Interview de M. Jean Saint-Josse, président de Chasse Pêche Nature Traditions et candidat à l'élection présidentielle, à France 2 le 16 avril 2002, sur les sondages d'opinion, la ruralité et la nécessité de réduire les déséquilibres entre les villes et la campagne.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde - Vous faites partie de ces dix petits candidats qui grimpent dans les sondages et profitent plutôt bien de l'effritement des grands ?
- "Je ne crois pas aux sondages."
Ah !
- "Cela n'intéresse que les sondeurs et quelques journalistes. Moi, je n'y crois pas. J'avais 1 % - on me donnait 1 % - pour les européennes. On a fait 7. Imaginez ! On me donne 4 : et 4 fois 7 ... !"
Quand vous vous promenez dans les villes et dans les campagnes, avez-vous le sentiment que votre popularité va au-delà de ce qu'indiquent ces sondages que vous ne regardez pas ?
- "C'est très surprenant d'ailleurs. Il y a beaucoup de monde dans les meetings, beaucoup de ferveur et beaucoup d'enthousiasme. On fait à peu près une centaine de réunions par jour : il y a des cadres, des militants qui font des réunions dans les communes et les cantons. Une centaine de réunions par jour, on aura vu, je pense, jeudi, plus de 500.000 personnes. Donc, on a là un sondage grandeur nature, avec des gens qui sont inquiets pour leur vie, pour leur quotidien et qui n'ont plus confiance en la politique."
Où est-ce que prend le mieux votre discours ? Forcément à la campagne, forcément dans le sud-ouest dont vous êtes originaire ou ce n'est pas vrai ?
- "Vous avez, on avait pratiquement 1.000 parrainages de maires, répartis sur 85 départements, ce qui prouve bien qu'on a énormément élargi l'éventail. Je crois que c'est le langage de bon sens qui est en train de faire le passage. Et puis, vous savez, si les politiques avaient rempli leur véritable mission de la proximité, s'ils s'étaient occupés du quotidien des gens, s'ils s'étaient occupés des petites structures à taille humaine qui se trouvent notamment dans la ruralité et de l'insécurité dans les villes, on n'existerait pas."
Votre truc à vous, c'est justement d'aller vers les gens ? Par exemple, votre électorat est-il très différent d'une région à l'autre ?
- "Oui, il y a toutes les différences. On prend des voix dans les bassins de voix forts. C'est-à-dire que si on est dans un bassin de voix à gauche ou pas à gauche, de l'autre côté, on peut prendre à droite, c'est cela le problème."
Dans le Nord, c'est plutôt la gauche ?
- "Oui, bien entendu et dans le Centre, c'est plutôt la droite. Je vais au contact des gens. Si je veux être leur porte-parole et leur porte-voix, il faut que je comprenne vraiment et pour comprendre vraiment, rien ne vaut le contact direct. Et puis, j'aime bien cela."
Dans votre campagne, vous insistez un peu plus aujourd'hui sur la ruralité au sens large - les racines, les traditions - que sur l'aspect chasse et pêche, que vous laissez un peu de côté. Pourquoi ? C'est moins convenable ?
- "Non, je ne laisse pas de côté. La chasse et la pêche font partie des composantes de cette ruralité, c'est-à-dire de l'espace. Mais dans l'espace, il y a d'autres personnes, il y a d'autres activités : il y a l'activité économique, il y a l'éducation, il y a le social. On est tous des élus. Moi, je suis un élu local de petite commune. Beaucoup de gens du mouvement le sont aussi. Donc, on a appris à gérer autre chose. L'aménagement du territoire, c'est quelque chose d'important, mais cela regroupe toutes les activités."
Vous avez élargi votre éventail. Chasse-Pêche, c'est une partie maintenant d'un tout plus large ?
- "Tout à fait."
Vous allez présenter des candidats pour les législatives partout ?
- "Nous l'espérons. L'objectif est d'avoir des candidats partout, et nous allons respecter la parité, ce qui ne va pas être le cas des grands partis."
Vous êtes sûr de cela ?
- "Ah oui ! On n'était pas d'accord pour la parité. Je trouvais personnellement que c'était dévalorisant pour la femme de lui donner une place, alors que la place elle la mérite sans aucune difficulté. Et les partis politiques ont voulu se donner bonne conscience. En fait, ils ne vont pas respecter ce qu'ils devraient mettre en place. C'est ce double langage qu'on dénonce aussi dans cette campagne électorale."
Est-ce qu'il n'y a pas aussi parfois certaines de vos troupes qui vous dépassent ? Je pense notamment à certains chasseurs qui sont allés perturber le meeting d'un candidat Vert à Caen récemment et vous avez condamné cette action. Pourtant, ces gens se réclament de vous.
- "Non, pas du tout, ils ne se réclament pas de moi. D'ailleurs, le délégué départemental a également décliné toute responsabilité. Vous savez, vous ne faites pas l'unanimité. Dans aucun groupe, vous ne faites l'unanimité. Donc, dans le milieu de la chasse, j'ai aussi des gens qui ne m'aident pas, qui ne me soutiennent pas. Et je pense que la meilleure façon de ne pas me soutenir, c'est de faire des actions de ce type-là, pour essayer de dénaturer un peu l'image de marque qui est la mienne ou celle du mouvement. Donc, je condamne tout à fait ces actes, d'autant plus qu'on est dans une élection présidentielle où chacun a le droit de s'exprimer. Cela me paraît tout à fait normal et d'autant plus que mon slogan, c'est la France des différences, et si c'est la France des différences, c'est pour permettre à tout un chacun d'être respecté. Vous savez, la seule sanction qui m'intéresse, c'est le bulletin de vote."
Vous dites avec beaucoup de franchise que vous n'êtes pas là pour être président de la République, que vous ne serez sans doute pas élu, et que vous êtes là parce que les politiques n'ont pas joué leur rôle. S'il y avait une mesure que vous aimeriez leur voir prendre tout de suite, au nouveau président et au nouveau gouvernement, ce serait quoi ? La décentralisation, l'autorisation de la chasse ?
- "Ce serait "énièmement" réduire le déséquilibre qu'il y a entre les villes et les campagnes. Je crois qu'aujourd'hui, au niveau des services publics - les services publics que certains veulent voir privatisés - doivent, comme son nom l'indiquent, mailler tout le territoire, sans quoi on a 20 % de gens sur 80 % du territoire. Si ce n'est pas un service public qui s'occupe du déficit..."
C'est ce que disent les trotskystes aussi ?
- "Ils le disent, je n'en sais rien s'ils le disent ! Moi, je le dis depuis longtemps. Je prends un exemple très souvent : c'est de dire que je suis d'accord pour payer le déficit de l'Opéra Bastille à Paris, mais qu'on ne me supprime pas des classes dans mon village, parce que j'ai 147 gamins au lieu d'en avoir 150. C'est cela l'équilibre du territoire. Il faut mettre tout le monde à égalité des chances. Une femme, demain, elle n'ira plus vivre à la campagne, s'il n'y a pas de maternité, s'il n'y a pas de médecin, s'il n'y a pas de crèche, s'il n'y a pas de halte-garderie. On va donc désertifier encore un peu plus les campagnes. Et l'OCDE nous explique que dans vingt ans, il va y avoir 90 % des gens sur 10 % du territoire. On va augmenter les problèmes, et en ville et à la campagne. C'est ce qu'on ne veut pas. S'il y a une loi sur la chasse, bien sûr si elle est modifiée, c'est avec plaisir que je la prendrai."
Vous donnerez une consigne de vote ?
- "Pas de consigne de vote."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 avril 2002)