Déclaration de M. Georges Sarre, président du Mouvement des citoyens, sur la campagne présidentielle et sur le programme de Jean-Pierre Chevènement concernant la politique de la mer avec la création d'un ministère de la mer, Lorient, le 8 mars 2002.

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Circonstance : Conférence de presse à Lorient le 8 mars 2002

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Par la longueur de ses côtes métropolitaines, comme par les vastes étendues océanes autour de ses départements et territoires d'outre-mer, la France est une puissance maritime. La France doit donc réaffirmer son ambition maritime. En premier lieu, elle doit se doter de l'outil nécessaire pour mener une grande politique dans ce domaine : il faut à nouveau que notre pays possède un ministère de la Mer.
On ne peut pas prétendre que, pour une grande part, l'avenir de l'humanité se trouve dans la mer et ne pas doter la République des moyens qui s'imposent. Lionel Jospin n'a pas cru nécessaire de mobiliser les énergies sur ce sujet. Il s'est contenté d'ajouter la pêche à l'agriculture, dans l'intitulé du ministère de tutelle après le mécontentement exprimé à juste titre par les pêcheurs. Il n'envisage le problème de la mer qu'à partir de rapports de forces immédiats, et non selon une vision d'ensemble tournée vers l'avenir. Jacques Chirac n'a rien dit. Soit, il n'a rien vu. Soit, il a espéré, le moment venu, tirer parti de cette carence.
Bien sûr, un ministre de la mer pour préserver et valoriser les activités de la pêche. Il faut défendre cette profession au moment où la Commission de Bruxelles exige la disparition de 40 % de la flotte existante. Au lieu de multiplier les interdictions, comme savent si bien le faire les bureaucrates européïstes, il faut organiser la coopération entre pêcheurs et scientifiques - je dis bien scientifiques et non écologistes dogmatiques à charabia pseudo scientifique - pour concilier les prises du présent avec les ressources de l'avenir. Je n'ignore pas que cela passe aussi par la défense des pêcheurs français face aux agressions et aux concurrences déloyales dont ils sont victimes. Enfin, il convient de valoriser les produits de la mer par un réel effort de labellisation et par la mise en place de filières industrielles de transformation.
Un ministre de la mer, aussi, pour renforcer la sécurité maritime. Jacques Chirac, Lionel Jospin et la Commission de Bruxelles n'ont tiré aucun enseignement sérieux de la catastrophe de l'Erika. Ils se sont englués dans les dogmes de la mondialisation ultra-libérale. En ne faisant rien ou peu de choses, il laisse les côtes à la merci de nouvelles marées noires.
Je voudrais ici insister sur la prévention des pollutions marines. Car la Bretagne plus que tout autre région d'Europe souffre des marées noires.
Qu'a-t-il été fait depuis la catastrophe de l'Erika ?
Depuis deux ans, le FIPOL, cet organisme international financé par les taxes sur les produits pétroliers n'a indemnisé qu'à peine la moitié des victimes. Les autres dossiers sont toujours en attente. Attente de quoi ? De la prochaine marée noire sur nos côtes ?
Qu'a-t-il été fait au niveau de Bruxelles ? En deux ans on a élaboré un " Paquet 1 " et préparé un " Paquet 2 ". Qu'y a-t-il derrière ses annonces de " Paquet " ?
Quasiment rien ! De vagues dispositions, notamment d'élimination des pétroliers à simple coque, à partir (je dis bien à partir) de 2005. Mais il faut savoir que les conditions d'élimination effective de ces navires, notamment les conditions d'âge ne seront réunies que dans 10 ans et que les pétroliers dangereux ne seront éliminés qu'à partir de 2013. Il faut le dire : les mesures prises à Bruxelles pour prévenir les marées noires sont illusoires, car directement inspirées par les lobbies des armateurs les plus influents et les plus cyniques se camouflant derrière l'OMI (l'Organisation Maritime Internationale) qui ne prend aucune mesures efficaces faute de moyens d'interventions.
Dernière question : qu'a fait le gouvernement depuis l'Erika ? Quasiment rien, en s'en remettant aux décisions de Bruxelles, c'est-à-dire aux mesures en trompe l'oeil ! Et en espérant obtenir l'installation à Nantes de l'Agence Européenne de la Sécurité Maritime qui n'est toujours pas décidée. Qu'attend-on ? Enfin qu'attend Monsieur Jean-Claude Gayssot : il vient de déclarer qu'il attend un " Paquet 3 " pour le social. Mais pour quelle année, puisque le " Paquet 2 " n'est toujours pas adopté. Décidément ces lenteurs, ces promesses, ces attentes n'ont qu'un but : reporter les décisions qui s'imposent en matière maritime toujours plus tard. C'est-à-dire aux calendes grecques !
Alors, d'urgence, il faut adopter quelques mesures simples et pratiques au niveau national pour dissuader les utilisateurs de navires dangereux. Le principe du " pollueur payeur " doit être la règle, accompagné d'une éventuelle responsabilité pénale. Les opérations commerciales réalisées dans nos ports par des navires sous pavillon de complaisance doivent être taxées. Il y en a assez de ces équipages sous payés et sous qualifiés qui naviguent au péril de leur vie, au péril de nos côtes, pour le grand profit de quelques armateurs et donneurs d'ordre sans scrupule. Enfin, les inspecteurs de la navigation doivent recevoir des pouvoirs d'intervention renforcée.
Un ministre de la mer, encore, pour redonner un nouvel élan à nos ports, à notre marine marchande et notre construction navale. Aujourd'hui, le trafic des conteneurs de l'ensemble des ports français est inférieur à celui du seul port de Rotterdam. Il faut redresser cette situation par des mesures qui demandent du temps, de la persévérance et du suivi. De même, il convient de mieux cibler l'aide en faveur de notre flotte de commerce. Je n'insisterai que sur un point le transport des camions par cabotage le long des façades maritimes pour réduire la saturation actuelle des routes et des autoroutes.
Je crois en effet qu'il faut sérieusement s'engager à développer les services maritimes de cabotage côtier qui doivent devenir des autoroutes de la mer. Je sais malheureusement comme vous, Lorientais qui avez dû interrompre des lignes maritimes sur l'Espagne, que cette activité est à haut risque financier pour leur promoteur. Raisons pour lesquelles, je pense qu'il faut que l'Etat participe davantage au financement de ces " autoroutes de la mer ", car on ne peut se satisfaire des crédits européens du programme " Marco Polo " qui sont insuffisants, ni demander aux collectivités locales de subventionner comme elles le font déjà en Bretagne et en Normandie, des lignes maritimes qui sont par vocation d'intérêt national et européen.
Enfin, il faut être vigilant pour protéger nos chantiers navals. Je l'ai déjà dit à Nantes il y a un mois et Jean-Pierre Chevènement aussi lors de son déplacement à Saint Nazaire, en Novembre dernier. Sans doute peut-il se réjouir que la construction des navires de pêche redevienne une activité importante, comme l'illustre l'exemple récent de Concarneau. Néanmoins, il faut pour assurer la pérennité de cette activité réunir deux conditions : d'abord permettre à la flotte de pêche de se renouveler, sans attendre les autorisations tatillonnes de Bruxelles. Ensuite permettre aux armateurs de bénéficier du mécanisme du GIE fiscal qui existe pour la flotte de commerce mais est actuellement refusé à la flotte de pêche.
Un ministre de la mer, enfin, pour développer deux activités d'avenir, la plaisance et la haute technologie. Je n'insisterai pas chacun connaît les performances de la France dans ces domaines. Mais, elles resteront fragiles, si elles ne sont pas soutenues.
Voilà, rapidement résumé, le programme de Jean-Pierre Chevènement concernant le domaine d'activité qui doit relever d'un ministre de la mer. Mais, il y a aussi l'aspect militaire.
La réforme de la direction des constructions navales n'est pas anodine à l'heure où la seule différence entre Jacques Chirac et Lionel Jospin est la part que l'Etat doit conserver dans le capital d'EDF. La transformation en entreprise publique risque donc de déboucher sur une privatisation. Mais, le problème de la DCN est ailleurs. Il est dans la diminution des crédits militaires. Sous prétexte de " dividendes de la paix ", le budget de la défense a été réduit à 1,77 % du PIB contre 2,5 % en Grande Bretagne et 2,9 % aux Etats-Unis. Vous en connaissez les conséquences, à commencer par les mésaventures du " Charles de Gaulle " ou l'arrivée des Rafales au compte goutte. Il en résulte l'unilatéralisme des Etats-Unis, que nous déplorons à juste titre. Mais une France désarmée ne compte plus.
La réforme de la DCN pose incontestablement problème par les risques qu'elle comporte et les " non-dits " qu'elle recèle. Des menaces sur un démantèlement progressif des activités existent, même si aujourd'hui on les camoufle derrière des considérations d'efficacité et de coopération avec d'autres industriels tels que THALES.
Des interrogations subsistent. Par exemple, celles sur les raisons du choix, pour la première fois dans notre histoire militaire, d'un chantier naval hollandais pour construire une unité telle que le navire d'écoutes MINREM destinés aux renseignements militaires à partir de 2006. Pour quelles raisons, le gouvernement a-t-il fait ce choix ? Mystère... Ces chantiers de la DCN ou ceux de l'Atlantique, n'étaient-ils pas capables de le construire ? Leurs plans de charge sont-ils saturés pour plusieurs années ? Vraiment, je ne comprends pas cette décision. Et je la regrette d'autant plus qu'elle accrédite les craintes des ingénieurs ouvriers et techniciens de la DCN, à Lorient comme à Brest, Toulon, Nantes ou Cherbourg sur leur avenir et tous ceux qui s'interrogent sur les risques réels de déclin de notre Marine Nationale.
Jean-Pierre Chevènement s'est engagé à porter à 3 % du PIB le budget de la défense dans les meilleurs délais. Ainsi, on pourra progressivement résoudre d'un même pas les questions liées à la condition militaire et les problèmes d'équipement de nos armées.
Lionel Jospin, lui, s'est contenté de redéployer. C'est-à-dire, il a pris à l'armement pour donner une petite satisfaction aux personnels à la veille des élections. Jacques Chirac s'est lancé, comme à son habitude, dans des promesses mirobolantes de baisse des impôts et d'augmentation de toutes les dépenses. On ne peut que déplorer son silence complice alors que, chef des armées, il avait le devoir constitutionnel d'intervenir, y compris publiquement, s'il avait considéré que les crédits militaires étaient insuffisants.
Chacun sait bien que le programme de Jean-Pierre Chevènement, quel que soit le sujet abordé, est un ensemble cohérent, qu'il est tout entier tendu vers le même objectif : relever la France avec la République. Vous connaissez la photographie qui illustre l'affiche de campagne de Jean-Pierre Chevènement. Elle a été prise à Belle-île. Eh bien, Jean-Pierre Chevènement est ainsi, il est un roc au milieu du bouillonnement des eaux. C'est bien d'un roc dont la France a besoin, et non d'un fêtu de paille qui se laisse emporter par le flot des sondages.
En face de lui, les deux sortants s'accusent mutuellement après avoir gouverné ensemble pendant cinq ans, en étant d'accord à la virgule près, selon le propre aveu de Lionel Jospin en décembre dernier. Ainsi, Jacques Chirac nous dit qu'il n'était pas d'accord avec les budgets en peau de chagrin dévolus à la défense. Peut-être ! Mais, il aurait été de son devoir constitutionnel de le dire publiquement aux Français. Lionel Jospin déclare qu'il a été naïf sur les problèmes de sécurité. Peut-être ! Mais, qu'il reconnaisse donc qu'il a toujours tranché contre Jean-Pierre Chevènement, son ministre de l'Intérieur d'alors. La différence pendant ses cinq ans entre les deux sortants et Jean-Pierre Chevènement est éclatante. Jacques Chirac et Lionel Jospin ont gardé avec cynisme le pouvoir, le pouvoir pour le pouvoir, le pouvoir par passion du pouvoir, le pouvoir par désir du pouvoir. Jean-Pierre Chevènement, lui, n'a pas hésité à assumer ses responsabilités devant le peuple français. Quand les désaccords sont devenus trop importants, il a démissionné pour demander aux citoyens de trancher le moment venu. Et, ce moment est celui de l'élection présidentielle.
Une autre différence entre les deux sortants et Jean-Pierre Chevènement est dans la manière dont ils s'adressent aux Français. Les deux sortants se limitent à la seule communication, l'un avec Jacques Séguéla, l'autre avec Claude Chirac. Mais, vous ne connaissez le nom du conseiller en communication de Jean-Pierre Chevènement pour la bonne raison qu'il n'a pas de conseiller en communication. Jean-Pierre Chevènement tient un discours politique parce qu'une élection présidentielle est un acte politique. Jacques Chirac et Lionel Jospin ont besoin de communication. Les trois quarts des Français ont perçu qu'il n'avait qu'un seul et même programme. Alors, la communication leur sert d'emballage. La communication est à la politique, ce que la boite est aux chaussures.
Mais, la communication n'est pas que le nom moderne de la vieille propagande. La communication sert à essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes. Regardez en économie. La communication a servi de tromperie. La faillite retentissante d'Enron, septième entreprise des Etats-Unis, devient un scandale majeur, parce qu'une habile communication a longtemps dissimulé la réalité des choses. De même soudain, nous apprenons les graves difficultés de Vivendi. Jean-Marie Meissier a joué pendant des années sur l'image qu'il donnait de lui-même grâce aux artifices de la communication. Il y a encore quelques mois, on nous parlait sans cesse de la nouvelle économie qui devait entraîner une croissance indéfinie. C'était encore un mirage de la communication.
La politique ne peut se dissoudre dans la communication. La République a besoin d'un débat public et non d'apparences avec paillettes. Jean-Pierre Chevènement s'adresse à la raison et à l'intelligence. Il refuse de répandre de la poudre aux yeux.
(Source http://georges-sarre.net, le 20 mars 2002)