Texte intégral
S. Paoli Faudra-t-il vingt ans aux écologistes pour faire leur nids à droite ? Comment situer ce mouvement "Génération écologie - les Bleus", qui considère que le socialisme a perdu devant l'Histoire et que la droite peine à être passionnante ? Qu'en est-il aujourd'hui du parcours politique de B. Lalonde, ministre dans les gouvernements Rocard et Cresson, entre 1988 et 1992 ? Vous êtes maire de Saint-Briac-sur-Mer, en Ille-et-Vilaine, président de "Génération Ecologie - les bleus", candidat à la présidentielle, et auteur aux Editions de L'Archipel d'un essai intitulé : "L'écologie en bleu". Candidat à nouveau ?
- "Oui, candidat à nouveau. Si tous mes collègues maires l'acceptent, parce que pour l'instant, la collecte des signatures est difficile."
Pourquoi est-ce si difficile ?
- "Les maires, aujourd'hui, se sentent d'abord décalés par rapport à la politique nationale. La plupart sont des maires ruraux, d'une France rurale qui devient de plus en plus urbaine. Et ils ne se sentent pas à l'aise. De plus, leur mandat vient de commencer, et donc tout de suite, dès qu'on est élu, on arrive, il faut signer pour un maire. Ils ont l'impression que c'est un soutien public et donc, ils n'aiment pas ça."
N'est-on pas déjà dans le vrai sujet politique, qui est peut-être celle de la réforme de l'Etat ou du statut de l'élu ? Les maires sont encore, pour beaucoup d'entre eux, des citoyens. Est-ce qu'il n'y a pas là l'illustration de la coupure, peut-être même de la fracture désormais, entre l'espace des citoyens et celui des politiques ?
- "Mais à coup sûr. En plus, les maires ont beaucoup de problèmes, de difficultés. Ils sont en première ligne sur beaucoup de sujets, dont l'environnement d'ailleurs, une rafale de lois leur est tombée dessus, entre la loi de monsieur Chevènement, celle de madame Voynet, celle de monsieur Gayssot, celle de monsieur Vaillant... Les périmètres de la coopération intercommunale ne se recouvrent pas. Ils ont l'impression qu'on va supprimer autoritairement des communes. Ils ont l'impression que l'Etat est très autoritaire, qu'on les laisse un peu tomber. Et donc, ils sont un peu malheureux. C'est vrai. D'ailleurs, je suis maire moi-même d'un petit village, à Saint-Briac, et c'est vrai qu'on ressent le pouvoir grandissant des grandes villes. On a l'impression que cela ne va pas comme il faudrait en France, voilà. Ce malaise-là est perceptible. Mais c'est vrai par ailleurs aussi que le noyau de la politique est urbain de nos jours."
La question que vous posez est politique, mais elle est aussi philosophique. L'écologie, qu'est-ce que c'est ? C'est de la politique ? Est-ce que l'écologie est de gauche, de droite ? Qu'est-ce que c'est, l'écologie ?
- "Bonne question. Pour moi, cela n'a rien à voir avec la gauche et la droite. D'ailleurs, je suis frappé dans cette élection présidentielle, de voir qu'il y a de plus en plus de candidats qui récusent le clivage droite-gauche, tandis que je ne sais combien de Français considèrent qu'on ne voit pas la différence entre Chirac et Jospin."
Elle n'est pas très visible dans les programmes quand même, franchement...
- "Mais non, elle n'est pas très visible et c'est normal. Pourquoi ? Parce que, de plus en plus, l'international commande, et qu'en réalité, l'enjeu de la présidentielle est la modernisation de la France dans l'Europe. C'est ça l'enjeu, voilà. Evidemment, du coup, tout le monde fait semblant que l'Europe n'existe pas, que le Président a tous les pouvoirs. Mais ce n'est pas vrai ! Dans l'environnement, 80 % des lois et directives sont d'essence européenne. Et si je peux juste commencer, je voudrais dire bienvenue à Karzaï, bienvenue monsieur le Président de l'administration intérimaire d'Afghanistan. Bienvenue ! Et honneur au commandant Massoud qui est venu il y a un an, et qu'on n'a pas écouté. Si je le dis, c'est parce que j'ai été touché, hier, de voir le ministre des Affaires étrangères, qui est venu il y a un an et qui avait la larme à l'oeil, parce qu'il est malheureux de la disparition de Massoud. Et si j'en parle, c'est parce que c'est tellement important cette affaire-là. Là aussi, la plupart des candidats font comme si le 11 septembre c'était terminé, fini, simple malencontreuse parenthèse, il n'y a plus de terrorisme, c'est fini..."
Tout le monde avait promis le 12 septembre au matin qu'on changerait l'état du monde, et notamment les rapports entre le Nord et le Sud.
- "Exactement, et c'est terminé, on n'en parle plus. On fait nos petites affaires, comme si de rien n'était. Mais il y a toujours cette intense frustration, ce Moyen-Orient. Il y a toujours la nécessité maintenant pour les Français et pour les Européens d'ouvrir l'oeil, d'avoir de la générosité, vis-à-vis de l'Afrique notamment, de comprendre la frustration du monde arabe et musulman, d'avoir de meilleures relations en France avec le monde musulman. Là aussi, nous avons des difficultés, nous savons qu'il y a des Français qui se sont fait aussi arrêter et qui sont à Guantanamo et qui ont été influencés par des imans venus prêcher la Guerre sainte à Vénissieux ou ailleurs. Nous le savons ça ! Ouvrons les yeux, faisons attention ! Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de ministre d'origine maghrébine en France ?"
Justement, là, on est dans un sujet qui est très intéressant et complexe, qui est la mise en réseau de tout, de l'économie, de la politique, de la culture..
- "Et du pétrole ! Parce qu'on parlait du pétrole..."
Mais est-ce que cela fait un programme ? Alors, Lalonde candidat, mais [avec] quel programme ?
- "Prenons un exemple précis : le pétrole. Nous, Bretons, nous souffrons des marées noires. Il y en a combien de marées noires qui nous arrivent dessus ? Les habitants des villes souffrent de bronchiolites. Et nous avons cette extraordinaire menace qui est en train progressivement de s'installer, qui est le dérèglement climatique. J'ai souffert dans ma commune de deux tempêtes absolument extraordinaires, celle de 1987, celle de 1999, il n'y avait plus un arbre ! Et ensuite, des sommes considérables pour tout nettoyer, réparer les toits etc. Nous avons eu des tempêtes en Ecosse, récemment au Danemark. Attention, la prochaine va venir ! Nous avons des inondations. Je ne comprends pas pourquoi la plupart des politiques ne mettent pas en avant cette menace, qui est numéro 1. Qui est responsable du dérèglement du climat ? Les scientifiques nous disent : "Chaque fois que vous brûlez du pétrole, chaque fois que vous brûlez du charbon et du gaz naturel, vous envoyez un double-vitrage avec des gaz de combustion autour de la planète. Et du coup, vous déréglez le climat". Mais alors, cela veut dire - discussion avec N. Mamère, candidat des Verts. La priorité des priorités, c'est de sortir du pétrole..."
Ce n'est pas le nucléaire ?
- "Ce n'est pas le nucléaire, nom d'un chien ! [Avec] le nucléaire, il y a des problèmes, bien sûr ; évidemment, il y a des déchets, tout ce que voulez. Ce n'est pas parfait, il faudra l'améliorer. Mais la priorité, y compris géopolitique, parce que Ben Laden quand même, c'est l'argent de quoi ? Du pétrole ou du nucléaire ? Du pétrole, bien entendu ! La priorité des priorités pour nos présidents, pour nos hommes politiques, c'est de sortir progressivement l'Europe et la France de la dépendance pétrolière. Il y a maintenant des techniques nouvelles : le gaz de demain, sans doute, le combustible qui sera partout, dans toutes les stations-service, c'est l'hydrogène. Combustion totalement propre, cela ne fait que de l'eau après. Eh bien, il faut s'y mettre à l'hydrogène ! La société de l'hydrogène, voilà un élément du programme différent, mais personne n'en parle. Et pourtant, les Français ont les pieds dans l'eau, dans la Somme, partout. Ils n'ont qu'une envie, c'est qu'il y ait une prévention des inondations ou des écarts climatiques."
Il faudra alors aussi vous battre contre des lobbies, qui sont eux aussi mondialisés. Quand vous dites après tout "que le libéralisme, c'est bon pour l'écologie", là, l'écologie aurait du pain sur la planche parce que le libéralisme, il fait d'abord avec le pétrole.
- "Mais s'il y avait des élections européennes - et un jour il faudra bien qu'il y en ait -, croyez-vous que c'est Chirac ou Jospin qui seraient élus ? Mais pas du tout ! C'est monsieur Blair, T. Blair, voilà. Et c'est T. Blair d'ailleurs, le seul qui, après le 11 septembre, les attentats, a eu les mots qu'il fallait, le courage qu'il fallait, l'engagement qu'il fallait. J'ai été déçu pour mon pays. J'ai été quand même content que Chirac aille à New York. Mais j'ai été déçu ! Pourquoi on était pas là, alors qu'on avait tant d'amitié en Afghanistan ! Pourquoi on n'était pas en première ligne ? Eh bien franchement, T. Blair, que dit -il, il dit : socialisme, libéralisme c'est la même chose. En réalité, ce sont les lumières, c'est le XVIIIème siècle. Le marxisme, ça a été une erreur, le communisme aussi. Retrouvons le tronc commun des lumières ! Evidemment, si vous me dites que la gauche, c'est la solidarité sociale, et la droite, l'efficacité économique, nous avons besoin des deux évidemment. Et le problème, c'est la synthèse. J'y ajoute évidemment le souci de l'écologie et les générations futures. Je plaide contre l'espèce de dérive politicienne de l'écologie, j'en souffre. Ah! Il y a l'écologiste qui a promis ses voix à Jospin, N. Mamère. L'écologie..."
Il a été proche de vous, N. Mamère, pourtant ?
- "Mais bien sûr ! Alors pourquoi est-ce qu'il s'en va, comme ça, dans les fadaises d'extrême gauche ?! Il y a aussi madame Lepage. Elle, elle dit tous les jours : "Je ne suis pas la grenouille verte de Chirac". Alors qui est-elle, bon sang ?! La politique... Nous, écologistes, nous voulions vaincre la politique, nous en servir pour faire triompher l'écologie. Et voici que la politique nous a vaincus, divisés, et nous n'avons maintenant que des valets des partis politiques en place ! Ce n'est pas bien !"
Vous dites que l'écologie n'existe plus ?
- "Je dis qu'elle s'est perdue dans la politique politicienne. Maintenant, quand je vois les Verts... Alors, faisons un peu de polémique : N. Mamère va à Chamonix dire que "le combat des Chamognards contre le retour des camions est juste". Eh oui, il est juste, bien sûr. Le problème des camions... Qui sera le Charles Martel des camions ? De plus en plus de camions, de plus en plus lourds, de plus en plus dangereux... Cela ne va pas, il faudra l'arrêter. Et là-dessus, pendant que N. Mamère dit : "J'arrêterai les camions", monsieur Cochet, ministre de l'Environnement, du même parti dit : "Mais bien sûr, les camions vont revenir". Alors, c'est quoi, cette histoire ? C'est de la politique politicienne. Alors, comme à l'habitude, Chirac, Jospin, Mamère... On a leur bilan, on sait depuis vingt ans ce qu'ils font, bon Dieu ! Et maintenant, on va faire semblant que leur programme sera différent ?"
Même vous, n'échapperez pas à la politique. On va parler des législatives : que faites-vous aux législatives ? Vous invitez à voter pour qui ?
- "Pour "Génération Ecologie", bien sûr !"
Oui, mais à un moment donné, il faudra bien que vous vous rapprochiez de quelqu'un ?
- "Bien sûr. Mais on fera la synthèse. Quel est l'intérêt de dire dès le départ qu'on est dans un camp politique ? Alors, votre allié, votre grand parti, votre grand frère, il n'a que faire de vous, puisque de toute manière, vos voix sont acquises. Il faut mettre en concurrence la droite et la gauche. Il faut être fort, indépendant, avoir son propre programme, et dire : "Voilà, messieurs du second tour, puisqu'on est condamnés à vous avoir, messieurs les énarques, voilà notre programme. Voulez-vous nous dire, s'il vous plaît, ce que vous reprendrez de notre programme. Et nous travaillerons avec celui qui fera la meilleure offre."
"Les bleus", c'est par rapport aux Verts évidemment ?
- "Mais oui. Toutes les autres couleurs étaient prises évidemment. Donc, les bleus, tout simplement, la planète vue de loin elle est bleue, l'air est bleu, l'eau est bleue. Et puis, extraordinaire : la France aussi est bleue et l'Europe aussi est bleue. Et puis, Chevènement, tout ça, la France... C'est quand même une affaire très importante, la France. Moi aussi je m'interroge sur l'identité nationale: comment être français ? Comment exprimer le bonheur d'être français dans un monde qui parle anglais, si compliqué, avec des marchandises de tous les côtés ? Eh bien, l'écologie est un élément de cette identité... Le terroir, l'art de vivre, la gastronomie, tout ce qui fait notre civilisation française, la culture, la langue qui est belle. Tout cela, nous devons le défendre. C'est de l'écologie aussi, on n'a pas besoin d'avoir des adjudants, des instituteurs et du protectionnisme comme avant !"
(Source Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e mars 2002)
- "Oui, candidat à nouveau. Si tous mes collègues maires l'acceptent, parce que pour l'instant, la collecte des signatures est difficile."
Pourquoi est-ce si difficile ?
- "Les maires, aujourd'hui, se sentent d'abord décalés par rapport à la politique nationale. La plupart sont des maires ruraux, d'une France rurale qui devient de plus en plus urbaine. Et ils ne se sentent pas à l'aise. De plus, leur mandat vient de commencer, et donc tout de suite, dès qu'on est élu, on arrive, il faut signer pour un maire. Ils ont l'impression que c'est un soutien public et donc, ils n'aiment pas ça."
N'est-on pas déjà dans le vrai sujet politique, qui est peut-être celle de la réforme de l'Etat ou du statut de l'élu ? Les maires sont encore, pour beaucoup d'entre eux, des citoyens. Est-ce qu'il n'y a pas là l'illustration de la coupure, peut-être même de la fracture désormais, entre l'espace des citoyens et celui des politiques ?
- "Mais à coup sûr. En plus, les maires ont beaucoup de problèmes, de difficultés. Ils sont en première ligne sur beaucoup de sujets, dont l'environnement d'ailleurs, une rafale de lois leur est tombée dessus, entre la loi de monsieur Chevènement, celle de madame Voynet, celle de monsieur Gayssot, celle de monsieur Vaillant... Les périmètres de la coopération intercommunale ne se recouvrent pas. Ils ont l'impression qu'on va supprimer autoritairement des communes. Ils ont l'impression que l'Etat est très autoritaire, qu'on les laisse un peu tomber. Et donc, ils sont un peu malheureux. C'est vrai. D'ailleurs, je suis maire moi-même d'un petit village, à Saint-Briac, et c'est vrai qu'on ressent le pouvoir grandissant des grandes villes. On a l'impression que cela ne va pas comme il faudrait en France, voilà. Ce malaise-là est perceptible. Mais c'est vrai par ailleurs aussi que le noyau de la politique est urbain de nos jours."
La question que vous posez est politique, mais elle est aussi philosophique. L'écologie, qu'est-ce que c'est ? C'est de la politique ? Est-ce que l'écologie est de gauche, de droite ? Qu'est-ce que c'est, l'écologie ?
- "Bonne question. Pour moi, cela n'a rien à voir avec la gauche et la droite. D'ailleurs, je suis frappé dans cette élection présidentielle, de voir qu'il y a de plus en plus de candidats qui récusent le clivage droite-gauche, tandis que je ne sais combien de Français considèrent qu'on ne voit pas la différence entre Chirac et Jospin."
Elle n'est pas très visible dans les programmes quand même, franchement...
- "Mais non, elle n'est pas très visible et c'est normal. Pourquoi ? Parce que, de plus en plus, l'international commande, et qu'en réalité, l'enjeu de la présidentielle est la modernisation de la France dans l'Europe. C'est ça l'enjeu, voilà. Evidemment, du coup, tout le monde fait semblant que l'Europe n'existe pas, que le Président a tous les pouvoirs. Mais ce n'est pas vrai ! Dans l'environnement, 80 % des lois et directives sont d'essence européenne. Et si je peux juste commencer, je voudrais dire bienvenue à Karzaï, bienvenue monsieur le Président de l'administration intérimaire d'Afghanistan. Bienvenue ! Et honneur au commandant Massoud qui est venu il y a un an, et qu'on n'a pas écouté. Si je le dis, c'est parce que j'ai été touché, hier, de voir le ministre des Affaires étrangères, qui est venu il y a un an et qui avait la larme à l'oeil, parce qu'il est malheureux de la disparition de Massoud. Et si j'en parle, c'est parce que c'est tellement important cette affaire-là. Là aussi, la plupart des candidats font comme si le 11 septembre c'était terminé, fini, simple malencontreuse parenthèse, il n'y a plus de terrorisme, c'est fini..."
Tout le monde avait promis le 12 septembre au matin qu'on changerait l'état du monde, et notamment les rapports entre le Nord et le Sud.
- "Exactement, et c'est terminé, on n'en parle plus. On fait nos petites affaires, comme si de rien n'était. Mais il y a toujours cette intense frustration, ce Moyen-Orient. Il y a toujours la nécessité maintenant pour les Français et pour les Européens d'ouvrir l'oeil, d'avoir de la générosité, vis-à-vis de l'Afrique notamment, de comprendre la frustration du monde arabe et musulman, d'avoir de meilleures relations en France avec le monde musulman. Là aussi, nous avons des difficultés, nous savons qu'il y a des Français qui se sont fait aussi arrêter et qui sont à Guantanamo et qui ont été influencés par des imans venus prêcher la Guerre sainte à Vénissieux ou ailleurs. Nous le savons ça ! Ouvrons les yeux, faisons attention ! Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de ministre d'origine maghrébine en France ?"
Justement, là, on est dans un sujet qui est très intéressant et complexe, qui est la mise en réseau de tout, de l'économie, de la politique, de la culture..
- "Et du pétrole ! Parce qu'on parlait du pétrole..."
Mais est-ce que cela fait un programme ? Alors, Lalonde candidat, mais [avec] quel programme ?
- "Prenons un exemple précis : le pétrole. Nous, Bretons, nous souffrons des marées noires. Il y en a combien de marées noires qui nous arrivent dessus ? Les habitants des villes souffrent de bronchiolites. Et nous avons cette extraordinaire menace qui est en train progressivement de s'installer, qui est le dérèglement climatique. J'ai souffert dans ma commune de deux tempêtes absolument extraordinaires, celle de 1987, celle de 1999, il n'y avait plus un arbre ! Et ensuite, des sommes considérables pour tout nettoyer, réparer les toits etc. Nous avons eu des tempêtes en Ecosse, récemment au Danemark. Attention, la prochaine va venir ! Nous avons des inondations. Je ne comprends pas pourquoi la plupart des politiques ne mettent pas en avant cette menace, qui est numéro 1. Qui est responsable du dérèglement du climat ? Les scientifiques nous disent : "Chaque fois que vous brûlez du pétrole, chaque fois que vous brûlez du charbon et du gaz naturel, vous envoyez un double-vitrage avec des gaz de combustion autour de la planète. Et du coup, vous déréglez le climat". Mais alors, cela veut dire - discussion avec N. Mamère, candidat des Verts. La priorité des priorités, c'est de sortir du pétrole..."
Ce n'est pas le nucléaire ?
- "Ce n'est pas le nucléaire, nom d'un chien ! [Avec] le nucléaire, il y a des problèmes, bien sûr ; évidemment, il y a des déchets, tout ce que voulez. Ce n'est pas parfait, il faudra l'améliorer. Mais la priorité, y compris géopolitique, parce que Ben Laden quand même, c'est l'argent de quoi ? Du pétrole ou du nucléaire ? Du pétrole, bien entendu ! La priorité des priorités pour nos présidents, pour nos hommes politiques, c'est de sortir progressivement l'Europe et la France de la dépendance pétrolière. Il y a maintenant des techniques nouvelles : le gaz de demain, sans doute, le combustible qui sera partout, dans toutes les stations-service, c'est l'hydrogène. Combustion totalement propre, cela ne fait que de l'eau après. Eh bien, il faut s'y mettre à l'hydrogène ! La société de l'hydrogène, voilà un élément du programme différent, mais personne n'en parle. Et pourtant, les Français ont les pieds dans l'eau, dans la Somme, partout. Ils n'ont qu'une envie, c'est qu'il y ait une prévention des inondations ou des écarts climatiques."
Il faudra alors aussi vous battre contre des lobbies, qui sont eux aussi mondialisés. Quand vous dites après tout "que le libéralisme, c'est bon pour l'écologie", là, l'écologie aurait du pain sur la planche parce que le libéralisme, il fait d'abord avec le pétrole.
- "Mais s'il y avait des élections européennes - et un jour il faudra bien qu'il y en ait -, croyez-vous que c'est Chirac ou Jospin qui seraient élus ? Mais pas du tout ! C'est monsieur Blair, T. Blair, voilà. Et c'est T. Blair d'ailleurs, le seul qui, après le 11 septembre, les attentats, a eu les mots qu'il fallait, le courage qu'il fallait, l'engagement qu'il fallait. J'ai été déçu pour mon pays. J'ai été quand même content que Chirac aille à New York. Mais j'ai été déçu ! Pourquoi on était pas là, alors qu'on avait tant d'amitié en Afghanistan ! Pourquoi on n'était pas en première ligne ? Eh bien franchement, T. Blair, que dit -il, il dit : socialisme, libéralisme c'est la même chose. En réalité, ce sont les lumières, c'est le XVIIIème siècle. Le marxisme, ça a été une erreur, le communisme aussi. Retrouvons le tronc commun des lumières ! Evidemment, si vous me dites que la gauche, c'est la solidarité sociale, et la droite, l'efficacité économique, nous avons besoin des deux évidemment. Et le problème, c'est la synthèse. J'y ajoute évidemment le souci de l'écologie et les générations futures. Je plaide contre l'espèce de dérive politicienne de l'écologie, j'en souffre. Ah! Il y a l'écologiste qui a promis ses voix à Jospin, N. Mamère. L'écologie..."
Il a été proche de vous, N. Mamère, pourtant ?
- "Mais bien sûr ! Alors pourquoi est-ce qu'il s'en va, comme ça, dans les fadaises d'extrême gauche ?! Il y a aussi madame Lepage. Elle, elle dit tous les jours : "Je ne suis pas la grenouille verte de Chirac". Alors qui est-elle, bon sang ?! La politique... Nous, écologistes, nous voulions vaincre la politique, nous en servir pour faire triompher l'écologie. Et voici que la politique nous a vaincus, divisés, et nous n'avons maintenant que des valets des partis politiques en place ! Ce n'est pas bien !"
Vous dites que l'écologie n'existe plus ?
- "Je dis qu'elle s'est perdue dans la politique politicienne. Maintenant, quand je vois les Verts... Alors, faisons un peu de polémique : N. Mamère va à Chamonix dire que "le combat des Chamognards contre le retour des camions est juste". Eh oui, il est juste, bien sûr. Le problème des camions... Qui sera le Charles Martel des camions ? De plus en plus de camions, de plus en plus lourds, de plus en plus dangereux... Cela ne va pas, il faudra l'arrêter. Et là-dessus, pendant que N. Mamère dit : "J'arrêterai les camions", monsieur Cochet, ministre de l'Environnement, du même parti dit : "Mais bien sûr, les camions vont revenir". Alors, c'est quoi, cette histoire ? C'est de la politique politicienne. Alors, comme à l'habitude, Chirac, Jospin, Mamère... On a leur bilan, on sait depuis vingt ans ce qu'ils font, bon Dieu ! Et maintenant, on va faire semblant que leur programme sera différent ?"
Même vous, n'échapperez pas à la politique. On va parler des législatives : que faites-vous aux législatives ? Vous invitez à voter pour qui ?
- "Pour "Génération Ecologie", bien sûr !"
Oui, mais à un moment donné, il faudra bien que vous vous rapprochiez de quelqu'un ?
- "Bien sûr. Mais on fera la synthèse. Quel est l'intérêt de dire dès le départ qu'on est dans un camp politique ? Alors, votre allié, votre grand parti, votre grand frère, il n'a que faire de vous, puisque de toute manière, vos voix sont acquises. Il faut mettre en concurrence la droite et la gauche. Il faut être fort, indépendant, avoir son propre programme, et dire : "Voilà, messieurs du second tour, puisqu'on est condamnés à vous avoir, messieurs les énarques, voilà notre programme. Voulez-vous nous dire, s'il vous plaît, ce que vous reprendrez de notre programme. Et nous travaillerons avec celui qui fera la meilleure offre."
"Les bleus", c'est par rapport aux Verts évidemment ?
- "Mais oui. Toutes les autres couleurs étaient prises évidemment. Donc, les bleus, tout simplement, la planète vue de loin elle est bleue, l'air est bleu, l'eau est bleue. Et puis, extraordinaire : la France aussi est bleue et l'Europe aussi est bleue. Et puis, Chevènement, tout ça, la France... C'est quand même une affaire très importante, la France. Moi aussi je m'interroge sur l'identité nationale: comment être français ? Comment exprimer le bonheur d'être français dans un monde qui parle anglais, si compliqué, avec des marchandises de tous les côtés ? Eh bien, l'écologie est un élément de cette identité... Le terroir, l'art de vivre, la gastronomie, tout ce qui fait notre civilisation française, la culture, la langue qui est belle. Tout cela, nous devons le défendre. C'est de l'écologie aussi, on n'a pas besoin d'avoir des adjudants, des instituteurs et du protectionnisme comme avant !"
(Source Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1e mars 2002)