Déclaration commune des neuf pays de la Méditerranée occidentale, sur la coopération et le dialogue en Méditerranée occidentale entre les pays de l'Union du Maghreb arabe et les pays de l'Europe du Sud, Rome le 10 octobre 1990.

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Circonstance : Première réunion le 10 octobre 1990 à Rome des ministres des affaires étrangères des neuf pays de la Méditerranée occidentale avec Malte

Média : Bulletin d'information du ministère des affaires étrangères - Bulletin d'information du ministère des affaires étrangères

Texte intégral

Les ministres des affaires étrangères de l'Algérie, l'Espagne, la France, l'Italie, la Jamahyria arabe libyenne, le Maroc, la Mauritanie, le Portugal et la Tunisie, ainsi que le ministre des affaires étrangères de Malte, en sa qualité de pays associé, se sont réunis le 10 octobre 1990 à Rome à l'invitation du gouvernement italien. La réunion des ministres des affaires étrangères a été précédée le 8 octobre d'une réunion préparatoire au niveau des hauts fonctionnaires.
- 1 - Les ministres des affaires étrangères des pays membres de l'UMA et des quatre pays européens, membres de la CEE, ainsi que de Malte, se sont félicités de la tenue de cette première réunion qui constitue l'aboutissement d'un processus intense de concertations. ILs considèrent que les évolutions positives intervenues en Europe et au Maghreb ont directement contribué à l'aboutissement de leurs efforts communs. Ils ont estimé qu'il est d'une grande importance de mettre à profit les potentialités offertes par le nouveau contexte régional en Méditerranée occidentale pour intensifier davantage leurs efforts pour asseoir un cadre de dialogue et de coopération sur des bases durables.
- 2 - Les ministres ont exprimé l'attachement de leurs pays aux principes de la globalité et de l'indivisibilité de la sécurité en Méditerranée et sont convenus d'inscrire leur action dans le cadre de la promotion de la paix et de la coopération dans toute la région.
- Ils estiment que la question de la sécurité en Méditerranée doit être considérée dans le contexte plus large de la sécurité internationale et qu'elle est étroitement liée à celle de la région tout entière. Compte tenu des processus favorables en matière de sécurité et coopération qui se développent en Europe les pays méditerranéens devraient en bénéficier.
- 3 - Les ministres des affaires étrangères ont dûment pris en considération les caractéristiques et spécificités de la Méditerranée occidentale et ont décidé de les valoriser pour faire de cette région une aire de paix, de coopération et de stabilité. Ils sont convaincus que les avantages qui en résultent pour chaque pays et pour la sous-région de la Méditerranée occidentale en termes de stabilité politique et de progrès économique, social et culturel pourront contribuer à la transformation de la Méditerranée en une zone de paix et de coopération.
- 4 - Ils ont souligné que les processus d'intégration de l'Europe des Douze et celui engagé au sein de l'UMA constituent des facteurs de nature à contribuer à la réduction des tensions, au renforcement du bon voisinage et à l'expansion du progrès économique, social et culturel.
- 5 - Ils ont constaté que ces processus recèlent de grandes potentialités pour l'approfondissement des liens de coopération entre les pays de la Méditerranée occidentale d'une part et entre l'UMA et la CEE d'autre part. Dans cette perspective, ils ont été d'avis que le dialogue et la coopération qu'ils projettent au niveau de leur sous-région sont de nature à renforcer, mais sans s'y substituer, les futures relations CEE-UMA et le dialogue euro-arabe.
6 - Les ministres ont considéré que les grands écarts actuels dans les niveaux de développement entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, y compris la Méditerranée occidentale, introduisaient des déséquilibres générateurs de graves dangers pour la stabilité et le bien-être de toute la région. A cet égard, ils ont fait montre d'une grande détermination pour créer une solidarité régionale en vue de résorber les disparités de développement. Les ministres ont exprimé leur conviction que cette solidarité régionale permettra d'éviter la marginalisation de cette région. Ils veilleront à cet effet à ce que les processus d'intégration et de coopération entamés en Europe s'accompagnent d'un effort simultané et similaire en matière de coopération en direction de la région de la Méditerranée. Ils ont estimé à cet égard que cette solidarité pourrait être réalisée à partir d'un noyau stable en Méditerranée occidentale.
- 7 - Dans cette perspective, ils ont exprimé leur conviction que, pour être effective, cette solidarité requerrait la mise en oeuvre de moyens et d'instruments efficaces de dialogue et de coopération.
- 8 - Partant de ces convictions communes, les ministres des affaires étrangères des pays participants : - conviennent de mettre en place un cadre approprié destiné à renforcer le dialogue politique et promouvoir la concertation et à engager un effort collectif de promotion du développement économique, culturel et social au niveau de la Méditerranée occidentale. Ce cadre est destiné à entretenir une dynamique de dialogue au niveau des ministres des affaires étrangères. Les ministres se rencontreront au moins une fois par an et plus s'il en était besoin, pour procéder à un échange de vues sur les questions d'intérêt commun notamment celle relative à la région. La présidence des réunions ministérielles sera tournante en suivant l'ordre alphabétique des pays. Des groupes de travail avec participation maltaise seront établis par un mécanisme de coordination des Neuf pour développer des actions de coopération dans des domaines d'intérêt commun.
- - Soulignent que la dynamique de dialogue, de concertation et de coopération qu'ils engagent revêtira un caractère global, intégrant les paramètres politiques, de sécurité, économiques, culturels, humains et écologiques.
- - Conviennent que la coopération économique reposera sur le concept de partenariat et complétera, sans s'y substituer, la coopération bilatérale et celle arrêtée dans le cadre de la CEE ainsi que le cadre des relations qui seront établies entre la CEE et l'UMA.
- Cette coopération se traduira par
- A) L'adoption de programmes et projets méditerranéens spécifiques.
- B) L'encouragement du développement économique ainsi que du dialogue culturel, politique et de sécurité entre les dits pays.
- C) Des échanges de vues et d'informations susceptibles de conduire à la concertation des politiques et des programmes de coopération afin d'en assurer une meilleure cohérence et efficacité.
9 - La coopération méditerranéenne fera appel à la participation active des entreprises, des partenaires sociaux, des investisseurs privés, des collectivités territoriales et des institutions culturelles, tandis que les gouvernements s'engageront à créer un climat politique favorable et à stimuler l'intérêt des milieux économiques, culturels, et scientifiques concernés.
- Une coopération entre les parlements des pays concernés pourra aussi être envisagée et encouragée.
- 10 - Les neuf pays ainsi que Malte ont décidé de promouvoir le dialogue et la concertation en vue de contribuer à la solution des questions politiques et de sécurité d'intérêt commun. Ils ont décidé en outre de développer leur coopération sur une base équilibrée mutuellement avantageuse dans les domaines prioritaires suivants :
- A) Economie : - Promotion des échanges commerciaux (dont la coopération en matière des normes de contrôle des produits et des systèmes de certification). - Relations industrielles. Partenariat et investissements. Energie. Transport. Agriculture et autosuffisance alimentaire. Tourisme et artisanat. Transfert technologie.
- B) Ressources humaines : - Affaires sociales et en particulier l'immigration. Education et formation. Recherche scientifique. Communications. Affaires culturelles et sauvegarde du patrimoine. Activités sportives.
- C) Ressources naturelles : - Environnement (et en particulier la lutte contre la pollution, la désertification et les fléaux naturels). Protection civile. Préservation et sauvegarde des ressources halieutiques.
- 11 - A cet effet, les ministres conviennent d'exploiter les possibilités offertes par la coopération régionale en adoptant les programmes et projets spécifiques suivants :
- A) Création d'une Banque de données méditerranéennes reliant leurs pays et permettant les échanges et la communication d'informations dans tous les domaines d'intérêt commun notamment dans le domaine industriel et commercial.
- B) Coopération plus étroite dans les domaines social et humain :
- étude des questions migratoires en vue de favoriser la recherche des solutions mutuellement acceptables dans les cadres compétents, notamment en ce qui concerne les conditions de vie, de séjour, de circulation et de travail.
- C) Le développement de la solidarité régionale par une gestion commune des équilibres naturels dans le bassin occidental.
12 - Dans ce même esprit les ministres conviennent :
- A) De favoriser la création d'une institution multilatérale financière à vocation méditerranéenne.
- B) De promouvoir des solutions adéquates pour résoudre les problèmes de la dette extérieure des pays du Maghreb et d'inciter dans les cadres compétents la recherche des mécanismes pour résoudre ce problème en favorisant la création d'emplois et en prenant en considération les diverses initiatives récentes.
- C) De promouvoir par les cadres juridiques et les institutions financières appropriés la réalisation de projets dans les pays du Maghreb (promotion du partenariat, de la sous-traitance, du transfert de technologie, etc).
- D) D'enrichir le dialogue et la coopération culturelle, scientifique et technique entre les pays d'Europe du Sud et du Maghreb par des programmes d'action méditerranéens permettant le développement de la coopération entre les universités, les institutions scientifiques, culturelles et éducatives (formation de cadres, promotion des échanges de jeunes, sauvegarde et réhabilitation du patrimoine).
- 13 - Les ministres considèrent que le lancement effectif d'un tel processus de coopération régionale représentera une manifestation supplémentaire de l'intérêt de l'Europe méridionale vis-à-vis du Maghreb, sans pour autant que cette coopération prenne la forme de réunions ou de mécanismes de négociations préalables. Cette coopération permettra par ailleurs une projection quant aux futures relations CEE - UMA, que les quatre pays communautaires s'efforceront de promouvoir dans le cadre des Douze.
- 14 - Nonobstant la création de groupes sectoriels par le mécanisme de coordination des neuf, les ministres ont décidé d'ores et déjà la création de groupes de travail dans les domaines prioritaires suivants :
- Institution financière multilatérale à vocation méditerranéenne, Autosuffisance alimentaire et lutte contre la désertification, questions de la dette, questions migratoires, sauvegarde du patrimoine culturel.
- Ils ont aussi insisté sur l'importance de la création rapide d'une banque méditerranéenne de données, en tenant compte des banques de données existantes et notamment de celle du plan d'action méditerranéen.
- 15 - Les ministres ont décidé de tenir leur prochaine réunion à Alger en 1991 et ont remercié le gouvernement italien pour sa chaleureuse invitation et hospitalité.