Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la coopération entre la France et la Pologne, la sécurité européenne et la place de la Pologne à la veille de l'élargissement de l'Union européenne, Varsovie le 2 juillet 1994.

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Circonstance : Voyage de M. Edouard Balladur en Pologne les 1er et 2 juillet 1994-déjeuner officiel avec le premier ministre polonais M. Waldemar Pawlak, Varsovie le 2 juillet 1994

Texte intégral

Laissez-moi tout d'abord vous dire le plaisir que mon épouse et moi-même éprouvons à être ici aujourd'hui. Votre accueil chaleureux, les entretiens de qualité que j'ai pu avoir, avec vous-même, avec les membres du gouvernement polonais et avec le Président de la République, témoignent de l'excellence de nos relations. Comment s'en étonner après tant de siècles d'histoire commune ?
Comment ne pas évoquer les reines Marie-Louise de Gonzague et Marie Casimire ou encore Marie Leszczynska ? Comment ne pas mentionner Frédéric Chopin, Marie Curie-
Sklodowska ou encore Guillaume Apollinaire.
Ces liens si anciens se sont distendus pendant la "guerre froide". Mais le général de Gaulle est venu rappeler en septembre 1967 à votre pays, qu'il n'était pas condamné à une logique de l'affrontement : une autre était à construire, plus fructueuse, une logique de détente, d'entente et de coopération.
Plus récemment, le Président de la République française marquait, en venant ici il y a cinq ans, l'attachement que porte la France à une Pologne libre et démocratique.
Depuis, vous le savez, notre pays s'est efforcé de vous accompagner et, lorsqu'il le fallait, de vous aider dans cette difficile transition vers des institutions démocratiques et vers une économie de marché. Il l'a fait à titre bilatéral et dans le cadre des accords et programmes européens. Grâce à la volonté des Polonais, à leur imagination, à leur courage et à leur esprit d'entreprise, grâce aussi à l'aide d'autres pays amis, les résultats que vous avez atteints sont aujourd'hui exemplaires dans cette partie de l'Europe.
Nous ne comptons cependant pas en rester là. Ma présence en apporte ici la preuve. Dans tous les domaines possibles et utiles, nous comptons accroître notre coopération avec la Pologne.
En premier lieu, il importe de maintenir la qualité du dialogue politique que nous avons instauré. Des consultations régulières doivent se poursuivre sur tous les sujets internationaux, en particulier sur ceux qui intéressent notre continent. Nous devons avoir ensemble une capacité d'initiative pour l'Europe. Il convient de prolonger cette entente politique par des coopérations concrètes et diversifiées.
Qu'il s'agisse d'offrir certaines formations à vos cadres administratifs, aux gestionnaires de vos entreprises, ou aux enseignants. Qu'il s'agisse de faciliter les jumelages et la coopération entre département et voivodies, entre villes françaises et polonaises, entre laboratoires et associations scientifiques, dans des secteurs aussi variés que l'administration publique, la gestion, l'agriculture, l'environnement, la santé publique, la sécurité intérieure. Dans tous ces domaines, nous nous efforcerons de favoriser et d'approfondir la coopération entre nos deux pays.
D'ores et déjà, je constate avec satisfaction que sur le plan militaire nos échanges se traduisent par des exercices communs et deviennent ainsi véritablement opérationnels.
Pour ce qui est de nos relations économiques et des investissements des entreprises françaises en Pologne, un effort considérable a été fait. La création récente d'une Chambre de Commerce française en Pologne contribuera à leur développement. Mais j'ai conscience que nous pouvons encore progresser. Le niveau de nos échanges par exemple ne correspond pas encore à la place que tiennent nos deux pays dans l'économie mondiale. Je ne doute pas qu'avec l'appui des autorités polonaises, un nouvel élan ne soit donné à nos relations économiques .
Je me réjouis enfin de voir que la jeunesse de nos deux pays établit des contacts toujours plus fréquents. Je souhaite qu'on aille encore plus loin dans la ligne de ce qui s'est réalisé avec l'Allemagne : je pense bien entendu à l'office franco-allemand de la Jeunesse.
Nos deux pays ont aujourd'hui une ambition commune : construire une Europe enfin réunie, pacifique et prospère. La France souhaite accueillir la Pologne au sein de I'Union européenne. L'accord d'association, entré en vigueur le ler février dernier, vous lie déjà à l'Union. Il rapproche la Pologne et l'Union et constitue une étape importante dans ce processus. Votre pays pourra apporter sa contribution, ses idées à l'oeuvre que nous poursuivons. Sa longue histoire et sa spécificité enrichiront l'Europe que nous appelons de nos voeux, celle qui préserve la vie des nations. L'identité européenne n'a de sens et d'avenir qu'adjointe à celle des nations, sans en aucun cas s'y substituer. Mais il faudra aller plus loin dans ce processus de rapprochement. La France est disposée à vous aider à préparer la reprise par votre pays de l'acquis communautaire, c'est à dire de nos politiques communes qui font l'originalité de la construction européenne, mais aussi qui expliquent son succès et fondent sa crédibilité sur la scène internationale.
Cette oeuvre suppose la stabilité et la sécurité du continent, où chacun doit trouver sa place. J'ai proposé, il y a plus d'un an - et l'Union européenne a fait sienne cette proposition - un pacte de stabilité, dont la conférence inaugurale s'est tenue en mai dernier à Paris. Son but est de créer une sorte de nouveau pacte social entre nos pays, fondé sur des rapports de bon voisinage. Ainsi pourrons-nous peut-être résoudre les problèmes de frontières et de minorité qui ont si longtemps déstabilisé notre continent. Je me félicite du soutien que vous y avez apporté et de votre résolution à contribuer aux travaux futurs. La Pologne, qui a signé avec tous ses voisins des accords de bon voisinage, peut être considérée dans ce domaine comme un exemple pour tous les pays de la région.
Auparavant, notre pays avait conjointement avec l'Allemagne, oeuvré pour renforcer votre sécurité, en proposant à la Pologne un statut de partenaire associé dans l'Union de l'Europe occidentale. Ce statut est désormais le sien depuis le 9 mai dernier. C'est au demeurant sur cette voie de coopération et de dialogue entre votre pays, la France et l'Allemagne, notre voisin commun, que nous devrions, me semble-t-il avancer. En effet, la vigueur de la construction européenne dépend, et dépendra beaucoup de l'entente et de la coopération instaurées entre nos trois pays.
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous remercier pour l'hospitalité cordiale que j'ai trouvée dans votre pays durant ce séjour. Permettez-moi de former, avec mon épouse, pour vous-même et Madame Pawlak, pour votre gouvernement et la nation polonaise tout entière, des voeux de réussite et de prospérité. Ces voeux sont aussi ceux du peuple français, qu'unissent à la Pologne, tant de liens étroits et vivants.
Je lève mon verre à la chaleureuse amitié franco-polonaise.