Texte intégral
A. Hausser Vous étiez le candidat des Verts à l'élection présidentielle et vous avez été le premier à appeler à voter pour J. Chirac dimanche soir ; cela a été un réflexe immédiat ?
- "Oui, c'est un réflexe démocratique et normal dans un pays qui est face à un désastre politique. Il m'a semblé normal d'organiser une sorte de référendum anti-Le Pen pour qu'il reste dans le ghetto des 20 %, qui est déjà très important, et qu'il ne prenne pas l'ensemble de la classe politique et de la France en otage. Il faut se servir de J. Chirac, qui a malheureusement, beaucoup contribué à la dégradation de la fonction de président de la République et à la dégradation de nos moeurs politiques en France. Il faut s'en servir comme d'un pion pour faire barrage à Le Pen sur cet échiquier politique de la honte auquel, malheureusement, l'actuel président de la République a contribué."
Vous regrettez qu'il n'y ait pas de débat entre eux ?
-"Oui, je le regrette, je ne comprends pas monsieur Chirac, qui, pendant toute la campagne de premier tour, a fini par être l'homme qui a le plus contribué à banaliser Le Pen, a le légitimer d'une manière."
Parler de sécurité, c'est légitimer Le Pen ?
- "Il a ressuscité Le Pen avec un discours sécuritaire très largement inspiré par les idées de Le Pen, qui est le seul vainqueur de ce premier tour ; parce qu'aujourd'hui, J. Chirac devient l'homme pour lequel on est obligé de voter pour sauver la République et la démocratie, alors qu'il a largement contribué à ce désastre. Aujourd'hui, il faut absolument que nous passions à une deuxième étape, celle de la refondation de la gauche et même de la refondation de la démocratie. Ce que l'on voit, c'est en quelque sorte un grand cimetière de la Vème République, le grand cimetière des institutions. C'est aujourd'hui qu'il faut commencer à travailler sur la requalification de la Vème République."
Vous avez lancé des idées hier ; vous avez rencontré F. Hollande, avec D. Voynet. Vous avez parlé des législatives ; vous voudriez que les Verts soient le moteur de la gauche - c'est un souhait...
- "Moteur de la gauche, ce n'est pas du tout une ambition démesurée. Nous sommes les seuls à avoir mené une campagne où nous n'avons pas sombré dans la spirale du tout sécuritaire, nous avons campé sur des valeurs dans lesquelles se reconnaissent tous les jeunes qui aujourd'hui descendent dans la rue et beaucoup de ceux qui ont été déçus par la gauche et qui se sont exprimés par le vote blanc ou nul, ou par l'abstention qui est quand même devenu le premier parti de France. Aujourd'hui, nous avons une légitimité, beaucoup plus que d'autres, à être le moteur de cette refondation."
Il faudrait que les Verts soient un peu mieux organisés, soient un plus structurés, c'est leur éternel problème...
- "Non, ce n'est pas vrai. Depuis lundi, ils ont prouvé qu'ils étaient capables d'avoir grandi et d'être mûrs. On nous dit toujours que nos parlements, comme celui qui a eu lieu lundi, sont des parlements dans lesquels on se chamaille, où on fait de la politique hors-sol. Nous avons prouvé que nous étions totalement responsables aujourd'hui et, à une très large majorité, nous avons adopté un texte qui est conforme à ce que j'avais dit dimanche soir."
C'est dans l'urgence et devant une situation que l'on peut qualifier de dramatique...
- "Mais de catastrophes peuvent naître aussi des revirements historiques, qui permettent de trouver en face de soi des hommes et des femmes responsables ! Peut-être aura-t-il fallu ce désastre politique pour que les Français se ressaisissent. 40 % des jeunes qui sont dans la rue aujourd'hui n'ont pas voté dimanche soir et ils se sont retrouvés avec Le Pen dans leur lit... Ca les a réveillé et ça les a fait réagir. Aujourd'hui, l'ensemble de la classe politique, l'ensemble des Français doivent se ressaisir pour qu'il y ait un sursaut."
Le ressaisissement passe par les législatives et par le 1er mai. Ce jour-là, il n'y aura pas de manifestations unitaires. Vous le déplorez ?
- "On ne peut que déplorer qu'il n'y ait pas de manifestations unitaires des syndicats. J'ai demandé dès dimanche soir que le 1er mai soit la manifestation du renouvellement démocratique, de la défense de la démocratie..."
Vous manifesterez le 1er Mai ?
- "Non seulement je manifesterai le 1er mai mais je serai samedi avec les associations de défense des droits de l'homme, avec le MRAP, la LDH et avec tous ceux de la gauche citoyenne et tous ceux qui ne veulent pas de Le Pen. Je n'ai donc aucune raison de ne pas être dans toutes ces manifestations qui se répètent chaque jour et qui sont la preuve que la France a encore de l'énergie pour sauver la démocratie."
Pour les législatives, on ne comprend pas très bien : on parle de candidature unique dans certaines circonscriptions où il y aurait menace de l'extrême droite au second tour. Les projections parlent de 250 circonscriptions quand on projette le score de J.-M. Le Pen. Comment réaliser ces candidatures uniques : PS, PC, Verts ...
- "Oui, et Radicaux de gauche."
... au moment où on dit que la gauche plurielle a vécu ? On refait l'Union de la gauche ?
- "La gauche plurielle, dans le concept de L. Jospin, a vécu. D'ailleurs, il a largement contribué à tuer la gauche plurielle, en inversant le calendrier, en plaçant la présidentielle avant les législatives."
Il a quand même organisé le pluralisme...
- "Oui, c'était très bien et ça ne fonctionnait finalement pas si mal. Mais la force de L. Jospin était de s'appuyer sur une majorité parlementaire où chacune de ses composantes affirmaient son identité mais qui, finalement, a fonctionné pendant cinq ans. Il fallait s'appuyer sur cette majorité parlementaire pour en déduire la candidature à la présidence de la République. L'inversion a eu lieu ; aujourd'hui, on en voit les résultats. Il faut donc partir sur d'autres bases maintenant. On ne peut se permettre de présenter aux Français une sorte de bricolage de la gauche plurielle pour la réinventer "gauche unie" ou je ne sais quel nom... Il faut réagir, ce qui veut dire : écouter la base, ceux qui ont voté blanc et nul, ceux qui se sont abstenus, ceux qui sont aujourd'hui dans la rue pour proposer autre chose qu'un arrangement électoral."
Et faire des états-généraux ?
- "Oui, bien sûr. J'ai proposé hier soir, devant un certain nombre d'associations, que l'on ouvre une sorte de grand forum de la refondation démocratique de ce pays."
Vous regrettez que L. Jospin ne se soit pas adressé aux Français ?
- "Il le fera. Je crois qu'il est assez sonné, on peut parfaitement comprendre l'épreuve qu'il subit en ce moment. Je crois qu'il doit s'adresser aux Français et je pense qu'il a eu tort de partir, parce que dans des situations comme ça, il ne faut jamais se taire et ne jamais céder."
(Sourc :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 avril 2002)
- "Oui, c'est un réflexe démocratique et normal dans un pays qui est face à un désastre politique. Il m'a semblé normal d'organiser une sorte de référendum anti-Le Pen pour qu'il reste dans le ghetto des 20 %, qui est déjà très important, et qu'il ne prenne pas l'ensemble de la classe politique et de la France en otage. Il faut se servir de J. Chirac, qui a malheureusement, beaucoup contribué à la dégradation de la fonction de président de la République et à la dégradation de nos moeurs politiques en France. Il faut s'en servir comme d'un pion pour faire barrage à Le Pen sur cet échiquier politique de la honte auquel, malheureusement, l'actuel président de la République a contribué."
Vous regrettez qu'il n'y ait pas de débat entre eux ?
-"Oui, je le regrette, je ne comprends pas monsieur Chirac, qui, pendant toute la campagne de premier tour, a fini par être l'homme qui a le plus contribué à banaliser Le Pen, a le légitimer d'une manière."
Parler de sécurité, c'est légitimer Le Pen ?
- "Il a ressuscité Le Pen avec un discours sécuritaire très largement inspiré par les idées de Le Pen, qui est le seul vainqueur de ce premier tour ; parce qu'aujourd'hui, J. Chirac devient l'homme pour lequel on est obligé de voter pour sauver la République et la démocratie, alors qu'il a largement contribué à ce désastre. Aujourd'hui, il faut absolument que nous passions à une deuxième étape, celle de la refondation de la gauche et même de la refondation de la démocratie. Ce que l'on voit, c'est en quelque sorte un grand cimetière de la Vème République, le grand cimetière des institutions. C'est aujourd'hui qu'il faut commencer à travailler sur la requalification de la Vème République."
Vous avez lancé des idées hier ; vous avez rencontré F. Hollande, avec D. Voynet. Vous avez parlé des législatives ; vous voudriez que les Verts soient le moteur de la gauche - c'est un souhait...
- "Moteur de la gauche, ce n'est pas du tout une ambition démesurée. Nous sommes les seuls à avoir mené une campagne où nous n'avons pas sombré dans la spirale du tout sécuritaire, nous avons campé sur des valeurs dans lesquelles se reconnaissent tous les jeunes qui aujourd'hui descendent dans la rue et beaucoup de ceux qui ont été déçus par la gauche et qui se sont exprimés par le vote blanc ou nul, ou par l'abstention qui est quand même devenu le premier parti de France. Aujourd'hui, nous avons une légitimité, beaucoup plus que d'autres, à être le moteur de cette refondation."
Il faudrait que les Verts soient un peu mieux organisés, soient un plus structurés, c'est leur éternel problème...
- "Non, ce n'est pas vrai. Depuis lundi, ils ont prouvé qu'ils étaient capables d'avoir grandi et d'être mûrs. On nous dit toujours que nos parlements, comme celui qui a eu lieu lundi, sont des parlements dans lesquels on se chamaille, où on fait de la politique hors-sol. Nous avons prouvé que nous étions totalement responsables aujourd'hui et, à une très large majorité, nous avons adopté un texte qui est conforme à ce que j'avais dit dimanche soir."
C'est dans l'urgence et devant une situation que l'on peut qualifier de dramatique...
- "Mais de catastrophes peuvent naître aussi des revirements historiques, qui permettent de trouver en face de soi des hommes et des femmes responsables ! Peut-être aura-t-il fallu ce désastre politique pour que les Français se ressaisissent. 40 % des jeunes qui sont dans la rue aujourd'hui n'ont pas voté dimanche soir et ils se sont retrouvés avec Le Pen dans leur lit... Ca les a réveillé et ça les a fait réagir. Aujourd'hui, l'ensemble de la classe politique, l'ensemble des Français doivent se ressaisir pour qu'il y ait un sursaut."
Le ressaisissement passe par les législatives et par le 1er mai. Ce jour-là, il n'y aura pas de manifestations unitaires. Vous le déplorez ?
- "On ne peut que déplorer qu'il n'y ait pas de manifestations unitaires des syndicats. J'ai demandé dès dimanche soir que le 1er mai soit la manifestation du renouvellement démocratique, de la défense de la démocratie..."
Vous manifesterez le 1er Mai ?
- "Non seulement je manifesterai le 1er mai mais je serai samedi avec les associations de défense des droits de l'homme, avec le MRAP, la LDH et avec tous ceux de la gauche citoyenne et tous ceux qui ne veulent pas de Le Pen. Je n'ai donc aucune raison de ne pas être dans toutes ces manifestations qui se répètent chaque jour et qui sont la preuve que la France a encore de l'énergie pour sauver la démocratie."
Pour les législatives, on ne comprend pas très bien : on parle de candidature unique dans certaines circonscriptions où il y aurait menace de l'extrême droite au second tour. Les projections parlent de 250 circonscriptions quand on projette le score de J.-M. Le Pen. Comment réaliser ces candidatures uniques : PS, PC, Verts ...
- "Oui, et Radicaux de gauche."
... au moment où on dit que la gauche plurielle a vécu ? On refait l'Union de la gauche ?
- "La gauche plurielle, dans le concept de L. Jospin, a vécu. D'ailleurs, il a largement contribué à tuer la gauche plurielle, en inversant le calendrier, en plaçant la présidentielle avant les législatives."
Il a quand même organisé le pluralisme...
- "Oui, c'était très bien et ça ne fonctionnait finalement pas si mal. Mais la force de L. Jospin était de s'appuyer sur une majorité parlementaire où chacune de ses composantes affirmaient son identité mais qui, finalement, a fonctionné pendant cinq ans. Il fallait s'appuyer sur cette majorité parlementaire pour en déduire la candidature à la présidence de la République. L'inversion a eu lieu ; aujourd'hui, on en voit les résultats. Il faut donc partir sur d'autres bases maintenant. On ne peut se permettre de présenter aux Français une sorte de bricolage de la gauche plurielle pour la réinventer "gauche unie" ou je ne sais quel nom... Il faut réagir, ce qui veut dire : écouter la base, ceux qui ont voté blanc et nul, ceux qui se sont abstenus, ceux qui sont aujourd'hui dans la rue pour proposer autre chose qu'un arrangement électoral."
Et faire des états-généraux ?
- "Oui, bien sûr. J'ai proposé hier soir, devant un certain nombre d'associations, que l'on ouvre une sorte de grand forum de la refondation démocratique de ce pays."
Vous regrettez que L. Jospin ne se soit pas adressé aux Français ?
- "Il le fera. Je crois qu'il est assez sonné, on peut parfaitement comprendre l'épreuve qu'il subit en ce moment. Je crois qu'il doit s'adresser aux Français et je pense qu'il a eu tort de partir, parce que dans des situations comme ça, il ne faut jamais se taire et ne jamais céder."
(Sourc :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 avril 2002)