Texte intégral
S. Paoli
Crédité de 1 % d'intentions de vote et alors que trois responsables du mouvement appellent à rallier le Front national, quelle est aujourd'hui l'espérance de vie du Mouvement national républicain ? Votre candidature à la présidentielle, à côté de celle de J.-M. Le Pen à qui les sondages attribuent 10 % des intentions de vote, est-elle un constat d'échec après la déchirure intervenue entre les deux hommes ? Abandonné par trois des vôtres ou trahi ? Comment dites-vous les choses ?
- "Tout cela est un montage complet ! Je suis absolument consterné de constater que lorsque trois militants ayant cessé de militer dans notre mouvement depuis plus d'un an sont récupérés pour des fins médiatiques par Le Pen, toute la presse embraye docilement derrière les propos de Le Pen. Mais j'ai sous les yeux le nom de J. Michel, responsable Front national de la Camargue, T. Laubre, responsable de Montélimar, J. Vlaminc, responsable de Reims, G. Viginier, responsable du Berry du Front national, qui viennent de rallier mon mouvement. Et quand j'entends parler des sondages, puisque vous avez introduit cette interview sur les sondages, je dis clairement, s'agissant des sondages me concernant, c'est-à-dire concernant un mouvement nouveau, une candidature nouvelle, concernant la droite nationale pour laquelle les électeurs ne répondent pas spontanément qu'ils votent pour nous. Je dis que ces sondages me concernant sont bidons. A Marseille, il y a un an, on me créditait de 4 % : j'ai fait 14 % au premier tour ! A Vitrolles, ma femme était annoncée battue [avec] 10 points de retard, tous les sondages confirmaient que c'était plié, c'était terminé : elle a été brillamment réélue. Alors, si le décalage est dans le même rapport, croyez-moi, ce ne sera déjà pas si mal !"
Mais on ne peut pas dire que vous soyez porté par la vague... Quand vous entendez J.-M. Le Pen dire que votre mouvement est en voie de désintégration, qu'est-ce que vous répondez ?
- "Evidemment, si c'est là que vous allez chercher vos informations concernant notre mouvement, vous ne risquez pas d'avoir des informations très positives ! Samedi et dimanche prochains, venez à Nice, nous organisons notre grande convention, 2.500 personnes sont attendues, des délégués, et vous verrez que ce n'est pas du tout le cas. C'est un mouvement jeune, un mouvement qui a fait face à toutes sortes d'épreuves à la suite, en effet, des difficultés de l'explosion du Front national, mais un mouvement en plein dynamisme, en pleine extension."
Vous êtes assuré d'obtenir vos 500 signatures ?
- "Je pense que c'est quelque chose qui va être réalisé très prochainement, nous avons déjà un nombre tout à fait considérable de signatures qui nous met proches du but. Au rythme où cela rentre actuellement, nous les aurons. Disons pour être plus précis qu'on en a plus que les Verts, mais moins que les chasseurs, c'est vrai."
Donc, pour l'instant, encore rien n'est fait...
- "Oui, mais, vous savez, pour la plupart des candidats rien n'est fait encore, tout sera fait seulement lorsque le Conseil constitutionnel aura enregistré les signatures."
Alors quel programme ? Candidat avec quel programme ? On parle de l'insécurité, J. Chirac hier faisait des propositions : qu'en dites-vous d'ailleurs de cette formule de la "tolérance zéro" ?
- "Alors un programme très simple pour ce qui me concerne : remettre de l'ordre en France. Je crois qu'il est temps de remettre de l'ordre dans notre pays. Cela passe par le rétablissement de l'ordre public, de la sécurité, mais cela passe par tout le reste, par le retour à une certaine harmonie de civilisation dans notre pays, alors qu'avec les socialistes, qui sont maintenant les enfants de mai 68 arrivés au pouvoir, qui avaient mis la chienlit dans les rues et qui ont maintenant mis la chienlit dans le pays. Il est temps de remettre de l'ordre en France et c'est sûr que, sur le plan de l'insécurité, il y a un travail considérable à faire. M. Chirac n'est vraiment pas le mieux placé pour le faire, lui qui a, ne l'oublions pas, signé il y a un an la loi socialiste Guigou, lui dont les députés RPR n'ont même pas voté contre cette loi socialiste Guigou qui est le monument historique du laxisme pénal dans notre pays, une loi faite pour protéger les voyous."
Mais vous voyez dans le programme présenté hier par J. Chirac - avant de parler du vôtre -, des choses un peu différentes de ce qui existe déjà, à défaut de cette " chienlit " que vous évoquez ?
- "Disons que je pense que tout n'est pas mauvais, il ne faut pas ne pas voir les choses, tout n'est pas mauvais dans ce que propose M. Chirac. Le problème est que d'abord, il ne va pas au fond des choses et qu'il n'est pas crédible pour les appliquer. Il y a notamment une chose qui n'existe absolument pas dans son programme, c'est qu'il ne prend pas en cause l'une des causes majeures de l'insécurité, qui est l'immigration. L'immigration massive, incontrôlée, clandestine, dont on essaie de laisser croire aux Français qu'elle est résolue, alors que ce n'est absolument pas le cas - il suffit d'aller dans les prisons françaises pour constater que 60 % des détenus sont étrangers ou d'origine étrangère. Donc, si on ne procède pas, par exemple, à l'expulsion systématique et effective des clandestins, des délinquants étrangers, à la déchéance de leur binationalité, des binationaux récemment naturalisés qui commettent des crimes ou des délits graves, on ne réglera pas le problème. Et là je reprends ce que disait M. Bromberger : il suffit d'appliquer la loi. Je ne demande pas des changements de loi, je demande l'application réelle de ce qui est prévu par les textes, que personne n'applique."
Sauf que D. Bromberger n'a jamais parlé de chasser les étrangers ou les immigrés...
- "Eh oui, oui, parce qu'il faudrait appliquer la loi à certains mais pas à d'autres ? C'est la justice à deux vitesses."
Oui, ne prêtez pas à D. Bromberger des interprétations qui ne sont pas les siennes ! Revenons à vous tout de même. Quoi de neuf ? L'immigration, cela fait dix ou quinze ans que vous traînez ce discours. En quoi il y a quelque chose de nouveau qui est porteur ? Et d'ailleurs, en quoi ce discours a-t-il ou non convaincu ?
- "Je vais vous répondre... Ce qu'il y a de neuf, c'est que le Mouvement national républicain est maintenant positionné pour pouvoir demain rassembler au plus large l'ensemble de ce que j'appelle la droite nationale et républicaine, qui pèse sans doute dans notre pays près de 30 % des voix, et qui a toujours été divisée, balkanisée, marginalisée, culpabilisée. Mon grand projet est de la décomplexer et de la rassembler. Aujourd'hui, nous sommes encore dans une phase de transition. Mais, regardez : madame Boutin, elle fera un coup ; M. de Villiers ne se présente pas ; quant à Pasqua et Le Pen, c'est leur dernière élection. Au lendemain du 21 avril, c'est fini, ils ne feront rien de leur voix. C'est d'ailleurs pour cela - je le dis aux électeurs - que cela ne sert à rien de voter Le Pen : il ne fera rien des voix qu'il recueillera, en dehors de faire voter pour Jospin, de rouler pour Jospin, au fond contre les idées qu'il prétend défendre. Donc, je suis le seul qui inscrit son projet et son combat dans une perspective d'avenir et de construction politique. Les voix que je recueillerai le soir du 21 avril, ce sera un capital que nous ferons fructifier pour créer ce grand rassemblement dont la France a besoin, comme cela s'est produit en Italie par exemple, avec l'émergence d'un pôle des libertés à droite, de toutes les droites, avec M. Berlusconi."
Une réalité politique à laquelle d'ailleurs seront confrontés tous les candidats : c'est l'Europe. Parce qu'on ne peut pas dire autrement quand même, le succès de l'euro est un plébiscite à l'Europe ? 360 millions de personnes qui adoptent une monnaie aussi facilement que cela, c'est un signe quand même, non ?
- "Ecoutez, soyons sérieux. Le passage technique du franc à l'euro s'est effectué dans de très bonnes conditions, j'en conviens tout à fait. C'est simplement le signe que les Français sont des gens intelligents et pratiques et que l'Etat a réussi les conditions techniques de ce changement - ce qui n'est quand même pas un exploit, cela fait cinq ans qu'ils s'y préparaient ! Mais ne me dites pas que c'est un plébiscite, les Français n'avaient pas le choix. Lorsque j'ai entendu dire que les Français étaient euphoriques et se précipitaient vers l'euro, c'est comme si vous me disiez aujourd'hui : les Français sont euphoriques à l'idée de payer leurs impôts, ils se précipitent pour déposer leur feuille d'impôts chez le percepteur ! Cela n'a pas de sens. Alors l'euro est en place, on va voir si cela nous apporte ce que c'était censé nous apporter. Je vois déjà que l'Allemagne a bien des difficultés avec l'euro, je vois que l'euro ne fait pas vraiment le poids face au dollar - d'ailleurs je le regrette. Mais on verra ce que cela va donner."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le20 février 2002)