Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Déjà, dans cette présente campagne présidentielle, une surprise est apparue avec le succès rencontré par la candidature de Jean-Pierre Chevènement. Il a forcé les deux sortants à se déclarer bien plus tôt que prévu. Jacques Chirac et Lionel Jospin espéraient réduire le plus possible la durée du débat afin d'éviter que les Français aperçoivent trop vite de la similitude de leurs programmes, au point que l'on peut parler d'un programme commun. Peine perdue. Nos concitoyens ne sont pas dupes. Les trois quarts d'entre eux ne voient pas de différence.
Je prendrai un seul exemple : celui des retraites. L'un et l'autre nous jurent qu'ils garantiront le système par répartition, auquel les Français sont très attachés. Mais, l'autre et l'un nous disent que, néanmoins, il faudra instiller un peu de capitalisation sous la forme de fonds de pension " à la française ". Notez bien ce " à la française ", c'est l'adjuvant cosmétique qui doit faire oublier l'introduction de la subversion première. Car, on le sait, progressivement, la répartition sera réduite à la portion congrue, la capitalisation s'étendra. Pour tenter de nous rassurer, l'un et l'autre nous promettent un fond de réserve qui devrait garantir nos retraites. Il serait alimenté par l'argent des privatisations. Donc, l'autre et l'un liquident nos services publics, et une petite partie de l'argent recueilli irait dans un fond de pension collectif. Ici, apparaît alors l'incohérence de leur commune politique.
Le secteur public était et reste encore pour une part un fond commun national garantissant notre avenir, pas seulement nos retraites, mais aussi la possibilité d'impulser l'ensemble de l'économie. Car, il ne faut pas se faire d'illusion, si demain il n'y a pas de boulanger pour cuire notre pain, nous n'aurons pas de pain, même si nous dormons sur un tas d'or ou d'actions. La répartition repose sur la solidarité des générations. Bien sûr, en travaillant, nous gagnons des points pour notre retraite, cela n'est qu'une fiction juridique. La réalité économique est que nous payons pour les retraités actuels, en espérant que nos enfants pourront payer quand nous serons devenus vieux.
La capitalisation repose sur une spéculation permanente, présente et future. Nous pouvons être dépouillés, si la spéculation s'avère hasardeuse. Ainsi, avec la faillite retentissante de leur entreprise, les salariés d'Enron viennent de perdre, aux Etats-Unis, à la fois leur emploi et leur retraite. La capitalisation, quelles que soient les précautions prises, est toujours soumise aux aléas de la bourse. Et, venu le moment de la retraite, il faut que l'activité économique soit suffisante pour produire les dividendes nécessaires. Bien sûr, les fonds de pension peuvent toujours aller investir à l'étranger. Mais, il n'est pas certain que les autres peuples acceptent longtemps de financer les retraités qui ne sont pas des leurs.
Pourquoi donc Jacques Chirac et Lionel Jospin veulent-ils instiller la capitalisation ? Ils nous expliquent que 40% des entreprises du CAC 40 appartiennent à des fonds de pensions anglo-saxons. C'est vrai. Mais, s'ils n'avaient pas privatisé, le problème ne se poserait pas. Ils poursuivent en nous disant qu'il faut donc des fonds de pension français pour que soit, reconquérir le capital des entreprises françaises, soit acquérir des positions équivalentes dans les autres pays développés. Ce patriotisme les honorerait s'il reposait sur la moindre réalité. Un fond de pension n'a pas de patrie. Il ne connaît que les marchés. Il investit là où le rendement financier immédiat est le plus important. Il n'ignore donc pas la France. Il la banalise. En réalité, un secteur public fort est le meilleur des fonds de pension.
Jacques Chirac et Lionel Jospin veulent instiller la retraite par capitalisation parce que leur programme commun est celui du renoncement, celui de la soumission à la mondialisation ultra-libérale. Au lieu d'affirmer la voix de la France, ils sont résignés à sa dissolution dans le marché. Leur seul critère est le marché : comment dans ces conditions distinguer la droite de la gauche et vice-versa ? Nous avons à faire à un bipartisme unique où s'affronte le choix des ambitions personnelles, comme ils savent que les mots droite et gauche parlent encore à nos concitoyens, chacun des deux revendique le mot que, par une habitude devenue sans objet, on adjoint à son image.
La force de Jean-Pierre Chevènement est de proposer autre chose que ce duel annoncé, programmé. Il a transformé cette élection en un triangle. Maintenant que les deux sortants se sont déclarés, nous devons l'aider à porter sa candidature au sommet de ce triangle, laissant aux deux autres les deux points à la base. Car, si Jean-Pierre Chevènement est un homme seul, il n'est pas un homme isolé.
Jean-Pierre Chevènement est un homme seul, il est donc un homme libre. Il n'a pas derrière lui une grosse machine comme le PS ou le RPR, à qui il faudra distribuer des prébendes. Je ne vous cache pas que cette absence a parfois pour la vie pratique d'une campagne électorale des inconvénients. Mais, les Français apprécient que Jean-Pierre Chevènement ne soit pas prisonnier d'un appareil et d'appétits féroces. Néanmoins, Jean-Pierre Chevènement n'est pas un homme isolé. Autour de lui, s'est constitué le Pôle républicain. Il se compose de femmes et d'hommes venus de tous les horizons politiques.
Nous ne pensons pas que la droite et la gauche aient soudain disparu comme par enchantement. Nous pensons même que la droite et la gauche perdurent toujours, et qu'elles pourraient un jour revenir au premier plan. Mais, nous estimons que, aujourd'hui, la droite et la gauche ne sont pas le problème principal. Aujourd'hui, l'alternative est entre la République et le marché. Jacques Chirac et Lionel Jospin ont choisi ; en dessous de la droite et de la gauche, ils ont vu le marché, ils s'y réunissent, ils tiennent chacun leur étal, mais ils y mettent en vente les mêmes produits : les services publics et l'indépendance de la France. Avec Jean-Pierre Chevènement, nous pensons qu'au-dessus de la droite et de la gauche, il y a la République. Tous les Français sont appelés à se réunir autour des principes et des idéaux de la République.
La Pôle républicain est une formation politique de type nouveau. Il est un rassemblement qui se forme et qui se structure en marchant. Au mois de juin, il aura un candidat dans chaque circonscription législative de France métropolitaine et d'Outre-Mer. Il est encore trop tôt pour désigner les personnes ; les évolutions se poursuivent. Car, au Pôle républicain, chacun vient avec son histoire politique personnelle, mais tous se dirigent vers un but : relever la France avec la République.
Le Pôle républicain s'implante partout dans le pays. Il est important que s'ouvrent des locaux comme celui-ci. Il faut que chacun puisse savoir où s'adresser quand il veut parler avec de véritables républicains.
En effet, il nous reste sept semaines pour éviter à la France un nouveau quinquennat de Jacques Chirac ou de Lionel Jospin. En dehors de leurs discours à l'eau tiède ou de leurs promesses mirobolantes, nous savons que leur intention est la même : dissoudre la République dans une constitution européenne. Ne croyons pas que l'échéance est lointaine. Elle est pour 2004, dans deux ans à peine. N'oublions pas aussi que les accords de Matignon prévoient pour cette date le statut d'une Corse de fait en marche vers un séparatisme ethnique.
Toute la substance de la France est menacée. Le pays est désarmé. Les Américains ne nous cachent même plus leur indifférence, quand ce n'est pas leur mépris. Notre diplomatie est impuissante. L'Ecole a perdu ses repères et devient trop souvent un lieu de violence. Les services publics sont mis à l'encan. Notre protection sociale est menacée d'être donnée aux compagnies privées d'assurances, celles qui ont mis tant de temps à commencer à indemniser les " sans fenêtres " de Toulouse. Bref, la spirale qui nous contraint se resserre de plus en plus.
Mais, nous avons la possibilité d'en sortir. Nous avons avec Jean-Pierre Chevènement un candidat fiable et crédible. Il nous a proposé à Vincennes dès le 9 septembre dernier dix grandes orientations. Elles sont réalistes. Elles permettront de redresser le cap. Jean-Pierre Chevènement peut l'emporter, à nous de faire les efforts nécessaires pour convaincre.
(Source http://georges-sarre.net, le 20 mars 2002)