Texte intégral
Pour la troisième fois depuis le début de l'année, le Clémenceau s'apprête à partir pour une mission en Adriatique.
Je suis ici, parmi vous, pour marquer l'importance que le gouvernement attache à l'action que vous allez mener.
Certains d'entre vous ont déjà participé à de telle opérations. Pour d'autres, cela sera la première fois. Permettez-moi de vous rappeler quel est le sens de votre mission.
Vous allez d'abord directement participer à la sécurité de notre pays. Cette sécurité ne se garantit pas uniquement sur notre territoire national ou à ses abord immédiats. Notre monde est plus étroit qu'hier. Les hommes se déplacent plus facilement tout comme les biens, les services ou les capitaux. Les distances sont réduites de telle sorte que nous ne pouvons plus ignorer les zones d'instabilité. Même lorsqu'elles sont lointaines, elles nous affectent de façon quasi automatique. Les différentes régions du monde sont interdépendantes. Ceci vaut a fortiori au sein de notre propre continent, l'Europe, et nous avons tous appris dans nos manuels d'histoire combien la région des Balkans était une zone dangereuse.
Ex-Yougoslavie - Bosnie - stabilité en Europe
Si la France mobilise ses efforts en faveur d'une solution de paix en Bosnie, c'est pour mettre un terme aux souffrance des populations civiles de l'ex-Yougoslavie. C'est aussi pour tuer le germe d'une instabilité qui risquerait de se développer à quelques centaines de kilomètres de nos frontières, et qui ne manquerait pas d'affecter les conditions même de notre sécurité.
Nous ne pouvons laisser se développer cette violence. Elle est moralement inacceptable ; elle peut en outre avoir de graves répercussions sur l'avenir de l'Europe.
La sécurité de notre pays est ainsi au coeur de la mission que vous allez accomplir. Mais, au-delà, votre action contribuera également à affirmer la place de la France dans le monde.
France - opérations de maintien de la paix de l'ONU
Si notre pays, vous le savez, est présent, avec des moyens militaires, dans les Etats comme le Cambodge ou la Somalie, c'est pour une raison simple : la France se doit de prendre ses responsabilités à l'échelle de la planète.
Nous savons trop, par expérience historique, combien l'organisation de la société internationale est difficile et combien il suffit d'un germe de violence pour déchaîner la guerre. Lorsque la paix et la liberté sont menacées, nous estimons que la communauté internationale ne peut rester inactive.
Au sein des Nations unies et à la place éminente de membre permanent du Conseil de sécurité qui est la nôtre, nous sommes déterminés à agir en faveur d'un monde plus stable. Nous le faisons par la voie de la diplomatie. Nous le faisons également, si nécessaire, par la voie des armes lorsque l'organisation des Nations unies en décide ainsi.
Votre action s'inscrit aujourd'hui dans ce cadre. Elle contribuera à donner de meilleures chances à la paix, elle permettra également que l'action humanitaire puisse être menée à bien sous votre protection.
Ce faisant, vous agirez également en étroite coopération avec les autres pays membres des Nations unies engagés sur le terrain, notamment avec nos alliés.
Sécurité en Europe - PESC
Vous retrouverez en particulier plusieurs contingents européens qui ont été envoyés en Adriatique ou sur le territoire de l'ex-Yougoslavie pour favoriser un règlement de paix.
L'Europe cherche aujourd'hui à se doter d'un instrument de défense. Nous voyons chaque jour dans l'ex- Yougoslavie combien un tel objectif est nécessaire. Il importe que l'Europe soit à même d'assurer le rôle qui lui revient, notamment pour participer à des opérations de maintien de la paix indispensables à la sécurité du continent.
Nous mesurons combien cet effort spécifiquement européen pourrait compléter utilement l'organisation militaire conjointe que nous avons avec nos alliés américains.
J'ai, pour par part, le sentiment que l'action sur le terrain contribuera autant que les négociations menées par nos diplomates et nos autorités militaires à cet objectif. En cela également, votre mission a une valeur exemplaire.
Pour remplir ces missions, il faut, bien évidemment, que les armées disposent des moyens nécessaires. Soyez assurés qu'il s'agit d'une préoccupation prioritaire du gouvernement.
Politique française de défense
D'ores et déjà et en dépit de la situation délicate des finances publiques, j'ai veillé à ce que le budget du ministère de la Défense pour 1994 soit préservé. Dans ce cadre les moyens disponibles pour le financement des équipements militaires feront l'objet d'une priorité. Ces moyens évolueront plus rapidement que la moyenne du budget de l'Etat.
Je suis bien conscient que le maintien à niveau satisfaisant d'un outil de défense efficace se prépare de longues années à l'avance. Le monde d'aujourd'hui est insuffisamment sur pour que nous relâchions un effort de défense, que nous pourrions un jour regretter de ne pas avoir soutenu.
C'est pourquoi, avec le ministre d'Etat, ministre de la Défense, M. François Léotard qui est si attentif à prévoir l'avenir de nos forces armées, j'ai constitué une commission chargée de rédiger un "livre blanc" sur la défense. Ses conclusions seront remises dans quelques mois. Elles devront dégager, faire ressortir les nouvelles conditions de la sécurité de notre pays sur une scène internationale qui a connu, ces dernières années, des bouleversements stratégiques profonds. Elles indiqueront également les conséquences à tirer du point de vue de l'organisation et des moyens de notre défense.
Dans cet outil de défense, la capacité navale continuera d'assurer une part importante. Le porte-avions, en particulier, par sa capacité à remplir des missions multiples, par son aptitude à projeter à bref délai une force armée importante à des distances lointaines, est un instrument militaire dont chacun mesure l'efficacité et l'importance politique.
Cette composante navale s'insère bien évidemment dans un effort interarmées cohérent. Vos camarades des armées de terre et de l'air accomplissent un travail remarquable dans l'espace yougoslave, grâce à leurs mérites naturellement, à leur sens du devoir et grâce aussi à la solidarité de tous les instants qui les animent.
Cette implication combinée des différentes armées est particulièrement nécessaire dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Celles-ci imposent une souplesse d'emploi particulière permettant de s'adapter à des situations qui ne s'apparentent pas à des opérations militaires traditionnelles.
Au moment où vous allez rejoindre votre théâtre d'opérations, je pense également à vos familles qui vont attendre votre retour. Je pense en particulier aux familles des appelés pour qui cette séparation revêt un caractère plus exceptionnel. Je sais que dans leurs sentiments, la fierté l'emporte sur l'émotion.
Vous allez sur le théâtre yougoslave servir la cause qui fonde l'honneur des armées. Agissant au nom de la communauté internationale, vous aurez pour tâche de faire prévaloir la justice et la raison sur les passions et la violence.
Sachez que le pays, dans son ensemble, vous apporte son soutien et sa confiance.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2004)