Conférence de presse de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et Luis Felipe Lampreia, ministre des affaires étrangères du Brésil, sur les relations franco-brésiliennes et les négociations commerciales entre l'Union européenne et le Mercosur, Brasilia le 1er septembre 1999.

Prononcé le 1er septembre 1999

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Circonstance : Voyage de M. Hubert Védrine au Brésil du 1er au 3 septembre 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J'ai été invité à venir au Brésil depuis déjà un certain temps par le ministre brésilien des Affaires étrangères, et naturellement j'avais accepté avec grand plaisir, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exprimées par M. Lampreia - c'est à dire parce que, pour la France, le Brésil est un pays très important, un pays avec lequel les affinités sont vraiment anciennes et profondes, un pays avec lequel nous avons énormément à faire sur le plan bilatéral et un pays avec lequel il est très intéressant d'avoir une concertation sur tous les grands problèmes de l'Amérique latine, mais aussi sur tous les problèmes du monde puisque le Brésil est actuellement membre du Conseil de sécurité. Nous avions fixé ensemble une date pour ce voyage, qui a malheureusement correspondu au moment le plus intense de l'affaire du Kosovo. J'ai donc dû le remettre à maintenant. Naturellement j'avais accompagné le président Chirac au Sommet de Rio, qui a été magnifiquement organisé par le Brésil, mais ce sommet ne pouvait pas remplacer une visite bilatérale. Me voilà ici, à Brasilia, avec un très grand plaisir. J'étais déjà venu en 1985. Nous venons de commencer nos conversations, nous allons nous rencontrer à de nombreuses reprises aujourd'hui et demain. Nous allons aborder tous les sujets qui nous intéressent.
Q - (sur les relations Brésil - Argentine et les répercussions sur les négociations entre le Mercosur et l'Union européenne)
R - Il n'y a pas de raison pour qu'il y ait des conséquences sur la négociation dont le principe a été arrêté. Nous pensons que le Mercosur est une construction utile à l'équilibre du monde. Nous souhaitons que les membres du Mercosur puissent traiter entre eux des problèmes qui les concernent, et cela ne doit pas changer nos projets, ni le calendrier de nos relations et négociations avec le Mercosur.
Q - (sur la coopération politique entre la France et le Brésil)
R - Le dialogue entre la France et le Brésil peut porter sur tous les sujets. Il est très intéressant pour nous, Français, de connaître l'analyse du Brésil sur tous les problèmes qui peuvent se présenter en Amérique au sens large du terme. Il me semble qu'en sens inverse, le Brésil s'intéresse à l'analyse que fait la France des problèmes de l'Europe. D'autre part, nous sommes ensemble confrontés à un certain nombre de sujets difficiles au sein du Conseil de sécurité. On peut citer l'ensemble de la question des Balkans, la question de l'Iraq, le conflit de la région des Grands lacs, par exemple. Sur l'Afrique, il y a beaucoup de sujets sur lesquels nous avons intérêt à avoir des échanges. Plus globalement, il y a toute la conception générale des relations internationales. Nous avons coutume en France de dire que nous souhaitons que le monde soit multipolaire et pas unipolaire. En matière culturelle, c'est la même chose qu'en politique, nous sommes pour la diversité - je fais allusion là, à ce fameux texte des Nations unies sur la biodiversité. C'est la même chose pour la diversité des cultures du monde. Il y a aussi des questions telles que la réforme des Nations unies, la réforme et l'adaptation des institutions financières internationales. Comme vous le voyez, la liste des sujets est très longue. Et même si nos intérêts commerciaux parfois divergent, si nous rencontrons des difficultés ponctuelles, nous avons le sentiment d'avoir beaucoup d'affinités sur le plan des concepts globaux et géopolitiques.
Q - (sur les subventions agricoles)
R - Nous avons trouvé une méthode pour traiter ces questions, puisqu'à partir d'une décision de principe adoptée en 1995 sur la libéralisation progressive symétrique des échanges, on a réussi cette année à trouver un mécanisme de négociation. C'est la décision qui a été prise quelques jours avant le Sommet de Rio, relativement au calendrier de la négociation qui va être engagée entre l'Union européenne et le Mercosur. Je pense qu'il n'est pas utile à ce stade de revenir à des controverses théoriques sur les idéologies des uns et des autres, sur celle du Groupe de Cairns ou des autres. Il faut maintenant préparer cette négociation, se préparer à tout mettre sur la table, sur tous les plans, sur le plan agricole, comme sur le plan industriel, comme sur le plan des services. Et nous rechercherons le meilleur accord possible dans l'intérêt de ces deux entités.
Q - (sur les difficultés du mandat de négociation)
R - J'ajouterai que le domaine agricole fait partie de la négociation dont nous avons fixé le calendrier. Je voudrais vous rappeler précisément que l'industrie et les services en font aussi partie. Cette affaire est souvent présentée d'une façon partielle, comme si c'était seulement une négociation agricole portant uniquement sur des subventions à l'agriculture. Ce n'est pas le point de vue européen et ce n'est pas uniquement celui de la France, parce que, pour les Européens, comme on l'a vu suite aux décisions prises à Berlin, au mois de mars, l'agriculture n'est pas simplement un secteur de l'industrie destiné à produire des denrées agricoles : c'est plus vaste que cela. La Politique agricole commune européenne comporte aussi une dimension d'environnement, d'aménagement du territoire, ce que nous appelons la dimension multifonctionnelle. De notre côté, nous devons nous préparer à l'étape agricole de la négociation qui viendra et vous devez vous préparer à l'étape industrielle et services qui viendra aussi.
Q - (les attentes françaises sur les négociations Europe-Mercosur)
R - Ce n'est pas une négociation avec la France, c'est une négociation avec l'Union européenne et c'est un mandat qui a été donné par les Quinze. Un pays de l'Europe, un pays sur quinze ne peut imposer sa vision, sa politique à tous les autres : c'est forcément un compromis. Le calendrier est là, les négociations vont s'engager, elles commenceront par les questions non-tarifaires et traiteront les autres questions après : c'est la position de négociation des Quinze. Je voudrais rappeler que, si on regarde les chiffres, les exportations agricoles et agro-alimentaires du Brésil sur le marché européen se sont beaucoup développées ces dernières années. Cela montre premièrement que l'Europe n'est pas la forteresse que l'on décrit et deuxièmement que le Brésil est extrêmement dynamique, ce que nous savions.
Q - (sur les services)
R - Il en va de même pour les services. Ils font partie de la négociation, on verra le moment venu. La décision est annoncée ; maintenant il faut négocier. Et quand on négocie, on ne connaît pas exactement le point d'arrivée. L'important est que cette question ne soit pas traitée comme un contentieux avec des reproches mutuels, mais qu'il y ait un processus de négociation. Si nous l'avons accepté, c'est que nous pensons que nous pouvons tous en tirer profit au bout de compte, même si, entre temps, au cours des négociations, il y a des moments difficiles.
Q - (sur la situation du Timor oriental)
R - La question ne se pose pas sous l'angle d'intérêt français dans cette région. Nous souhaitons, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, que le processus mis en place par l'ONU soit respecté et qu'il puisse aboutir à une solution pacifique et stable. Voilà notre soucis. Par ailleurs, nous sommes évidemment très proches, à la fois en raison de l'Union européenne et des liens d'amitié avec le Portugal. Nous sommes en train de nous concerter en ce moment même avec le Portugal, pour savoir quelle est l'attitude la plus utile à adopter dans la situation actuelle à Timor.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 02 septembre 1999)