Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur la maîtrise des flux migratoires en Europe, la nécessité du co-développement et la distinction entre le droit d'asile et l'immigration, Luxembourg, le 4 octobre 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des ministres de l'intérieur allemand, britannique et français à Luxembourg le 4 octobre 1999

Texte intégral

Nous n'avons pas encore abordé formellement les problèmes de la préparation du Sommet de Tempère qui seront abordés au déjeuner.
Néanmoins, nous avons dégagé un certain nombre de convergences sur ce sujet.
Les points qui ont été abordés concernent les travaux du groupe de haut niveau sur l'asile et l'immigration, le plan de lutte contre la drogue de la Commission, les problèmes de l'extradition, les problèmes relatifs à la situation des réfugiés en provenance du Kosovo ainsi que certains problèmes relatifs aux demandes d'asile en provenance de Norvège et d'Islande. Sur tous ces sujets il y a eu un assez bon accord au niveau du Conseil des ministres, notamment en ce qui concerne le groupe du haut niveau, le Kosovo et les problèmes du plan de lutte contre la drogue à l'horizon 2004.
Q - Est ce que le papier franco-allemand, devenu la Contribution de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni pour le Conseil de Tempère, a déjà été adopté et présenté au Conseil ?
R - Dans l'état actuel des choses, je dirais que ce papier, qui vient d'être transmis au président du Conseil c'est-à-dire à la partie finlandaise, est un document de travail qui peut d'ailleurs recevoir l'appui ou des adjonctions d'autres parties. Ce papier me paraît marquer une avancée conceptuelle tout à fait intéressante. En effet, il pose le problème de la maîtrise des flux migratoires dans un contexte vaste. Il est certain que l'immigration zéro n'existe pas. Il est également certain que nos pays ne doivent accueillir que ceux qu'ils peuvent réellement intégrer. Il ne peut y avoir d'ouverture systématique et incontrôlée. Je crois que l'originalité de ce papier tient dans ce qu'il met l'accent à la fois sur l'amont et sur l'aval. L'amont, ce sont les relations avec les pays d'origine, les pays source et c'est l'affirmation de la nécessité du co-développement, car seul le développement de ces pays pourra tarir les flux d'immigration qui seraient incontrôlés. Inversement, on voit bien que certains flux migratoires jouent un rôle important dans le développement.
Je pense à tout ce qui a trait à la formation, aux étudiants, aux professeurs, aux chercheurs mais aussi, aux aides, aux projets pour les immigrants qui retourneront dans leurs pays. Et puis il y a l'aval. L'aval, c'est la perspective de l'insertion et même de l'intégration des étrangers en Europe à travers des titres de séjour. Il y a des titres de séjour à court terme, des titres à plus long terme. Au-delà, on peut même se poser la question de l'accès à la nationalité. A partir du moment où on a une vue claire de l'amont et de l'aval, de la nécessité du co-développement d'une part et de l'intégration d'autre part, on peut se donner les moyens efficaces de la maîtrise des flux migratoires, qu'il s'agisse de la lutte contre les filières d'immigration clandestine, des accords de réadmission, des problèmes d'éloignement qui se posent évidemment de manière très pratique en coopération avec les pays d'origine.
Enfin il y a un quatrième point dans notre contribution commune : c'est la claire affirmation du respect absolu de ce que doit être le droit d'asile. Il faut donc distinguer le droit d'asile et l'immigration. Ce sont des choses différentes. Le droit d'asile s'adresse à tous ceux qui combattent pour la liberté, qui sont persécutés. Il faut lui faire une place à part sans le mélanger avec d'autres notions plus vagues.
Voilà ce que je peux vous dire, dans l'état actuel des choses.
(Source http://www.diplomatie.fr, le 4 octobre 1999).