Texte intégral
Discours d'ouverture :
L'Europe de la Défense est l'une de nos priorités au cours de la présidence française de l'Europe qui commence. Depuis 18 mois, nous n'avons pas eu beaucoup d'autres préoccupations que de soutenir le rythme rapide et intense du développement de la politique européenne de sécurité et de défense. Nous avons souvent dû nous concentrer sur l'immédiat, sur des différences d'appréciations, sur les modalités ou sur la mise en uvre de nos objectifs. Ces différences sont pourtant de moindre importance par rapport à notre communauté de pensée en matière de sécurité et de défense.
On sait d'instinct ce qu'est la défense contre un ennemi, mais la culture de sécurité et de défense est une notion qui se laisse plus difficilement cerner. Est-ce d'abord la perception de la défense, la conscience de la menace, l'évaluation de ces menaces ? Est-ce un ensemble de connaissances, de capacités techniques et d'information sur la défense ? Est-ce aussi une culture collective, une sensibilité démocratique à la défense, ce qu'en France nous appelons un esprit de défense ? Ainsi, comment faire le tour d'une culture européenne de défense et de sécurité ?
Définir progressivement une culture de défense commune, c'est peut-être d'abord partir de l'adhésion de nos peuples, aux valeurs et aux intérêts que l'Europe doit défendre. Les Européens partagent de nombreux intérêts économiques, sociaux et de sécurité quotidienne. Ils partagent l'aspiration à une union de démocraties stables dans un environnement stable.
C'est d'abord cet attachement aux valeurs de démocratie et de paix qui a animé la construction européenne depuis ses débuts. C'est elle qui peut fournir le socle de notre culture de défense et de sécurité. Mais cette appréciation de défense et de sécurité, c'est aussi partager les conceptions convergentes de la menace et des moyens d'y faire face. Dans ces domaines aussi l'Union européenne s'approche de préoccupations déjà spécifiques.
Ainsi, l'ONU doit garder le premier rôle en matière de recours à la force et son mandat est nécessaire. Cette prééminence de l'organisation mondiale permet le soutien de l'ensemble des contributeurs à une coalition et accroît la marge stratégique, la marge de manuvre pendant une opération. C'est ainsi, nous l'avons vérifié, que le travail dans le forum de l'ONU a facilité l'association de la Russie à la gestion de la crise au Kosovo. Mais cette fidélité au principe de la charte ne signifie pas que nous, Européens, renoncions à améliorer l'ONU, puisque, au contraire, dans l'expérience et dans les engagements que nous avons acceptés, nous avons pu expérimenter les imperfections du système.
Les crises actuelles mettent également en jeu des intérêts directs pour les Européens. La proximité de l'instabilité sur notre propre continent comporte des risques concrets de débordement des conflits, avec les conséquences politiques, sécuritaires et économiques qui en résultent. La stabilité régionale est donc aussi un enjeu dans le processus d'intégration européenne. Les développements inter-union dans les domaines politiques et de défense sont étroitement liés.
Face à ces crises, nous insistons sur la relation entre le recours à la force et les autres éléments d'une politique. Le militaire reste subordonné à la définition préalable d'une stratégie politique claire et, durant l'action militaire, cette perspective à long terme doit être dirigée par un contrôle politique sérieux.
L'Union européenne développera une pratique marquée par sa vision spécifique des enjeux de sécurité qui la concernent et, dans ce sens, la concertation régulière entre Européens sur les situations de crise potentielle, sur des enjeux stratégiques et les exercices communs sera particulièrement précieuse.
Le rapprochement des hommes au sein de l'espace européen doit figurer parmi nos priorités. L'importance de l'expérience du terrain en commun est décisive, de même que l'habitude d'opérer au sein de forces multinationales européennes. Ces forces ont le mérite de faire travailler les Européens entre eux et, par la suite, de leur donner une certaine confiance dans leur savoir-faire, dans leur capacité de se constituer un savoir faire commun. Le nombre de ces unités s'est accru ces dernières années : elles vont bientôt couvrir toute la gamme des activités opérationnelles. Au sein des organes provisoires de la PESD (l'organe militaire intérimaire, le noyau d'état-major de l'Union européenne, le COPS) est aussi en train de se former une ensemble d'habitudes de travail en commun.
Les traditions historiques n'ont pas façonné les mêmes cultures de défense dans les quinze pays de l'Union européenne. Nous n'avons pas tous la même sensibilité aux problèmes des conflits. Ces nuances se reflètent auprès des responsables civils et militaires comme dans les opinions publiques. C'est pourquoi la création d'un collège de la sécurité européenne paraît donc utile pour développer des éléments de formation européenne commune des responsables civils et militaires des Quinze. L'Allemagne et la France sont convenues, lors du dernier sommet, de préparer des propositions concrètes pour leurs partenaires de l'Union européenne dans ce sens.
La culture de défense conserve toute leur place aux concepts fondamentaux de nation et d'Etat. Nous excluons toute dimension supranationale dans la construction de l'Europe de la Défense. C'est même l'une des clés des succès que nous avons récemment atteints. Nous sommes en train de bâtir des structures permettant à nos armées d'agir ensemble. Les nations et l'Etat demeure le fondement de nos politiques de défense. Faut-il en conclure que l'Union elle-même serait condamnée à rester seconde en matière de défense ?
Non, car dans le cadre de toute communauté d'hommes et de femmes comme une nation, mais aussi celle plus large d'une civilisation, une culture de défense se fonde sur la conscience d'un passé commun, d'une identité partagée et d'une espérance commune. L'Europe a tout cela. L'Europe pourra donc fonder sa culture de défense commune sur un passé, peut-être profondément inscrit dans nos mémoires autant que dans celle de beaucoup de nations, mais aussi sur l'espérance commune qui forme le soubassement politique de notre union politique. Elaborer cette culture de défense européenne facilite le succès de la défense commune.
La maturation de tels éléments de pensée commune ne sera ni rapide, ni dépourvue d'obstacles, mais c'est l'intérêt du séminaire qui nous réunit aujourd'hui, de permettre par une libre réflexion, de discuter et de mettre en évidence pour l'avenir ces éléments de problématique commune. Les tables rondes qui vont se succéder vont aider à dessiner les composantes de cette culture commune entre nos quinze pays.
La réflexion sur l'évaluation des facteurs de crise doit pouvoir fonder une approche préventive et prospective des germes d'instabilité à venir et faciliter une approche suffisamment volontariste de l'Union quant au moyen de stabiliser durablement les régions troublées de l'Europe.
La réflexion sur la définition des capacités européennes doit prendre acte de la gamme d'instruments humanitaires et diplomatiques dont l'Union dispose déjà et faciliter la synergie avec l'outil militaire émergent que nous sommes en train de constituer. Ce sera la valeur ajoutée indiscutable de l'Union pour répondre à la gestion des crises.
Avec quels moyens élaborer cette ambition ? Nous débattrons des enjeux technologiques de l'Europe ? Les industries européennes d'armement se sont profondément rénovées. Elles n'atteindront leur potentiel que si les gouvernements européens décident d'impulser leur recherche et d'acquérir leurs équipements de manière harmonisée, en pensant aux évolutions futures.
La dernière table ronde permettra aux directeurs politiques d'échanger sur les objectifs mêmes de l'Europe de la Défense et ceci nous permettra de prendre toute la mesure de notre responsabilité à venir.
(Source : http://www.defense.gouv.fr, le 12 juillet 2000).
Discours de clôture :
Je voudrais vous témoigner à tous notre très sincère gratitude pour l'engagement et l'intérêt que vous avez apportés, les uns et les autres, à ce travail de réflexion générale, qui apporte à notre équipe de la présidence française, une substance particulièrement riche.
Un des points forts de cet après-midi est la constatation que nous allons vite et que nous devons travailler, en même temps, dans la durée. Nous allons donc essayer de nous inspirer de cette approche pour faciliter la résolution des problèmes qui sont inscrits dans notre agenda du semestre. En même temps, nous allons essayer de faciliter la préparation des travaux à plus long terme, car les échéances de novembre-décembre, qui sont un premier pas très important dans la constitution de capacités durables, nécessiteront un perfectionnement constant. Il devra y avoir un travail par aller et retour afin d'améliorer la crédibilité, l'efficacité et l'interopérabilité de toutes les capacités que nous allons mettre ensemble. Je crois d'ailleurs, qu'un exercice de réflexion plus libre, sans sanction, sans décision à prendre, comme celui d'aujourd'hui, mérite d'être renouvelé sous des formes à choisir par les uns et par les autres. Car, en même temps que nous allons vite et que nous travaillons méthodiquement dans un agenda déterminé, nous devons pouvoir ouvrir des perspectives et réfléchir à plus long terme.
Les leçons très simples que nous pouvons aujourd'hui tirer de cet ensemble d'échanges sont : la volonté de cohérence dans le développement de notre travail, la perception que nous sommes dans un engagement à long terme et qu'il faut, progressivement, fixer des perspectives durables et dégager, peut-être de façon informelle durant les premières phases, une véritable doctrine d'emploi des capacités européennes de défense. Cependant, nous ne souhaitons pas engager de démarches formelles, parce qu'il existe une dynamique à l'uvre, un " momentum ", qui doit produire ses propres résultats. Toutefois, nous sentons bien que, petit à petit, le travail que nous développons a besoin de se situer dans une logique globale.
Un autre point qui ressort très fortement aujourd'hui, c'est la volonté de travailler vraiment à quinze, de tenir compte de la diversité des approches, qui sont mutuellement enrichissantes, tout en travaillant en référence à l'Union européenne. Cela n'empêche pas que nous ayons des regroupements spécifiques volontaires pour un certain nombre de réalisations. Ces démarches de coopérations renforcées doivent avoir comme finalité de faciliter des expériences d'harmonisation - c'est par exemple le sens que l'on peut donner à notre travail axé sur la L.o.I - ou bien d'apporter des ressources supplémentaires, comme cela a été le cas historiquement avec l'Eurocorps ou comme nous pouvons l'imaginer avec les propositions franco-néerlandaises sur les capacités navales. Ainsi, les concours multinationaux volontaires doivent avoir pour objectifs d'enrichir et de faciliter la démarche globale à quinze.
Je voudrais souligner aussi notre capacité à constituer un cadre complet d'action internationale et de sécurité. Aujourd'hui, nous avons été capables de réaliser de véritables convergences sur notre analyse de l'environnement stratégique, sur notre démarche de constitution de forces et de capacités, et sur notre ambition en matière d'armement, aussi bien avec le renforcement de notre base industrielle qu'avec la réalisation, dans les actes, d'actions d'acquisition et d'équipement en commun. J'insisterai dans ce sens avec la nécessaire ambition, que nous devons avoir, en matière de recherche et d'innovation dans le domaine des techniques et des équipements militaires, parce que, me semble-t-il, l'identité et l'originalité européenne est d'être un lieu d'invention, un lieu d'innovation et de progrès.
Enfin, le dernier point que je voudrais souligner, pour m'en féliciter, est l'ambiance de convergence entre l'aile diplomatique et politique de notre construction et l'aile militaire. C'est le résultat d'un compromis, et je dirai même d'un marchandage. Nous sommes arrivés progressivement dans les traités successifs à constituer une politique étrangère et de sécurité commune, parce qu'il y avait des enjeux communs. Nous savons bien que dans l'histoire européenne, il n'a pas toujours été facile de faire travailler, de façon harmonisée et convergente, le secteur diplomatique et le secteur militaire. Le travail, que nous sommes en train de réaliser depuis deux ans démontre que cette volonté de travailler en synergie est en progrès. Il est essentiel pour les autorités politiques, au moment où elles peuvent avoir à prendre des décisions engageant notre crédibilité commune et comportant des risques pour nos hommes et nos nations, d'être assurées de cette capacité de travail en synthèse.
Pour conclure, vous n'avez pas oublié de mentionner la relation avec le citoyen. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes dans la période où les citoyens de nos pays ont moins de disponibilité, ou moins d'écoute, pour un projet permettant à l'Europe d'acquérir sa véritable dimension dans la régulation et l'équilibrage des relations internationales et de sécurité. Nos concitoyens attendent de nous une prise en compte loyale, mais aussi lucide, du niveau d'engagement qu'ils acceptent et des valeurs, au service desquelles ils pensent que nous devons agir. Je crois, qu'en retour, nous leur devons des réalisations, qui permettront à l'Europe d'être de plus en plus crédible et de plus en plus respectée dans les enjeux de sécurité qui l'intéressent. C'est une des chances que nous avons, qui constitue une opportunité, et que nous devons saisir.
(Source : http://www.defense.gouv.fr, le 12 juillet 2000).
L'Europe de la Défense est l'une de nos priorités au cours de la présidence française de l'Europe qui commence. Depuis 18 mois, nous n'avons pas eu beaucoup d'autres préoccupations que de soutenir le rythme rapide et intense du développement de la politique européenne de sécurité et de défense. Nous avons souvent dû nous concentrer sur l'immédiat, sur des différences d'appréciations, sur les modalités ou sur la mise en uvre de nos objectifs. Ces différences sont pourtant de moindre importance par rapport à notre communauté de pensée en matière de sécurité et de défense.
On sait d'instinct ce qu'est la défense contre un ennemi, mais la culture de sécurité et de défense est une notion qui se laisse plus difficilement cerner. Est-ce d'abord la perception de la défense, la conscience de la menace, l'évaluation de ces menaces ? Est-ce un ensemble de connaissances, de capacités techniques et d'information sur la défense ? Est-ce aussi une culture collective, une sensibilité démocratique à la défense, ce qu'en France nous appelons un esprit de défense ? Ainsi, comment faire le tour d'une culture européenne de défense et de sécurité ?
Définir progressivement une culture de défense commune, c'est peut-être d'abord partir de l'adhésion de nos peuples, aux valeurs et aux intérêts que l'Europe doit défendre. Les Européens partagent de nombreux intérêts économiques, sociaux et de sécurité quotidienne. Ils partagent l'aspiration à une union de démocraties stables dans un environnement stable.
C'est d'abord cet attachement aux valeurs de démocratie et de paix qui a animé la construction européenne depuis ses débuts. C'est elle qui peut fournir le socle de notre culture de défense et de sécurité. Mais cette appréciation de défense et de sécurité, c'est aussi partager les conceptions convergentes de la menace et des moyens d'y faire face. Dans ces domaines aussi l'Union européenne s'approche de préoccupations déjà spécifiques.
Ainsi, l'ONU doit garder le premier rôle en matière de recours à la force et son mandat est nécessaire. Cette prééminence de l'organisation mondiale permet le soutien de l'ensemble des contributeurs à une coalition et accroît la marge stratégique, la marge de manuvre pendant une opération. C'est ainsi, nous l'avons vérifié, que le travail dans le forum de l'ONU a facilité l'association de la Russie à la gestion de la crise au Kosovo. Mais cette fidélité au principe de la charte ne signifie pas que nous, Européens, renoncions à améliorer l'ONU, puisque, au contraire, dans l'expérience et dans les engagements que nous avons acceptés, nous avons pu expérimenter les imperfections du système.
Les crises actuelles mettent également en jeu des intérêts directs pour les Européens. La proximité de l'instabilité sur notre propre continent comporte des risques concrets de débordement des conflits, avec les conséquences politiques, sécuritaires et économiques qui en résultent. La stabilité régionale est donc aussi un enjeu dans le processus d'intégration européenne. Les développements inter-union dans les domaines politiques et de défense sont étroitement liés.
Face à ces crises, nous insistons sur la relation entre le recours à la force et les autres éléments d'une politique. Le militaire reste subordonné à la définition préalable d'une stratégie politique claire et, durant l'action militaire, cette perspective à long terme doit être dirigée par un contrôle politique sérieux.
L'Union européenne développera une pratique marquée par sa vision spécifique des enjeux de sécurité qui la concernent et, dans ce sens, la concertation régulière entre Européens sur les situations de crise potentielle, sur des enjeux stratégiques et les exercices communs sera particulièrement précieuse.
Le rapprochement des hommes au sein de l'espace européen doit figurer parmi nos priorités. L'importance de l'expérience du terrain en commun est décisive, de même que l'habitude d'opérer au sein de forces multinationales européennes. Ces forces ont le mérite de faire travailler les Européens entre eux et, par la suite, de leur donner une certaine confiance dans leur savoir-faire, dans leur capacité de se constituer un savoir faire commun. Le nombre de ces unités s'est accru ces dernières années : elles vont bientôt couvrir toute la gamme des activités opérationnelles. Au sein des organes provisoires de la PESD (l'organe militaire intérimaire, le noyau d'état-major de l'Union européenne, le COPS) est aussi en train de se former une ensemble d'habitudes de travail en commun.
Les traditions historiques n'ont pas façonné les mêmes cultures de défense dans les quinze pays de l'Union européenne. Nous n'avons pas tous la même sensibilité aux problèmes des conflits. Ces nuances se reflètent auprès des responsables civils et militaires comme dans les opinions publiques. C'est pourquoi la création d'un collège de la sécurité européenne paraît donc utile pour développer des éléments de formation européenne commune des responsables civils et militaires des Quinze. L'Allemagne et la France sont convenues, lors du dernier sommet, de préparer des propositions concrètes pour leurs partenaires de l'Union européenne dans ce sens.
La culture de défense conserve toute leur place aux concepts fondamentaux de nation et d'Etat. Nous excluons toute dimension supranationale dans la construction de l'Europe de la Défense. C'est même l'une des clés des succès que nous avons récemment atteints. Nous sommes en train de bâtir des structures permettant à nos armées d'agir ensemble. Les nations et l'Etat demeure le fondement de nos politiques de défense. Faut-il en conclure que l'Union elle-même serait condamnée à rester seconde en matière de défense ?
Non, car dans le cadre de toute communauté d'hommes et de femmes comme une nation, mais aussi celle plus large d'une civilisation, une culture de défense se fonde sur la conscience d'un passé commun, d'une identité partagée et d'une espérance commune. L'Europe a tout cela. L'Europe pourra donc fonder sa culture de défense commune sur un passé, peut-être profondément inscrit dans nos mémoires autant que dans celle de beaucoup de nations, mais aussi sur l'espérance commune qui forme le soubassement politique de notre union politique. Elaborer cette culture de défense européenne facilite le succès de la défense commune.
La maturation de tels éléments de pensée commune ne sera ni rapide, ni dépourvue d'obstacles, mais c'est l'intérêt du séminaire qui nous réunit aujourd'hui, de permettre par une libre réflexion, de discuter et de mettre en évidence pour l'avenir ces éléments de problématique commune. Les tables rondes qui vont se succéder vont aider à dessiner les composantes de cette culture commune entre nos quinze pays.
La réflexion sur l'évaluation des facteurs de crise doit pouvoir fonder une approche préventive et prospective des germes d'instabilité à venir et faciliter une approche suffisamment volontariste de l'Union quant au moyen de stabiliser durablement les régions troublées de l'Europe.
La réflexion sur la définition des capacités européennes doit prendre acte de la gamme d'instruments humanitaires et diplomatiques dont l'Union dispose déjà et faciliter la synergie avec l'outil militaire émergent que nous sommes en train de constituer. Ce sera la valeur ajoutée indiscutable de l'Union pour répondre à la gestion des crises.
Avec quels moyens élaborer cette ambition ? Nous débattrons des enjeux technologiques de l'Europe ? Les industries européennes d'armement se sont profondément rénovées. Elles n'atteindront leur potentiel que si les gouvernements européens décident d'impulser leur recherche et d'acquérir leurs équipements de manière harmonisée, en pensant aux évolutions futures.
La dernière table ronde permettra aux directeurs politiques d'échanger sur les objectifs mêmes de l'Europe de la Défense et ceci nous permettra de prendre toute la mesure de notre responsabilité à venir.
(Source : http://www.defense.gouv.fr, le 12 juillet 2000).
Discours de clôture :
Je voudrais vous témoigner à tous notre très sincère gratitude pour l'engagement et l'intérêt que vous avez apportés, les uns et les autres, à ce travail de réflexion générale, qui apporte à notre équipe de la présidence française, une substance particulièrement riche.
Un des points forts de cet après-midi est la constatation que nous allons vite et que nous devons travailler, en même temps, dans la durée. Nous allons donc essayer de nous inspirer de cette approche pour faciliter la résolution des problèmes qui sont inscrits dans notre agenda du semestre. En même temps, nous allons essayer de faciliter la préparation des travaux à plus long terme, car les échéances de novembre-décembre, qui sont un premier pas très important dans la constitution de capacités durables, nécessiteront un perfectionnement constant. Il devra y avoir un travail par aller et retour afin d'améliorer la crédibilité, l'efficacité et l'interopérabilité de toutes les capacités que nous allons mettre ensemble. Je crois d'ailleurs, qu'un exercice de réflexion plus libre, sans sanction, sans décision à prendre, comme celui d'aujourd'hui, mérite d'être renouvelé sous des formes à choisir par les uns et par les autres. Car, en même temps que nous allons vite et que nous travaillons méthodiquement dans un agenda déterminé, nous devons pouvoir ouvrir des perspectives et réfléchir à plus long terme.
Les leçons très simples que nous pouvons aujourd'hui tirer de cet ensemble d'échanges sont : la volonté de cohérence dans le développement de notre travail, la perception que nous sommes dans un engagement à long terme et qu'il faut, progressivement, fixer des perspectives durables et dégager, peut-être de façon informelle durant les premières phases, une véritable doctrine d'emploi des capacités européennes de défense. Cependant, nous ne souhaitons pas engager de démarches formelles, parce qu'il existe une dynamique à l'uvre, un " momentum ", qui doit produire ses propres résultats. Toutefois, nous sentons bien que, petit à petit, le travail que nous développons a besoin de se situer dans une logique globale.
Un autre point qui ressort très fortement aujourd'hui, c'est la volonté de travailler vraiment à quinze, de tenir compte de la diversité des approches, qui sont mutuellement enrichissantes, tout en travaillant en référence à l'Union européenne. Cela n'empêche pas que nous ayons des regroupements spécifiques volontaires pour un certain nombre de réalisations. Ces démarches de coopérations renforcées doivent avoir comme finalité de faciliter des expériences d'harmonisation - c'est par exemple le sens que l'on peut donner à notre travail axé sur la L.o.I - ou bien d'apporter des ressources supplémentaires, comme cela a été le cas historiquement avec l'Eurocorps ou comme nous pouvons l'imaginer avec les propositions franco-néerlandaises sur les capacités navales. Ainsi, les concours multinationaux volontaires doivent avoir pour objectifs d'enrichir et de faciliter la démarche globale à quinze.
Je voudrais souligner aussi notre capacité à constituer un cadre complet d'action internationale et de sécurité. Aujourd'hui, nous avons été capables de réaliser de véritables convergences sur notre analyse de l'environnement stratégique, sur notre démarche de constitution de forces et de capacités, et sur notre ambition en matière d'armement, aussi bien avec le renforcement de notre base industrielle qu'avec la réalisation, dans les actes, d'actions d'acquisition et d'équipement en commun. J'insisterai dans ce sens avec la nécessaire ambition, que nous devons avoir, en matière de recherche et d'innovation dans le domaine des techniques et des équipements militaires, parce que, me semble-t-il, l'identité et l'originalité européenne est d'être un lieu d'invention, un lieu d'innovation et de progrès.
Enfin, le dernier point que je voudrais souligner, pour m'en féliciter, est l'ambiance de convergence entre l'aile diplomatique et politique de notre construction et l'aile militaire. C'est le résultat d'un compromis, et je dirai même d'un marchandage. Nous sommes arrivés progressivement dans les traités successifs à constituer une politique étrangère et de sécurité commune, parce qu'il y avait des enjeux communs. Nous savons bien que dans l'histoire européenne, il n'a pas toujours été facile de faire travailler, de façon harmonisée et convergente, le secteur diplomatique et le secteur militaire. Le travail, que nous sommes en train de réaliser depuis deux ans démontre que cette volonté de travailler en synergie est en progrès. Il est essentiel pour les autorités politiques, au moment où elles peuvent avoir à prendre des décisions engageant notre crédibilité commune et comportant des risques pour nos hommes et nos nations, d'être assurées de cette capacité de travail en synthèse.
Pour conclure, vous n'avez pas oublié de mentionner la relation avec le citoyen. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes dans la période où les citoyens de nos pays ont moins de disponibilité, ou moins d'écoute, pour un projet permettant à l'Europe d'acquérir sa véritable dimension dans la régulation et l'équilibrage des relations internationales et de sécurité. Nos concitoyens attendent de nous une prise en compte loyale, mais aussi lucide, du niveau d'engagement qu'ils acceptent et des valeurs, au service desquelles ils pensent que nous devons agir. Je crois, qu'en retour, nous leur devons des réalisations, qui permettront à l'Europe d'être de plus en plus crédible et de plus en plus respectée dans les enjeux de sécurité qui l'intéressent. C'est une des chances que nous avons, qui constitue une opportunité, et que nous devons saisir.
(Source : http://www.defense.gouv.fr, le 12 juillet 2000).