Interviews de M. Bruno Mégret, président du Mouvement national républicain et candidat à l'élection présidentielle de 2002, à "La Chaîne Info" le 26 avril 2002 et à "France 2" le 2 mai sur ses consignes de vote en faveur de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle, sur les manifestations anti-Le Pen du 1er mai et sur la préparation des élections législatives.

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Média : France 2 - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Discours de Paris - Ecole militaire
19 Avril 2002
La question de la défense de la France a été complètement occultée pendant cette campagne présidentielle. Pourtant, je le rappelle, le président de la République est le chef des Armées. Il est celui qui détient le pouvoir de déclencher une frappe nucléaire. D'ailleurs, je le signale en passant, l'aptitude à exercer cette responsabilité doit être, à côté du programme, l'un des critères de sélection des candidats. Et les Français doivent aussi se poser cette question : peut-on confier le bouton nucléaire à Laguiller, à le Pen, à Chevènement, à Mamère ou à Hue ?
Au-delà, je constate que même les deux principaux prétendants non seulement n'ont rien proposé pour l'armée mais ce sont eux qui portent la responsabilité de son déclin accéléré.
M. Jospin n'évoque pas la politique de défense dans ses dix priorités. Son bilan est d'ailleurs parmi les plus catastrophiques de la Ve République. Depuis 1997, alors que le budget de l'Etat a augmenté de près de 5 %, les dépenses militaires de fonctionnement n'ont progressé que de 0,5 % et celles d'investissements, pourtant essentielles à nos forces, ont baissé de près de 14 %.
Quant à M. Chirac, il s'est une nouvelle fois renié, et pas seulement par son inaction face aux socialistes. Après avoir annoncé en début de campagne un programme prévoyant une hausse de 30 % des dépenses militaires, il a revu ses ambitions à la baisse moins d'un mois plus tard : sur les 14 milliards d'euros consacrés initialement aux armées, il n'en reste plus aujourd'hui que 1,5 milliard, et vraisemblablement plus rien une fois réélu !
J'accuse donc solennellement MM.Jospin et Chirac de non-assistance à défense en danger !
Pourtant, la nécessité d'une défense forte n'a jamais été aussi criante qu'aujourd'hui.
Cet effort de la nation est nécessaire compte tenu des retards accumulés, des sacrifices imposés à nos forces au profit du financement de mesures aussi démagogiques que nuisibles, comme les 35 heures, la couverture maladie universelle ou encore la politique de la ville et la pseudo-prévention de la délinquance.
Car l'armée française est privée de tout, ou presque, pour remplir ses missions, lesquelles sont d'ailleurs de moins en moins militaires et de plus en plus policières, pour ne pas dire civiles, comme l'illustre la multiplication des plans Vigipirate, Polmar et autre Statère, ainsi que les nombreuses missions de " maintien de la paix " sous mandat international, voire sous direction américaine comme en ex-Yougoslavie ou en Afghanistan.
Combien de pilote sans engin, de tireur Milan sans missile, de chef de groupe sans groupe, d'officier sans commandement ou encore de grenadier-voltigeur qui, parce qu'il enchaîne tant de Statère, de Polmar et de Vigipirate, n'a pas tiré une seule cartouche depuis un an ? Et quand une unité opérationnelle part en mission extérieure, combien d'autres tournent au ralenti, obligées de mettre en sommeil leurs matériels et leurs servants ?
Il faut aujourd'hui solliciter une quinzaine de régiments, hommes et matériels compris, pour armer ne serait-ce qu'un seul bataillon d'infanterie.
Dans l'armée de terre, entre 30 et 60 % de certains matériels sont immobilisés faute de pièces détachées ou de crédits d'entretien. L'aviation de combat accuse un retard de 1 843 heures de vol par rapport à son activité théorique. Et quand la Royal Navy navigue 150 jours par an, la marine nationale n'affiche que 90 jours de mer. Partout les taux d'activité de nos forces sont inférieurs aux normes fixées par l'Otan !
Décidée sans concertation, menée à la hâte et surtout sans bénéficier des moyens nécessaires, la professionnalisation de l'armée française a conduit à la paupérisation et à la démoralisation de nos forces. Et ce, au risque de notre sécurité collective immédiate.
Car l'effort de défense est aujourd'hui toujours nécessaire.
Le " choc de civilisations " qui s'est révélé au monde entier le 11 septembre dernier n'épargnera pas la France, bien au contraire.
La guerre ne fait que commencer et sera marquée par des conflits de moins en moins conventionnels et de plus en plus fluides, diffus, à la fois locaux par leurs causes apparentes et mondiaux par leurs ramifications. L'heure est à la multiplication des " zones grises ", ces territoires extraits de force à la loi commune des Etats, et qui se prolongent jusque sur notre propre sol via les " zones de non-droit " contrôlées par des réseaux islamo-mafieux. Nous sommes, en France, du fait d'une scandaleuse politique laxiste et immigrationiste, le terreau naturel et le champ de manuvres idéal de ces nouveaux conflits. Nous constituons, nous autres Européens, la cible privilégiée des combattants de demain, au premier rang desquels les " fous d'Allah " et autres islamo-braqueurs et apprentis terroristes qui disposent déjà des bases logistiques et de la cinquième colonne nécessaires à leur offensive. Face à la montée de ces menaces, l'armée française doit retrouver sa capacité offensive à l'extérieur et se préparer à la guerre urbaine, la guerre du XXIe sècle.
D'ailleurs, de nombreuses puissances réarment, au premier rang desquelles la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. C'est ainsi que les Anglais affectent un budget par soldat double de celui de la France et que les Américains n'ont jamais consacré une telle part de leur PIB à leur défense depuis l'ère Reagan.
Cet effort se fait bien évidemment au détriment de l'Europe et surtout de la France, eu égard aux responsabilités de puissance maritime à vocation mondiale de notre pays, vocation aujourd'hui contestée jusque dans nos sphères d'influences traditionnelles comme l'Afrique de l'ouest.
Face à un monde plus dangereux que jamais, face à des puissances non pas forcément ennemies mais à tout le moins adverses, qui elles réarment, il est urgent de refaire de l'Armée une priorité politique.
Aussi élu président, je m'engage à mener une action d'envergure pour reconstruire l'armée française.
Ma première priorité sera de réhabiliter le moral de l'armée, et plus encore la morale incarnée par l'armée.
Les valeurs qui portent et que porte l'armée sont en effet essentielles à la survie de la communauté nationale dans son entier.
Force, courage, dévouement, sens de l'honneur et du sacrifice, solidarité de corps et d'âme : qui ne voit que ces valeurs immémoriales manquent aujourd'hui cruellement à une France en prise à une profonde crise morale ? Qui ne comprend que lorsque des notions aussi élémentaires sont niées, voire bafouées et oubliées d'un peuple, c'est l'existence même de ce peuple qui est remise en cause ?
Il est donc du devoir de l'Etat de soutenir, y compris devant les tribunaux si nécessaire lorsque se développent de scandaleuses campagnes de dénigrement, l'honneur et le prestige de nos armées, afin d'imposer à tous le respect et la considération qui lui est dû.
Le redressement du moral des armées passe aussi par une réaffirmation de leurs finalités et une redéfinition de ses finalités, à savoir la défense exclusive mais sans concession des intérêts de la France et de ses alliés. Il est aussi et bien évidemment de la responsabilité politique de perpétuer le lien entre la nation et son armée, et de diffuser l'esprit de défense au sein de la population afin de faire prendre conscience à chaque Français que sa sécurité et ses libertés, celles des siens et de sa patrie, dépendent avant tout de lui.
C'est possible en utilisant deux leviers :
- L'instauration de véritables cours d'instruction civique à l'école et dans tous les centres de formation des jeunes Français, ce qui suppose une refonte de l'Education dite nationale et la promotion d'une véritable " révolution conservatrice " pour, plus généralement, mettre fin à l'inversion des valeurs et remettre la France à l'endroit.
- L'organisation d'une garde nationale. Aux côtés d'une armée professionnelle renforcée, à vocation offensive, et d'une gendarmerie spécialisée dans les missions de police et le maintien de l'ordre, cette nouvelle arme illustrerait efficacement le retour à l'esprit de défense que j'appelle de mes vux. Elle serait constituée de volontaires des deux sexes, actifs pour une période de 6 à 9 mois en fonction des spécialités et appelés à une période de réserve d'un mois par an. Des contrats de 2 à 3 ans seraient proposés aux personnels les plus motivés. Le recrutement des membres de ce corps de défense territoriale serait facilité par une rémunération attractive et leur priorité d'accès aux postes et aux concours de la fonction publique. Ainsi, cette garde nationale ne constituerait pas seulement un nouvel outil de sécurité, mais elle innerverait d'un nouvel esprit de défense l'ensemble de la société, à commencer par les administrations de l'Etat et des services publics.
Ma deuxième priorité consiste à revaloriser les moyens techniques, financiers et matériels de l'armée, dont la capacité opérationnelle doit être rétablie au plus vite.
Mon objectif dans ce domaine est très clair. Je veux porter l'effort de défense de la nation à hauteur de 3 % du PIB dès l'année prochaine et à 4 % d'ici 5 ans. Il s'agit de dépenser plus, de dépenser mieux et surtout de dépenser intégralement ce qui aura été voté par le Parlement.
Dans ce cadre budgétaire restitué, la dissuasion nucléaire doit rester le pivot de notre indépendance nationale. Cet outil doit donc être modernisé, notamment en développant des armes à neutron miniaturisées pour pouvoir le cas échéant compenser par la puissance de feu l'infériorité numérique de nos armées et mener efficacement une dissuasion " du fort au fou ".
S'agissant de la défense conventionnelle, outre le rattrapage en termes de programmes existants, j'entends prioritairement doter nos armées d'un second porte-avions nucléaire, d'une défense anti-missiles, de services de renseignements crédibles et d'une flotte de chasseurs et bombardiers à long rayon d'action.
La projection des forces, notamment par la construction de gros porteurs, doit devenir enfin réalité : la France et l'Europe ne seront en mesure de défendre réellement leur territoire et ne pourront peser de nouveau dans le concert des nations qu'en s'affranchissant de toute logistique étrangère et donc de toute pression extérieure.
Parallèlement, les crédits de fonctionnement doivent également être augmentés afin d'assurer la montée en puissance de nos forces professionnelles, la permanence de la gendarmerie et la mise en place de la garde nationale que j'appelle de mes vux.
Les entreprises nationales d'armement comme GIAT Industries ou la DCN doivent être pérennisées et donc modernisées, ce qui suppose leur restructuration afin de conforter la puissance militaro-industrielle de la France, par la préservation de ses capacités en recherche et développement, y compris au sein d'une alliance militaire européenne fondée sur des coopérations étroites, mais d'Etat à Etat.
Enfin et bien évidemment, il s'agit de remettre notre armée au service d'un certaine vision de la France et de l'Europe.
Notre outil de défense national ayant en effet été sacrifié par les différents gouvernements qui se sont succédés ces quinze dernières années, il serait illusoire et mensonger en l'état, surtout au vu du nouveau contexte géopolitique international, de prétendre s'isoler dans le concept de la " France seule ".
Dans le cadre de l'Europe des nations rétablie en lieu et place de l'actuelle Union européenne, je veux mettre en place une alliance militaire européenne fonctionant sur le modèle de l'OTAN à laquelle elle se substituerait.
C'est dans le cadre européen, par une coopération étroite avec les nations volontaires, que nous pouvons développer les composants d'armes nécessaires à la défense de nos intérêts, notamment en vue de la projection de nos forces, du renseignement par voie satellitaire et donc spatiale, ou encore d'une complémentarité des forces aéronavales, indispensables au maintien de notre souveraineté maritime.
Par son histoire comme par sa vocation, la France a un rôle essentiel à jouer au profit de l'Europe. La France peut retrouver sa place au premier plan sur le vieux continent et l'Europe de son côté doit rétablir sa puissance et son rayonnement dans le monde. N'oublions pas qu'elle est plus peuplée et tout aussi riche que les Etats-Unis. Les nations européennes doivent retrouver les voies de l'identité et de la puissance.
Mon projet est de refaire de la France la première puissance en Europe et de l'Europe la première puissance dans le monde !
(Source http://www.m-n-r.com, le 24 avril 2002)
France 2
Le 2 mai 2002
F. Laborde
Hier, il y avait beaucoup de monde dans les rues. Si on compare les chiffres, il y a 1,5 millions de gens qui ont manifesté en criant des slogans anti-Le Pen et autour de 30.000 qui ont manifesté en criant des slogans pour Le Pen. Le duel télévisé n'ayant pas eu lieu, est-ce que le duel dans les rues a été perdu ?
- "Le problème est qu'une élection ne se joue pas dans les rues. Alors, je ne vais pas ergoter sur les chiffres, il est possible qu'il y ait eu plus d'un million de personnes à gauche ; c'est la gauche qui s'est défoulée, parce qu'elle avait été frustrée de son échec cuisant au premier tour."
Il n'y a pas que la gauche qui a défilé hier...
- "Oui, largement, parce que ce qui me paraît clair - et c'est en cela que ces manifestations sont à bien des égards choquantes -, c'est qu'on ne peut pas manifester contre un candidat. On va voter contre un candidat, mais on ne manifeste pas contre, sinon cela veut dire qu'on ne respecte pas les règles de la démocratie, qu'on refuse le verdict des urnes."
Mais le droit à manifester est inscrit dans la Constitution, elle fait partie des libertés publiques. Vous ne remettez pas en cause le droit des Français à descendre dans la rue le 1er mai ?
- "Bien sûr que non. Mais en général, les manifestations légitimes naturelles sont des manifestations revendicatives pour demander quelque chose, pour s'opposer à quelque chose. Tandis que là, les élections sont faites justement pour régler les problèmes calmement, pacifiquement, dans les urnes et non pas dans la rue."
Le vote autour de J.-M. Le Pen aujourd'hui, estimez-vous que c'est un vote en faveur d'un homme ou en faveur de ses idées ?
- "C'est clairement autour des idées qu'il représente, qu'il symbolise, qu'il incarne et surtout d'ailleurs un rejet d'une classe politicienne, qui est à la fois impuissante et corrompue, qui se sert et qui ne sert à rien, qui est incapable de résoudre au quotidien les problèmes concrets des Français et d'assurer dans le moyen et dans le long terme, l'avenir de notre nation et de notre civilisation. Cette situation que nous connaissons aujourd'hui, le score de Le Pen, c'est le signe d'une vraie crise majeure, politique, et d'une crise de civilisation, on peut le dire."
J.-M. Le Pen disait hier qu'il y a "deux camps, celui de l'occupation et le nôtre, celui de la libération". Qu'est-ce que cela veut dire ? Que les syndicats, les partis politiques autre que le Front National ou les Français qui ne seraient pas Français de souche, c'est le camp de l'occupation et que J.-M. Le Pen, c'est la libération ? Ce n'est pas un hasardeux ?
- "Ce qui me choque, c'est de voir à quel point, il y a connivence, il y a entente entre tous ces représentants institutionnels d'une espèce de France officielle, qui est totalement coupée du peuple, qui refusent de voir les vrais problèmes - et notamment le problème de l'immigration, qui est l'un des problèmes majeurs de la France, qui est à l'origine de beaucoup de difficultés pour nos compatriotes dans leur vie quotidienne. C'est ça qui est choquant..."
Mais l'immigration est aussi ce qui fait la richesse de la France. Je veux dire on ne peut pas à la fois se féliciter d'être champion du monde de football, qui est vraiment alors pour le coup le melting-pot, le mélange black-blanc-beur à la française, et trouver que l'immigration est une cause d'affaiblissement du pays ?
- "Oui pourquoi ? Vous voulez dire que si la France n'avait pas eu une équipe black-blanc-beur, elle n'aurait pas gagné la Coupe du monde ?"
Non, mais je pense que s'il y avait moins d'immigrés en France, la France serait peut-être moins vitale aussi ?
- "Le problème, vous venez de le souligner, c'est qu'il n'y a pas assez de petits enfants français pour assurer l'avenir des générations de notre peuple. Alors, qu'il y ait ici ou là des immigrés de talents, de qualité, je ne le nie pas, c'est la raison pour laquelle je fais la différence entre la bonne immigration, celle que vous évoquez, et la mauvaise"
C'est quoi, la bonne "immigration" ?
- "La mauvaise immigration, celle qui sème la pagaille, dans les cités en permanence..."
Comment peut-on savoir à l'origine si on est un bon ou un mauvais immigré ?
- "Non, ce n'est pas à l'origine, on le sait sur le terrain. On le constate. Il y a ceux qui travaillent, qui respectent notre pays, qui respectent nos lois, qui aiment la France, qui veulent s'assimiler à notre peuple et il y a ceux qui viennent chez nous pour vivre en parasite et pour bafouer nos lois et créer l'insécurité."
Mais est-ce qu'il n'y a pas tout simplement parfois un problème d'intégration, c'est-à-dire le fait qu'effectivement la France a pu se tromper en laissant des jeunes en dehors du système éducatif, en dehors du monde du travail ? Et qu'ils soient après tout blancs, qu'ils soient blacks, qu'ils soient beurs, ça donne les mêmes effets ?
- "Je crois surtout que le vrai problème est qu'on ne peut pas espérer que qui que ce soit s'intègre à la France, si les Français et les autorités qui prétendent diriger le peuple et la nation française ne sont plus fiers de ce que nous sommes, ne sont plus fiers de la France et interdisent le patriotisme comme une forme de racisme... C'est clair."
Mais hier, par exemple dans la manifestation du 1er Mai, il y avait beaucoup de drapeaux français, bleu, blanc, rouge et beaucoup de manifestants disaient qu'ils voulaient récupérer ces symboles forts de la République et ne pas les laisser à l'extrême droite. Cela vous étonne ?
- "Je crois que c'était surtout l'effet d'une mauvaise conscience. Ils se sont peut-être rendus compte qu'ils avaient tellement galvaudé notre pays, qu'ils l'avaient tellement méprisé, oublié, qu'ils se réveillent un peu. Ce serait un bon signe, mais ce n'est pas de ce côté là que peut venir l'espoir."
Alors revenons à J.-M. Le Pen, que vous soutenez. On a le sentiment que le ton a changé, qu'il est un peu plus dur à l'égard de J. Chirac. Mais est-ce qu'au fond, il n'est pas en train de fabriquer paradoxalement son propre cauchemar, c'est-à-dire faire élire J. Chirac, dont il dit depuis le début que c'est au fond le pire de tous ?
- "C'est un peu le paradoxe de cette élection. Les socialistes se sont servis de Le Pen l'ont poussé, l'ont encensé, l'ont poussé dans les sondages et dans les médias contre Chirac. Finalement, ce sont eux qui en ont été les victimes. Et maintenant, Le Pen qui voulait battre Chirac, assure sans doute vraisemblablement son élection. Mais ce qui me paraît important, c'est que cette élection n'est qu'une étape. Le Pen ne sera sans doute pas élu président de la République ; s'il n'est pas élu, il faut continuer le combat, sous une forme rénovée - c'est la dernière élection de Le Pen, il faut assurer l'avenir -, car l'objectif qui est le mien, l'objectif qu'attendent tous ces Français..."
C'est de récupérer l'ensemble des troupes du Front National ?
- "Non, l'objectif est de porter nos idées au pouvoir, pour qu'elles soient transformées en lois et qu'elles servent à améliorer la situation de la France et des Français, comme ça se fait dans d'autres pays européens, comme l'Italie par exemple."
Vous avez été traité en ennemi - vous êtes toujours traité d'ailleurs en ennemi - par J.-M. Le Pen, même si aujourd'hui vous appelez à voter pour lui.
- "Oui, je ne suis pas rancunier."
Mais est-ce qu'après cette élection, il peut y avoir une forme de réconciliation ou bien les liens sont distendus au point que ce ne soit pas envisageable ?
- "Non avec Le Pen, ce n'est pas possible. De toute façon, il y a de grandes différences entre lui et moi, nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes. Vous parliez de l'Europe..."
Oui, par exemple, sur l'Europe, c'est effectivement un point de divergence. Vous pensez que c'est une très mauvaise idée de sortir de l'Europe ?
- "L'Europe est un point de divergence : je ne souhaite pas que la France sorte de l'Europe, qu'elle se retrouve toute seule. Je souhaite simplement que l'on change la nature de l'Europe, que l'on crée une Europe des nations, une Europe qui respecte la souveraineté des Etats, une Europe à la carte, mais pas qu'on sorte de l'Europe. Donc, il y a des différences importantes et c'est la raison pour laquelle ce qu'il faut, c'est un renouveau qui permette à nos idées d'arriver au pouvoir, car la stratégie de Le Pen, aussi brillante soit-elle, presque seul contre tous, aboutit quand même au bout du compte à une impasse."
Sur quel point trouvez-vous que J.-M. Le Pen est un peu trop "laxiste", entre guillemets ?
- "Je crois que ce n'est pas vraiment le mot que l'on peut lui attribuer ! Je vous l'ai dit, je pense que sur l'Europe, il faut une attitude très différente. Il en faut une aussi sur l'euro. On ne peut pas revenir demain matin, au mois de mai, au franc, alors qu'on vient de passer à l'euro. Attendons de voir si l'euro s'avère poser en effet des problèmes majeurs, il sera toujours temps, dans les années qui viennent, de revenir au franc, mais pas tout de suite."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 mai 2002)