Texte intégral
A. Hausser -
C'est le début de la campagne officielle. C'est vous qui inaugurez cette série d'interviews. Vous êtes la candidate du Parti radical de gauche. Ce n'est pas votre famille d'origine. Je crois qu'il faudrait préciser : pourquoi, comment ?
- "Simplement, parce que j'ai mon parti Walwari, en Guyane - "l'éventail" [en amérindien] -, qui a été créé avant ma première rencontre avec le Parti radical de gauche qui a eu lieu en 1994, puisque nous avons conduit les européennes ensemble. J'ai siégé cinq ans avec des radicaux de gauche au parlement européen. J'en suis à mon deuxième compagnonnage avec ce parti."
On dit que votre parti était plus proche de la droite que de la gauche ?
- "Non, c'est très surprenant. Pour moi, il y a des repères qui sont stables. Ce sont les valeurs les principes, les positionnements personnels aussi. J'aimerai que l'on explique simplement ce que nous avions de plus proche de la droite."
C'est ce que disaient vos adversaires en tout cas, au sein de votre propre parti, puisque vous n'avez pas fait l'unanimité au sein des radicaux de gauche...
- "J'ai été investie à 81 %. Les fédérations se sont toutes mobilisées, puisque j'ai choisi une campagne de terrain qui s'est réalisée, effectivement, dans de très bonnes conditions. Cette campagne a été préparée par toutes les fédérations qui, d'ailleurs, récemment, puisque vous savez qu'il y a eu quelques tapages extérieurs sur des contestations, ont publiées un communiqué de fort soutien à cette candidature. Leur mobilisation a toujours été constante."
Vos parrainages viennent tous des radicaux de gauche ?
- "Non, il y a à peu près la moitié de parrainages qui viennent des radicaux de gauche mais c'est le plein du parti - 98 % des élus du parti radical de gauche autorisés à signer, puisque les conseillers municipaux ne signent pas, ont parrainé. Il y a plus de la moitié qui provient d'élus non radicaux. Récemment, il y a une quarantaine d'élus non radicaux qui ont parrainé, alors qu'ils n'avaient pas envoyé de promesses de parrainage. Mais après m'avoir entendue dans une de mes émissions, ils ont choisi de me parrainer. Je les en remercie tous..."
Quel est le point fort de votre message ? Au départ, on vous croyait candidate pour la République. Après on a dit que vous étiez "la voix des sans voix"...
- "On a dit beaucoup de choses. On estime souvent que la "voix des sans voix " est la voix de minorités. Moi, je ne connais pas de minorités dans la loi républicaine. Je connais des catégories de personnes qui ont des difficultés d'accès à leurs droits. Mais j'ai un slogan dès le départ qui est "ma patrie, ma République". Cela n'a pas empêché de dire que je faisais une campagne de minorités ; cela n'a pas empêché que l'on dise - je l'ai lu - que je faisais une campagne des minorités qui n'était pas adaptée et que je portais en même temps un slogan qui n'était pas adapté - Dieu sait s'il est transversal ce slogan. Donc, je ne dispose pas de suffisamment de temps pour décortiquer les propos de tous mes adversaires, qui sont internes ou externes. Je n'ai pas le sentiment d'avoir beaucoup d'adversaires internes d'ailleurs. Mon programme s'appelle "France plurielle et République fraternelle" : mon axe principal est la reconnaissance de la diversité de la population française, c'est la reconnaissance d'identités fortes - culturelles, régionales ou territoriales en France et Outre-Mer - et c'est la reconnaissance de la diversité de territoires, car les territoires sont très divers. Ils ont une très grandes forces pour certains d'entre eux. C'est cette reconnaissance qui doit imprégner les politiques publiques."
Cette diversité ne va pas à l'encontre de l'unité ?
- "Pas du tout. Ce qui va à l'encontre de l'unité c'est justement le refus de reconnaître les diversités. L'histoire de la France s'est construite à partir de l'asphyxie, de l'écrêtement des fortes cultures régionales, parce que c'était une nécessité, notamment par rapport à l'environnement de la France. Mais ces identités n'ont pas péri ; heureusement, parce que cela participe du patrimoine de l'humanité. Cette identité resurgit. Il y a une revendication tout à fait légitime d'expression de ces identités et de ces cultures. Cette revendication doit être satisfaite dans une réforme des relations entre l'Etat et les collectivités. Cela permet, au contraire, de revigorer la République, parce que la République doit être unie, elle ne doit pas être uniforme."
Dans les débats qui jalonnent cette campagne, est-ce que vous avez une position sur le nombre de fonctionnaires. Est-ce qu'il y en a trop ou pas assez ?
- "On ne peut pas répondre ainsi à cette question. Il y a probablement des services publics où la modernisation de ces services n'a pas été ajustée avec le nombre de fonctionnaires. Mais les personnes sont des êtres humains, ce ne sont pas des choses que l'on met au rebut ; donc il y a à planifier, à organiser, à anticiper, à reconvertir et à réorganiser. Et il y a probablement aussi des services publics où il y a pénurie de fonctionnaires. Donc, la réponse n'est pas globale, parce que la situation n'est pas uniforme."
Pour les retraites, est-ce qu'il faut allonger la durée du temps de cotisations ou est-ce qu'il faut augmenter les cotisations ?
- "Il faut toujours tendre vers le progrès social. Le progrès social est de faire en sorte que nous soyons le plus nombreux possible dans la position la plus juste, la plus favorable. Cela veut dire que pour les retraites, il y a trois principes à retenir. Le premier est la sécurité. Il faut que l'Etat assure au moins le Smic aux personnes qui ont eu de petits salaires dans leur vie ; c'est l'impôt qui doit garantir cela. Il y a ensuite le principe de solidarité par la répartition. On peut concevoir que jusqu'à trois fois le Smic, ce soit le système de répartition en n'oubliant pas, comme vous l'indiquiez, qu'il y a des régimes différenciés en France. Il y a un principe de responsabilités."
Il va surtout y avoir un problème de financement ?
- "Oui, il y a un problème de financement, mais il y a un problème de financement qui est lié à une réalité démographique qu'on ne va pas regretter : c'est que l'espérance de vie a augmenté. Bien sûr, cela a modifié le ratio. La France est en mesure de financer les retraites. Il y a des décisions à prendre. Et moi, je propose d'articuler ces trois principes - sécurité, solidarité et responsabilité -, c'est-à-dire qu'au delà de trois fois le Smic, une cotisation par l'épargne retraite permette de compléter les retraites. Mais surtout, la gestion de ces fonds doit être confiée, de façon au moins paritaire, à des représentants de salariés ; et spéculer avec ces fonds, c'est-à-dire les transformer en fonds de pension ou les placer en Bourse de façon inconsidérée, doit être formellement interdit."
Actuellement, tout le monde tombe un peu à bras raccourci sur A. Laguiller. D. Cohn-Bendit a signé une chronique avec son frère, où il dit qu'elle est dévouée à une secte ; M. Aubry dit qu'elle utilise le malheur des salariés. Vous trouvez normal qu'on s'attaque à elle comme ça ?
- "Chacun prend ses responsabilités. Moi, je m'interdis le moindre jugement de valeurs sur qui que ce soit. Je dirais simplement que madame Laguiller propose des solutions qui me paraissent simplistes. Mais c'est de notre responsabilité de proposer des solutions plus modernes, plus réalistes, plus prometteuses de solidarité et de progrès social. Mais madame Laguiller, je la respecte comme je respecte chacun des candidats, sauf un ou deux dans cette campagne."
Qui ?
- "MM. Mégret et Le Pen ont des idées qui sont absolument odieuses, qui propagent l'intolérance et dont les idées sont dangereuses, lorsque certaines personnes les prennent au pied de la lettre et les appliquent."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 avril 2002)