Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes et membre du PS, sur les échanges de vues entre le PS et le parti social-démocrate allemand SPD sur les relations franco-allemandes, le projet d'université commune, la contribution des états membres au financement de l'Union européenne et le futur gouverneur de la Banque centrale européenne, Paris le 12 novembre 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Pierre Moscovici - Ministre délégué aux affaires européennes et et membre du PS

Circonstance : Entretien de M. Pierre Moscovici avec MM. Oskar Lafontaine et Rudolf Scharping du Parti social-démocrate allemand (SPD) à Paris le 12 novembre 1997

Texte intégral

J'étais très content de retrouver Oskar Lafontaine, que je n'avais pas revu depuis déjà une année et demi, quand nous avions déjeuné avec Lionel Jospin. A l'époque, je lançais le travail commun entre le Parti socialiste et le SPD, travail qui a toujours montré une très grande convergence de vues.
Maintenant, la situation est un peu différente puisque les socialistes français sont au gouvernement, mais c'est toujours avec un très grand plaisir que nous rencontrons nos amis du SPD, d'autant plus que sur les questions européennes, dont j'ai la charge au gouvernement, nous avons quand même une approche extrêmement convergente sur à peu près tous les sujets, qu'il s'agisse de la priorité à donner en Europe à une certaine conception macro-économique tournée vers la croissance et l'emploi, qu'il s'agisse des rapports aussi à trouver entre la Banque centrale européenne et les gouvernements, les autorités politiques, ou qu'il s'agisse de l'ensemble des questions européennes : vision de l'élargissement, réforme des institutions. Nos amis du SPD y insistent, comme nous, beaucoup : il faut que l'Europe se réforme elle-même institutionnellement avant qu'elle ait la capacité de s'élargir, ou en même temps. Sur les questions également du financement futur de l'Union européenne, nous avons des approches convergentes et c'était donc une conversation extrêmement utile.
Je crois qu'indépendamment même de l'amitié qui existe, il est important qu'un gouvernement puisse avoir des relations avec un grand parti d'opposition en Allemagne, dans un pays qui est pour nous fondamental, puisque le couple franco-allemand, comme on dit, est bien sûr fondateur dans tout ce qui fait le progrès de l'Europe. Il ne peut pas y avoir de progrès de l'Europe s'il n'y a pas une relation franco-allemande forte. Donc, compte tenu du système institutionnel particulier de l'Allemagne, y compris aujourd'hui avec l'importance du Bundesrat, ces contacts sont extrêmement importants, et là en plus, je dois le dire, ils ont été à la fois amicaux et fructueux.

Q - (Sur le projet d'université franco-allemande)
R - C'était une décision du dernier sommet, elle est très importante parce que la relation entre deux pays ne passe pas que par l'économie. Elle passe aussi par la culture, elle passe par les échanges, elle passe par l'éducation et la formation, et nous estimons effectivement qu'une décision doit être prise très rapidement. Alors, nous sommes très contents de la décision des Länder. La France doit elle même se fixer pour savoir où elle souhaite que, de son côté le siège soit établi, mais compte tenu de la nature particulière de cet enseignement, qui est un enseignement moderne, en partie délocalisé, il faut que les choses soient décidées très rapidement. Nous en sommes totalement d'accord et c'est une décision qui doit maintenant trouver une concrétisation.

Q - (Sur l'emploi et les échéances européennes)
R - Je crois qu'il faut traiter les problèmes dans l'ordre où ils viennent. La première des questions, c'est, la semaine prochaine, le Sommet sur l'emploi et comme l'a dit à l'instant Oskar, il est très important qu'il nous fournisse des résultats concrets. Nous sommes confrontés, les Français, les Allemands et tous les Européens, au même problème, c'est-à-dire le chômage de masse, et donc nous devons trouver des réponses communes. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas des politiques nationales ; les politiques nationales sont premières, nous avons chacun notre modèle. Mais ça signifie aussi qu'il y a une cause commune au niveau de l'Europe et il importe effectivement que ce soit marqué, dès la semaine prochaine, par une volonté politique extrêmement forte. Et nous allons au Sommet pour l'emploi avec cette volonté ; le gouvernement français en sera absolument le porteur. Ensuite, nous avons, au Conseil européen de Luxembourg, un agenda extrêmement chargé avec l'ouverture future des négociations d'élargissement, le financement de l'Union, les réformes à venir de la Politique agricole commune, des fonds structurels, et nous souhaitons que toutes ces questions soient abordées ensemble dans une perspective globale.
Car 1998 sera l'année de l'euro. Nous sommes l'un et l'autre favorables, à la fois à ce que l'euro soit décidé et à un certain mode de gestion politique de l'euro, un euro pour la croissance et pour l'emploi ; c'est la doctrine. Mais il faut être capable de relancer cette construction européenne, de lui donner ce sens, de la rééquilibrer, qu'elle serve davantage effectivement les peuples, l'emploi, la croissance, qu'elle soit populaire, qu'elle réponde au problème d'aujourd'hui, qui est le problème du chômage, et non pas qu'elle soit uniquement une Europe financière ou dévouée à des intérêts monétaires, même si ceux-là sont extrêmement importants et si nous sommes attachés à une grande rigueur de gestion.

Q - (Sur la candidature de Jean-Claude Trichet à la Banque centrale européenne)
R - La réponse que vous fait Oskar Lafontaine est exactement ce qu'il m'a dit. Parfois on peut se dire des chose en privé qui ne sont pas la même chose que ce que l'on dit en public ; là, c'est trait pour trait la même chose. En gros, cela signifie aussi que sa position est une position politique et qu'il ne juge pas des personnes. Bien. Nous, nous avons un candidat, qui est Jean-Claude Trichet, pour d'autres raisons qui ont déjà été exposées et cela n'a pas changé depuis une heure.

Q - (sur le débat sur la contribution allemande)
R - Cette question est préoccupante. Ce n'est pas une boutade. Cela veut dire qu'il peut y avoir une compréhension du problème ; en même temps, il ne faut pas avoir une approche qui soit une approche anti-communautaire, anti-européenne. La question ne peut pas être posée dans les termes de Mme Thatcher, dans le temps, "I want my money back". L'Europe, ce n'est pas cela, ce n'est pas le "juste retour", ce n'est pas la renationalisation des politiques ; c'est la redéfinition des politiques. Et si ce problème doit un jour trouver une réponse, nous le verrons, c'est en essayant de reconstruire, de réformer les politiques communes, d'une façon qui soit intelligente et équilibrée, et c'est au fond ce qu'on peut espérer de l'exercice "Agenda 2000". Cela peut produire un résultat à la fin mais il ne faut pas que le résultat soit le point de départ, autrement dit toute discussion en terme de solde net, en terme de retour n'est pas une bonne discussion. Parlons politique, quelle Europe voulons-nous ? Pour quoi faire ? Avec quelle politique commune ? C'est une approche, je crois, qui est plus intelligente.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2001)