Interview de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, au Grand Jury RTL Le Monde LCI le 27 janvier 2002, sur les propositions du patronat pour les 35 heures et la négociation paritaire, l'assurance maladie et le système de santé.

Prononcé le

Média : Emission Le Grand Jury RTL Le Monde LCI

Texte intégral


Patrick COHEN :
Bonsoir Ernest-Antoine SEILLIERE. Après avoir transformé il y a un peu plus de trois ans votre conseil patronal en mouvement, le MEDEF, Mouvement des entreprises de France. Vous êtes pour la première fois invité dans le débat public à l'approche d'échéances électorales majeures, en promettant de harceler les hommes politiques et les candidats à l'Elysée sur vos propositions de réforme et il semble que ce harcèlement a déjà produit ses effets puisque vous servez d'argument de campagne ou d'épouvantail, c'est selon, comme tout à l'heure dans le discours de Lionel JOSPIN à la Mutualité, on va y revenir.
On va donc vous interroger dans un premier temps sur ce droit d'ingérence que vous revendiquez dans le débat politique et sur vos propositions, celles du patronat et sur cette refondation sociale que vous avez mise en chantier. Gérard COURTOIS et Pierre-Luc SEGUILLON participent à ce Grand Jury diffusé comme chaque semaine en direct à la radio, sur RTL, à la télévision, sur LCI et dont on pourra lire l'essentiel dans le prochain numéro du Monde.
Alors, le candidat probable, Lionel JOSPIN devenu il y a deux heures, candidat disponible, a déclaré qu'on pouvait craindre dans le cas d'un retour de la droite aux affaires la mise en oeuvre d'un programme très directement inspiré des propositions des MEDEF. Alors on a envie de vous demander déjà, est-ce exact. Les programmes de la droite sont connus, le RPR a rendu public le sien il y a 3 jours. Est-ce que vous y trouvez votre compte ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Je constate d'abord si vous voulez que ce droit d'ingérence dans le débat public que nous avons revendiqué au nom des entreprises, des entrepreneurs et qui nous a amené à lancer une campagne " En avant l'entreprise, en avant la France ", qui nous a amené à sillonner l'ensemble du territoire, à faire des forums nationaux pour faire des propositions, tout ceci s'est conclut avec un congrès à Lyon, tout ceci en fait produit son effet ; c'est-à-dire que nous sommes dans le débat public, c'est-à-dire que les idées que le Medef amène, les propositions qu'il fait interviennent, à preuve, en direct dans le débat public puisque les uns ou les autres, se les arrogent ou se les refusent. Nous n'avions pas d'autre but que celui d'amener notre pays à débattre du fond. Je trouve qu'il est actuellement un peu insuffisant de dire " à bas le Medef ! " , " c'est le Medef ", " pourquoi pas le Medef ", " je ne veux pas du Medef "... Il faudrait aller un peu plus au fond des choses et voir ce que nous proposons, c'est ça qui est important. Alors il y a un peu si vous voulez de positionnement actuellement des hommes politiques vis-à-vis du Medef qui se fait. On n'a cessé de nous accabler. On nous parle d'épouvantail, mais on va bientôt également s'apercevoir que cet épouvantail progresse dans les rangs politiques. Comme vous le savez, une partie de la gauche est actuellement en train de s'intéresser aux idées du Medef.
Patrick COHEN :
Quelle gauche ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Eh bien par exemple, la gauche qui se veut plus moderne, et actuellement une sorte de concours de modernité qui amène inévitablement, inévitablement ceux qui s'intéressent à faire progresser notre pays à regarder ce que le Medef propose.
Patrick COHEN :
C'est-à-dire, Dominique STRAUSS KAHN, Laurent FABIUS...
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Dominique STRAUSS KAHN, Laurent FABIUS et bien d'autres. Je pense au fond d'eux-mêmes qu'ils se rendent que ce que nous disons et qui est compris des Français, parce que je vous l'indique, mais vous le savez bien peut-être, mais des sondages actuels établissent qu'en réalité les Français sont intéressés par la réforme. Ils l'ont prouvé avec l'euro qu'ils ont accueilli avec une certaine forme de bonne humeur et même d'enthousiasme et actuellement quand on leur dit : mais est-ce que vous souhaitez pouvoir échapper à ces conflits un peu confus et limités où on s'invective, où on se jette à la tête je ne sais quel argument facile, en petites phrases ou autres, ils disent : assez ! assez ces combats droite-gauche classiques. Allons au fond des choses.
Patrick COHEN :
Donc quand Lionel JOSPIN vous cite même quand c'est pour servir de repoussoir aux responsables socialistes qui sont réunis à la Mutualité. Ca vous fait plaisir ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ecoutez. Ca nous fait non seulement plaisir, mais c'est exactement ce que nous souhaitons. Nous souhaitons que les idées des entrepreneurs et forcément une partie des idées des salariés, les idées des partenaires sociaux, les idées de ceux qui sont dans la réalité du pays entrent en débat démocratique entre les politiques qui sont en rivalité pour exercer le pouvoir, ce qui est bien entendu leur affaire et pas la nôtre. Donc nous sommes très heureux si vous voulez de la mise en débat de nos idées à laquelle nous assistons actuellement.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Vous êtes dans le débat, ça se voit, mais est-ce que vous n'êtes pas de parti pris de fait dans ce débat quand par exemple vous confiant au Wall Street Journal, vous expliquez que vous avez quand même des préférences pour Tony BLAIR, Gerhartd SCHROEDER ou M. AZNAR plutôt que M. JOSPIN, de fait est-ce que ce n'est pas déjà sous-jacent un choix dans le débat français.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Je ne me serais pas permis de dire au Wall Street Journal des choses de ce genre. J'ai dit, c'est vrai, il se passe.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Je les ai mal comprises.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ecoutez. En tout cas je n'ai pas parlé de M. JOSPIN, j'ai dit " j'amènerai volontiers les candidats à la présidence de la République en dehors de France pour regarder comment les choses se passent, à Londres, à Berlin, ou à Madrid " où il existe un partenariat naturel et admis par la société, admis par les forces politique entre ceux qui gouvernent et ceux qui produisent. On se parle, on échange des idées, on trouve normal d'accueillir des propositions, on les met en débat, on s'appelle par son prénom, on se voit très fréquemment et donc nous sommes dans une situation très loin de celle que nous avons actuellement en France et que vous connaissez dans laquelle pour des raisons politiques et politiques pures on considère l'entreprise comme un enjeu, on se positionne contre l'entreprise pour réussir en politique.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors, attendez. Quand vous regardez les programmes des autres, est-ce que vous n'avez pas le sentiment aujourd'hui de fait que les candidats devant être probablement, je dis bien probablement, Lionel JOSPIN et Jacques CHIRAC. L'un serait plus proche de vos thèses que l'autre. Quand par exemple Jacques CHIRAC parle de "fracture entrepreneuriale" dans ses voeux, ses voeux aux forces vives de la nation. Est-ce qu'il ne vous semble pas plus enclin à ratifier vos propositions ou en tout cas à les partager que Lionel JOSPIN dont vous dîtes dans un ouvrage récent "SEILLIERE, le baron de la République", publié chez Robert Laffont. "Lionel JOSPIN c'est un aménageur du quotidien, il y a un fond technocratique, un corps de conviction relativement étroit mais ce n'est pas un homme de vision".
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Oui, alors écoutez. Un jugement sur l'homme auquel je fais d'ailleurs beaucoup de compliments avant. Il y a beaucoup d'adjectifs que vous avez omis, c'est autre chose que bien entendu le jugement sur la politique. Vous aimeriez certainement que je vous dise : mais bien entendu, je trouve que tel ou tel est plus proche de nos idées. Ca n'est pas le cas actuellement. Nous voyons en réalité que le débat politique s'installe et que, à gauche comme à droite, beaucoup commencent à se mettre sur un terrain que nous avons nous-mêmes défriché avec d'ailleurs le syndicalisme réformateur et Nicole NOTTA et la CFDT qu'il ne faut pas oublier dans cette affaire car les propositions que nous avons faits dans de nombreux domaines sont des propositions que nous avons discutées et négociées avec une grande partie du syndicalisme français. Ce sont des propositions des partenaires sociaux pour la plupart. Alors quand je lis par exemple que Mme AUBRY est une convertie aujourd'hui au contrat. Vous avez lui comme moi le programme socialiste et elle dit " le contrat c'est la base du fonctionnement d'une société ". Non mais attendez c'est merveilleux.
Elle est en train actuellement d'accueillir des propositions du Medef elle qui a passé des années, comme vous le savez, à réprouver le contrat
Pierre-Luc SEGUILLON :
Et vous y croyez ? Vous y croyez ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Eh bien écoutez, si je n'y crois pas, les électeurs non plus, donc on verra bien.
Patrick COHEN :
Mais enfin, contrairement à vous, elle ne dit pas que le contrat est supérieur à la loi.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Nous voyons, cela dit, que beaucoup des Quand on veut faire actuellement évoluer, comme c'est nécessaire et reconnu comme nécessaire par les Français, notre société et notamment, notamment notre monde économique et social qui est de notre compétence, on en vient nécessairement à discuter des idées que le Medef avance avec le syndicalisme réformateur. Nous nous en félicitons, bien entendu nous avons après notre droit d'ingérence que j'appelle un droit de regard, c'est-à-dire que nous verrons bien en effet chez l'élu, chez les élus où on en est de la reprise de beaucoup d'idées que nous avons émises.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais si vous me permettez, vous dîtes Martine AUBRY est en bonne voie quand vous regardez sa proposition de contrat. Est-ce que quand vous lisez les contrats de confiance proposés dans le programme d'un grand parti de l'opposition, en l'occurrence le RPR, vous avez le sentiment qu'ils sont aussi sur la bonne voie, et même peut-être plus proches de votre voie que d'autres.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Je ne pourrais pas en juger aujourd'hui parce que sur ces contrats de confiance qu'a produit le RPR en réalité très peu touchent à la matière économique et sociale. Comme vous l'avez constaté vous-mêmes, on va beaucoup dans le domaine sécuritaire, ou va dans le domaine de beaucoup de problèmes sociétaux, on n'a pas encore vraiment abordé ces questions, mais encore une fois ne croyez pas une seconde que le Medef chercher à intervenir en partisan.
Je pense que beaucoup d'ailleurs ne le souhaitent pas, considérant que notre intervention pourrait gêner leur propre positionnement, donc nous sommes amenés à être prudents pour ne gêner personne et en même temps, nous sentons très bien qu'il serait une erreur de vouloir labelliser un candidat. Il ne s'agit pas de ça. Nous voulons être utiles, utiles au débat de la démocratie française, sortir si vous voulez de ces positionnements, nous savons ce que c'est, ce que peut-être un débat dans lequel on escamotera systématiquement la plupart des sujets de peur bien entendu d'être contraire à tel ou tel électeur que l'on voudrait au contraire attirer.
Nous n'avons pas d'électeurs, nous pouvons parler vrai. Nous disons à la France, aux Français directement au nom des entrepreneurs encore une fois, d'où nous sommes, ce qui peut faire réussir notre pays. Etre utile à la démocratie française c'est le rôle aujourd'hui des entrepreneurs d'ailleurs je crois que personne ne le leur reproche vraiment.
On s'irrite de voir en effet qu'ils ont probablement raison sur le fond, sur, et nous en parlerons sans doute, les 35 heures, sur les retraites, sur la sécurité sociale, sur le dialogue social, sur les sujets de fond sur lesquels nous sommes alors là vraiment amenés à faire des propositions.
Patrick COHEN :
Gérard COURTOIS.
Gérard COURTOIS :
Au nom du parler vrai, quand vous voyez un certain nombre de responsables de droite, du RPR, de DL, etc. se défendre à tout prix, comme si c'était quelque chose d'honteux, de reprendre vos propositions. Vous trouvez qu'ils sont " dégonflés " ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Au non. Si vous voulez la gauche essaye de les faire tomber dans un piège, vous voyez bien, vous n'avez pas d'idées, tout ce que vous dites c'est le Medef. Alors ils se disent ce n'est pas très très bon en effet d'être vu comme répétant les positions du Medef, en disant mais absolument pas, nous n'avons même pas lu ce qu'ils disent, tout ça, si vous voulez, c'est un peu un positionnement politique d'avant campagne. Ce n'est pas très sérieux, ça nous distrait plutôt et encore une fois, je m'excuse de vous le dire, tout ce qui fait qu'on fait référence au Medef dans cette campagne nous donne le sentiment que nous avons eu raison de consulter notre base, d'essayer de ramasser nos propositions dans des choses crédibles et fortes et de les mettre en débat.
Patrick COHEN :
Alors à l'inverse, il y a quand même un candidat à droite qui se retrouve complètement dans vos propositions, qui l'a dit plusieurs fois publiquement, c'est Alain MADELIN, qui dit : moi ça me va très bien. C'est une attitude qui vous semble
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Mais attendez, si ça peut le faire élire, tant mieux pour lui. Ca nous est complètement égal. Si vous saviez à quel point nous ne nous soucions pas de faire en sorte que tel ou tel accède Ce n'est pas notre problème.
Patrick COHEN :
Vous avez quand même envie que vos propositions soient reprises et appliquées
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Mais bien sûr, mais quand elles sont reprises en partie par M. FABIUS ou que M. STRAUSS KAHN s'intéresse vivement, semble converti à la modernité et actuellement à beaucoup de choses comme par exemple, je ne sais pas le risque, les fonds de pensions, tout ceci nous fait plaisir. Si l'électeur considère que c'est vraiment très mauvais, eh bien ils ne les éliront pas. Si au contraire ils considèrent que c'est intéressant eh bien c'est un point de plus. Je pense que dans la campagne on se rend compte que les idées du Medef, loin d'être des épouvantails deviennent des instruments utiles pour progresser vis-à-vis d'électeurs. Nous avons nous aussi notre contact direct avec des électeurs que sont les consommateurs, que sont les salariés et nous savons que ce que dit le Medef, au fond d'eux, est souvent maintenant de plus en plus publiquement, les intéresse.
Pierre-Luc SEGUILLON :
A Lyon, quand vous avez réuni votre congrès extraordinaire, là vous avez construit au fond votre projet autour de trois mots : vision, valeur, volonté. Y a-t-il un candidat ou des candidats aujourd'hui déclarés ou probables qui vous paraissent présenter ces trois qualités ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ah ! Ecoutez certainement tous, bien entendu. Nous ne sommes pas partisans.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Vous êtes prudent.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ah ! eh bien attendez ! C'est évident. Pourquoi voulez vous que je me mette à juger des candidats qui vont avoir à soumettre leurs voix aux électeurs. Ce n'est pas mon rôle.
Gérard COURTOIS :
Sur la base de ce qu'ils ont démontré, par exemple aux affaires.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Eh bien, écoutez, je vais vous dire une chose : ils sont tous remarquables. Pour nous entrepreneurs nous avons affaire à vingt, je crois maintenant, vingt candidats remarquables, les électeurs vont départager entre eux et donc ça c'est leur affaire.
Pierre-Luc SEGUILLON :
C'est un peu langue de bois, franchement.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Attendez. Ce n'est pas langue de bois. C'est vouloir attirer sur la chose politique l'entrepreneur que je suis, représentant les entrepreneurs et qui ne veut pas s'y mettre. Il ne s'y mettra pas.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais attendez. En 1995, les chefs d'entreprises ne sont pas intervenus, ils n'ont pas exercé ce droit ou ce devoir d'ingérence dans la campagne. Aujourd'hui vous revendiquez ce devoir ou ce droit d'ingérence pour faire entendre la voix des entrepreneurs. Quel est la qu'est-ce qui a changé au fond, quelle est la motivation qui vous a engagé dans cette voie. Est-ce que c'est la carence des partis politiques, est-ce que c'est l'échec de la refondation sociale, est-ce que c'est le besoin nouveau de reconnaissance des chefs d'entreprises ou le besoin de faire leur unité. Qu'est-ce qui a joué, qu'est-ce qui a changé ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Je crois que ce qui a joué au principal, c'est une méthode qui a conduit en réalité à dire : nous pouvons conduire un pays en lui imposant des choses essentielles sur le plan de sa réussite, c'est donc en engageant complètement les entrepreneurs et les salariés et à la réussite, la production du produit national brut, des choses fondamentales et le faire d'autorité, sans consulter quiconque. Souvenez-vous de cette journée du 10 octobre 1997 où on a décrété, après une journée un peu confuse, les 35 heures. Qu'est-ce que je lis actuellement dans le programme de Mme AUBRY : qu'elle veut convoquer une conférence tripartite aussitôt au pouvoir où tout le monde viendra à la botte, entendre probablement encore une fois, ce que l'Etat a décrété à tous pour que ça marche. Alors ça, si vous voulez, ça, d'abord non seulement ça ne marchera pas, mais nous n'en voulons plus et je crois qu'une des raisons principales pour laquelle nous avons engagé la réorganisation du Medef, l'ancien CNPF, le combat contre les 35 heures " qui avait été voulu et très justement décrété " ???? le dialogue social renforcé de la refondation sociale et maintenant les propositions, tout ça est venu de cette volonté de l'Etat d'imposer aux gens et à nous, sans consultation, des choses que nous jugeons de plus ne pas être favorables à la progression de la France.
Patrick COHEN :
Mais attendez. Qu'est-ce qui ne vous plaît pas dans la proposition de Martine AUBRY. Elle propose de discuter ensemble patronat - syndicats - Etat et de définir ensemble des priorités d'actions, c'est ce qu'elle dit dans Les Echos.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ce n'est pas du tout du tout comme ça que nous pensons que ça doit se faire. Il faut dire que l'on trie entre le cadre général qui est du domaine de la loi et sur lequel l'Etat bien entendu, les pouvoirs publics, le Parlement, ont à réfléchir. C'est ce qu'on appelle la politique. Et puis ensuite il y a la mise en oeuvre, et la mise en oeuvre nous nous estimons que c'est le dialogue social qui doit en être la source et donc il ne s'agit pas de réunir à trois, parce que comme vous le savez, quand il y a un ministre et des partenaires sociaux, le ministre se sert des partenaires sociaux et en réalité pour pouvoir produire sa solution préfabriquée et ceci
Patrick COHEN :
Comment on fait alors ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Eh bien on fait comme dans l'Europe entière. On donne aux partenaires sociaux le domaine dans lequel on reconnaît qu'ils ont leurs compétences, on leur laisse le temps de négocier, on les aide à négocier au lieu de les en empêcher ou de le leur interdire et quand c'est fini, ou bien on constate qu'ils ont trouvé ensemble une solution et on la prend à son compte dans la loi, ou bien on y est pas arrivé et on dit : écoutez, mesdames et messieurs, vous n'êtes pas arrivés à mettre en place par la négociation et le dialogue social de terrain des formules d'aménagements entre vous. Il est légitime à ce moment là que je tranche. Voilà la vision que nous avons nous d'une démocratie sociale qui prend sa place dans la démocratie politique.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Autrement dit, est-ce que vous diriez ce soir, qu'il ne peut y avoir de refondation sociale, ce qui a été le grand projet du Medef depuis d'autres organisations syndicales, depuis un certain nombre d'années, sans privatisation des relations sociales ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ecoutez, c'est une formule à laquelle je n'ai pas réfléchi. Ca veut dire que les relations sociales en effet sont reconnues pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire d'un domaine réservé et réservé par la volonté du législateur, voire de la Constitution d'ailleurs et je ne crois pas que le terme de privatisation convienne, mais enfin c'est dans... C'est une " sociétalisation " de la relation sociale et en tout cas c'est la fin d'un dialogue social instrumentalisé par l'Etat qui sans le respecter sans sert pour imposer.
Patrick COHEN :
On citait tout à l'heure José-Maria AZNAR en Espagne. Lui aussi a entrepris une sorte de refondation sociale, sauf que lui justement l'a fait par la loi, parce qu'il a la légitimité des électeurs pour le faire. Quelle est la légitimité d'intervenir par contrat, et quelle est la légitimité du contrat par rapport à la loi ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ecoutez, bien entendu, il faut que la loi reconnaisse au contrat sa pleine dimension et lui fixe également ses limites. J'entends quelquefois dire : mais attendez, vous êtes pour le contrat supérieur à la loi.
Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit que la loi donne au contrat son espace, cela va de soi. Tout le monde comprend cela et M. AZNAR, qui a réussi en effet à moderniser de façon spectaculaire la relation sociale en Espagne, donne actuellement aux partenaires sociaux la liberté de négocier dans des domaines qui sont des domaines du quotidien de l'entreprise et du salarié et on constate que ça marche, et que ça marche bien. L'Etat n'y intervient plus. C'est ce que nous revendiquons et qui pose d'ailleurs des problèmes qui ne sont pas minces et notamment des problèmes en ce qui concerne la représentativité de ceux qui parlent et ça c'est un problème que... dont nous ne parlons pas tellement...
Patrick COHEN :
D'où ma question sur la légitimité du contrat... Compte tenu de la faiblesse de la représentativité syndicale en France.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Eh bien il est certain que si l'on veut bien reconnaître au contrat que c'est la démarche et la convention, la convention collective est la démarche au niveau de la branche et au niveau de l'entreprise, jugée évidemment comme étant le coeur de la discussion sociale, il faut avoir en face de soi des gens qui sont représentatifs, ça pose la question de la représentativité syndicale, elle est à notre avis posée aujourd'hui en France, on y échappera pas. Il y a actuellement comme vous le savez cinq syndicats qui ont le monopole de la représentation, d'autres forces sociales organisées qui ne peuvent pas avoir accès à la négociation et en réalité des règles archaïques et nous sommes en effet demandeurs d'une modification assez forte de la représentativité syndicale dans notre pays.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Si vous permettez, quelques questions simplement pratiques sur les deux mois qui viennent. Quand les deux protagonistes probables, Lionel JOSPIN et Jacques CHIRAC, vont être en campagne, quelle forme va prendre votre ingérence, ou votre droit d'ingérence dans la campagne. Quelle forme concrète parce que jusqu'à présent vous avez fait des forums, ça s'est conclu par un congrès à Lyon, qu'est-ce qui va se passer maintenant, concrètement ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Eh bien écoutez il va se passer ceci que les 165 Medef territoriaux qui constituent sur notre pays un réseau très présent, les quelques 600 syndicats professionnels rassemblés en 85 fédérations, c'est-à-dire l'ensemble de nos adhérents qui rassemblent d'ailleurs 700 000 entreprises, vont en fait rentrer concrètement en contact avec des propositions, avec tous ceux qui vont être candidats, bien entendu aux présidentielles mais également aux législatives, pour leur rapporter et surtout leur démontrer, la valeur des propositions que nous faisons pour moderniser la France.
Donc appelons ça " harcèlement ", c'est un terme qui est évidemment un peu voulu pour être médiatique, mais cela veut en effet que contrairement à une attitude pudique, silencieuse, un peu timide, les entrepreneurs qui attendaient de savoir ce qui allait sortir des urnes, nous serons très actifs jusqu'au dernier jour de l'élection pour pouvoir présenter et produire nos arguments.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Et si vous me permettez encore une curiosité sur le lendemain de l'élection, vous avez dit vous-mêmes que votre décision de poursuivre votre travail à la tête du Medef, donc de vous représenter à la tête du Medef, dépendrait du résultat des élections. Vous pouvez être plus clair ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Ah ! Ecoutez si ça doit être quelque chose d'important dans la campagne de savoir si selon qu'on votera pour tel ou tel, je reste ou non à la tête du Medef bien entendu je vais m'en expliquer. Je crois si vous voulez qu'essentiellement nous avons à faire au lendemain d'éléctions...
Pierre-Luc SEGUILLON :
Non mais ça peut rejoindre le début de notre conversation.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Rires. Au lendemain de l'élection nous aurons ou une gauche ou une droite et nous aurons ou une gauche réformiste, ou une droite qui voudra entreprendre... Réformiste aussi après tout, je veux dire la gauche et la droite peuvent être réformistes, le terme convient aux deux. Je dirai que ça sa nous convient. C'est ce que nous voulons. Nous voulons qu'on cesse de reculer devant l'obstacle qui consiste à regarder les problèmes et d'indiquer comment on va les résoudre et donc moderniser notre pays. C'est donc alors bien entendu des forces politiques qui marqueraient leur volonté de réformes qui auront tout notre intérêt. Nous verrons entre nous évidemment au Medef s'il convient dans ces conditions que je conduise ou non quelques années supplémentaires, ça peut-être opportun, ça peut-être également jugé utile que l'on renouvelle une équipe avec de nouveaux arrivés au pouvoir et je vous dirai que ceci à mon avis n'a strictement aucune importance pour l'avenir de l'entreprise et de notre pays. Ce n'est pas les changements d'acteurs qui comptent, c'est les changements de règles du jeu et ça nous sommes en effet très insistants pour que les Français se rendent compte que pour les 5 ans qui viennent si l'on ne change pas les règles du jeu de notre pays en matière économique et sociale, encore que ça ne soit pas bien entendu de mon domaine, eh bien nous aurons certainement en effet l'entrée de la France dans le déclin et ce sera un moment historique. Ou au contraire, si on veut bien gauche ou droite entreprendre la réforme de notre pays selon des voies qui peuvent être les nôtres ou proches des nôtres ou différentes, peu importe mais que l'on veuille en effet faire en sorte que notre pays soit à l'unisson de l'Europe et de l'euro qui est mis en place avec une compétition mondiale qui est ce qu'elle est et une volonté de réussite de notre pays qui est indéniable, une capacité de réussir qui pour nous est notre base, notre crédo, notre volonté d'action, c'est la confiance que nous avons dans la réussite de notre pays sans quoi nous ne serions pas là actuellement à parler et à nous ingérer.
Gérard COURTOIS :
Pierre-Luc évoqué le lendemain de l'élection, la veille de l'élection ou l'avant-veille, est-ce que sur la base des réponses des candidats dans leur diversité, est-ce que vous ferez connaître et de quelle manière, l'appréciation que vous portez sur ces réponses par rapport aux questions que vous leur aurez posées.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Je pense que les électeurs auront conclu par eux-mêmes à lire les programmes et les propositions de savoir s'ils ressemblent ou non à ce que nous avons fait connaître nous-mêmes très fortement. Une sorte de bilan avec une notation...
Ressemblerait trop en effet à cet labelisation que d'aucun voudrait que nous fassions de façon à gêner ou des candidats ou nous-mêmes. Nous ne ferons bien entendu rien qui puisse donner le sentiment que nous cessons d'être ce que nous sommes, c'est-à-dire non partisan.
Gérard COURTOIS :
Est-ce que, à vous écouter on a le sentiment que... mais je ne sais pas si c'est un sentiment fondé, qu'au fond on peut gouverner la France ou un Etat comme on gouverne une entreprise. C'est votre...
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Non. Il y a dans la direction d'un état toute une partie régalienne qui échappe complètement je dirai à la logique de l'entreprise et qui tient en effet aux règles de sécurité, ou à l'organisation de la société elle-même. Je dirai que franchement un entrepreneur n'a aucune idée de savoir s'il faut un pacs ou pas un pacs, ce n'est pas son affaire. Donc il y a toute une partie sociétale et régalienne ou l'entrepreneur n'a pas son affaire à dire et puis il y a toute la partie économique et sociale qui est donc très très vaste je le reconnais sur laquelle nous pensons que l'Etat a tout à apprendre, à s'inspirer de la manière dont les entreprises elles-mêmes je dirai essayent de progresser, parce que finalement les salariés et les entrepreneurs dans l'entreprise sur leurs projets, confrontés à la compétition, chaque matin ils essayent de progresser et de faire en sorte que l'emploi, la croissance, la réussite, le progrès dans les rémunérations, le pouvoir d'achat, c'est tout çà qui est... C'est la même chose que pour les ??????
Patrick COHEN :
Pour poursuivre la question de Gérard, pardon, est-ce que vous diriez comme l'a fait Denis KESLLER votre numéro 2, que l'entreprise est la cellule de base de la société ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Oui, avec la famille, l'entreprise est incontestablement, parce que c'est là où se secrète le projet qui fait vivre, le projet qui assure la survie des individus et de la société et donc je crois que les sociétés sans entrepreneur comme on en a connu, par exemple la société marxiste qui n'a pas reconnu le rôle de l'entrepreneur, a connu un échec fondamental, total, stratégique, militaire, social, économique, quelquefois même ??? enfin je dirai de la disparition de l'Etat lui-même.
Patrick COHEN :
Mais cellule de base, ça veut dire que la logique marchande s'impose dans à peu près tous les secteurs de la société, en tout cas tous les secteurs économiques.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
En tout cas dans tout ce qui n'est pas régalien à l'évidence, je crois que tout le monde le constate, personne ne s'en étonne.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Les changements que vous espérez ou que vous proposez vont s'effectuer ou pourrons s'effectuer dans un contexte économique qui donnera plus ou moins de marche de manoeuvre, plus ou moins de latitude à ceux qui seront au pouvoir. Première question : quel diagnostic faites-vous sur la situation économique de notre pays et quel pronostic faites-vous sur l'avenir. Est-ce que ce fameux rebond ou cet... Oui ce rebond pronostiqué par certains pour le prochain semestre, le dernier semestre 2002... je vais y arriver, vous parez plausible ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Nous nous pensons qu'avec l'élection et l'arrivée d'un nouveau gouvernement et d'un président, cela coïncidera avec un moment difficile de la conjoncture française. Nous pensons que nous serons à la fin d'un premier semestre qui aura marqué une croissance zéro ou très proche de zéro, peut-être un peu moins, une petite récession et donc nous pensons que la physionomie conjoncturelle comme on dit de la France au moment de l'élection sera très difficile, nous pensons qu'en plus de ça la perspective de déficit très important sera inscrite dans la facilité avec laquelle le gouvernement depuis qu'il sent venir la campagne et devant des revendications qui ont évidemment été échauffées par la perspective électorale, a donné par wagons entiers des facilités aux uns et aux autres, nous aurons un déficit qui aura dépassé certainement de beaucoup 250 milliards de francs, ce sera peut-être assez voisin des 300 milliards. On fera les comptes, j'imagine et nous aurons probablement également avec un ralentissement de l'activité et du chômage, plus de chômage, un déficit des institutions sociales, en plus bien entendu des problèmes structurels. Donc tout ceci sera difficile et comme c'est difficile, c'est le moment d'entreprendre le changement. Je pense que c'est plus facile de le faire au moment où ça va mal que quand ça va bien.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Sauf que le gouvernement qui sera en fonction aura des choix à faire entre plusieurs inconvénients. Quels sont les choix que vous préconiseriez pour l'entreprise. Autrement dit, est-ce qu'il faut laisser filer les déficits, est-ce qu'il faut continuer à baisser les impôts, est-ce qu'il faut tailler dans les dépenses sociales. Il faudra bien faire des choix. Dans un premier temps, en attendant la reprise.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Moi je ne peux pas bien entendu vous faire un programme de gouvernement, mais ce que je peux vous dire c'est qu'il faut à l'évidence quand on en arrivera là, à moins qu'il y ait une nouvelle cohabitation, à ce moment là je dirai, advienne que pourra. Il faut tout de même pouvoir définir ce que j'appellerai un contrat de législature, c'est-à-dire se fixer des objectifs à atteindre progressivement sur les 5 ans de l'exercice d'un pouvoir on aura si j'ai bien compris 5 ans d'une assemblée et 5 d'un président et donc on pourra y aller et donc il faudra en effet engager l'action. Alors si vous voulez me demander dans quel domaine l'engager, mais je ne pense pas qu'il faille dire que c'est nécessaire sur la première mesure que tout se joue.
Nous nous sommes partisans d'y aller fort. Nous croyons que le nouveau gouvernement doit être mandaté au cours de ces élections, clairement d'agir dans le sens d'une vrai transformation de notre pays, sans aller bien entendu dans des excès, de façon à rattraper à peu près le comportement de tous les pays qui nous entourent et qui ont gagné en maturité démocratique, en efficacité économique et sociale par rapport à nous qui avons piétiné pendant 4 ans à ne rien faire, sauf à faire des cadeaux qui ont beaucoup plu évidemment aux uns et aux autres, les 35 heures, les emplois-jeunes, la CMU... qui ont coûté beaucoup d'argent, qui ont fait plaisir à tout le monde mais qui n'ont touché comme vous le savez en rien à aucune réforme de structures de notre pays.
Patrick COHEN :
Alors on poursuit cette discussion sur le bilan du gouvernement JOSPIN puisque c'est de ça dont vous parliez à l'instant, après une pause pour les informations de 19h00.
Patrick COHEN :
Monsieur Seillière, après nous avoir expliqué dans la première partie de cette émission que vous étiez non partisan dans cette pré-campagne électorale, vous venez à l'instant, avant même les informations de 19h00, de nous dresser un bilan très sévère des années Jospin en expliquant en gros que le gouvernement avait gâché la croissance, qu'il avait étouffé l'économie. C'est un bilan social et économique si terrible que vous dressez des 4 ans et demi et même un peu plus maintenant, de ce gouvernement Jospin ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Non, si vous voulez j'ai été tout de même prudent et je n'ai pas dit parce que vous ne m'avez pas posé la question, que le gouvernement, depuis 4 ans, avait bénéficié d'une croissance qui avait permis de faire en sorte que les entreprises embauchent 1 400 000, je crois, personnes, que le chômage a reculé et donc la croissance, et le gouvernement qui a été je dirais l'accompagnateur de la croissance, ont bien entendu bénéficié et je pense que dans la manière dont on célébrera son action, on verra beaucoup de çà et nous sommes fiers en tant qu'entrepreneurs, d'avoir pu participer à ce mouvement qui a porté en avant l'économie française et l'emploi en France.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais quand vous dites " bénéficié ", ce qui est une attitude passive, est ce qu'il a contribué à bien tirer partie de cette croissance ?
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Alors là si vous voulez je pense très honnêtement pouvoir vous dire que nous jugeons qu'il aurait été depuis 4 ans, nécessaire d'entreprendre des réformes qui sont devenues absolument urgentes, réforme des retraites, réforme de la sécurité sociale, réforme de l'assurance chômage que nous avons comme vous savez, conduit et avec quelles difficultés et avec quelles réticences du gouvernement dans le domaine de la modification des conditions dans lesquelles on pouvait être rapidement en mesure de retrouver un emploi et donc, nous avons donc dans ce domaine là, nous, le sentiment que le gouvernement n'a pas fait ce qu'il devait faire alors que autour de nous, toutes les économies qui ont contribué aussi à réussir avec la croissance, ont toutes entrepris des modifications substantielles de façon à se trouver en mesure de garantir une retraite et de faire fonctionner un système de santé dans des conditions qui ne les mènent pas à la grève des médecins et à ces désordres que nous constatons aujourd'hui et qui sont tout de même, reconnaissons le, assez angoissants dans une démocratie, je dirais moderne et avancée.
Donc, nous disons en effet que le gouvernement n'a pas profité de ces années de croissance pour entreprendre des réformes et nous l'avons beaucoup critiqué, beaucoup dit. Et en plus de çà, comme vous le savez, le gouvernement s'est entêté dans cette affaire de 35 heures, qui lui coûte horriblement cher, qu'il ne sait pas comment financer, donc il a étrangement dispensé les petites entreprises au moment où le chômage recommençait ce qui prouve bien que çà ne crée pas d'emplois et dont il se trouve fort embarrassé comme vous le savez, à la fois dans la fonction publique, dans les services publics et dans les systèmes hospitaliers.
Donc en réalité et je crois que personne ne peut me contredire là-dessus, nous avons subi les 35 heures, été paralysés dans les réformes et c'était en effet un moment de croissance, une politique qui n'a pas été favorable au développement des entreprises dans notre pays.
Patrick COHEN :
Alors puisqu'on est sur les 35 heures, on va commencer par là. Les 35 heures, donc là vous ne demandez plus l'abrogation de la loi comme vous l'avez fait il y a quelques années. Vous demandez son aménagement.
Ernest-Antoine SEILLIERE :
Non écoutez, nous ne sommes pas, comment dirais-je, c'est une question de formulation. Nous disons, il faut faire en sorte que cette affaire des 35 heures, qui a produit des effets dans le pays, ce serait fou de ne pas le reconnaître, çà a été tellement vanté qu'aujourd'hui on a l'impression que la France entière n'aspire plus qu'à une seule chose, c'est à travailler moins et nous savons, nous, qu'en travaillant moins, on ne fera pas gagner notre pays et nous le disons et nous le redirons jusqu'au bout. Bon, alors nous avons bien entendu aujourd'hui avec les 35 heures une situation sociologique qui est différente 4 ans après qu'elle ne l'a été et nous demandons à ce que cette affaire soit profondément aménagée, c'est à dire qu'on donne en réalité à nouveau la liberté de contrat et de négociation à l'entreprise et à la branche pour pouvoir corriger les effets des 35 heures partout où à l'évidence cette affaire contrefait et gêne le développement des entreprises.
Patrick COHEN :
Sauf que ces contrats ils existent ! Des négociations ont eu lieu dans beaucoup d'entreprises !
Ernest Antoine SEILLIERE :
Qu'est ce qui peut mieux se modifier qu'un contrat à partir du moment où on le renégocie mais pour le renégocier il faut être libre de le faire, il y a comme vous le savez, beaucoup de salariés qui actuellement aspirent à travailler plus pour gagner plus, qu'on interdit de travailler plus et qui, de ce fait, ne peuvent pas faire des heures supplémentaires...
Patrick COHEN :
Beaucoup ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Il y a beaucoup... Ecoutez, je crois qu'actuellement les sondages sur les 35 heures sont étranges, on trouve 40 % de satisfaits, c'est stupéfiant, çà veut dire qu'il y aurait 60 % qui ne le seraient pas. Après 4 années d'une propagande intense et dans laquelle on a traité de dernier des crétins celui qui avançait un argument en disant il paraît que c'était le bonheur universel.
Non, nous avons été dans une démocratie qui a voulu faire de cette affaire une affaire majeure et qui a raté son coup parce qu'elle est embarrassée des 35 heures et ceux qui sont dans les 35 heures aujourd'hui voudraient l'aménager et la loi est tellement rigide qu'on ne peut pas le faire donc il faut modifier en profondeur cette affaire des 35 heures et si on en est incapable bien entendu il faut l'abroger parce que de l'étranger actuellement tout le monde considère que c'est une gêne majeure au développement économique et social parce que cela a également amené énormément de conflit social comme vous le savez, malheureusement tout ce qu'on voit actuellement autour des 35 heures, j'y reviens, dans la fonction hospitalière en est un exemple flagrant.
Gérard COURTOIS :
Et est ce que le principe de la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures posé par la loi vous paraît devoir être conservé ou abrogé ou tellement amendé qu'il ne serait plus un principe ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Tout à fait, à partir du moment où on a posé un principe et que tout le monde est d'accord pour faire en sorte que ce principe s'aménage de telle manière que çà devienne quelque chose de vivable, on va pas être absolutiste et demander que le principe... Ca n'a pas d'importance, 35 heures pourquoi pas si on peut en faire 39 ou 42, voilà ce que je vous dis et c'est ce que tout le monde pense, c'est d'ailleurs ce que nous disaient les socialistes au moment où ils ont lancé cette affaire. Ils ont été entraînés par des contraintes politiques que vous connaissez comme moi et même beaucoup mieux que moi, qui sont en fait la nécessité de maintenir le cohérence d'une majorité plurielle très plurielle et ils ont choisi de se cramponner à cette affaire jusqu'au bout et nous considérons que ce n'est pas rendre service à l'économie française que de l'avoir fait.
Gérard COURTOIS :
Encore une question sur les 35 heures, The Economist, le journal britannique qui est pas tout à fait gauchiste...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Ca a l'air de vous étonner que çà puisse exister !
Patrick COHEN :
Non au contraire, on le situe pour nos auditeurs et nos téléspectateurs !
Ernest Antoine SEILLIERE :
Ah oui bien entendu !
Gérard COURTOIS :
Soulignait à quel point, c'était au lendemain de votre congrès de Lyon, les 35 heures avaient été un levier pour les entreprises françaises pour assouplir leur organisation et améliorer leur management. Ca vous paraît, enfin je veux dire, ce constat dressé par un journal qui est très à l'écoute des entrepreneurs vous paraît infondé ou...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Un jugement de cette nature émanant d'un grand journal britannique, s'agissant d'une réalité française, me rendrait prudent comme vous le savez mais il y a des cas...
Gérard COURTOIS :
Sur le fond ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Il y a des cas, vous le savez bien, des grandes entreprises notamment, où les 35 heures ont été susceptibles d'amener une modification de l'organisation du travail et où tout le monde a trouvé en quelque sorte à aménager les choses de façon à en être satisfait, ce serait absurde de la part des entrepreneurs que de ne pas reconnaître qu'il y a des cas, notamment dans la grande entreprise, et donc je pense que nos amis de The Economist, regardant d'assez loin la réalité française, ont eu ce sentiment...
Gérard COURTOIS :
Oui mais çà veut dire que la réduction du temps de travail a permis d'introduire une flexibilité que vous réclamiez depuis longtemps et que vous aviez du mal à obtenir.
Ernest Antoine SEILLIERE :
Oui, je connais cet argument qui a été suffisamment travaillé pour que je ne puisse pas le prendre très au sérieux. Il y a encore une fois, eu des cas mais l'application uniforme à toutes les entreprises française, 1 200 000 entreprises du même principe avec 135 pages de loi, des crédits circulaires pour l'appliquer est quelque chose que nos amis de The Economist ne recommandent pas à la société britannique.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Encore un mot sur les 35 heures, dés lors que le principe n'est pas remis en cause, vous dites il y aura aménagement, assouplissement, très bien, reste le problème du financement, en tout cas du financement partiel, vous le disiez tout à l'heure, ce financement est important, je crois qu'il est de 15 milliards d'Euros, un peu plus de 15 milliards d'Euros en 2002 dont 2 milliards d'Euros qui ne sont pas encore trouvés.
Bien, alors çà ne concerne pas seulement les 35 heures, çà concerne aussi d'autres compensation, comment voyez vous la recherche de ce financement ou est ce qu'il faut le supprimer et autrement dit est ce qu'il faut supprimer les allégements de charges accordés aux entreprises ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Nous sommes à fonds renversés, vous me demandez maintenant comment on va arriver à financer cette affaire qui coûte, parlons en Francs encore, 100 milliards de Francs par an à la France à un moment où de partout on réclame quelques milliards ici et là, pour la sécurité, pour le fonctionnement des hôpitaux, etc...
Et alors en effet, 100 milliards qui sont là et sur lesquels il faudra travailler si on revient sur les 35 heures, nous sommes du sentiment et nous l'avons dit aux entrepreneurs au moment où ils ont conclu, forcés par la loi, leurs accords, faites attention parce que les supcides des subventions qu'on vous accorde et que vous n'avez pas demandé pour vous obliger à passer aux 35 heures, ne seront pas pérennes. Nous sommes du sentiment que quel que soit le gouvernement, ils n'accepteront pas de faire payer 100 milliards au budget ad éternam pour payer le loisir des gens auxquels on aura contraint de réduire le temps de travail.
Et donc, il y aura certainement des aménagements dans la manière dont on fera évoluer les aides et subventions qui progressivement, en sifflet, ici et là et en faisant bien attention de ne pas flanquer dans le dépôt de bilan beaucoup d'entreprises qui comptent là-dessus pour pouvoir équilibrer leurs comptes et donc il y aura certainement un grand remue ménage dans le système du financement des 35 heures, en même temps...
Pierre-Luc SEGUILLON :
Donc ce que vous prenez c'est un compromis ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Pardon ?
Pierre-Luc SEGUILLON :
Ce que vous prenez c'est un compromis ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Ecoutez, je ne suis pas en train de négocier avec quiconque...
Pierre-Luc SEGUILLON :
Non, non, j'entends bien mais vous dites, c'est pas un constat, c'est pas seulement...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Ca coûte 100 milliards, cette affaire est absurde, tout le monde le sait, quand on reviendra sur les principes d'aménagement et l'aménagement de cette affaire, on aura bien entendu à rediscuter son financement, cela va de soit, pour l'instant c'est pas financé, on a pris l'argent dans la sécurité sociale, çà nous en a fait partir et j'ai l'impression que ce qui en résulte est assez fâcheux.
Patrick COHEN :
Alors sur les 35 heures vous êtes plutôt entendu quand on regarde les programmes et les discours des hommes politiques de droite qui effectivement...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Et attendez, à gauche aussi. Attendez-vous n'avez pas entendu tout de même Monsieur Fabius...
Patrick COHEN :
Ah non !
Ernest Antoine SEILLIERE :
Ah non mais le ministre des finances c'est important dans un pays quand même, il dit il faut aménager cette affaire...
Patrick COHEN :
Il a dit çà publiquement ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Mais oui il l'a dit publiquement, absolument !
Patrick COHEN :
Il en parle peu mais il dit pas publiquement qu'il faut aménager...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Il dit publiquement qu'il faut aménager les 35 heures, vous le savez très bien, bien entendu comme moi.
Pierre-Luc SEGUILLON :
En tout cas il n'a pas mis les 35 heures au bilan de la gauche.
Patrick COHEN :
Oui mais çà c'est autre chose...
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais c'est pas lui le candidat, vous l'avez remarqué !
Patrick COHEN :
Bon alors en tout cas sur les 35 heures, vous êtes plutôt entendus puisqu'on parle effectivement de déplafonner et de détaxer les heures supplémentaires. En revanche sur une autre de vos propositions qui est celle formulée par Denis Kessler sur l'assurance maladie, là vous êtes nettement moins écoutés puisque vous proposez ni plus ni moins que la mise en concurrence de la sécurité sociale avec des assurances privées pour l'assurance maladie. Alors est ce que vous pouvez nous expliquer ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Alors attendez, je dois vous corriger sur un point, d'abord c'est pas Denis Kessler, c'est le MEDEF...
Patrick COHEN :
Non mais enfin c'est lui qui...
Ernest Antoine SEILLIERE :
C'est le MEDEF...
Patrick COHEN :
C'est lui qui dans ce forum là en tout cas, a formulé la proposition.
Ernest Antoine SEILLIERE :
Non, non mais attendez, on est pas en train d'isoler les propositions, le MEDEF a proposé à son assemblée générale, 2 000 entrepreneurs, 87 % d'entre eux ont dit c'est comme çà qu'il faut faire, c'est une proposition du MEDEF. Deuxièmement, l'aspect privatisation dont on se délecte, est un aspect mineur d'un plan beaucoup plus vaste d'architecture nouvelle de la sécurité sociale, et que d'ailleurs les gens qui se régalent à l'idée d'utiliser ce mot de privatisation, vous savez le mot suffit souvent, ils n'ont même pas lu les propositions et vous me permettez d'en parler une seconde de façon tout à fait claire. Nous sommes sortis nous de la sécurité sociale, ce n'est plus notre affaire, c'est l'affaire des français de savoir comment ils vont la gérer. Nous avons dit, si on touche par les 35 heures pour les financements, aux caisses de la sécurité sociale, si on prend l'argent des assurés sociaux, nous partons, nous sommes partis, nous n'en sommes plus. Beaucoup de gens d'ailleurs ignoraient que nous en étions, c'est parfait, c'est l'affaire des français, les entrepreneurs ne sont plus concernés.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Et ne seront plus et ne reviendront plus ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Et ne seront plus concernés sauf si bien entendu on a à ce point modifié les conditions du fonctionnement que dans la clarté des responsabilités et avec un système qui donne des garanties réelles aux français qu'à l'avenir ils seront bien soignés comme on peut l'être dans les meilleurs démocraties, qu'on continuera à l'être derrière un certain nombre de cas, alors peut être on pourra revoir une présence mais c'est pas l'objectif. Les entrepreneurs, pas plus d'ailleurs que les syndicats, ne connaissent grand chose aux questions de santé et d'organisation de la santé, convenons en et nous ne sommes pas demandeurs donc de responsabilités directes dans ce domaine, si on peut aider, très volontiers. Alors que proposons-nous ? Et bien nous proposons nous une chose. Tous les Français sont couverts par un système de sécurité sociale, je parle de l'assurance maladie qui est le même pour tous, personne ne peut être exclu ou refusé et quand je dis les Français, ce sont les gens qui travaillent en France bien entendu, dans les conditions de couverture actuelle. Donc c'est un système universel...
Gérard COURTOIS :
A quelle hauteur ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Personne ne peut être refusé.
Gérard COURTOIS :
A quelle hauteur ce...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Et bien entendu, je sais pas ce que vous appelez à quelle hauteur mais en tout cas je vais vous dire que ce que l'on donnera comme prestations à la totalité des français est ce qu'on appelle le panier de soins qui sera défini par le Parlement, par la loi, par le législateur, par la démocratie française, donc c'est un système universel dans lequel tout le monde a droit aux même soins, pas d'exclusions...
Gérard COURTOIS :
Ce panier peut être minimal ou maximal !
Ernest Antoine SEILLIERE :
Alors attendez, ce sera l'affaire du Parlement de dire ce qui doit être, est ce qu'il faut y maintenir le remboursement des Kleenex, est ce qu'il faut en exclure telle ou telle forme de maladie qui est une maladie de confort, ce sera l'affaire encore une fois, des experts du gouvernement, du Parlement, nous n'y serons pour rien.
Alors à partir du moment où ce panier de soins aura été défini, on dira qu'est ce que çà coûte et la Parlement dira, çà coûte tant, plusieurs bien entendu centaines, centaines de milliards et nous souhaitons qu'on prélève les sommes nécessaires, non pas sur l'entreprise par des cotisations mais comme la CSG, sur l'ensemble de la société française parce que nous sommes partisans du paritarisme et de la responsabilité de l'entrepreneur pour tout ce qui touche aux contrats de travail, l'assurance chômage, la retraite, voire même les accidents du travail, bien entendu la formation mais pas la maladie, la maladie c'est l'affaire de tous les Français, de la solidarité.
Et donc chacun recevra par, comme on dit, capitation, une certaine somme pour s'affilier quelque part et c'est là où nous disons pourquoi le monopole ? Pourquoi le monopole d'état sur la santé et nous sommes pour qu'il y ait ce qu'on appelle les opérateurs de soins, le terme est un peu technique mais des gens qui proposent aux français de s'affilier.
Qui à la sécurité sociale, telle qu'elle est aujourd'hui, aux caisses d'assurance maladie, telle que nous les connaissons, ils ne changent pas leurs systèmes, ils les gardent. Qui veut aller vers un système de mutuelles qui s'organise de manière à pouvoir en effet faciliter telle ou telle gamme de soins dans des conditions attrayantes pour les salariés. Chacun prendra sa décision ou si çà doit être une décision d'entreprise, on négociera dans l'entreprise vers où on veut aller et alors c'est là où vraiment stupeur, horreur, il pourrait peut être y avoir en effet un opérateur ou deux privés, des gens qui disent moi je vous propose un système de soins dans ce contexte là, comme les autres. Voilà l'architecture nouvelle que nous proposons et que nous voulons mettre en débat et qui sera mise en débat parce que le système actuel d'aujourd'hui, chacun le sait, est devenu ingérable et donc nous savons que la démocratie française n'échappera pas à la nécessité de se mettre sur ce dossier et alors on discutera nos idées. Si on n'en veut pas, comme nous n'y sommes plus, et bien la France aura le système de santé qu'elle peut.
Patrick COHEN :
Simplement sur cette proposition, quel est l'avantage ? En dehors de l'introduction du privé dans le système et de casser le monopole, quel est l'avantage pour les assurés ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Et bien écoutez, l'avantage pour les assurés, il est très clair. C'est qu'au lieu d'être, comment dirais-je, soumis à un état des choses qui fait qu'aujourd'hui tous les généralistes sont en grève, tous les généralistes demandent à discuter directement avec Monsieur Jospin le prix de la consultation, un système étatisé, ils diront les Français s'ils veulent un système étatisé dans lequel le médecin de base discute avec le sommet de l'état la manière dont çà doit se passer. Nous estimons en regardant autour de nous toutes les sociétés mondiales, nous estimons que le système d'une gestion étatisée de la sécurité sociale est une mauvaise formule et nous croyons que ce n'est pas bon.
Patrick COHEN :
Donc dans votre système le médecin s'adresse à qui ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Et dans notre système, le médecin s'adresse... le patient comme le médecin sont bien entendu dans un système contractuel avec leur opérateur de soins. C'est à dire que le médecin furieux aujourd'hui de la manière dont on fait fonctionner son métier et sa profession, négociera avec une mutuelle, avec une caisse de maladie, avec un privé, la manière dont il exercera demain son métier. C'est évidemment quelque chose qui va faire beaucoup bouger mais nous avons monté ce système en 1945, les penseurs étaient finalement dans les maquis et je pense que 60 ans après il est loisible de se poser des questions sur la manière dont on doit faire fonctionner.
Patrick COHEN :
Vous parlez des communistes ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Non, je parle des gaullistes, je parle des communistes, je parle de tous ceux qui étaient dans la résistance et qui ont fait, comme vous le savez, la grande réflexion pour instituer le système social mais il y aujourd'hui 60 ans, vouloir le moderniser n'est pas une insulte pour notre pays.
Gérard COURTOIS :
Deux questions très pratiques sur le système que vous proposez. Si j'ai bien lu, vous proposez que le choix de l'opérateur de soins, public, mutuelle ou privé, soit confié à l'entreprise pour ce qui est des salariés. Au nom de quoi l'entreprise aurait cette liberté de choix pour ses salariés, est ce qu'il ne faut pas donner cette liberté aux salariés, aux patients eux-mêmes, aux malades eux-mêmes...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Mais tout à fait !
Gérard COURTOIS :
Première chose, deuxième chose, dans l'hypothèse d'un opérateur privé, comment imaginer qu'au nom de la liberté d'entreprendre que vous défendez, cet opérateur n'ait pas envie de choisir ses malades ou ses médecins et sur quelles bases ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Ca lui sera interdit. Alors çà, permettez-moi de vous dire que nous sommes pour un système légal, il y a des choses qui sont interdites, quelqu'un se présentera pour être affilié, il sera affilié automatiquement, on ne pourra ni le refuser, ni lui faire subir quelque examen que ce soit, il est automatiquement affilié.
Nous sommes totalement opposés à un système dans lequel on pourrait faire une sélection de ceux que l'on assure ou pas en fonction de leur âge, de leur état de santé initial, du risque qu'ils représentent, bien entendu.
Mais vous savez, excusez-moi mais quand le MEDEF et les entrepreneurs proposent à notre pays de réformer les choses, il faut pas s'imaginer comme on me le dit par exemple quand nous essayons de modifier l'assurance chômage, que nous étions partisans d'un système de STO, service de travail obligatoire des nazies, n'essayez pas de me dire que les entrepreneurs vont présenter quelque chose qui va faire trier entre les bons et les mauvais risques, nous ne sommes pas comme çà dans les entreprises et il faut que vous le sachiez.
Gérard COURTOIS :
Et sur le choix offert aux entreprises de choisir l'opérateur, çà vous paraît, enfin pourquoi...
Ernest Antoine SEILLIERE :
Attendez, toutes les entreprises de France ont actuellement des prestations complémentaires en marge du système de sécurité sociale. Ils peuvent aller vers une assurance décès, ils peuvent vouloir donner des primes plus importantes en cas de cessation d'activité due à un accident du travail.
Tout ceci se négocie avec qui ? Avec une gamme d'interlocuteurs qui sont des mutuelles, qui sont des compagnies d'assurance.
On soumet au comité d'entreprise la gamme des propositions, on mesure les coûts par rapport aux prestations et on choisit et je ne crois pas Monsieur que ce soit vraiment quelque chose d'incroyable que de voir que nous ferions à peu près ce qui se pratique dans le monde entier.
Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais comme il n'y a pas de système parfait, vous en conviendrez, est ce que le risque du système que vous préconisez n'est pas d'aboutir très vite à une protection universelle à minima et la capacité pour chacun selon ses revenus de se tourner vers des prestataires de protection et de services différents et donc plus ou moins généreux ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Je ne vois pas pourquoi le Parlement français, saisi justement de la politique de santé, c'est à dire de définir l'ensemble des risques de maladie qui doivent être couverts, irait vers le minima. Si on va vers le minima c'est que la France ne peut pas se payer un système de santé aussi luxueux qu'il le souhaiterait parce que son PIB, son produit intérieur brut, ne progresse pas au rythme que l'on souhaiterait parce que l'on interdit ici le licenciement d'adaptation des entreprises, on colle ici une obligation des 35 heures que personne ne connaît ailleurs et que donc nous ne sommes pas en mesure de financer peut être un système de santé aussi riche que nous... il y a une liaison tellement évidente entre la réussite économique et les prestations sociales que l'on peut faire dans un pays que bien entendu si on contraint l'économie de notre pays à freiner, on aura un système de santé qui ira probablement vers des, pas des minima mais en tout cas qui sera moins généreux et moins fourni que ce que nous souhaiterions.
Gérard COURTOIS :
Sur les... je sais pas si on passe à un autre sujet sur les...
Patrick COHEN :
La réforme de l'état peut être ?
Gérard COURTOIS :
Ou les retraites. Puisque vous avez évoqué ce point, vous proposez, je résume énormément un système de retraite à la carte où chacun aurait la liberté de partir, de prendre sa retraite au moment où entre guillemets, qui lui convient, avec une retraite qui serait calculée au prorata de sa durée de cotisation et, codicille, vous estimez que dans les 20 ans qui viennent, la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein, serait allongée de l'ordre de 5 ans, on passerait de 40 à 45 ans. Comment concilier ce constat avec un autre constat que l'on voit dans toutes les entreprises aujourd'hui qui est que la durée de vie professionnelle a tendance à se réduire et que les entreprises ont tendance à jouer autant que possible sur les pré-retraites pour ajuster leurs effectifs en tant que de besoins. Comment, pour dire les choses clairement, est ce qu'il ne vaut pas mieux dire tout de suite aux gens qu'ils ne pourront pratiquement plus avoir une retraite à taux plein ?
Ernest Antoine SEILLIERE :
Alors çà, si on leur dit çà c'est parce que on continue à ne rien faire, à ne pas regarder les problèmes, à ne pas écouter les entrepreneurs et d'autres qui avertissent de l'urgence de la nécessité de l'action. S'il y a une menace aujourd'hui contre les retraites, c'est parce que depuis une bonne dizaine d'années, disons le, on piétine là aussi à demander rapports sur rapport et à faire semblant de ne pas voir monter l'énormité du problème des retraites que nous voyons dans ce pays avec l'allongement de la vie, la diminution du rapport entre le nombre d'actifs et le nombre de français au travail, tous les chiffres sont connues, je n'y reviens pas dans le cadre de notre conversation, c'est trop technique mais c'est incontestable.
Qu'est ce que nous disons ? Nous disons que si on veut traiter le problème des retraites, il y a trois manières de le faire. Ou on réduit la retraite, c'est ce que vous évoquiez, et çà nous paraît inacceptable, en tout cas à nous les entrepreneurs, les gens qui ont travaillé doivent avoir une retraite et une retraite décente. Deuxièmement, on peut bien entendu également, et bien demander plus de cotisations aux actifs, ils payent déjà le quart de leur salaire brut, le quart, 25 % pour financer le système par répartition des gens à la retraite. Nous estimons qu'aller au-delà c'est un problème intergénérationnel, si on veut le faire, on le fera mais ce sera probablement très mal ressenti par les actifs qui de plus en plus verront leur niveau de vie, je dirais se réduire au profit des retraités, et nous disons la manière, je dirais raisonnable et d'ailleurs partagée par encore une fois le syndicalisme réformateur et par le bon sens populaire, c'est de dire qu'il faut progressivement, sur 20 ans, accepter d'allonger la durée de la présence au travail dans la vie au fur et à mesure que la vie s'allonge. Vous savez la retraite à 60 ans quand on vit en moyenne maintenant 80 ou 82 ans, c'est tout de même en effet assez tôt, et donc aller dans 10 ans à 62 ans avant de prendre sa retraite et pas à 60 ans si la référence est encore 60 ans, en tout cas à une durée de cotisation plus longue, c'est quelque chose qui est en réalité admis. Tous les pays qui nous entourent mais tous les pays sont passés de nouveau à la retraite à 65 ans parce qu'ils ont anticipé le problème colossal du financement des retraites. Donc nous proposons l'évidence et on y viendra mais on a tellement peur de la réaction des français devant l'évidence que, ne pensons pas encore dans la campagne, qui compte je dirais aborder ce problème. Nous, nous avons posé la question, comment ferez vous pour assurer une retraite aux français dans les années qui viennent si vous ne passez pas par l'allongement progressif de la durée de cotisation sur la vie et si vous ne faites pas des fonds de pension comme le monde entier en fait et comme vous en faites d'ailleurs dans la fonction publique puisque nous devons tout de même mentionner çà par ironie en cours de route.
Patrick COHEN :
D'un mot parce qu'il nous reste 40 secondes.
Gérard COURTOIS :
D'un mot vous admettez quand même que les entreprises ont tendance à utiliser au maximum les plans de pré-retraite !
Ernest Antoine SEILLIERE :
Cette question là est une question en effet à laquelle je n'ai pas répondu, je m'en excuse. En 40 secondes, les entreprises ont été sollicitée par Madame Aubry de mettre les 35 heures en place contre des pré-retraites et donc nous accusons en réalité le gouvernement d'avoir donné cette facilité car c'est une facilité et nous n'y croyons plus et nous sommes contre au MEDEF, nous pensons qu'il faut au contraire faire travailler les seniors dans des formes adaptées de travail dans l'entreprise et ne pas se laisser aller à cette facilité de mettre à la porte les gens avec des subventions d'état pour qu'ils s'arrêtent de travailler plus tôt. C'est donc la queue je dirais d'une politique que nous réprouvons et nous irons bien entendu dans le sens de l'allongement de la durée de cotisation pour sauver les systèmes de retraite.
Patrick COHEN :
3 mots !
Pierre-Luc SEGUILLON :
C'est une conviction et un appel que vous lancez aux chefs d'entreprises !
Ernest Antoine SEILLIERE :
Oui c'est un appel, nous avons là-dessus en effet très clairement au MEDEF, demandé aux entrepreneurs de ne pas demander qu'on remette en place toutes les facilités du passé, inspirées d'ailleurs je le dis de la fonction publique, puisque tout ceci a déferlé dans l'entreprise privée, au moment en 82 des nationalisations de l'ensemble ou pratiquement de l'ensemble de l'industrie française.
Patrick COHEN :
Merci Ernest Antoine Seillière, c'était votre Grand Jury. La semaine prochaine à votre place il y aura un ancien Premier Ministre Alain Juppé. Bonne semaine, à dimanche prochain.

(source http://www.medef.fr, le 29 janvier 2002)