Texte intégral
R. Sicard - Vous étiez venu pour parler de votre campagne électorale. Mais d'abord une question sur les événements de cette nuit : comment est ce que vous réagissez à ce qui s'est passé tout à l'heure à Nanterre ?
- "C'est à l'évidence un événement tout à fait monstrueux et je voudrais bien sûr m'associer à l'émotion du conseil municipal de Nanterre, de toute la population de Nanterre et aussi à la douleur des familles des victimes. Je vois que c'est quelque chose qui démontre, hélas de façon tout à fait tragique, à quel point nous sommes en train de basculer dans un profond chaos, une espèce de désordre très grave qui est gagné par la violence sous toutes ses formes, dans tous ses aspects, une violence qui est parfois totalement meurtrière et totalement folle, mais souvent quotidienne, hélas."
Est-ce qu'on n'en est pas, quand même, plus au moment de l'émotion ? Est-ce que vous n'êtes pas là déjà en train de faire un petit peu de récupération politique sur un événement tout de même particulièrement tragique ?
- "Je ne fais pas de récupération politique, mais il est bien clair qu'actuellement c'est l'insécurité générale qui se développe dans notre pays. Et en même temps qu'on annonce cet événement on apprend qu'un commissariat a été pris d'assaut et que d'autres faits aussi graves se sont déroulés un peu partout en France. Je crois que là, il y a vraiment un problème, désormais majeur. Et c'est aussi un phénomène d'inversion des valeurs qui se développe, car la multiplication de ces actes de folie meurtrière est aussi le signe qu'il n'y a plus les repères moraux, traditionnels qui sont indispensables au maintien d'une société civilisée ; c'est une espèce de basculement du côté de la barbarie. Ça, ce n'est pas de la récupération politique que de le dire, c'est un problème politique majeur : il faut rétablir nos valeurs, il faut remettre d'aplomb tout ce qui structurait notre société et notre civilisation. Il faut remettre la France en ordre."
Pour autant, on ne connaît pas du tout les motivations de celui qui a tiré cette nuit ?
- "Oui, je n'ai pas fait d'hypothèse là dessus. Moi, je ne suis pas en mesure d'en faire ; bien évidemment, je fais confiance à l'enquête policière, à l'enquête de la justice, mais je crois que, quelles que soient les motivations, de toute façon le fait est là et il suffit à soi-même pour montrer à quel point il est temps de remettre un peu d'ordre dans notre pays."
Revenons à la campagne électorale. J.-M. Le Pen a toutes les peines du monde à obtenir les 500 signatures et Le Canard Enchaîné de ce matin dit que dans l'entourage de J. Chirac, on fera en sorte que vous puissiez vous obtenir vos 500 signatures, est ce que vous confirmez, est ce que vous démentez ?
- "Je déments totalement. Si c'était vrai d'ailleurs, je pense que nous aurions déjà nos signatures, ce qui n'est pas le cas. Je suis actuellement très proche du but, il m'en manque à peu près 25. Au rythme où elles rentrent actuellement, j'ai bien sûr bon espoir d'être au rendez-vous du 2 avril prochain. Mais, en tout cas, ces signatures ce sont nos militants, nos élus, nos sympathisants qui vont les chercher une à une à la sueur de leur front dans toutes les régions françaises."
Est-ce que vous trouveriez normal que J.-M. Le Pen, lui, ne soit pas présent à l'élection présidentielle ?
- " Ce serait sans doute assez anormal. Ça poserait sans doute un problème de démocratie, mais le problème de la démocratie, il se pose pour les parrainages, il se pose pour les sondages qui constituent un instrument de manipulation de l'opinion, il se pose avec l'inégalité d'accès aux médias, je ne vous en fais pas le reproche à vous puisque vous m'invitez, mais il est certain qu'il y a un vrai problème de démocratie dans notre pays. Ceci dit, moi, je m'occupe de mes signatures ; mon objectif est d'être candidat, si je suis candidat, la famille politique, la droite nationale et républicaine que je représente sera à l'élection présidentielle, même si Pasqua n'est pas candidat, même si Le Pen n'est pas candidat, même si de Villiers s'est écarté de l'élection."
Cela dit, les sondages ne sont pas très bons : vous êtes entre 1 et 2 %. Est-ce que ça ne signifie pas que l'opération que vous aviez tentée de prendre la place de J.-M. Le Pen a totalement échoué ? Parce que J.-M. Le Pen, lui, dans les sondages, fait encore de très bons scores.
- "Oui, mais c'est ce que je disais tout à l'heure. Les sondages nous concernant en tout cas, sont bidons ; les sondages ne sont pas capables d'apprécier un changement politique d'envergure."
Mais aux européennes, vous concernant, ils ne s'étaient pas vraiment trompés.
- "C'est ma première élection, c'est la dernière élection de J.-M. Le Pen dans tous les cas de figure. Au mois de mars à Marseille, on m'avait annoncé à 4 %, j'ai fait 14 et 21 % au deuxième tour."
Dans votre secteur.
- "Dans mon secteur, absolument. On avait annoncé mon épouse battue avec 10 points de retard à Vitrolles en Provence, elle a été brillamment réélue. Aux élections partielles, actuellement, nous faisons une moyenne de 6,2 % à peu près, un petit peu en dessous du chiffre que fait actuellement le Front National. Non, ces sondages ne sont pas valables, ils sont sans doute très sur-évalués pour Le Pen, comme Marchais l'était au soir de sa dernière élection présidentielle en 81. Donc moi je suis extrêmement serein. Mon objectif c'est de faire entre 5 et 15 %."
D'un mot, pour qui voterez-vous au second tour ?
- "Je ne vais pas vous dire aujourd'hui ce que je ferai entre les deux tours, alors que le premier tour n'est pas acquis et qu'on ne sait même pas quelle sera la configuration de l'élection."
Mais ferez- vous comme J.-M. Le Pen qui appelle à battre Chirac ?
- "Non, Le Pen, c'est clair, veut régler un compte personnel avec Chirac. Moi, je fais de la politique, je me bats pour les idées qui me paraissent bonnes pour le renouveau de notre pays, je ne me tromperai pas d'adversaire. L'adversaire prioritaire, c'est Jospin, le Premier ministre le plus toxique de la gauche, et mon projet c'est de rassembler cette grande droite nationale et républicaine qui pèse dans notre pays d'un poids très fort et qu'il faut amener au pouvoir, comme elle est arrivée au pouvoir en Italie. "
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 mars 2002)