Texte intégral
Nous sommes aujourd'hui réunis, au Petersberg, pour adopter le programme
d'action de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine pour l'année
1998. Il s'agit d'organiser la deuxième phase de la période de consolidation de
la paix qui a été ouverte en novembre 1996 à Paris.
Pour cette nouvelle étape, quels sont nos objectifs ? Je crois qu'ils sont
simples :
- assurer la mise en oeuvre complète et loyale des Accords de Dayton et des
autres accords qui ont suivi ;
- aider les responsables du pays démocratiquement élus en 1996, à mettre en
place de nouvelles institutions communes ;
- garantir la stabilisation d'une région traditionnellement fragile, mais qui
est en Europe et dont l'avenir est européen, sans aucun doute.
Nous avons adopté, l'an dernier à Londres, un plan de consolidation, étalé sur
deux ans, 1996-1998, et reposant sur une logique nouvelle, une approche
contractuelle et conditionnelle du processus de paix qui se résume en quelques
mots : la responsabilité de la paix incombe au premier chef aux autorités élues
en 1996.
Elles doivent tout mettre en oeuvre pour que certaines forces hostiles à la
consolidation de la paix ne viennent plus saper les efforts internationaux en
faveur de la construction d'une Bosnie réconciliée, pluriethnique,
démocratique, d'une Bosnie disposée à accueillir le retour de tous ses
réfugiés, d'une Bosnie enfin en mesure de prendre en main son avenir.
Comme nous tous ici rassemblés, les populations de Bosnie-Herzégovine et
l'ensemble de leurs dirigeants ne doivent pas perdre de vue ces points
essentiels : nous ne nous sommes pas engagés à Dayton pour porter à bout de
bras des années durant un pays encore déchiré ou des institutions
artificielles.
La communauté internationale s'est engagée à instaurer la paix, puis à aider
les responsables locaux à donner à cette paix une logique propre. Pas plus, pas
moins.
Ce que je viens de voir et d'entendre à Sarajevo avec mon ami Klaus Kinkel, m'a
malheureusement confirmé que les choses avançaient trop lentement encore en
Bosnie, et que trop de forces centrifuges travaillaient encore contre les
accords de paix, contre la construction d'une nouvelle Bosnie.
Nous soulignions à l'instant l'importance des questions de Droits de l'Homme et
de réfugiés. Or chacun sait ici que sur plus de deux millions de réfugiés,
moins de deux cent mille ont pu rentrer dans leur foyer.
Sur un total de 20 000 personnes disparues, seulement 1200 cas ont été résolus.
Ceci pose encore une fois la question des détentions secrètes.
Les cas de violences policières, d'arrestations et de détentions arbitraires,
de restriction à la liberté de circulation restent fréquents en Bosnie.
Comment pourrions-nous accepter cela ?
Je le rappelle encore une fois, il ne nous reste plus qu'une année avant
l'achèvement du plan de consolidation et que quelques mois avant la tenue des
prochaines élections générales. Il y a donc urgence si nous voulons toujours
remplir notre contrat dans les termes que je mentionnais à l'instant, avant la
fin de 1998.
Il convient donc de travailler ensemble, vite et mieux, à l'application pleine
et loyale des Accords de Dayton. Comment le faire ? De deux façons : par la
cohésion et par la conditionnalité.
Ce n'est que par une combinaison intelligente de pressions, d'incitations et de
conditionnalité que l'aide de la communauté internationale à la
Bosnie-Herzégovine atteindra un haut niveau d'efficacité et de crédibilité.
Nous devons impérativement aboutir à une meilleure coordination sous l'égide du
Haut-Représentant. La persévérance de Carl Bildt et de Carlos Westendorp - que
je salue - a amplement contribué aux succès enregistrés depuis la cessation des
hostilités.
L'action du Haut-Représentant doit continuer de s'exercer sous le contrôle de
la Conférence de mise en oeuvre dans sa formation plénière, et du Bureau
directeur chargé de lui donner les orientations politiques nécessaires. Mais il
y aurait une certaine incohérence à lui demander d'assumer un rôle si nous ne
lui donnions pas les moyens indispensables pour cela.
C'est le Haut-Représentant qui est l'interlocuteur des différentes autorités
sur place. C'est lui qui connaît, dans le détail, les enjeux quotidiens du
processus de paix. Il faut donc respecter et réaffirmer son rôle d'impulsion et
de coordination dans la mise en oeuvre des aspects civils du processus de paix.
Je le souligne, le Haut-Représentant doit pouvoir compter sur notre soutien
unanime. La conditionnalité de l'action de la communauté internationale en
Bosnie reste elle aussi indispensable.
Là encore, il ne s'agit pas de voir dans la conditionnalité un nouvel
instrument de coercition ou de sanction.
Nous défendons une lecture positive de la conditionnalité : ceux qui coopèrent
de bonne foi à l'application des accords de paix, à l'échelon central, local ou
municipal, seront assurés d'obtenir notre soutien et notre aide.
A ce titre, l'Union européenne dispose d'un formidable levier politique et
économique : le rapprochement avec les institutions européennes d'une part, le
financement de plus de la moitié des besoins de reconstruction d'autre part.
Tous les dirigeants de Bosnie-Herzégovine doivent en être conscients. A eux de
voir s'ils sont prêts à assumer pleinement leurs nouvelles responsabilités. A
eux de décider s'ils veulent véritablement courir le risque d'échouer sur ces
deux aspects.
Je rappelle aussi que cette conditionnalité positive vaut pour l'ensemble de la
région, et donc aussi pour la question du Kosovo.
Les autorités de Bosnie seront, je le disais, les premières responsables du
succès ou de l'échec de la consolidation de la paix.
Le respect de la Constitution de la Bosnie, la mise en place et le travail en
bonne entente des institutions centrales comme de celles des deux entités
seront à notre sens le reflet de la volonté des dirigeants de
Bosnie-Herzégovine. Mais, ceci ne sera pas encore suffisant.
Les avancées enregistrées depuis 1996 ne sont pas encore à la hauteur des
efforts déployés par les membres de cette conférence, par l'Union européenne,
par le groupe de contact, par mon pays aussi, au prix, trop souvent, de la vie
de ses soldats.
Où faut-il avancer ? J'ai envie de dire : partout.
- En premier lieu, sur le front des criminels de guerre. La justice devra
passer si l'on veut instaurer une paix stable et durable : les personnes
inculpées par le Tribunal pénal international devront toutes sans exception
être jugées pour leurs actes. Au-delà de cela, il serait sans doute temps de
songer à la réconciliation, comme d'ailleurs les accords de paix y invitent les
protagonistes.
- Il faut avancer dans le fonctionnement des institutions centrales - à
commencer par la présidence collégiale et le Conseil des ministres.
- Dans l'adoption de la deuxième partie du paquet de législation économique
d'urgence.
- Dans le développement d'une information pluraliste.
- Dans l'adoption de lois sur la citoyenneté et les biens immobiliers.
- Ainsi que sur un plan très concret (la monnaie, les passeports, les plaques
minéralogiques, etc.).
Il y va de la capacité des populations de Bosnie-Herzégovine à réapprendre à
vivre ensemble par delà les différences ethniques et religieuses, et donc à
retrouver une vie quotidienne normale.
Qui pourrait croire à une paix durable si la Constitution de l'Etat reste
lettre morte, si les réfugiés ne peuvent rentrer chez eux, si les criminels de
guerre, quels qu'il soient, que ce soit Karadzic ou d'autres, restent impunis ?
Et si la population ne retrouve pas confiance dans son avenir en Bosnie. La
reconstruction économique pourra-t-elle avancer réellement ?
Notre conférence va de nouveau exprimer la solidarité mais aussi les attentes,
les impatiences et la persévérance de la communauté internationale tout
entière, dans la démarche visant à faire émerger une Bosnie consolidée,
intégrée dans une région elle-même stabilisée et dans le concert des nations.
A ce titre, mon pays appelle votre attention sur l'urgence de mettre en oeuvre
la négociation sur l'article V et souhaite que le président de l'OSCE soit en
mesure de désigner à Copenhague son représentant spécial. Je rappelle que la
France a présenté la candidature de M. Jacolin, ancien ambassadeur en
Bosnie-Herzégovine.
Je veux croire que les populations de Bosnie, éprouvées par de longues années
de guerre, n'aspirent qu'à préserver cette paix retrouvée à laquelle elles ont
pu de nouveau goûter depuis deux ans. C'est à leurs dirigeants de prendre leurs
responsabilités et de tirer le meilleur parti de l'engagement renouvelé - et
encore renouvelé aujourd'hui à Bonn - et approfondi de la communauté
internationale que nous représentons.
Car je le répète : il n'y a, à nos yeux, pas d'alternative crédible aux Accords
de Dayton./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2001)
d'action de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine pour l'année
1998. Il s'agit d'organiser la deuxième phase de la période de consolidation de
la paix qui a été ouverte en novembre 1996 à Paris.
Pour cette nouvelle étape, quels sont nos objectifs ? Je crois qu'ils sont
simples :
- assurer la mise en oeuvre complète et loyale des Accords de Dayton et des
autres accords qui ont suivi ;
- aider les responsables du pays démocratiquement élus en 1996, à mettre en
place de nouvelles institutions communes ;
- garantir la stabilisation d'une région traditionnellement fragile, mais qui
est en Europe et dont l'avenir est européen, sans aucun doute.
Nous avons adopté, l'an dernier à Londres, un plan de consolidation, étalé sur
deux ans, 1996-1998, et reposant sur une logique nouvelle, une approche
contractuelle et conditionnelle du processus de paix qui se résume en quelques
mots : la responsabilité de la paix incombe au premier chef aux autorités élues
en 1996.
Elles doivent tout mettre en oeuvre pour que certaines forces hostiles à la
consolidation de la paix ne viennent plus saper les efforts internationaux en
faveur de la construction d'une Bosnie réconciliée, pluriethnique,
démocratique, d'une Bosnie disposée à accueillir le retour de tous ses
réfugiés, d'une Bosnie enfin en mesure de prendre en main son avenir.
Comme nous tous ici rassemblés, les populations de Bosnie-Herzégovine et
l'ensemble de leurs dirigeants ne doivent pas perdre de vue ces points
essentiels : nous ne nous sommes pas engagés à Dayton pour porter à bout de
bras des années durant un pays encore déchiré ou des institutions
artificielles.
La communauté internationale s'est engagée à instaurer la paix, puis à aider
les responsables locaux à donner à cette paix une logique propre. Pas plus, pas
moins.
Ce que je viens de voir et d'entendre à Sarajevo avec mon ami Klaus Kinkel, m'a
malheureusement confirmé que les choses avançaient trop lentement encore en
Bosnie, et que trop de forces centrifuges travaillaient encore contre les
accords de paix, contre la construction d'une nouvelle Bosnie.
Nous soulignions à l'instant l'importance des questions de Droits de l'Homme et
de réfugiés. Or chacun sait ici que sur plus de deux millions de réfugiés,
moins de deux cent mille ont pu rentrer dans leur foyer.
Sur un total de 20 000 personnes disparues, seulement 1200 cas ont été résolus.
Ceci pose encore une fois la question des détentions secrètes.
Les cas de violences policières, d'arrestations et de détentions arbitraires,
de restriction à la liberté de circulation restent fréquents en Bosnie.
Comment pourrions-nous accepter cela ?
Je le rappelle encore une fois, il ne nous reste plus qu'une année avant
l'achèvement du plan de consolidation et que quelques mois avant la tenue des
prochaines élections générales. Il y a donc urgence si nous voulons toujours
remplir notre contrat dans les termes que je mentionnais à l'instant, avant la
fin de 1998.
Il convient donc de travailler ensemble, vite et mieux, à l'application pleine
et loyale des Accords de Dayton. Comment le faire ? De deux façons : par la
cohésion et par la conditionnalité.
Ce n'est que par une combinaison intelligente de pressions, d'incitations et de
conditionnalité que l'aide de la communauté internationale à la
Bosnie-Herzégovine atteindra un haut niveau d'efficacité et de crédibilité.
Nous devons impérativement aboutir à une meilleure coordination sous l'égide du
Haut-Représentant. La persévérance de Carl Bildt et de Carlos Westendorp - que
je salue - a amplement contribué aux succès enregistrés depuis la cessation des
hostilités.
L'action du Haut-Représentant doit continuer de s'exercer sous le contrôle de
la Conférence de mise en oeuvre dans sa formation plénière, et du Bureau
directeur chargé de lui donner les orientations politiques nécessaires. Mais il
y aurait une certaine incohérence à lui demander d'assumer un rôle si nous ne
lui donnions pas les moyens indispensables pour cela.
C'est le Haut-Représentant qui est l'interlocuteur des différentes autorités
sur place. C'est lui qui connaît, dans le détail, les enjeux quotidiens du
processus de paix. Il faut donc respecter et réaffirmer son rôle d'impulsion et
de coordination dans la mise en oeuvre des aspects civils du processus de paix.
Je le souligne, le Haut-Représentant doit pouvoir compter sur notre soutien
unanime. La conditionnalité de l'action de la communauté internationale en
Bosnie reste elle aussi indispensable.
Là encore, il ne s'agit pas de voir dans la conditionnalité un nouvel
instrument de coercition ou de sanction.
Nous défendons une lecture positive de la conditionnalité : ceux qui coopèrent
de bonne foi à l'application des accords de paix, à l'échelon central, local ou
municipal, seront assurés d'obtenir notre soutien et notre aide.
A ce titre, l'Union européenne dispose d'un formidable levier politique et
économique : le rapprochement avec les institutions européennes d'une part, le
financement de plus de la moitié des besoins de reconstruction d'autre part.
Tous les dirigeants de Bosnie-Herzégovine doivent en être conscients. A eux de
voir s'ils sont prêts à assumer pleinement leurs nouvelles responsabilités. A
eux de décider s'ils veulent véritablement courir le risque d'échouer sur ces
deux aspects.
Je rappelle aussi que cette conditionnalité positive vaut pour l'ensemble de la
région, et donc aussi pour la question du Kosovo.
Les autorités de Bosnie seront, je le disais, les premières responsables du
succès ou de l'échec de la consolidation de la paix.
Le respect de la Constitution de la Bosnie, la mise en place et le travail en
bonne entente des institutions centrales comme de celles des deux entités
seront à notre sens le reflet de la volonté des dirigeants de
Bosnie-Herzégovine. Mais, ceci ne sera pas encore suffisant.
Les avancées enregistrées depuis 1996 ne sont pas encore à la hauteur des
efforts déployés par les membres de cette conférence, par l'Union européenne,
par le groupe de contact, par mon pays aussi, au prix, trop souvent, de la vie
de ses soldats.
Où faut-il avancer ? J'ai envie de dire : partout.
- En premier lieu, sur le front des criminels de guerre. La justice devra
passer si l'on veut instaurer une paix stable et durable : les personnes
inculpées par le Tribunal pénal international devront toutes sans exception
être jugées pour leurs actes. Au-delà de cela, il serait sans doute temps de
songer à la réconciliation, comme d'ailleurs les accords de paix y invitent les
protagonistes.
- Il faut avancer dans le fonctionnement des institutions centrales - à
commencer par la présidence collégiale et le Conseil des ministres.
- Dans l'adoption de la deuxième partie du paquet de législation économique
d'urgence.
- Dans le développement d'une information pluraliste.
- Dans l'adoption de lois sur la citoyenneté et les biens immobiliers.
- Ainsi que sur un plan très concret (la monnaie, les passeports, les plaques
minéralogiques, etc.).
Il y va de la capacité des populations de Bosnie-Herzégovine à réapprendre à
vivre ensemble par delà les différences ethniques et religieuses, et donc à
retrouver une vie quotidienne normale.
Qui pourrait croire à une paix durable si la Constitution de l'Etat reste
lettre morte, si les réfugiés ne peuvent rentrer chez eux, si les criminels de
guerre, quels qu'il soient, que ce soit Karadzic ou d'autres, restent impunis ?
Et si la population ne retrouve pas confiance dans son avenir en Bosnie. La
reconstruction économique pourra-t-elle avancer réellement ?
Notre conférence va de nouveau exprimer la solidarité mais aussi les attentes,
les impatiences et la persévérance de la communauté internationale tout
entière, dans la démarche visant à faire émerger une Bosnie consolidée,
intégrée dans une région elle-même stabilisée et dans le concert des nations.
A ce titre, mon pays appelle votre attention sur l'urgence de mettre en oeuvre
la négociation sur l'article V et souhaite que le président de l'OSCE soit en
mesure de désigner à Copenhague son représentant spécial. Je rappelle que la
France a présenté la candidature de M. Jacolin, ancien ambassadeur en
Bosnie-Herzégovine.
Je veux croire que les populations de Bosnie, éprouvées par de longues années
de guerre, n'aspirent qu'à préserver cette paix retrouvée à laquelle elles ont
pu de nouveau goûter depuis deux ans. C'est à leurs dirigeants de prendre leurs
responsabilités et de tirer le meilleur parti de l'engagement renouvelé - et
encore renouvelé aujourd'hui à Bonn - et approfondi de la communauté
internationale que nous représentons.
Car je le répète : il n'y a, à nos yeux, pas d'alternative crédible aux Accords
de Dayton./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2001)