Texte intégral
S. Paoli Y aura-t-il dans la prochaine Assemblée nationale, un groupe parlementaire UDF, c'est-à-dire au moins vingt députés de cette tendance politique ? En 1997, l'UDF comptait 109 députés. Aujourd'hui, seuls quatorze sortants UDF ont décidé de se présenter en conservant leur étiquette ; les autres ont rejoint l'UMP. Est-ce la fin du centrisme ? L'UDF devenant un parti charnière, retrouvera-t-elle son indépendance ? C'est une bataille pour la survie politique de l'UDF que vous menez...
- "Oui, c'est une bataille pour l'équilibre de la majorité future et pour la conception même qu'on a de cette majorité. Je n'imagine pas qu'une majorité puisse être composée d'un parti unique. Si tel était le cas et si cette majorité avait tous les pouvoirs entre les mains, tous les pouvoirs exécutifs, tous les pouvoirs législatifs et l'autorité sur les corps de contrôle, alors, forcément, on serait dans une situation risquée. Parce que s'il n'y a plus de relais à l'intérieur de la majorité pour porter la parole des citoyens, quand ils sont mécontents ou quand ils ont des exigences qui ne sont pas remplies par le Gouvernement, s'il n'y a plus de relais pour cette attente des Français, alors comment s'exprimera-t-elle ?"
Mais il y avait un reportage très intéressant dans le journal de 8h00 de P. Roger qui posait une question : quelle différence y a-t-il entre vous et l'UMP ? Dans les candidatures pour les législatives, est-ce que c'est juste une différence d'étiquette, ou est-ce que ce sont des visions du monde politique qui diffèrent ?
- "C'est une vision du monde politique vraiment différente, puisque l'un veut que tout le monde soit dans le même moule et l'autre veut qu'il y ait un pluralisme et un dialogue. Or ce que la France a dit le 21 avril, c'est très frappant de voir que c'était précisément cesser de commander depuis le haut, sans jamais qu'une parole différente de la vôtre soit entendue. Et transformer ou répondre au message du 21 avril par une concentration supplémentaire du pouvoir entre les mêmes mains, sans consultation de la base, c'est aller exactement à rebours de ce que les Français attendent. Regardez : est-ce que l'UMP a été créée en demandant leur avis aux militants RPR ou Démocratie libérale ? Jamais. Il n'y a pas eu la moindre consultation. C'est une décision du sommet qu'on veut imposer par la force. Je suis là pour dire : cela ne se fera pas."
Mais vous ne croyez pas qu'avec une personnalité telle que la vôtre - on a vu que vous étiez combatif, on l'a encore vu dans la récente campagne présidentielle -, à l'intérieur d'un ensemble comme l'UMP, vous arriveriez à conserver votre différence et votre indépendance ?
- "Regardez ce qui s'est passé avec le Parti socialiste qui, au fond, obéissait à la même idée et qui a fini, je le rappelle, à 15 %. Le Parti socialiste, depuis cinq ans, quel a été son message ? Son message a été - et les Français s'en souviennent - : "le bilan du Gouvernement est bon". Voilà ce qu'on nous disait. Et à chaque question, on disait : "Mais non, vous êtes inquiet, vous vous trompez, le bilan du Gouvernement est bon". Vous protestez ? "Le bilan du Gouvernement est bon". Parce qu'un parti qui est ainsi constitué pour ramasser toutes les tendances soi-disant en son sein, n'est pas autre chose que le relais du Gouvernement - ou, si on veut être gentil, l'avocat du Gouvernement - auprès des citoyens. Il faut qu'à l'intérieur de la majorité il y ait aussi un avocat des Français auprès du Gouvernement. Et je veux que nous soyons cet avocat. L'UDF, c'est sa vocation, s'appelle Union pour la démocratie française. Que l'UDF soit cet avocat-là."
Mais qu'est-ce qui vous est arrivé ? Qu'est-ce qui fait qu'en relativement peu de temps quand même, en regard de l'histoire politique récente, vous soyez passé de 109 députés et à vous demander au fond si vous aurez encore un groupe parlementaire à l'assemblée ?
- "Vous oubliez une étape très importante : c'est qu'en raison des accords avec le Front national au moment des régionales de 1998, une partie des députés UDF sont partis et aujourd'hui d'ailleurs se sont fondus à l'intérieur de l'UMP, alors que je refusais, vous vous en souvenez, ces accords là. Et cela a fait une part très importante de l'actualité politique de l'époque. Mais c'est une renaissance, voilà, vous l'avez très justement dit. Pendant longtemps, on a été habitué à imaginer l'UDF comme une roue de secours qui, de toutes les manières et quels que soient ses sentiments, se ralliait à un parti plus puissant dont elle acceptait, cette UDF, d'être l'appendice. Aujourd'hui, ce sont des rapports d'égalité, même si l'un apparaît plus gros et l'autre plus petit. Mais ce n'est pas la différence de taille qui fait la justesse des idées et donc pour moi, l'opposition sera formée de deux piliers qui auront des responsabilités égales, même si leurs conceptions, plus centralisées pour l'une et plus décentralisées pour l'autre, ne sont pas exactement les mêmes."
Je posais une question, je me demandais si vous alliez retrouver votre indépendance. Si vous n'avez pas les vingt députés et si vous n'avez pas de groupe parlementaire à l'Assemblée, qu'est-ce qui se passe ?
- "Je ne mène jamais les combats en imaginant des échecs. Je mène les combats pour obtenir des victoires et donc, le but que je me fixe, c'est l'existence d'un groupe UDF à l'Assemblée nationale, de plein exercice, pleinement responsable, portant une vision un peu différente, un peu plus offensive de la politique. Cette existence-là, je suis certain que nous l'atteindrons ; mais vous avez raison de le dire, c'est un combat. Et vous savez pourquoi c'est un combat ? C'est parce que nous n'avons pas présenté de candidat dans les 577 circonscriptions françaises pour éviter l'accusation de division ou de faire le jeu de tel ou tel. Donc, on a été responsables. Si on avait présenté 577 candidats, il n'y avait pas de doute qu'on aurait eu ce groupe. Je crois que nous l'obtiendrons. En tout cas, je ferai vraiment tout ce qu'il faut pour que cette parole se fasse entendre aujourd'hui et demain."
On voit les subtilités politiques : on voit un A . Juppé qui dit qu'après tout, il est normal de soutenir F. Bayrou dans sa campagne. On vous entend dire : "Le RPR T. Mariani à Orange, je suis navré, mais je vais lui apporter mon soutien parce qu'il y a un risque Front national"...
- "Pourquoi "navré" ? La politique ne consiste pas à être uniquement commandé par une étiquette, je n'ai pas cette vision sectaire. Dans la situation où nous sommes aujourd'hui, que faut-il ? Un, éviter l'extrémisme à tout prix. Deux, éviter la cohabitation. On ne va pas repartir pour cinq ans dans cette ambiance de guerre, de chausse-trappe, de piège qu'on se tend tous les matins, de petits poisons qui existent entre le président de la République et le Premier ministre, lorsqu'ils appartiennent chacun à une majorité différente. C'est une conception que j'ai combattue depuis le premier jour et que je combats encore plus fortement aujourd'hui. Donc, il faut se mobiliser contre la cohabitation. Et enfin, il faut que l'on bâtisse en effet une majorité où chacun trouve sa place. La feuille de route est claire : non à l'extrémisme, non à la cohabitation et on a besoin de tout le monde pour construire l'avenir."
Sinon, les hypothèses, peut-être au moins les inquiétudes. Dans sa chronique, juste avant le journal de 8h00, P. Le Marc s'inquiétait vraiment des nouvelles surprises peut-être qui nous attendraient dans ces législatives. Et je revois à la Une du Monde hier, ce sondage de la Sofres qui parle sinon d'une lepénisation des esprits, en tout cas d'une proportion importante de l'opinion française qui n'est pas résolument hostile aux idées défendues par J.-M. Le Pen. Qu'en dites-vous ?
- "Il faut se battre. La politique, cela ne tombe pas tout cuit, ce n'est pas parce que le 5 mai, au deuxième tour de l'élection présidentielle, J. Chirac a obtenu 82,5 % des suffrages qu'on a désormais la réponse à toutes les questions. 82,5 % du corps électoral a écarté l'hypothèse Le Pen. Mais il demeure que les questions n'ont pas de réponses et que la politique, cela consiste vraiment à convaincre, à se mouiller pour convaincre les Français. Vous vous souvenez qu'entre les deux tours de la présidentielle, j'étais allé faire un meeting à Marseille le même soir que le leader du Front national. Parce que c'est une bataille, c'est un combat et je trouve en effet, vous avez peut-être raison sur ce point, que ce combat, on ne le livre pas assez, on devrait le livrer davantage pour que le coup de poing du 21 avril ne soit pas oublié. Et pour que ce que les Français ont ce jour-là exprimé avec force et avec risque à mon avis, nous soyons capables de le saisir et de le transformer en quelque chose de bon ou de juste pour la démocratie."
Cela veut dire que le responsable politique que vous êtes considère qu'il n'y a pas encore de réponse donnée aux résultats de la présidentielle aux Français ?
- "C'est exactement ce que je pense, oui."
(Source :Premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 mai 2002)
- "Oui, c'est une bataille pour l'équilibre de la majorité future et pour la conception même qu'on a de cette majorité. Je n'imagine pas qu'une majorité puisse être composée d'un parti unique. Si tel était le cas et si cette majorité avait tous les pouvoirs entre les mains, tous les pouvoirs exécutifs, tous les pouvoirs législatifs et l'autorité sur les corps de contrôle, alors, forcément, on serait dans une situation risquée. Parce que s'il n'y a plus de relais à l'intérieur de la majorité pour porter la parole des citoyens, quand ils sont mécontents ou quand ils ont des exigences qui ne sont pas remplies par le Gouvernement, s'il n'y a plus de relais pour cette attente des Français, alors comment s'exprimera-t-elle ?"
Mais il y avait un reportage très intéressant dans le journal de 8h00 de P. Roger qui posait une question : quelle différence y a-t-il entre vous et l'UMP ? Dans les candidatures pour les législatives, est-ce que c'est juste une différence d'étiquette, ou est-ce que ce sont des visions du monde politique qui diffèrent ?
- "C'est une vision du monde politique vraiment différente, puisque l'un veut que tout le monde soit dans le même moule et l'autre veut qu'il y ait un pluralisme et un dialogue. Or ce que la France a dit le 21 avril, c'est très frappant de voir que c'était précisément cesser de commander depuis le haut, sans jamais qu'une parole différente de la vôtre soit entendue. Et transformer ou répondre au message du 21 avril par une concentration supplémentaire du pouvoir entre les mêmes mains, sans consultation de la base, c'est aller exactement à rebours de ce que les Français attendent. Regardez : est-ce que l'UMP a été créée en demandant leur avis aux militants RPR ou Démocratie libérale ? Jamais. Il n'y a pas eu la moindre consultation. C'est une décision du sommet qu'on veut imposer par la force. Je suis là pour dire : cela ne se fera pas."
Mais vous ne croyez pas qu'avec une personnalité telle que la vôtre - on a vu que vous étiez combatif, on l'a encore vu dans la récente campagne présidentielle -, à l'intérieur d'un ensemble comme l'UMP, vous arriveriez à conserver votre différence et votre indépendance ?
- "Regardez ce qui s'est passé avec le Parti socialiste qui, au fond, obéissait à la même idée et qui a fini, je le rappelle, à 15 %. Le Parti socialiste, depuis cinq ans, quel a été son message ? Son message a été - et les Français s'en souviennent - : "le bilan du Gouvernement est bon". Voilà ce qu'on nous disait. Et à chaque question, on disait : "Mais non, vous êtes inquiet, vous vous trompez, le bilan du Gouvernement est bon". Vous protestez ? "Le bilan du Gouvernement est bon". Parce qu'un parti qui est ainsi constitué pour ramasser toutes les tendances soi-disant en son sein, n'est pas autre chose que le relais du Gouvernement - ou, si on veut être gentil, l'avocat du Gouvernement - auprès des citoyens. Il faut qu'à l'intérieur de la majorité il y ait aussi un avocat des Français auprès du Gouvernement. Et je veux que nous soyons cet avocat. L'UDF, c'est sa vocation, s'appelle Union pour la démocratie française. Que l'UDF soit cet avocat-là."
Mais qu'est-ce qui vous est arrivé ? Qu'est-ce qui fait qu'en relativement peu de temps quand même, en regard de l'histoire politique récente, vous soyez passé de 109 députés et à vous demander au fond si vous aurez encore un groupe parlementaire à l'assemblée ?
- "Vous oubliez une étape très importante : c'est qu'en raison des accords avec le Front national au moment des régionales de 1998, une partie des députés UDF sont partis et aujourd'hui d'ailleurs se sont fondus à l'intérieur de l'UMP, alors que je refusais, vous vous en souvenez, ces accords là. Et cela a fait une part très importante de l'actualité politique de l'époque. Mais c'est une renaissance, voilà, vous l'avez très justement dit. Pendant longtemps, on a été habitué à imaginer l'UDF comme une roue de secours qui, de toutes les manières et quels que soient ses sentiments, se ralliait à un parti plus puissant dont elle acceptait, cette UDF, d'être l'appendice. Aujourd'hui, ce sont des rapports d'égalité, même si l'un apparaît plus gros et l'autre plus petit. Mais ce n'est pas la différence de taille qui fait la justesse des idées et donc pour moi, l'opposition sera formée de deux piliers qui auront des responsabilités égales, même si leurs conceptions, plus centralisées pour l'une et plus décentralisées pour l'autre, ne sont pas exactement les mêmes."
Je posais une question, je me demandais si vous alliez retrouver votre indépendance. Si vous n'avez pas les vingt députés et si vous n'avez pas de groupe parlementaire à l'Assemblée, qu'est-ce qui se passe ?
- "Je ne mène jamais les combats en imaginant des échecs. Je mène les combats pour obtenir des victoires et donc, le but que je me fixe, c'est l'existence d'un groupe UDF à l'Assemblée nationale, de plein exercice, pleinement responsable, portant une vision un peu différente, un peu plus offensive de la politique. Cette existence-là, je suis certain que nous l'atteindrons ; mais vous avez raison de le dire, c'est un combat. Et vous savez pourquoi c'est un combat ? C'est parce que nous n'avons pas présenté de candidat dans les 577 circonscriptions françaises pour éviter l'accusation de division ou de faire le jeu de tel ou tel. Donc, on a été responsables. Si on avait présenté 577 candidats, il n'y avait pas de doute qu'on aurait eu ce groupe. Je crois que nous l'obtiendrons. En tout cas, je ferai vraiment tout ce qu'il faut pour que cette parole se fasse entendre aujourd'hui et demain."
On voit les subtilités politiques : on voit un A . Juppé qui dit qu'après tout, il est normal de soutenir F. Bayrou dans sa campagne. On vous entend dire : "Le RPR T. Mariani à Orange, je suis navré, mais je vais lui apporter mon soutien parce qu'il y a un risque Front national"...
- "Pourquoi "navré" ? La politique ne consiste pas à être uniquement commandé par une étiquette, je n'ai pas cette vision sectaire. Dans la situation où nous sommes aujourd'hui, que faut-il ? Un, éviter l'extrémisme à tout prix. Deux, éviter la cohabitation. On ne va pas repartir pour cinq ans dans cette ambiance de guerre, de chausse-trappe, de piège qu'on se tend tous les matins, de petits poisons qui existent entre le président de la République et le Premier ministre, lorsqu'ils appartiennent chacun à une majorité différente. C'est une conception que j'ai combattue depuis le premier jour et que je combats encore plus fortement aujourd'hui. Donc, il faut se mobiliser contre la cohabitation. Et enfin, il faut que l'on bâtisse en effet une majorité où chacun trouve sa place. La feuille de route est claire : non à l'extrémisme, non à la cohabitation et on a besoin de tout le monde pour construire l'avenir."
Sinon, les hypothèses, peut-être au moins les inquiétudes. Dans sa chronique, juste avant le journal de 8h00, P. Le Marc s'inquiétait vraiment des nouvelles surprises peut-être qui nous attendraient dans ces législatives. Et je revois à la Une du Monde hier, ce sondage de la Sofres qui parle sinon d'une lepénisation des esprits, en tout cas d'une proportion importante de l'opinion française qui n'est pas résolument hostile aux idées défendues par J.-M. Le Pen. Qu'en dites-vous ?
- "Il faut se battre. La politique, cela ne tombe pas tout cuit, ce n'est pas parce que le 5 mai, au deuxième tour de l'élection présidentielle, J. Chirac a obtenu 82,5 % des suffrages qu'on a désormais la réponse à toutes les questions. 82,5 % du corps électoral a écarté l'hypothèse Le Pen. Mais il demeure que les questions n'ont pas de réponses et que la politique, cela consiste vraiment à convaincre, à se mouiller pour convaincre les Français. Vous vous souvenez qu'entre les deux tours de la présidentielle, j'étais allé faire un meeting à Marseille le même soir que le leader du Front national. Parce que c'est une bataille, c'est un combat et je trouve en effet, vous avez peut-être raison sur ce point, que ce combat, on ne le livre pas assez, on devrait le livrer davantage pour que le coup de poing du 21 avril ne soit pas oublié. Et pour que ce que les Français ont ce jour-là exprimé avec force et avec risque à mon avis, nous soyons capables de le saisir et de le transformer en quelque chose de bon ou de juste pour la démocratie."
Cela veut dire que le responsable politique que vous êtes considère qu'il n'y a pas encore de réponse donnée aux résultats de la présidentielle aux Français ?
- "C'est exactement ce que je pense, oui."
(Source :Premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 mai 2002)