Conférence de presse de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense et des anciens combattants, sur la qualité de la contribution militaire française pour la paix au Kosovo et sur la situation au Kosovo, notamment à Mitrovica, Mitrovica le 20 mai 2002.

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Circonstance : Voyage de Mme Alliot-Marie en Bosnie Hérzégovine le 19 et au Kosovo le 20 mai 2002

Texte intégral

Général, Messieurs, Mesdames,
Depuis plus de 10 ans, les militaires français sont engagés en Bosnie Herzégovine. Ils le sont pour la paix. Et ils y ont payé un lourd tribut. Au cours des missions qui ont été effectués par nos armées, au cours des missions auxquelles ont participé certains d'entre vous, plus de 80 d'entre nous ont perdu la vie, ou ont été blessés. Vous y avez connu des situations difficiles. Vous y avez connu des périodes de tension, des périodes de guerre, mais toujours vous avez su agir pour maintenir la paix, et pour représenter la France dans ces opérations. Je tiens à rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie, je tiens aussi à saluer votre courage dans ces opérations, et nous ne saurions oublier que c'est d'un lieutenant français, par une action d'éclat que le cours des choses a changé avec la reprise du pont de Verbania. Aujourd'hui la situation s'est sensiblement améliorée. Certains d'entre vous me l'ont dit hier soir. Elle s'est améliorée grâce à votre action concrète sur le terrain. Vous devez en être félicité et remercié. Votre présence, votre action dans le respect de la plus grande neutralité à l'égard des locaux, aux côtés des populations bosno-serbes, bosno-croates, bosno-musulmanes, permet aujourd'hui d'envisager une indispensable reconstruction. Reconstruction des institutions, mais nous le savons aussi reconstruction matérielle parce que ce n'est que dans des pays où l'économie permet aux gens de vivre que l'on écarte les risques de conflits à long terme. La valeur opérationnelle des troupes françaises procure une force dissuasive à la SFOR. Peu de nations ont cette crédibilité militaire quand il s'agit de missions opérationnelles, et vous savez bien que c'est grâce à vous que notre réputation en la matière est bien établie. La réalisation de ces missions a également permis de mesurer la parfaite intégration au sein des structures internationales, et la qualité des relations avec les pays membres de la coalition que vous avez su mettre en uvre quelles que soient vos tâches sur ce terrain, quel que soit votre rang, quelles que soient vos missions, vous contribuez tous à la sécurisation et en fin de compte à la sécurisation et à la stabilisation de cette région indispensable pour la paix de l'Europe, indispensable aussi pour la sécurité de notre pays. Cette action que vous avez menée jusqu'à présent ne doit cependant pas nous faire oublier que la situation est encore fragile et c'est la raison pour laquelle votre mission n'est pas encore terminée. Pour autant, je sais que vous consentez individuellement des efforts intenses et de nombreux sacrifices. Je sais vos conditions de vie, certainement plus aléatoires que celles dont j'ai bénéficié cette nuit, Je sais qu'elles sont parfois éprouvantes, je sais la disponibilité permanente qu'implique votre mission, loin de celles et de ceux qui vous sont chers et qui font face individuellement en votre absence à des difficultés quotidiennes. Je veux vous dire aujourd'hui que vos efforts, que ces difficultés sont connues de nos concitoyens. Je veux aussi vous dire que j'entends les faire mieux connaître encore de l'ensemble des Françaises et des Français. Vous savez que vous pouvez être fiers de votre travail, j'entends que les Français soient fiers de leur armée et de ses actions. Votre entraînement, vos motivations font l'excellence du contingent français dans les missions quotidiennes comme dans les missions difficiles. Vous qui savez donner sans compter, je vous demande de poursuivre votre mission avec la même conviction, avec la même ardeur, avec la même volonté de représenter au plus haut niveau notre pays dans le concert international. Je tiens ce matin à vous dire toute ma confiance, et je tiens à vous dire aussi au nom du président de la République et au nom du gouvernement, notre reconnaissance pour votre engagement quotidien au service de l'Alliance et au service de la France.
Depuis le début de la crise du Kosovo, la France s'est engagée avec fermeté aux côtés de ses alliés et au service de la paix. Elle l'a fait dans le cadre d'opérations terrestres, aériennes, maritimes. Ces missions ont permis de mesurer l'interopérabilité de nos matériels. Elles ont marqué la parfaite intégration de nos personnels au sein des structures internationales. Elles ont permis de souligner la qualité des relations entretenues avec les pays membres de la coalition. Je tiens à souligner combien les militaires français ont contribué de façon déterminante à l'entrée des forces au Kosovo. Ils ont montré, vos prédécesseurs, certains d'entre vous aussi, leur excellence lorsqu'il a fallu s'emparer de la ville de Mitrovica où nous nous trouvons. Soyons clairs, quand il faut une troupe très opérationnelle pour ouvrir la voie, seules quelques nations en ont la possibilité et la France est de celle-là et cela est reconnu partout et par tous. Il faut le noter, les militaires français ont aussi payé un lourd tribut à ces opérations. Aux 80 soldats morts en Bosnie, il faut ajouter les 7 qui sont morts aussi au Kosovo depuis le début de notre engagement, dont un plus récemment et je crois que nous devons tous rendre l'hommage qui leur est dû. Aujourd'hui c'est vrai, la situation s'est améliorée, sensiblement améliorée. Cela grâce à votre action quotidienne et concrète sur le terrain et je tiens au nom de la France à vous en remercier et à vous en féliciter. Votre présence et votre action dans la plus grande neutralité restent déterminantes aux côtés des populations kosovares, d'origine serbe, et d'origine albanaise. Je me plais à souligner combien la compétence des militaires français est unanimement reconnue sur ce terrain d'opérations, comme on ne le dit pas suffisamment, chaque fois qu'ils sont engagés sur des opérations, sur des théâtres extérieurs. Votre aptitude à pacifier les situations et surtout dans ces lieux de confrontation ethnique importante, ce que vous faites en vivant à proximité des populations - et je pense que nous sommes le contingent qui le fait le plus et le mieux - s'avère indispensable, et s'avère profitable aussi au rétablissement d'une situation de paix. Vous tous, quelles que soient vos missions, quelles que soient vos tâches sur le terrain, vous contribuez à la stabilité de la région et nous savons l'importance de la stabilité de cette région pour la paix en Europe et nous le savons aussi, pour notre propre pays. En parallèle, je tiens à le souligner parce que cela doit aussi être dit, vous consentez à des efforts intenses, à de nombreux sacrifices, à des conditions de vie qui ne sont pas toujours faciles, vous le disiez : moins de 30° l'hiver, plus de 40° l'été, ou à peu près, mais également une disponibilité permanente pour être sur le terrain et surtout bien entendu, l'éloignement de vos familles, l'éloignement de ceux qui vous sont chers, et en même temps pour eux, les difficultés à assumer une vie en étant éloignés et isolés. Tous ces efforts sont connus, mais peut-être insuffisamment de nos concitoyens, et je fais entrer dans le cadre de ma mission, l'objectif de mieux faire connaître ces difficultés en même temps que de mieux faire connaître aux Français, la fierté qu'ils peuvent avoir de leurs armées. Votre entraînement, votre motivation font en effet l'excellence du contingent français dans les missions quotidiennes comme dans les missions difficiles et ici tout particulièrement vous en avez connues, vous qui avez su, vous qui savez donner sans compter, je vous demande de poursuivre votre mission avec ardeur, avec détermination, avec dévouement. C'est ainsi que vous assurez la promotion des intérêts et des valeurs que défend notre pays au service de la paix. Alors ce matin, je tiens à vous dire toute ma confiance et je tiens à vous dire aussi la reconnaissance du président de la République, du gouvernement et de l'ensemble de notre nation pour votre engagement quotidien au service de l'Alliance, au service de la France.

Mesdames et Messieurs d'abord, merci de votre présence à ce point presse, qui conclut la journée que j'ai passée au Kosovo après avoir été hier auprès des troupes françaises en Bosnie. J'ai été nommée il y a juste dix jours comme ministre de la Défense et des Anciens combattants et je tenais dès ces premiers jours à me rendre auprès des forces françaises qui sont sur des théâtres d'opérations extérieures. C'est l'occasion pour moi de rendre hommage au nom du président de la République et du gouvernement français aux militaires français qui participent à des opérations de paix. C'est également une occasion de constater et de souligner l'intégration multinationale et l'interopérabilité qui a été réalisée sous la bannière de l'OTAN, ce qui sert aussi d'ailleurs à la construction de l'Europe de la Défense. Si j'ai commencé, puisque nos forces sont sur plusieurs théâtres d'opérations extérieurs, par la Bosnie et le Kosovo, c'est que la France a été engagée dès le début, parfois même la première dans ces opérations, et que l'armée française a payé un lourd tribut puisqu'elle a eu de nombreux morts, et en Bosnie et au Kosovo. C'est aussi une occasion de montrer la volonté de la France d'aller jusqu'au bout de ces opérations de paix. Alors en une journée et demie, je me garderais d'avoir une opinion définitive sur la situation. Toutefois, en écoutant les uns et les autres, j'ai le sentiment que la situation a évolué positivement, aussi bien en Bosnie qu'au Kosovo. En Bosnie, j'ai constaté de nombreux signes encourageants, aussi bien en ce qui concerne la construction politique que le redémarrage de la situation économique, la sécurité, et une certaine stabilité générale. Cela permet d'envisager effectivement des évolutions, évolution notamment par un élargissement, une augmentation du volet civil de l'action de paix, la reprise par l'Union Européenne d'une mission de police plus spécialisée, et tournée vers la formation des cadres. Pour autant, je dirais que la vigilance de la communauté internationale doit être maintenue, et que si l'adaptation et la réduction des forces de la SFOR est envisageable, une action militaire ou une présence militaire demeure néanmoins souhaitable. En ce qui concerne le Kosovo, on peut considérer me semble-t-il que le processus de stabilisation et de reconstruction est lui aussi entamé. Il m'est apparu néanmoins que les tensions étaient plus vives, plus présentes, peut-être plus exacerbées et notamment, nous l'avons vu tout à l'heure, à Mitrovica. Je pense néanmoins que nous pourrons avancer grâce aux efforts combinés de la Mission de Nations-Unies au Kosovo (MINUK) et de la KFOR. Bien entendu dans tous ces domaines, il reste, et nous venons d'en parler, de gros efforts à faire en matière de sécurité, de lutte contre la criminalité, et en matière de redémarrage économique. Je crois que l'on pourra envisager une adaptation, je dirais une adaptation conditionnelle, et une adaptation progressive du dispositif de la KFOR, en fonction des progrès. Il y a probablement moyen de recentrer les efforts de la KFOR notamment sur des domaines tels que le contrôle des frontières, la lutte contre la criminalité et la lutte contre les trafics qui paraissent les premières conditions pour rétablir une situation normale. Je tiens à dire que la France soutient ce projet qui est porté par le Général Valentin, et je pense qu' ainsi nous réussirons à améliorer encore l'efficacité de nos forces en les rendant plus mobiles et en renforçant la multinationalité ou l'internationalité de l'action qui est aujourd'hui menée.
Réponse aux questions sur les actions à mener :
Je pense qu'à Mitrovica, les actions à mener sur l'ensemble du Kosovo, sont notamment celles que je viens d'évoquer, mais probablement avec encore d'avantage d'urgence et d'intensité. J'ai le sentiment que les populations ont besoin de retrouver confiance, confiance dans des institutions nationales, confiance dans la police, dans leur justice, mais également peut-être confiance entre elles. J'ai été très frappée de voir que malgré les efforts faits pour attirer les populations sur le pont, appelé " zone de confiance ", il n'y a encore qu'un nombre de personnes très limité qui font cette démarche. Je pense que la présence militaire donne une certaine confiance aux populations. Il faut sans doute qu'il y ait aussi une démarche plus volontaire de la part des populations concernées.

Nous avons discuté avec Monsieur Steiner des conditions pour améliorer la situation, pour garantir la paix, et pour permettre le plus rapidement possible aux institutions de fonctionner normalement. Nous avons donc parlé effectivement de la lutte contre la criminalité, des prochaines élections au mois d'octobre, et d'une façon plus générale, de l'espoir qui est le sien de voir des mesures concrètes intervenir très prochainement.
Et comme ministre je puis vous dire que je suis très fière des actions qui ont été menées, du sang-froid dont les soldats ont fait preuve dans certaines situations difficiles. Ils ont une haute idée de leur mission et une totale détermination pour rétablir la paix et ils la garantissent ainsi à l'ensemble de l'Europe.
La France a engagé avec ses alliés une action déterminée contre le terrorisme. La conséquence bien sûr c'est qu'elle devient aussi une cible des terroristes contre lesquels elle combat. Il faut que les terroristes sachent qu'en aucun cas, leurs actions ne nous empêcheront de continuer la guerre contre le terrorisme.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 mai 2002)