Conférence de presse de M. Denis Kessler, vice-président délégué du MEDEF, sur les programmes des candidats à l'élection présidentielle 2002, Paris le 25 mars 2002.

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Circonstance : Point de presse mensuel du MEDEF sur l'analyse des programmes des principaux candidats à Paris le 25 mars 2002

Texte intégral

La lecture attentive des programmes des principaux candidats nous inspire trois remarques :
Nous constatons que cette campagne ne dérive pas vers des mesures démagogiques, de nature à handicaper à long terme l'économie de notre pays. Pas de 32 heures. Pas de fermeture des centrales nucléaires. Pas d'augmentation massive du SMIC. Pas d'abaissement de l'âge de la retraite. Pas de promesse de recrutement massif de fonctionnaires. Pas de nationalisation. Pas de sortie de la zone euro. Pas de taxe sur les investissements via la valeur ajoutée. Pas de remise en cause de l'importante réforme de l'assurance chômage. La France paraît comprendre que nous sommes au XXIème siècle. Il faut s'en réjouir profondément.
En effet, les sujets économiques et sociaux que nous souhaitions voir aborder, sont aujourd'hui au cur de la campagne, que ce soit la place du dialogue social, la réforme de la fiscalité ou la réforme des retraites. L'entreprise n'est plus, comme ce fut le cas dans le passé, au centre des enjeux politiques. Il s'agit là d'un phénomène nouveau qui illustre la montée en puissance du thème de la réforme dans notre pays et la prise en compte progressive des impératifs d'une économie moderne.
Nous constatons qu'une large partie des priorités mises en avant par le MEDEF figurent aujourd'hui dans les programmes de nombreux candidats :
Nous n'avons pas proposé pour rien.
Nous avions souhaité que s'établissent de nouvelles bases pour développer un vrai dialogue social : cette voie semble aujourd'hui retenue, y compris par ceux qui l'ont beaucoup combattue ces dernières années. Certes, les formules retenues par les divers candidats n'ont pas la même nature, ni la même portée, mais l'urgence de réactiver un dialogue social qui donne la priorité aux partenaires sociaux est peu ou prou reconnue par tous. Certains vont même jusqu'à vouloir faire reconnaître le dialogue social par la Constitution.
Nous avions souhaité que l'on procède à une réforme en profondeur du système de retraite notamment pour donner de la visibilité aux salariés et aux entreprises. Un consensus semble se dégager en faveur de la mise en oeuvre rapide d'une telle réforme. L'idée de mettre en place des dispositifs complémentaires en capitalisation a progressé aussi bien à droite qu'à gauche. De même, l'idée d'une harmonisation des régimes de retraite public et privé semble aujourd'hui progresser, or il s'agit d'une de nos demandes fortes pour rétablir l'équité entre l'ensemble des salariés.
Nous avions proposé que l'on s'oriente vers une formation tout au long de la vie, conformément à la proposition faite aux syndicats dans le cadre de la refondation sociale. Quant à l'idée de compte épargne-formation, elle est reprise par les deux principaux candidats.
Nous avions souhaité un allégement des prélèvements obligatoires pour améliorer la compétitivité de la France : l'idée de réduire les impôts est largement reprise dans de nombreux programmes. Il s'agit là d'un véritable tournant historique. Certes les propositions de certains candidats privilégient d'autres impôts que ceux qui frappent les entreprises, d'autres au contraire ont compris l'importance pour la compétitivité et la croissance de la baisse de l'impôt sur les sociétés. Mais nous nous réjouissons de voir que l'on envisage chez quasiment tous les candidats une baisse de l'impôt sur le revenu, ce qui encouragera ceux qui participent à l'activité productive. Nous maintenons toutefois que la baisse des prélèvements pesant sur les entreprises pour les ramener à la moyenne européenne, la suppression de la taxe professionnelle, la réforme de la fiscalité sur le patrimoine et les transmissions d'entreprises, ou encore la poursuite de la baisse du coût du travail faiblement qualifié sont aujourd'hui nécessaires. Aussi faut-il que le débat fiscal se poursuive.
Nous avions proposé de modifier la loi sur les 35 heures pour permettre à chacun de travailler le temps qu'il souhaite : cette idée est reprise par plusieurs candidats, elle progresse dans l'opinion, même si certains candidats ont peur se déjuger. Mais le simple fait que certains candidats n'envisagent plus la poursuite de la baisse du temps de travail témoigne qu'ils ne prêtent plus à la RTT les vertus qu'ils lui ont un jour attribuées.
Pour autant, nous sommes encore loin du compte :
Les programmes souffrent tous d'un évident manque de hiérarchisation des priorités. Les acteurs économiques et sociaux ont besoin de mieux connaître l'horizon à cinq ans, mais aussi l'ampleur des premières décisions qui seront prises dès juin prochain. Le flou sur les réductions de charges sur le travail faiblement qualifié est à cet égard particulièrement inquiétant. Nous maintenons la nécessité de s'orienter vers un contrat de législature.
Les programmes n'insistent pas suffisamment sur le fait que la production de richesses précède la redistribution de richesses. Certains multiplient ainsi les droits nouveaux sans véritablement proposer de mesures propres à relever durablement le potentiel de croissance de l'économie française.
Mais surtout les programmes souffrent ensemble de graves insuffisances :
Rares sont ceux qui semblent avoir pris la mesure de l'ouverture croissante de l'économie française, après l'euro. La France n'a pas le choix : elle doit être euro-compatible. Or, nombre de réformes proposées restent en deçà de cet objectif, notamment en ce qui concerne la réforme du secteur public, la fiscalité et le coût du travail. Rappelons seulement que l'alignement de notre fiscalité sur la moyenne européenne supposerait une baisse de nos prélèvements d'environ 100 milliards d'euros sur cinq ans, et que le plus ambitieux des programmes propose une baisse d'un tiers de cette somme.
La réforme de l'Etat est largement passée sous silence. Rien n'est véritablement dit sur le fonctionnement des services publics et le service minimum, rien sur la nécessaire adaptation du nombre de fonctionnaires, presque rien sur le contenu d'une nouvelle étape de décentralisation. Aucune vision ne semble exister du rôle de l'Etat dans la société de demain, ni de la nécessaire clarification des missions entre les niveaux locaux, centraux et européens. La réduction des dépenses publiques reste un tabou.
Plusieurs réformes indispensables sont pratiquement ignorées. C'est le cas de la réforme de l'assurance-maladie, dont le déficit fin 2002 risque pourtant d'atteindre des sommets. C'est aussi le cas de l'éducation, de la formation supérieure, malgré la baisse de qualité de l'enseignement français. C'est enfin le cas de la nécessaire amélioration du fonctionnement du marché du travail, que l'on croit une nouvelle fois régler en créant de nouveaux emplois subventionnés.
Les mesures en faveur de la revalorisation du travail restent insuffisantes. Les quelques propositions de réforme de la loi des 35 heures vont dans le bon sens et doivent être élargies. La liberté de travailler n'est jamais assez affirmée. La création d'un succédané du RMI-jeunes serait une grave erreur, qui, loin de régler les difficultés, découragerait la recherche d'emploi et handicaperait le développement de l'apprentissage ou de l'alternance. On n'a jamais réglé un problème de formation inadaptée ou de faible appétence pour l'emploi en versant une prime de non-travail.
D'autres réformes restent encore très brumeuses. Nous sommes satisfaits de voir la volonté affichée de réformer les retraites, mais quelle prudence dans les propositions concrètes ! Alors que la France vient de s'engager avec ses partenaires européens à relever de cinq ans l'âge de fin d'activité d'ici 2010, aucune mesure précise n'est avancée, et certains candidats continuent à s'engager sur des objectifs irréalistes, comme le maintien des taux de remplacement. Et certains n'hésitent pas à évoquer une nouvelle hausse de cotisation comme solution aux problèmes de retraite ! Satisfaction aussi pour l'attention accordée au dialogue social, mais alors pourquoi cette prudence s'agissant de la transposition de l'accord " voies et moyens " pourtant signé par sept des huit partenaires sociaux ? Quand on respecte le dialogue social, la première chose à faire est de mettre en uvre les accords déjà signés par les syndicats et les organisations d'employeurs.
Enfin, rien n'est véritablement dit sur les conditions de la croissance. On semble oublier que celle-ci passe par plus d'épargne, plus d'investissement, plus d'innovation, plus d'entrepreunariat, plus de confiance. Or le mot " entreprise " est à peine prononcé dans certains programmes, le mot " innovation " quasiment ignoré, et certains veulent même accroître la fiscalité de l'épargne, au risque d'affaiblir gravement la place financière de Paris et d'accentuer la délocalisation des capitaux. Personne ne parle ainsi du vrai sujet : comment permettre à la France de faire au moins 3% de croissance, afin de permettre à chaque Français qui le souhaite d'avoir un emploi ?
Au total, l'analyse des programmes donne le sentiment que l'on veut faire perdurer les règles du jeu existantes alors qu'un nombre croissant d'acteurs, dont le MEDEF, considèrent qu'elles doivent profondément évoluer. Grâce notamment à notre action, les problèmes sont aujourd'hui clairement identifiés, les politiques menées chez nos partenaires mieux connues, les solutions efficaces répertoriées.
Reste à aller plus loin, plus haut, plus fort. Messieurs les candidats, nous ne vous demandons qu'une seule chose pour mener les réformes indispensables : de l'audace !
(Source http://www.medef.fr, le 27 mars 2002)