Article de M. Noël Mamère, candidat des Verts à l'élection présidentielle, en réponse à des questions posées par "Les Echos" du 25 janvier 2002, sur la position des Verts en matière de traitement des déchets, intitulé "Que faire des déchets nucléaires ?"

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Texte intégral

Contrairement à ce que prétendent les nucléocrates, l'énergie nucléaire n'est pas propre. En amont, l'extraction du minerai d'uranium et sa concentration pour le rendre combustible produisent un volume de déchets considérable (il faut une tonne de minerai pour extraire un kilo d'uranium). En aval, on trouve tous les produits d'activation et de fission qui mettront plusieurs années avant de se stabiliser : 17 millions d'années pour les plus radioactifs.
Les stocks de déchets nucléaires sont estimés, pour 2020, à 57 000 m3 de déchets de moyenne activité et 5000 m3 de déchets de haute activité. 27 m3 de ces déchets contiennent une radioactivité égale à tout ce qui s'est échappé du réacteur de Tchernobyl. Aucune solution satisfaisante n'a encore été trouvée, pas plus en France qu'ailleurs. Les responsables du nucléaire ont longtemps ignoré la question.
Depuis quelques années, "ils" ont trouvé la solution : l'enfouissement en profondeur, et cherchent à l'imposer à tout prix. Face à cela, les Verts ont adopté la seule position de bon sens, une position qui commence à être entendue : le refus de tout enfouissement irréversible, pour permettre le suivi et le traitement ultérieur des déchets par des technologies qui, pour l'instant, ne sont pas au point.
En effet, confrontés au problème des déchets, les hommes du nucléaire parièrent sur le "cycle du combustible". Un dogme de plus. La frontière entre déchet et combustible allait être abolie. Le Phénix allait pouvoir renaître éternellement de ses cendres. On allait faire du combustible avec du déchet ! De là naquit l'aventure du retraitement, de la surrégénération et du Mox (Mixed Oxyde), dont il faut préciser qu'elle avait commencé avec la bombe avant de trouver une issue civile.
La France a en effet choisi de retraiter les combustibles irradiés, à la Hague, où est extrait le plutonium. Avec la disparition des débouchés - commandes militaires et surgénérateurs -, les ingénieurs français se sont repliés sur le Mox, un mélange à 5 % de plutonium dans de l'uranium, utilisé dans les centrales nucléaires classiques. Or le plutonium est non seulement un poison hautement cancérigène pour des millénaires, mais aussi la matière première la mieux adaptée pour construire une bombe atomique. Son extraction du combustible usé le rend plus accessible (à des terroristes, par exemple) que l'uranium hautement enrichi utilisé à cette fin. Après la fermeture de Superphénix, décidée en 1997, après le rapport du commissariat au Plan signé par le Haut Commissaire à l'énergie atomique, démontrant que le retraitement et le Mox coûtent cher, il est temps de sortir de cet engrenage et d'arrêter l'extraction du plutonium.
Que faut-il donc faire des déchets ? En amont, nous proposons une sortie complète du nucléaire en trente ans, un scénario global, réaliste et immédiatement opérationnel :
Les réacteurs d'EDF : 10 d'entre eux ne servent qu'à l'exportation. Une vigoureuse politique de maîtrise de l'énergie permettrait d'en fermer une bonne dizaine. Sans compter que quatre réacteurs ne servent qu'à enrichir l'uranium. Nous proposons donc l'arrêt progressif, à raison de deux tranches par an au moins, après vingt-cinq ans de services au plus, ce qui fixe à 2024 au plus tard l'arrêt total du parc électronucléaire. Cela implique dès maintenant l'arrêt définitif de toute construction de réacteur électronucléaire en France, fût-il expérimental ou prototype.
Les Verts proposent d'abandonner le retraitement et de stocker les combustibles usés en l'état, en subsurface, à proximité des lieux de production, sous surveillance permanente. Des études de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en subsurface devraient être financées et engagées, conformément à la loi.
L'industrie du plutonium sera stoppée et, par conséquent, le centre de La Hague deviendra un centre de stockage intermédiaire et de conditionnement du combustible irradié français.
En ce qui concerne les déchets d'origine étrangère, le combustible non retraité, l'uranium de retraitement et tous les déchets, quel que soit leur niveau de radioactivité, seront retournés vers les clients étrangers selon les termes de la loi du 30 décembre 1991.
(source http://www.noelmamere.eu.org, le 22 mars 2002)