Texte intégral
F. Laborde Hier, dans Paris, il y avait beaucoup de manifestations et beaucoup de manifestants, notamment les retraités. Ils sont préoccupés pour leur pouvoir d'achat. Vous avez fait de la retraite et du pouvoir d'achat des retraités un de vos thèmes de campagne. Vous voulez quoi ? Quelque chose tout de suite, en plus de la réforme que tout le monde attend et qu'il faudra faire ?
- "Il y a beaucoup d'inquiétude, bien sûr, par rapport à la réforme sur l'avenir des retraites, c'est évident, ainsi que sur tous ces hommes et ces femmes qui ont cotisés pendant quarante ans, qui n'ont pas 60 ans actuellement, à qui on refuse le droit à la retraite. J'ai fait dans mon programme - je ne savais pas qu'il y aurait ces manifestations importantes hier, qui sont tout à fait légitimes - l'un des axes essentiels de ma démarche, c'est ce plan social avec une augmentation des salaires directs des retraites. Actuellement, on a des millions de retraités qui ont du mal à vivre en France. On n'imagine pas que beaucoup d'entre eux ont à peine plus de 3.500 francs ou 3.600 francs pour vivre, des petites retraites. Je propose, immédiatement, une augmentation de 200 euros des retraites ainsi que 300 euros du Smic. Voilà des propositions concrètes qui intéressent les Français. J'avoue que ces manifestations de retraités sont une alerte. Je suis, en toute modestie, un des seuls à poser d'emblée comme question numéro un le pouvoir d'achat des retraites et des salaires."
L. Fabius disait, avant hier, qu'il faudrait sans doute, à terme, harmoniser les retraites entre privé et public. On sait à quel point c'est sensible puisqu'il y avait eu de grandes manifestations à ce propos. Vous êtes favorables à cette harmonisation ?
- "Non. D'ailleurs, je considère que l'inflexion à droite dont j'ai parlé pour le candidat socialiste et de ceux qui l'entourent est significative à propos des retraites. En fait, L. Fabius veut que les retraites dans la fonction publique, dans un certain nombre de services, soient alignées sur ce qui se passe aujourd'hui dans le privé avec notamment une augmentation des annuités. C'est ce qui a mis le feu aux poudres en 1995 et 1996. Cela va recommencer parce que ce n'est pas dans ce sens-là qu'il faut aller. Ce n'est pas dans le sens de ce qu'a fait M. Balladur en allongeant les annuités, mais c'est de revenir à 37 annuités et demie et de maintenir ces 37 annuités et demie."
En même temps, quand on regarde ce que disent les Français, on se rend compte que, pour eux, effectivement, la réforme de la retraite est un thème majeur. Au fond, ils déplorent qu'on en parle sans qu'on ne vienne jamais sur le terrain des réformes.
- "Oui, parce que les Français sont inquiets par rapport à l'avenir des retraites. Il faut bien avoir en tête que le Medef, ces deux dernières années, a fait une campagne très forte pour qu'on rentre avec les fonds de pension et qu'on bouscule le système."
Oui, mais ce qu'on les appelle "fonds de pension" à droite, ou "épargne salariale" à gauche...
- "Enfin, "épargne salariale", du côté de L. Jospin. Parce que L. Jospin va plus loin..."
Cela se ressemble un peu ?
- "Oui, cela se ressemble. C'est d'ailleurs pour ça que les Français ne s'y retrouvent pas ! Le fonds d'épargne salariale, si on le met sur le marché comme le propose L. Jospin, on entre une capitalisation dans le système des retraites. C'est donc dangereux, mauvais. Personne ne parle, ni J. Chirac - mais cela m'étonne moins - ni L. Jospin, de la nécessité de faire cotiser beaucoup plus les revenus financiers qui, actuellement, ne cotisent pas. Je crois qu'il peut y avoir un système de retraites équilibré, à condition de dire clairement et de s'en prendre clairement aux revenus financiers. Je regrette que sur cette question, L. Jospin soit pour le moins timoré. Je suis, là, avec ma candidature, pour ancrer à gauche, la gauche dans cette affaire, parce qu'il y a une vraie dérive, incontestablement."
On voit dans les derniers sondages que les Français ne font pas bien la différences entre le programme de J. Chirac et celui de L. Jospin. Parmi les deux mesures qui suscitent le plus de scepticisme, il y a la formule "zéro SDF" lancée par L. Jospin, et celle de la baisse des impôts de 33 % préconisée par J. Chirac. Ce scepticisme vous étonne ? Après tout, c'est la volonté politique, non ?
- "Que les Français soient sceptiques, on peut le comprendre. On vient d'évoquer la retraite et vous voyez bien qu'entre les deux programmes, il est très difficile de faire la différence. Le débat, très bipolarisé, fait que des candidats comme moi ou d'autres - je n'ai pas le monopole des choses - ne peuvent pas suffisamment s'exprimer. On ne leur donne pas suffisamment l'occasion de pouvoir le faire et de démontrer qu'il y a des différences possibles. C'est la même chose à propos des services publics. A Barcelone, on a dit que les deux têtes de l'exécutif ont, en quelque sorte, sauvé EDF-GDF de la privatisation. Ce n'est pas vrai ! Chacun sait qu'à Barcelone, on a reculé pour mieux sauter. Les deux candidats s'inscrivent dans une démarche visant à ce qu'il y ait une ouverture du capital. Qu'est-ce que cela veut dire ? Moi, je n'ai rien à attendre de Chirac, je combats Chirac, je combats la droite, je ne veux pas qu'elle gagne. Mais du côté de L. Jospin, là, je crois qu'il est nécessaire de faire entendre qu'à gauche, il y a un autre son de cloche et qu'il faut tirer cette gauche vers la gauche, parce qu'actuellement, incontestablement..."
A. Laguiller vous taille des croupières !
- "Non, A. Laguiller disparaîtra au lendemain - comme depuis 30 ans - de l'élection parce qu'elle ne veut pas du tout rentrer dans le jeu. Elle avance des propositions - je ne veux pas polémiquer, ce n'est pas l'objet - qu'elle ne mettra jamais en oeuvre. Elle n'a jamais mis en oeuvre une seule des propositions qu'elle a préconisées. Il faut être efficace. Ce que je veux surtout, c'est qu'au lendemain de l'élection présidentielle, quel que soit le président de la République, les salariés et le monde du travail puissent bénéficier d'un certain nombre d'avancées. C'est dans cet esprit que je m'inscris. Je suis vraiment décidé à protester, à dire la colère - vous la sentez bien - à propos des programmes sur lesquels on ne voit pas la différences. Mais en même temps, je veux, après, m'engager et arracher tout ce que je peux arracher."
Cela veut dire que vous pourriez entrer dans un gouvernement après une victoire de Jospin à la présidentielle et aux législatives ? Vous n'avez pas voulu entrer au Gouvernement ?
- "Le problème n'est pas un problème personnel. Mais il est clair qu'aujourd'hui, il faut se poser la question suivante : quelle participation des communistes à un gouvernement ? Nous avons apporté beaucoup dans ce Gouvernement, nous avons empêché qu'il y ait une dérive à la Blair. Mais si précisément c'est pour aller dans un gouvernement qui mettrait une politique en oeuvre qui serait sociale-libérale, nous n'en serons pas. Si c'est pour mettre en oeuvre une vraie politique de gauche, celle que j'essaie d'infléchir, bien à gauche, parce que ce n'est pas clair pour le moment, effectivement, nous verrons comment nous ferons."
Vous pourriez y aller, vous ?
- "Ce n'est pas à l'ordre du jour pour le moment, mais on en parlera plus tard."
Le débat à plusieurs demandé et réclamé, est-ce que c'est possible de faire un débat sur l'ensemble des petits candidats ; vous êtes quinze à peu près ?
- "Sur l'ensemble des petits candidats, non. L'ensemble des candidats, oui, avec J. Chirac et L. Jospin. Visiblement J. Chirac refuse. Je pense qu'on ne peut pas avoir deux divisions : la division avec les deux grands candidats qu'on entend partout, au point que les Français n'arrivent même plus à discerner entre les deux. Et puis, les autres petits candidats qui seraient donc monnaie négligeable par ailleurs. Non, ce n'est pas sérieux ! C'est un problème qui va se poser, à mon avis, à terme, pour les grands médias. Je ne jette la pierre à personne."
Pas au 4V, où nous sommes d'un équilibre admirable et où tous les candidats ont eu leur place !
- "Je vous en félicite. Mais le CSA dit aujourd'hui qu'il faut arriver à rectifier cela. Mais fait-il des propositions ? Je n'en vois pas. Cette élection peut se traduire par un recul démocratique important."
Il y a un risque d'une forte abstention ?
- "Cela en prend un peu le chemin et c'est gravissime. Abstention ou vote des extrêmes, une sorte de vote défouloir, ce qui serait aussi dramatique. Je crois qu'il reste 30 jours pour ancrer de façon beaucoup plus efficace le débat dans le sens qu'attendent les Français. Un débat démocratique qui va leur permettre d'y voir clair."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2002)
- "Il y a beaucoup d'inquiétude, bien sûr, par rapport à la réforme sur l'avenir des retraites, c'est évident, ainsi que sur tous ces hommes et ces femmes qui ont cotisés pendant quarante ans, qui n'ont pas 60 ans actuellement, à qui on refuse le droit à la retraite. J'ai fait dans mon programme - je ne savais pas qu'il y aurait ces manifestations importantes hier, qui sont tout à fait légitimes - l'un des axes essentiels de ma démarche, c'est ce plan social avec une augmentation des salaires directs des retraites. Actuellement, on a des millions de retraités qui ont du mal à vivre en France. On n'imagine pas que beaucoup d'entre eux ont à peine plus de 3.500 francs ou 3.600 francs pour vivre, des petites retraites. Je propose, immédiatement, une augmentation de 200 euros des retraites ainsi que 300 euros du Smic. Voilà des propositions concrètes qui intéressent les Français. J'avoue que ces manifestations de retraités sont une alerte. Je suis, en toute modestie, un des seuls à poser d'emblée comme question numéro un le pouvoir d'achat des retraites et des salaires."
L. Fabius disait, avant hier, qu'il faudrait sans doute, à terme, harmoniser les retraites entre privé et public. On sait à quel point c'est sensible puisqu'il y avait eu de grandes manifestations à ce propos. Vous êtes favorables à cette harmonisation ?
- "Non. D'ailleurs, je considère que l'inflexion à droite dont j'ai parlé pour le candidat socialiste et de ceux qui l'entourent est significative à propos des retraites. En fait, L. Fabius veut que les retraites dans la fonction publique, dans un certain nombre de services, soient alignées sur ce qui se passe aujourd'hui dans le privé avec notamment une augmentation des annuités. C'est ce qui a mis le feu aux poudres en 1995 et 1996. Cela va recommencer parce que ce n'est pas dans ce sens-là qu'il faut aller. Ce n'est pas dans le sens de ce qu'a fait M. Balladur en allongeant les annuités, mais c'est de revenir à 37 annuités et demie et de maintenir ces 37 annuités et demie."
En même temps, quand on regarde ce que disent les Français, on se rend compte que, pour eux, effectivement, la réforme de la retraite est un thème majeur. Au fond, ils déplorent qu'on en parle sans qu'on ne vienne jamais sur le terrain des réformes.
- "Oui, parce que les Français sont inquiets par rapport à l'avenir des retraites. Il faut bien avoir en tête que le Medef, ces deux dernières années, a fait une campagne très forte pour qu'on rentre avec les fonds de pension et qu'on bouscule le système."
Oui, mais ce qu'on les appelle "fonds de pension" à droite, ou "épargne salariale" à gauche...
- "Enfin, "épargne salariale", du côté de L. Jospin. Parce que L. Jospin va plus loin..."
Cela se ressemble un peu ?
- "Oui, cela se ressemble. C'est d'ailleurs pour ça que les Français ne s'y retrouvent pas ! Le fonds d'épargne salariale, si on le met sur le marché comme le propose L. Jospin, on entre une capitalisation dans le système des retraites. C'est donc dangereux, mauvais. Personne ne parle, ni J. Chirac - mais cela m'étonne moins - ni L. Jospin, de la nécessité de faire cotiser beaucoup plus les revenus financiers qui, actuellement, ne cotisent pas. Je crois qu'il peut y avoir un système de retraites équilibré, à condition de dire clairement et de s'en prendre clairement aux revenus financiers. Je regrette que sur cette question, L. Jospin soit pour le moins timoré. Je suis, là, avec ma candidature, pour ancrer à gauche, la gauche dans cette affaire, parce qu'il y a une vraie dérive, incontestablement."
On voit dans les derniers sondages que les Français ne font pas bien la différences entre le programme de J. Chirac et celui de L. Jospin. Parmi les deux mesures qui suscitent le plus de scepticisme, il y a la formule "zéro SDF" lancée par L. Jospin, et celle de la baisse des impôts de 33 % préconisée par J. Chirac. Ce scepticisme vous étonne ? Après tout, c'est la volonté politique, non ?
- "Que les Français soient sceptiques, on peut le comprendre. On vient d'évoquer la retraite et vous voyez bien qu'entre les deux programmes, il est très difficile de faire la différence. Le débat, très bipolarisé, fait que des candidats comme moi ou d'autres - je n'ai pas le monopole des choses - ne peuvent pas suffisamment s'exprimer. On ne leur donne pas suffisamment l'occasion de pouvoir le faire et de démontrer qu'il y a des différences possibles. C'est la même chose à propos des services publics. A Barcelone, on a dit que les deux têtes de l'exécutif ont, en quelque sorte, sauvé EDF-GDF de la privatisation. Ce n'est pas vrai ! Chacun sait qu'à Barcelone, on a reculé pour mieux sauter. Les deux candidats s'inscrivent dans une démarche visant à ce qu'il y ait une ouverture du capital. Qu'est-ce que cela veut dire ? Moi, je n'ai rien à attendre de Chirac, je combats Chirac, je combats la droite, je ne veux pas qu'elle gagne. Mais du côté de L. Jospin, là, je crois qu'il est nécessaire de faire entendre qu'à gauche, il y a un autre son de cloche et qu'il faut tirer cette gauche vers la gauche, parce qu'actuellement, incontestablement..."
A. Laguiller vous taille des croupières !
- "Non, A. Laguiller disparaîtra au lendemain - comme depuis 30 ans - de l'élection parce qu'elle ne veut pas du tout rentrer dans le jeu. Elle avance des propositions - je ne veux pas polémiquer, ce n'est pas l'objet - qu'elle ne mettra jamais en oeuvre. Elle n'a jamais mis en oeuvre une seule des propositions qu'elle a préconisées. Il faut être efficace. Ce que je veux surtout, c'est qu'au lendemain de l'élection présidentielle, quel que soit le président de la République, les salariés et le monde du travail puissent bénéficier d'un certain nombre d'avancées. C'est dans cet esprit que je m'inscris. Je suis vraiment décidé à protester, à dire la colère - vous la sentez bien - à propos des programmes sur lesquels on ne voit pas la différences. Mais en même temps, je veux, après, m'engager et arracher tout ce que je peux arracher."
Cela veut dire que vous pourriez entrer dans un gouvernement après une victoire de Jospin à la présidentielle et aux législatives ? Vous n'avez pas voulu entrer au Gouvernement ?
- "Le problème n'est pas un problème personnel. Mais il est clair qu'aujourd'hui, il faut se poser la question suivante : quelle participation des communistes à un gouvernement ? Nous avons apporté beaucoup dans ce Gouvernement, nous avons empêché qu'il y ait une dérive à la Blair. Mais si précisément c'est pour aller dans un gouvernement qui mettrait une politique en oeuvre qui serait sociale-libérale, nous n'en serons pas. Si c'est pour mettre en oeuvre une vraie politique de gauche, celle que j'essaie d'infléchir, bien à gauche, parce que ce n'est pas clair pour le moment, effectivement, nous verrons comment nous ferons."
Vous pourriez y aller, vous ?
- "Ce n'est pas à l'ordre du jour pour le moment, mais on en parlera plus tard."
Le débat à plusieurs demandé et réclamé, est-ce que c'est possible de faire un débat sur l'ensemble des petits candidats ; vous êtes quinze à peu près ?
- "Sur l'ensemble des petits candidats, non. L'ensemble des candidats, oui, avec J. Chirac et L. Jospin. Visiblement J. Chirac refuse. Je pense qu'on ne peut pas avoir deux divisions : la division avec les deux grands candidats qu'on entend partout, au point que les Français n'arrivent même plus à discerner entre les deux. Et puis, les autres petits candidats qui seraient donc monnaie négligeable par ailleurs. Non, ce n'est pas sérieux ! C'est un problème qui va se poser, à mon avis, à terme, pour les grands médias. Je ne jette la pierre à personne."
Pas au 4V, où nous sommes d'un équilibre admirable et où tous les candidats ont eu leur place !
- "Je vous en félicite. Mais le CSA dit aujourd'hui qu'il faut arriver à rectifier cela. Mais fait-il des propositions ? Je n'en vois pas. Cette élection peut se traduire par un recul démocratique important."
Il y a un risque d'une forte abstention ?
- "Cela en prend un peu le chemin et c'est gravissime. Abstention ou vote des extrêmes, une sorte de vote défouloir, ce qui serait aussi dramatique. Je crois qu'il reste 30 jours pour ancrer de façon beaucoup plus efficace le débat dans le sens qu'attendent les Français. Un débat démocratique qui va leur permettre d'y voir clair."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 mars 2002)