Texte intégral
Réforme du ministère des Affaires étrangères
Le ministère des Affaires étrangères, l'une des plus anciennes et des plus prestigieuses administrations françaises, s'engage aujourd'hui tout entier dans une ambitieuse entreprise de modernisation dont je le félicite. Je suis heureux de manifester mon approbation à ce mouvement de réforme : il traduit bien la volonté du gouvernement de rendre notre Etat plus efficace. C'est un projet important, auquel je suis profondément attaché. De surcroît, je vois dans cette réunion l'occasion de vous dire combien votre action au service de la politique étrangère de la France est essentielle à l'entreprise de redressement de notre pays, dans une difficile période de crise.
Il me parait en quelque sorte naturel que votre administration, dont la vocation est d'être à l'écoute de la vie internationale et des changements continuels et si rapides de notre monde, soit exemplaire dans l'adaptation constante de ses structures et de ses méthodes de travail. C'est, vous le savez, un impératif pour notre Etat de suivre cette voie. Par formation, par expérience autant que par conviction, je suis convaincu que l'équilibre et le progrès de notre communauté nationale dépendent de la bonne qualité de l'Etat.
La construction européenne pas plus que les multiples accords internationaux auxquels a souscrit notre pays ne diminuent son rôle. Ils le rendent encore plus nécessaire mais différent. L'Etat doit aujourd'hui concentrer son activité sur ses fonctions essentielles, au premier rang desquelles se situent les Affaires étrangères, historiquement l'une des premières qu'il ait assumée. La relation avec l'étranger est au coeur de la défense de nos intérêts économiques et culturels et de notre sécurité. Jamais la France n'a été autant ouverte sur l'extérieur. Jamais dans ses différentes composantes, elle n'a eu autant besoin de bien connaître et d'exercer son action dans des pays que tout rapproche d'elle mais qui restent pourtant si différents : c'est votre métier et votre raison d'être. C'est dire l'importance de votre tâche pour la communauté nationale.
Coordination de l'action extérieure
Dans ce domaine comme dans d'autres, l'Etat ne doit pas chercher à tout faire mais s'appliquer à définir les règles communes essentielles à une vie sociale de plus en plus diversifiée. S'agissant des Affaires étrangères, cela signifie que vous devez en priorité fournir au pouvoir politique les éléments à partir desquels celui-ci détermine sa politique étrangère. Il vous incombe ensuite de coordonner et d'animer toutes les interventions extérieures, de telle sorte que l'unité et le dynamisme de cette politique soit assurée. Le monde est trop dangereux et sa compétition trop vive pour que la France s'y engage en ordre dispersé. Votre administration est la garante de cette cohésion si importante pour nos intérêts économiques, culturels et politiques. Chacun l'attend de vous et d'abord des ambassadeurs, représentants à l'étranger du Président de la République, du Premier ministre et de chacun des ministres. Ils disposent de l'autorité sur tous les services français à l'étranger mais c'est bien naturellement de la justesse de leur analyse de leurs initiatives et du dynamisme des équipes qu'ils animent que dépend leur capacité de mobilisation en faveur de l'action extérieure de la France.
Dans cette tâche de coordination, le ministère des Affaires étrangères doit veiller à ce que notre dispositif à l'étranger s'adapte aux réalités politiques et économiques du monde. Dans ce but, j'entends à l'avenir réunir de façon régulière un comité interministériel de l'action extérieure de la France. Celui-ci sera l'occasion de présenter tous les ans un tableau complet du réseau de services extérieurs de l'Etat et de prendre les mesures nécessaires pour éviter les double emplois, et procéder aux redéploiements nécessaires. Cette clarté est indispensable pour avoir une vision d'ensemble de notre politique étrangère et y adapter nos moyens. Au sein de l'Etat, l'administration des Affaires étrangères a donc un chemin clairement tracé. Chacun et chacune d'entre vous doit s'y engager avec le sens du service public qui est reconnu aux agents de votre ministère et que j'ai pu moi-même mesurer à tant de reprises.
Cet esprit implique à mes yeux un souci constant de disponibilité à l'égard de la communauté nationale. Il vous faut vous efforcer de rendre accessible la somme des informations recueillies par les ambassades et les consulats et de permettre à tous nos concitoyens de l'utiliser au mieux de leurs intérêts. Le ministère des Affaires étrangères, présent à l'étranger, doit entretenir une relation privilégiée avec nos entreprises, nos universités, nos collectivités publiques, nos associations, désormais si actives dans le domaine international. Je sais combien ces liens sont déjà étroits et fructueux ; n'ayez de cesse de les renforcer.
Le sens du service public signifie aussi pour moi l'impartialité. J'ai déjà eu l'occasion de dire devant la représentation nationale combien j'étais attaché à ce que notre administration respecte les principes républicains consignés par notre Constitution et dans le statut de la fonction publique. L'impartialité, c'est d'abord la tolérance à l'égard des opinions des uns et des autres et la loyauté parfaite envers le gouvernement. Elle a pour corollaire le devoir de réserve. Mais c'est aussi le respect du mérite dans la promotion des individus et dans le déroulement des carrières. Je puis vous assurer que je veillerai personnellement à ce que cet esprit soit respecté. Mon gouvernement s'interdira, comme je l'ai indiqué, de procéder à des mouvements dans les mois précédant une échéance électorale.
L'on ne saurait réformer l'Etat et en particulier une administration comme celle des Affaires étrangères sans y associer tous ses agents. Vous êtes les cadres de ce ministère et vous savez mieux que quiconque qu'il ne vaut que par ses hommes, par leurs compétences et leur motivation. Trop longtemps, l'Administration s'est montrée sourde aux nouvelles méthodes de gestion. Fort heureusement, les choses changent et je crois y avoir pris ma part en encourageant de façon systématique la participation sous ses diverses formes. Dans vos responsabilités de chefs de postes, ou de cadres d'un grand ministère, vous devez aujourd'hui vous appliquer à faire en sorte que chacun se sente associé à la tâche de votre administration. Vous obtiendrez ainsi beaucoup et vous gagnerez en unité d'action.
Le Quai d'Orsay ne réussira dans son entreprise de réforme que s'il dispose des moyens nécessaires, d'autant que l'apparition de nouveaux pays sur la scène internationale et la forte croissance des activités diplomatiques font peser sur lui de lourdes charges. Le principe d'un plan pluriannuel qui a été accepté devrait permettre, et j'y veillerai personnellement, de vous doter d'instruments de travail de qualité.
Mon propos aujourd'hui, au milieu des graves difficultés que traverse notre pays, sera aussi de vous inviter à vous mobiliser pour que notre politique étrangère et notre appareil diplomatique répondent encore mieux aux attentes de nos concitoyens. Ces attentes sont fortes. Les Françaises et les Français souhaitent que la promotion et la défense de leurs intérêts économiques, sociaux, culturels aussi, qu'ils sentent aujourd'hui menacés, soient assurées par delà nos frontières de la façon la plus efficace.
Droits de l'homme - aide au développement
Pour cela, votre action doit s'appuyer sur les principes qui guident notre politique étrangère. Je me limiterai à en rappeler deux qui me paraissent particulièrement importants dans les temps d'incertitude que nous vivons.
Le premier est une exigence de solidarité et d'humanisme. Notre tradition historique et intellectuelle a toujours donné à notre politique étrangère une dimension morale et j'y suis personnellement très attaché. Il vous revient de promouvoir une certaine conception de l'homme et de la solidarité internationale face à la pauvreté, l'égoïsme ou les haines qui affligent tant de régions du monde. La société internationale a besoin de ces exigences au même titre que nos sociétés nationales et quelles que soient les différences considérables qui séparent encore les cultures et les niveaux de vie. Il est de l'intérêt de tous que notre planète ne soit pas divisée par un mur de misère : on en mesure bien, en même temps que le caractère inacceptable, tous les dangers. Quelles que soient ses difficultés présentes, la France poursuivra sa politique d'aide et de coopération qui est l'une des plus généreuses du monde. Elle le fera en priorité vers l'Afrique à laquelle tant de biens l'unissent. Elle sera amenée à être plus exigeante et plus rigoureuse avec ses partenaires, comme elle l'est pour elle-même - mais elle maintiendra son effort.
Nouvel ordre mondial
Notre politique étrangère doit s'attâcher à promouvoir en second lieu une société internationale mieux organisée. La fin de la division du monde en deux blocs a donné à beaucoup une plus grande liberté. Qui le regretterait ? Mais précisément cette liberté, si elle donne des droits, impose dans le même temps des devoirs, faute desquels chacun et en particulier notre pays pâtira du désordre. La concurrence déloyale accroît le chômage, l'instabilité monétaire décourage l'investissement, l'échec économique favorise les intolérances religieuses ou ethniques et ouvre la voie de la violence. Aucune fatalité n'est inscrite dans ces différents domaines. Il dépend aujourd'hui de la volonté des Etats membres de la communauté internationale de surmonter ces difficultés. La France peut y contribuer de manière décisive.
Politique de défense
Elle a besoin pour cela d'une économie prospère et ouverte sur l'extérieur qui favorisera la cohésion et la solidarité de notre société. Le gouvernement s'emploie par une politique exigeante à créer à nouveau les conditions de la croissance.
Elle a besoin aussi d'une capacité de défense adaptée aux nouvelles conditions du monde. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé la rédaction d'un livre blanc sur la défense dont les conclusions devraient permettre à nos armées de répondre à l'avenir aux nouvelles missions qui leur seront confiées en particulier au service de la communauté internationale.
Elle a besoin enfin que son appareil diplomatique agisse sans relâche en faveur d'une société internationale plus organisée et donc plus favorable à ses intérêts.
CE - UEM - politique commerciale - pacte de stabilité en Europe
Ce souci d'une meilleure organisation est notre priorité constante au niveau européen. Nos opinions publiques attendent de l'Europe qu'elle leur apporte davantage de progrès et de sécurité. Il ne peut donc s'agir pour nous de promouvoir un simple terrain de manoeuvre économique mais d'afficher une ambition internationale capable de promouvoir notre identité et nos intérêts et par conséquent ceux du continent tout entier. Pour cela, il nous faut poursuivre la construction de l'Union économique et monétaire. Il nous faut disposer d'une politique commerciale active et dotée des instruments efficaces dont se sont déjà dotés nos grands concurrents. L'Europe doit assurer sa sécurité qu'elle croyait acquise et qui est remise en question à quelques centaines de kilomètres de nos propres frontières. Elle doit aussi traiter les déséquilibres qui la menacent. C'est cette préoccupation qui m'a amené à proposer un pacte de stabilité en Europe capable de donner à la partie orientale de notre continent les moyens de résister aux tendances déstabilisatrices qui s'exercent sur elle.
ONU - systême financier international - GATT
Au niveau mondial, y a-t-il un pays plus attaché que nous à davantage d'organisation dans les relations internationales ? Notre action au sein des Nations unies où nous sommes aujourd'hui le premier contributeur dans les opérations de maintien de la paix, en témoigne. Jamais depuis la création de cette institution, les conditions n'ont été plus favorables pour qu'elle procure au monde les règles communes dont il a tant besoin et surtout pour qu'elle s'emploie à les faire respecter. Ayons garde de ne pas gâcher cette chance en préservant à la place qui est la notre le crédit de l'ONU. Notre action en faveur d'une société internationale plus ordonnée s'exerce aussi et de façon constante en faveur d'un système monétaire et financier plus stable et plus sûr comme de règles du jeu plus équitables pour le commerce international dans le cadre des négociations du GATT.
Rôle du ministère des Affaires étrangères
Le ministre des Affaires étrangères participe à cette entreprise de nombreuses manières :
. La première est la négociation, partout où nos intérêts, et par conséquent notre sécurité et notre activité sont en jeu. Qu'il me soit permis de vous rappeler à cet égard deux principes. Le premier, qui était cher à l'un de nos grands ministres des Affaires étrangères, est qu'une négociation n'a jamais pour but exclusif d'aboutir à un accord mais aussi de défendre les intérêts dont on a la charge ; l'accord vient par surcroît. Le second nous a été laissé par Richelieu qui écrivait, que "les meilleurs négociateurs sont ceux qui marchent franchement, se servant de la bonté de leurs esprits pour éviter d'être surpris"...
. Vous devez ensuite assurer la promotion de notre présence à l'étranger. L'observation constante sur les évolutions du monde a été longtemps l'une des tâches essentielles de votre métier. Celui-ci, et chacun d'entre vous le mesure déjà tous les jours, est désormais autant que d'observation, d'action et d'appui dynamique aux intérêts français.
. Enfin, un effort constant d'explication de la politique de la France est nécessaire. Vous savez tous quelle est aujourd'hui l'importance des media dans la vie internationale et combien les uns ou les autres savent en user pour promouvoir leurs positions. Bien expliquer par exemple la politique française dans la négociation du GATT, c'est certainement contribuer à faire avancer nos intérêts et il vous revient de le faire sans relâche, en profitant de la connaissance que vous avez des circuits d'information de vos pays de résidence.
Permettez-moi de vous dire en forme de conclusions que j'ai confiance dans l'avenir. Notre pays dispose aujourd'hui de tous les atouts pour réussir dans la compétition internationale. L'ouverture sur l'extérieur qu'il a connue depuis 35 ans, une aventure pour lui sans précédent sur le plan historique, lui a été, j'en suis convaincu, extrêmement bénéfique. Il s'est maintenu dans les domaines les plus variés aux tous premiers rangs des pays du monde. Le niveau de vie que nous avons atteint, la créativité de nos laboratoires et de nos industries comme la capacité de nos gestionnaires à adapter leurs stratégies, nous donnent toutes nos chances de réussir l'ajustement économique difficile mais inévitable qui s'impose à l'Europe, face à ses concurrents américains et aussi asiatiques. Le réseau français à l'étranger peut nous permettre de transformer ces nouvelles compétitions en atouts et de conquérir de nouveaux marchés. Il peut être pour nos agents économiques une source inestimable d'expérience et d'enseignement.
Ma confiance résulte également du sentiment que j'ai de la maturité de notre pays. La France, terre d'anciennes traditions, est aujourd'hui l'une des rares nations dotée d'une perception mondiale de sa politique étrangère.
Sans doute est-ce au fond l'une des caractéristiques commune aux membres permanents du Conseil de sécurité. Cela signifie qu'elle se sent concernée par tel ou tel déséquilibre dans une partie du monde qui peut être éloignée d'elle, qu'il s'agisse du Cambodge, de la Bosnie Herzégovine ou encore de la Somalie. Cela signifie surtout que ses citoyens acceptent qu'elle prenne ses responsabilités et en paye le prix. Le gouvernement est comptable de cette implication de notre pays dans les affaires du monde. Il sait combien ces actions sont difficiles mais peuvent être importantes pour la paix. Elles sont néanmoins le signe de la vitalité de notre pays et de son sens de l'honneur, comme du dévouement et de l'efficacité de ceux qui le servent, au premier rang duquel vous êtes. Il nous revient ensemble de veiller à le maintenir au premier rang des nations. Nous le devons au monde, comme nous nous le devons à nous-mêmes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2004)
Le ministère des Affaires étrangères, l'une des plus anciennes et des plus prestigieuses administrations françaises, s'engage aujourd'hui tout entier dans une ambitieuse entreprise de modernisation dont je le félicite. Je suis heureux de manifester mon approbation à ce mouvement de réforme : il traduit bien la volonté du gouvernement de rendre notre Etat plus efficace. C'est un projet important, auquel je suis profondément attaché. De surcroît, je vois dans cette réunion l'occasion de vous dire combien votre action au service de la politique étrangère de la France est essentielle à l'entreprise de redressement de notre pays, dans une difficile période de crise.
Il me parait en quelque sorte naturel que votre administration, dont la vocation est d'être à l'écoute de la vie internationale et des changements continuels et si rapides de notre monde, soit exemplaire dans l'adaptation constante de ses structures et de ses méthodes de travail. C'est, vous le savez, un impératif pour notre Etat de suivre cette voie. Par formation, par expérience autant que par conviction, je suis convaincu que l'équilibre et le progrès de notre communauté nationale dépendent de la bonne qualité de l'Etat.
La construction européenne pas plus que les multiples accords internationaux auxquels a souscrit notre pays ne diminuent son rôle. Ils le rendent encore plus nécessaire mais différent. L'Etat doit aujourd'hui concentrer son activité sur ses fonctions essentielles, au premier rang desquelles se situent les Affaires étrangères, historiquement l'une des premières qu'il ait assumée. La relation avec l'étranger est au coeur de la défense de nos intérêts économiques et culturels et de notre sécurité. Jamais la France n'a été autant ouverte sur l'extérieur. Jamais dans ses différentes composantes, elle n'a eu autant besoin de bien connaître et d'exercer son action dans des pays que tout rapproche d'elle mais qui restent pourtant si différents : c'est votre métier et votre raison d'être. C'est dire l'importance de votre tâche pour la communauté nationale.
Coordination de l'action extérieure
Dans ce domaine comme dans d'autres, l'Etat ne doit pas chercher à tout faire mais s'appliquer à définir les règles communes essentielles à une vie sociale de plus en plus diversifiée. S'agissant des Affaires étrangères, cela signifie que vous devez en priorité fournir au pouvoir politique les éléments à partir desquels celui-ci détermine sa politique étrangère. Il vous incombe ensuite de coordonner et d'animer toutes les interventions extérieures, de telle sorte que l'unité et le dynamisme de cette politique soit assurée. Le monde est trop dangereux et sa compétition trop vive pour que la France s'y engage en ordre dispersé. Votre administration est la garante de cette cohésion si importante pour nos intérêts économiques, culturels et politiques. Chacun l'attend de vous et d'abord des ambassadeurs, représentants à l'étranger du Président de la République, du Premier ministre et de chacun des ministres. Ils disposent de l'autorité sur tous les services français à l'étranger mais c'est bien naturellement de la justesse de leur analyse de leurs initiatives et du dynamisme des équipes qu'ils animent que dépend leur capacité de mobilisation en faveur de l'action extérieure de la France.
Dans cette tâche de coordination, le ministère des Affaires étrangères doit veiller à ce que notre dispositif à l'étranger s'adapte aux réalités politiques et économiques du monde. Dans ce but, j'entends à l'avenir réunir de façon régulière un comité interministériel de l'action extérieure de la France. Celui-ci sera l'occasion de présenter tous les ans un tableau complet du réseau de services extérieurs de l'Etat et de prendre les mesures nécessaires pour éviter les double emplois, et procéder aux redéploiements nécessaires. Cette clarté est indispensable pour avoir une vision d'ensemble de notre politique étrangère et y adapter nos moyens. Au sein de l'Etat, l'administration des Affaires étrangères a donc un chemin clairement tracé. Chacun et chacune d'entre vous doit s'y engager avec le sens du service public qui est reconnu aux agents de votre ministère et que j'ai pu moi-même mesurer à tant de reprises.
Cet esprit implique à mes yeux un souci constant de disponibilité à l'égard de la communauté nationale. Il vous faut vous efforcer de rendre accessible la somme des informations recueillies par les ambassades et les consulats et de permettre à tous nos concitoyens de l'utiliser au mieux de leurs intérêts. Le ministère des Affaires étrangères, présent à l'étranger, doit entretenir une relation privilégiée avec nos entreprises, nos universités, nos collectivités publiques, nos associations, désormais si actives dans le domaine international. Je sais combien ces liens sont déjà étroits et fructueux ; n'ayez de cesse de les renforcer.
Le sens du service public signifie aussi pour moi l'impartialité. J'ai déjà eu l'occasion de dire devant la représentation nationale combien j'étais attaché à ce que notre administration respecte les principes républicains consignés par notre Constitution et dans le statut de la fonction publique. L'impartialité, c'est d'abord la tolérance à l'égard des opinions des uns et des autres et la loyauté parfaite envers le gouvernement. Elle a pour corollaire le devoir de réserve. Mais c'est aussi le respect du mérite dans la promotion des individus et dans le déroulement des carrières. Je puis vous assurer que je veillerai personnellement à ce que cet esprit soit respecté. Mon gouvernement s'interdira, comme je l'ai indiqué, de procéder à des mouvements dans les mois précédant une échéance électorale.
L'on ne saurait réformer l'Etat et en particulier une administration comme celle des Affaires étrangères sans y associer tous ses agents. Vous êtes les cadres de ce ministère et vous savez mieux que quiconque qu'il ne vaut que par ses hommes, par leurs compétences et leur motivation. Trop longtemps, l'Administration s'est montrée sourde aux nouvelles méthodes de gestion. Fort heureusement, les choses changent et je crois y avoir pris ma part en encourageant de façon systématique la participation sous ses diverses formes. Dans vos responsabilités de chefs de postes, ou de cadres d'un grand ministère, vous devez aujourd'hui vous appliquer à faire en sorte que chacun se sente associé à la tâche de votre administration. Vous obtiendrez ainsi beaucoup et vous gagnerez en unité d'action.
Le Quai d'Orsay ne réussira dans son entreprise de réforme que s'il dispose des moyens nécessaires, d'autant que l'apparition de nouveaux pays sur la scène internationale et la forte croissance des activités diplomatiques font peser sur lui de lourdes charges. Le principe d'un plan pluriannuel qui a été accepté devrait permettre, et j'y veillerai personnellement, de vous doter d'instruments de travail de qualité.
Mon propos aujourd'hui, au milieu des graves difficultés que traverse notre pays, sera aussi de vous inviter à vous mobiliser pour que notre politique étrangère et notre appareil diplomatique répondent encore mieux aux attentes de nos concitoyens. Ces attentes sont fortes. Les Françaises et les Français souhaitent que la promotion et la défense de leurs intérêts économiques, sociaux, culturels aussi, qu'ils sentent aujourd'hui menacés, soient assurées par delà nos frontières de la façon la plus efficace.
Droits de l'homme - aide au développement
Pour cela, votre action doit s'appuyer sur les principes qui guident notre politique étrangère. Je me limiterai à en rappeler deux qui me paraissent particulièrement importants dans les temps d'incertitude que nous vivons.
Le premier est une exigence de solidarité et d'humanisme. Notre tradition historique et intellectuelle a toujours donné à notre politique étrangère une dimension morale et j'y suis personnellement très attaché. Il vous revient de promouvoir une certaine conception de l'homme et de la solidarité internationale face à la pauvreté, l'égoïsme ou les haines qui affligent tant de régions du monde. La société internationale a besoin de ces exigences au même titre que nos sociétés nationales et quelles que soient les différences considérables qui séparent encore les cultures et les niveaux de vie. Il est de l'intérêt de tous que notre planète ne soit pas divisée par un mur de misère : on en mesure bien, en même temps que le caractère inacceptable, tous les dangers. Quelles que soient ses difficultés présentes, la France poursuivra sa politique d'aide et de coopération qui est l'une des plus généreuses du monde. Elle le fera en priorité vers l'Afrique à laquelle tant de biens l'unissent. Elle sera amenée à être plus exigeante et plus rigoureuse avec ses partenaires, comme elle l'est pour elle-même - mais elle maintiendra son effort.
Nouvel ordre mondial
Notre politique étrangère doit s'attâcher à promouvoir en second lieu une société internationale mieux organisée. La fin de la division du monde en deux blocs a donné à beaucoup une plus grande liberté. Qui le regretterait ? Mais précisément cette liberté, si elle donne des droits, impose dans le même temps des devoirs, faute desquels chacun et en particulier notre pays pâtira du désordre. La concurrence déloyale accroît le chômage, l'instabilité monétaire décourage l'investissement, l'échec économique favorise les intolérances religieuses ou ethniques et ouvre la voie de la violence. Aucune fatalité n'est inscrite dans ces différents domaines. Il dépend aujourd'hui de la volonté des Etats membres de la communauté internationale de surmonter ces difficultés. La France peut y contribuer de manière décisive.
Politique de défense
Elle a besoin pour cela d'une économie prospère et ouverte sur l'extérieur qui favorisera la cohésion et la solidarité de notre société. Le gouvernement s'emploie par une politique exigeante à créer à nouveau les conditions de la croissance.
Elle a besoin aussi d'une capacité de défense adaptée aux nouvelles conditions du monde. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé la rédaction d'un livre blanc sur la défense dont les conclusions devraient permettre à nos armées de répondre à l'avenir aux nouvelles missions qui leur seront confiées en particulier au service de la communauté internationale.
Elle a besoin enfin que son appareil diplomatique agisse sans relâche en faveur d'une société internationale plus organisée et donc plus favorable à ses intérêts.
CE - UEM - politique commerciale - pacte de stabilité en Europe
Ce souci d'une meilleure organisation est notre priorité constante au niveau européen. Nos opinions publiques attendent de l'Europe qu'elle leur apporte davantage de progrès et de sécurité. Il ne peut donc s'agir pour nous de promouvoir un simple terrain de manoeuvre économique mais d'afficher une ambition internationale capable de promouvoir notre identité et nos intérêts et par conséquent ceux du continent tout entier. Pour cela, il nous faut poursuivre la construction de l'Union économique et monétaire. Il nous faut disposer d'une politique commerciale active et dotée des instruments efficaces dont se sont déjà dotés nos grands concurrents. L'Europe doit assurer sa sécurité qu'elle croyait acquise et qui est remise en question à quelques centaines de kilomètres de nos propres frontières. Elle doit aussi traiter les déséquilibres qui la menacent. C'est cette préoccupation qui m'a amené à proposer un pacte de stabilité en Europe capable de donner à la partie orientale de notre continent les moyens de résister aux tendances déstabilisatrices qui s'exercent sur elle.
ONU - systême financier international - GATT
Au niveau mondial, y a-t-il un pays plus attaché que nous à davantage d'organisation dans les relations internationales ? Notre action au sein des Nations unies où nous sommes aujourd'hui le premier contributeur dans les opérations de maintien de la paix, en témoigne. Jamais depuis la création de cette institution, les conditions n'ont été plus favorables pour qu'elle procure au monde les règles communes dont il a tant besoin et surtout pour qu'elle s'emploie à les faire respecter. Ayons garde de ne pas gâcher cette chance en préservant à la place qui est la notre le crédit de l'ONU. Notre action en faveur d'une société internationale plus ordonnée s'exerce aussi et de façon constante en faveur d'un système monétaire et financier plus stable et plus sûr comme de règles du jeu plus équitables pour le commerce international dans le cadre des négociations du GATT.
Rôle du ministère des Affaires étrangères
Le ministre des Affaires étrangères participe à cette entreprise de nombreuses manières :
. La première est la négociation, partout où nos intérêts, et par conséquent notre sécurité et notre activité sont en jeu. Qu'il me soit permis de vous rappeler à cet égard deux principes. Le premier, qui était cher à l'un de nos grands ministres des Affaires étrangères, est qu'une négociation n'a jamais pour but exclusif d'aboutir à un accord mais aussi de défendre les intérêts dont on a la charge ; l'accord vient par surcroît. Le second nous a été laissé par Richelieu qui écrivait, que "les meilleurs négociateurs sont ceux qui marchent franchement, se servant de la bonté de leurs esprits pour éviter d'être surpris"...
. Vous devez ensuite assurer la promotion de notre présence à l'étranger. L'observation constante sur les évolutions du monde a été longtemps l'une des tâches essentielles de votre métier. Celui-ci, et chacun d'entre vous le mesure déjà tous les jours, est désormais autant que d'observation, d'action et d'appui dynamique aux intérêts français.
. Enfin, un effort constant d'explication de la politique de la France est nécessaire. Vous savez tous quelle est aujourd'hui l'importance des media dans la vie internationale et combien les uns ou les autres savent en user pour promouvoir leurs positions. Bien expliquer par exemple la politique française dans la négociation du GATT, c'est certainement contribuer à faire avancer nos intérêts et il vous revient de le faire sans relâche, en profitant de la connaissance que vous avez des circuits d'information de vos pays de résidence.
Permettez-moi de vous dire en forme de conclusions que j'ai confiance dans l'avenir. Notre pays dispose aujourd'hui de tous les atouts pour réussir dans la compétition internationale. L'ouverture sur l'extérieur qu'il a connue depuis 35 ans, une aventure pour lui sans précédent sur le plan historique, lui a été, j'en suis convaincu, extrêmement bénéfique. Il s'est maintenu dans les domaines les plus variés aux tous premiers rangs des pays du monde. Le niveau de vie que nous avons atteint, la créativité de nos laboratoires et de nos industries comme la capacité de nos gestionnaires à adapter leurs stratégies, nous donnent toutes nos chances de réussir l'ajustement économique difficile mais inévitable qui s'impose à l'Europe, face à ses concurrents américains et aussi asiatiques. Le réseau français à l'étranger peut nous permettre de transformer ces nouvelles compétitions en atouts et de conquérir de nouveaux marchés. Il peut être pour nos agents économiques une source inestimable d'expérience et d'enseignement.
Ma confiance résulte également du sentiment que j'ai de la maturité de notre pays. La France, terre d'anciennes traditions, est aujourd'hui l'une des rares nations dotée d'une perception mondiale de sa politique étrangère.
Sans doute est-ce au fond l'une des caractéristiques commune aux membres permanents du Conseil de sécurité. Cela signifie qu'elle se sent concernée par tel ou tel déséquilibre dans une partie du monde qui peut être éloignée d'elle, qu'il s'agisse du Cambodge, de la Bosnie Herzégovine ou encore de la Somalie. Cela signifie surtout que ses citoyens acceptent qu'elle prenne ses responsabilités et en paye le prix. Le gouvernement est comptable de cette implication de notre pays dans les affaires du monde. Il sait combien ces actions sont difficiles mais peuvent être importantes pour la paix. Elles sont néanmoins le signe de la vitalité de notre pays et de son sens de l'honneur, comme du dévouement et de l'efficacité de ceux qui le servent, au premier rang duquel vous êtes. Il nous revient ensemble de veiller à le maintenir au premier rang des nations. Nous le devons au monde, comme nous nous le devons à nous-mêmes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2004)