristes."
Donc, vous lui donnez raison ?
- "Je donne raison. Vous savez, dans la guerre, les Palestiniens et les juifs veulent deux choses différentes. Les Israéliens veulent - enfin beaucoup d'entre eux - la totalité d'Israël, et les Palestiniens la totalité de la Palestine. Malheureusement, les deux espaces se recouvrent. Il y a là probablement l'occasion d'un conflit durable que ne pourrait résoudre que l'accord bilatéral entre Israéliens et Palestiniens."
En France, il y a des conséquences qui sont assez inquiétantes. Vous avez vu, samedi, dans plusieurs villes, le drapeau palestinien. Hier dimanche, dans des cortèges de manifestations différentes, aussi le drapeau israélien. Est-ce qu'il y a un danger que l'antisémitisme progresse en France ?
- "Ce serait plutôt "l'antijudaïsme", si je puis dire, c'est-à-dire une hostilité directement dérivée des événements du Proche-Orient. Mais évidemment, il y a là une possibilité d'explosion, compte tenu de la montée des solidarités sentimentales, voire passionnelles, et de la présence d'une très forte minorité immigrée souvent d'origine étrangère."
Minorité ?
- "Une très forte minorité, oui. Ils sont quelques millions quand même. Près de huit millions."
Est-ce qu'il y a des dangers de dérives communautaires, que tous les politiques dénoncent d'ailleurs ?
- "Ils les dénoncent, mais ils n'ont jamais rien fait pour empêcher qu'elles se construisent."
Vous n'avez pas peur qu'on dise, là, qu'il s'agit de deux formes de racisme contradictoires, qui sont jugées par quelqu'un qui a la réputation d'être un raciste ?
- "C'est une réputation qu'on m'a fabriquée et certains qui l'avaient fabriquée se rendent compte qu'ils l'ont fait à tort et probablement contre leurs propres intérêts. J'ai démontré par ma vie, depuis quarante ans, dans la politique, que je n'étais pas raciste. On n'a jamais trouvé aucune preuve que je le sois."
Dans la campagne, ces derniers jours, vous avez dit que vous vouliez réhabiliter la devise de Vichy : "Travail, Famille, Patrie".
- "Je n'ai pas du tout dit cela. J'ai dit : Vichy avait choisi la devise de Saint-Eloi, "Travail, Famille, Patrie", et que depuis, par une dérive de la lutte contre Vichy, on a diabolisé ces notions qui sont des notions fondamentales de la vie, et qui s'accommodent et soutiennent très bien "Liberté, Egalité, Fraternité"."
Donc, vous confirmez, comme vous confirmez avoir dit : "La devise de Pétain n'est pas incompatible avec la République" ?
- "Je n'ai pas dit cela, vous interprétez. J'ai dit exactement ce que j'ai dit, à savoir : c'est parce que Vichy avait choisi la devise de Saint-Eloi que l'on a cru devoir ou pouvoir diaboliser des concepts - qui sont fondamentaux - de la vie et sans lesquels il n'y a pas de solidarité nationale possible."
Vous vous souvenez quand même que c'est sous Vichy qu'ont eu lieu des lois antijuives, de discriminations et de crimes qui en ont découlé ?
- "D'accord, mais ce n'est pas le problème. On ne peut pas toujours revenir à ce problème-là. Le problème qui est posé, c'est celui des valeurs que l'on a bafouées, qui sont la famille, le travail, la patrie."
Hier, B. Mégret vous appelait sur TF1 : "Jean-Marie Jospin".
- "C'est un petit sous-marin de poche, c'est même le seul bâtiment que Chirac ait réussi à lancer pendant son septennat. Je demande d'ailleurs à monsieur Mégret et à un journaliste compte [sic] de leur affirmation selon laquelle c'est le Parti socialiste qui m'aurait aidé à avoir des signatures. C'est totalement faux, bien sûr."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 avril 2002)