Interview de M. Bruno Mégret, candidat du Mouvement national républicain à l'élection présidentielle de 2002, à "LCI" le 17 avril 2002, sur la campagne électorale, le rôle des sondages, sa notion de la droite, la position de Jean-Marie Le Pen, et sur les récents actes antisémites.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser
Vous avez tenu votre dernier meeting de campagne, hier, à Paris. Et vous allez terminer la campagne au Mont Saint-Michel. Pourquoi ce lieu ? Vous aviez commencé à Camembert... A cause des galettes ?
- "Je fais un tour de France de l'ensemble des sites tout à fait prestigieux, très représentatifs de la beauté du patrimoine de la France. Car je veux aussi dans cette campagne inviter les Français à reprendre conscience de la grandeur de la nation qui est la nôtre, à retrouver la fierté de ce que nous sommes. Je crois que nous sommes un grand peuple et une grande nation. Et il est important que nous donnions à notre pays à nouveau la grandeur qui est la sienne."
C'est comme cela qu'on la lui redonne ?
- "C'est une campagne. Ce sont des démarches emblématiques, symboliques bien évidemment. Mais si je suis élu président de la République, ça se traduirait évidemment par des mesures autrement plus concrètes."
Vous ne serez peut-être pas élu président de la République....
- "Cette fois-ci, peut-être pas, oui..."
Bon, pour la prochaine fois, on a le temps de voir... Vous avez perdu la bataille des sondages malgré vos appels au vote utile, puisque les électeurs qui se réclament de votre philosophie préfèrent, semble-t-il, apporter leurs suffrages à J.-M. Le Pen. Cela vous chagrine beaucoup, j'imagine ?
- "Non, ce qui me chagrine, c'est justement le rôle extrêmement néfaste des sondages. Normalement, il ne devrait plus y avoir de sondages pour la dernière semaine de l'élection..."
Cela veut dire que la loi a été tournée ?
- "Bien sûr. On a présenté comme un progrès de la démocratie, la publication de ces sondages. Je crois que c'est surtout un progrès de la manipulation des esprits et des mentalités parce que ces sondages, tout le monde le reconnaît aujourd'hui, ne valent rien, ne sont pas fiables. Normalement, ce sont des fourchettes qu'il faudrait donner, plus ou moins quatre, ce qui remettrait tout en perspective, mais ce qui changerait tout dans l'utilisation qu'on fait des sondages. De plus, votre question est bien représentative du problème des sondages : vous ne posez pas la question de savoir ce que je propose, vous le ferez peut-être tout à l'heure, bien sûr, mais vous me posez la question de mon poids dans les sondages. Je dis : je m'en fiche ! Pour moi, ce qui compte, c'est ce que feront les Français le soir du 21 avril, dimanche prochain. Et de ce point de vue-là, je suis confiant, car j'ai constaté systématiquement un décalage majeur me concernant entre les sondages et la réalité du choix des Français. Ce sont les Français qui décident et non pas les instituts de sondages."
Personne ne prétend prendre la place des électeurs. Quand vous parlez de "décalage", vous voulez dire quoi ? Il n'y a pas eu de grands rassemblements populaires en votre faveur. Vous avez rempli des salles gentiment dirais-je, mais ça n'a pas été de grands meetings...
- "Oui, comme tout le monde, chacun avec les moyens financiers dont il dispose. Parce que c'est évidemment plus facile de remplir des salles quand on peut faire venir gratuitement des centaines de personnes avec des cars, tous frais payés. Moi, j'ai rempli les salles comme d'autres candidats beaucoup mieux placés que moi dans les sondages. Par contre, ce qui est important, c'est que Le Pen, et je le dis à ses électeurs, ça ne sert à rien de voter pour lui parce que, d'abord, le 21 avril, dimanche prochain, c'est fini, c'est sa dernière élection !"
Lui, dit qu'il sera au deuxième tour...
- "C'est sa dernière élection. Au lendemain de dimanche, l'élection est finie, c'est fini pour lui ! Soyons sérieux pour le deuxième tour. Pour le reste..."
Cela vous fait rire...
- "Non, mais soyons sérieux ! Ecoutez, franchement... On verra le résultat, c'est évident. Pour le reste, je dis, et c'est beaucoup plus important et beaucoup plus grave, que ceux qui envisageaient, encore aujourd'hui, de voter Le Pen, c'est rentrer dans sa stratégie, dans son objectif, qui est de régler son compte à Chirac, donc de faire élire Jospin. Jospin qui veut donner le droit de vote aux étrangers, qui veut maintenir, chez nous, les criminels et les délinquants étrangers ! Donc, voter Le Pen, c'est en réalité voter contre ses idées."
Et vous, vous votez Chirac au deuxième tour ?
- "Je ne roule pas pour Chirac, comme certains ont essayé de le faire croire. Je suis totalement indépendant. Mon problème à moi, c'est de remettre de l'ordre dans notre pays. Mon adversaire prioritaire, c'est Jospin, c'est clair. Je ne me trompe pas d'adversaire, c'est la gauche, sectaire, extrémiste. Par contre, Chirac, ça n'est pas la solution, puisqu'il a fait le jeu de la gauche pendant cinq des sept années de son mandat présidentiel. Mais je ne mets pas les deux hommes sur le même plan. Je considère que Jospin détruit la France, Chirac détruit la droite. C'est la raison pour laquelle je veux reconstruire une vraie droite."
Cette "vraie droite" que l'on appelle "la droite républicaine", vous essayez d'y entrer finalement ?
- "Non, non. Soyons clairs. Il y a la fausse droite RPR-UDF-DL..."
C'est ce qu'on appelle "la droite" quand même...
- "Oui, moi, c'est ce que j'appelle "la fausse droite" qui court derrière la gauche. Et il faut donc reconstruire une vraie droite nationale et républicaine, avec les anciens électeurs - et je leur lance un appel -, les anciens électeurs de Pasqua, les anciens électeurs de Villiers, les anciens électeurs de Le Pen, et puis les déçus de Chirac, les déçus du RPR et de l'UDF. Et si on rassemble tous ces gens-là, on peut créer une grande force de renouveau. Et c'est mon projet pour porter nos idées au pouvoir. Comme elles sont au pouvoir en Italie, au Portugal, au Danemark..."
Vous voudriez être le Berlusconi français, mais quand vous voyez les mouvements sociaux qu'il provoque, ça ne vous effraye pas ? On se dit que finalement, la droite, ce n'est pas si efficace que ça...
- "Non, ça ne m'effraie pas du tout. Soit dit en passant, je n'entre pas dans les arcanes de la politique italienne. Mais ça ne m'effraie pas. Que S. Berlusconi ait la gauche contre lui, ça prouve simplement une chose : c'est qu'il mène une politique de droite qui ne se laisse pas intoxiquer par ses adversaires, il ne fait pas la politique de ses adversaires..."
Il est obligé de négocier...
- "Il fait une vraie politique de droite. Ca, je pense que c'est un exemple pour la France."
Une dernière question. Vous avez dit : "Si les synagogues brûlent en France, c'est parce que la France est un pays en voie d'islamisation". Vous ne croyez pas qu'il y a autant d'islamiques en Angleterre et en Allemagne, dans d'autres pays européens, où les synagogues ne brûlent pas ?
- "Eh bien, pourquoi brûlent-elles en France alors ? C'est parce qu'il y a une politique en effet d'immigration massive et incontrôlée..."
Ailleurs aussi, donc le problème est peut-être ailleurs ?
- "Mais écoutez, je me demande où il est à ce moment-là ? On sait qui sont les auteurs de ces actes antisémites. Je dis que si les synagogues brûlent, c'est parce que monsieur Jospin et le reste de la classe politique ont laissé se développer sur notre sol une immigration massive et incontrôlée, qui sécrète en effet un islamisme, avec son cortège de violence et d'intolérance. Et on voit même que lorsque ça se passe en Tunisie, ce sont aussi des immigrés français qui sont à l'origine des attentats contre les synagogues en Tunisie ! C'est dire si ça va mal dans notre pays. Il est temps de remettre de l'ordre en France. Et pour cela, il ne faut pas voter pour les mêmes. Avec les mêmes, ça ne changera pas. Il faut voter pour le renouveau que j'incarne !"
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 avril 2002)