Texte intégral
Q - De plus en plus, on entend de part et d'autre M. Arafat et M. Barak tenir des propos, d'un côté sur Jérusalem capitale éternelle et de l'autre côté M. Arafat répéter qu'il tient à son Etat, que l'Etat palestinien viendra peut-être, dit-il, même en septembre, alors comment resituer le débat si M. Arafat vient à Paris, vous l'avez vu ici, vous avez vu aussi tous les acteurs du débat au Proche-Orient ?
R - Ces déclarations de part et d'autre montrent que le temps de la vraie négociation approche et qu'ils se préparent les uns et les autres. Donc ils parlent à la fois pour leurs partenaires de négociations et ils parlent pour leurs propres opinions. Il y a quelque chose de très important qui a été relancé au Proche Orient, c'est l'engagement mutuel pour l'application des accords déjà conclus, ce qui était constamment bloqué par
M. Netanyahu. C'est le résultat de Charm El-Cheikh et, à mon avis, de l'adoption de ce mémorandum qui reprend tout ce qui avait été signé à Wye et avant. Et maintenant, à travers les déclarations auxquelles vous faites allusion, à l'occasion desquelles chacun rappelle ses grandes positions de principe sur les points clé, comme Jérusalem et d'autres, entre les Israéliens et les Palestiniens, se prépare la négociation sur le statut final.
Q - Alors vous dites "ne pas se laisser enfermer par le temps", mais il y a quand même des dates qui sont données, par exemple février pour l'accord cadre ?
R - Attendez, il faut distinguer. Il y des engagements pris concernant l'application des accords passés, et quand il y a des dates sur des retraits de l'armée israélienne de telle ou telle partie de la Cisjordanie, il est évident que ce sont des dates précises, que les Israéliens se sont engagés, et que justement, du point de vue des dirigeants arabes à commencer par les Palestiniens, c'est un élément majeur de la crédibilité de M. Barak que d'appliquer les engagements en respectant le calendrier, et les Palestiniens aussi se sont engagés à un certain nombre de choses. Ils doivent donc respecter les engagements qu'ils ont pris les uns par rapport aux autres, y compris dans les détails du calendrier.
En revanche, quand on parle de la négociation sur le statut final qui va s'engager, on voit s'exprimer des voeux, des souhaits disant qu'un certain nombre d'acteurs souhaitent que l'accord ait lieu dans l'année ou dans tel ou tel mois. Ce sont des objectifs, des déclarations d'intention qui sont positives, puisque les protagonistes principaux veulent aboutir, c'est très important, mais on ne peut pas être sûr que ce soit atteint dans les délais. Le plus tôt sera le mieux, mais l'accord sera fait quand les problèmes de fond auront été résolus. Quand de part et d'autre on aura trouvé des solutions et que les Israéliens, les Palestiniens, les Syriens, les Libanais se seront mis d'accord sur ce point. Donc il faut distinguer le respect des engagements pris et les espérances affichées pour la négociation à venir.
Q - Vous avez vu le ministre syrien des affaires étrangères. Est-ce que du côté du Golan il y a maintenant espoir d'une négociation renouée rapidement ?
R - Il faut distinguer : les Israéliens et les Palestiniens ont renoué. Les Israéliens et les Syriens sont encore à la recherche des modalités pour renouer. Mon pronostic avis est qu'ils parviendront à discuter à nouveau. Après, il faudra qu'ils traitent le problème de fond de l'avenir du Golan. Ce sera l'objet de la négociation.
Q - La France a toujours affirmé qu'elle était prête à aider à la relance du processus de paix. Après vos entretiens avec plusieurs ministres arabes, les entretiens de M. Barak à Paris, et en vue également de vos déplacements dans la région, quelle sera sa contribution durant cette période ?
R - Il est vrai que d'une façon générale, la France n'a pas d'autre but que d'être utile au Proche Orient. Tous nos partenaires, tous nos amis du Proche Orient, et nous n'y avons que des amis, le savent. Mais nous n'avons plus besoin à ce stade de proposer notre aide pour relancer le processus parce qu'il est relancé aujourd'hui.
Il est relancé par l'élection de M. Barak, qui remplace un Premier ministre qui, lui, avait comme axe de sa politique d'arrêter ce processus de paix. Aujourd'hui la relance est accomplie en ce qui concerne la relation israélo-palestinienne, s'agissant de l'application des accords passés. Ils se préparent les uns et les autres à la grande négociation sur le statut final.
En revanche la relance n'est pas faite encore entre les Israéliens et les Syriens, ils y parviendront certainement, mais la difficulté viendra de la question de l'avenir du Golan.
A chaque étape ultérieure de la négociation, de la conclusion, de la mise en oeuvre des engagements pris, de leur garantie, je peux redire ce que disent régulièrement le Président Chirac et le Premier ministre à tous nos interlocuteurs : "Nous sommes disponibles, nous sommes là, nous sommes vos amis". La France a été je crois plus passionnée que n'importe quel autre pays occidental dans la recherche de la paix au Proche-Orient. C'est quelque chose qui a une extrême importance pour les Français pour toutes sortes de raisons. Voir et connaître un Proche Orient en paix, imaginer une France ayant des relations fortes et confiantes avec tous les protagonistes en train de dépasser les fatalités de l'histoire et de créer entre eux régionalement un Proche Orient tout à fait différent, je ne crois pas qu'il y ait de plus grand et de plus haut objectif dans la politique étrangère française.
Voilà l'état d'esprit qui nous inspire à chaque étape, ils le savent. Ils le savent et je crois qu'ils sauront nous demander, le moment venu, ce qui sera vraiment utile pour eux.
Q - En ce qui concerne le volet syro-libanais, avez-vous transmis des messages précis de la part de M. Barak aux Syriens et des Syriens aux Israéliens. ?
R - Non, il n'y a pas de transmission de message avec une sorte de connotation un peu secrète comme si les uns et les autres avaient besoin de quelqu'un d'extérieur pour passer des lettres. Ils se parlent, par toutes sortes de canaux, et heureusement nous sommes sortis de l'époque au Proche Orient où ils n'avaient même pas de moyens de se parler. Ni directs, ni indirects.
Nous entrons dans une réflexion en commun sur ce que pourrait être le contenu de l'accord à atteindre, mais cette responsabilité est d'abord la leur. C'est celle des Israéliens et des Syriens, des Israéliens et des Libanais, pour l'avenir. Et ils savent que nous sommes là, que nous sommes à leur côté, et encore une fois, excusez-moi de me répéter, mais c'est la vérité, nous sommes prêts à être là, à accompagner, à être là pour consolider. Dans cette phase il y a le travail entre les protagonistes et cette présence amicale des pays qui ont un grand intérêt dans la recherche de la paix, dont la France au premier chef.
Q - Qu'est-ce que vous retiendrez de l'Assemblée générale cette année ?
R - Deux choses différentes : en ce qui concerne l'Assemblée générale en tant que telle, elle a été marquée par le discours du Secrétaire général, M. Kofi Annan, le premier jour, qui a posé dans des termes synthétiques, stimulants et intéressants la question de la combinaison entre la souveraineté des Etats et la nécessité de l'ingérence dans certains cas.
Evidemment la Charte prévoit déjà une forme d'ingérence, l'ingérence n'a pas été inventée récemment, c'est déjà inscrit dans la Charte des Nations unies, en 1945, et c'est le sens même du chapitre sept. On voit bien que ça ne suffit plus et qu'il y a un certain nombre de cas dans lesquels ce que l'on appelle "la communauté internationale" voudrait pouvoir faire plus face à des situations d'extrême détresse.
Ce débat est lancé, on a vu au cours de la semaine certains pays s'exprimer très favorablement, avec des réserves de contre, résolument contre cette idée, ce débat va se développer. Il concerne tous les pays membres de l'ONU et pas simplement le Conseil de sécurité et au bout d'un certain temps que je ne peux pas enfermer dans des dates précises, je crois que nous arriverons à redéfinir justement cette combinaison entre la souveraineté qui doit être préservée et les limites au-delà desquelles se déclenche une action internationale. Nous aurons à répondre dans ce débat aux questions suivantes : qui s'ingère ? Dans quelles conditions ? Dans quel pays ? Pour faire quoi ?
Q - Quand le Président Bouteflika dit " la souveraineté finalement c'est notre dernier rempart ", que répondez-vous?
R - Le débat est fait pour intégrer tous les éléments, y compris la position de ceux qui considèrent que "la souveraineté est le dernier rempart des pays faibles", c'est lui qui a employé cette expression, et qu'ils n'ont pas d'autre protection. Il faut discuter. Je crois qu'il n'a pas dit que le but de la souveraineté était de permettre à des gouvernements de maltraiter telle ou telle partie de leur population, donc je crois que même les pays les plus intransigeants en ce qui concerne la préservation de la souveraineté acceptent cette discussion.
Ce sont les modalités d'intervention qui sont importantes. Et même les défenseurs les plus convaincus de ce que l'on appelle "le droit d'ingérence" ne peuvent pas passer par pertes et profits la souveraineté des Etats qui est un élément fondamental pour garantir le droit, l'ordre et la sécurité, la protection des citoyens. Ce sont donc des principes que nous ne devons pas opposer mais que nous devons combiner. La combinaison trouvée jusqu'ici n'est plus tout à fait satisfaisante. Nous sommes à la recherche d'une nouvelle combinaison. Mais on ne va pas le faire en deux jours.
C'est un vrai débat, c'est un débat international qui devra se développer au cours des mois qui viennent et sur lequel certainement la France aura des choses fortes à dire.
Q - Et si on renverse l'argument en disant pourquoi intervenir là et pas ailleurs ?
R - Ne me faites pas conclure le débat avant qu'il ait eu lieu. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans cette réflexion. Cela nous ramène aux questions que je posais il y a un instant : qui s'ingère ? qui décide ? à quel endroit ? pour faire quoi ? Nous allons traiter toutes ces questions. Nous avons examiné cours de cette semaine l'éventail des positions représentées par les 188 pays membres, et il faut maintenant travailler.
Q - Au Timor oriental, la France est présente. Cette nuit des soldats français mettent le pied au Timor. Vous avez insisté auprès du ministre indonésien des affaires étrangères ? La France souhaite-t-elle qu'il y ait une enquête sur ce qui s'est passé au Timor ?
R - J'ai rencontré M. Alatas qui est le ministre indonésien des Affaires étrangères, et j'ai insisté sur la nécessaire coopération de l'Indonésie à la mise en oeuvre du processus qui doit conduire à la concrétisation de l'indépendance de Timor oriental tel que les électeurs ont décidé dans le référendum.
M. Alatas m'a dit : "C'est l'Indonésie qui a accepté le référendum, c'est l'Indonésie qui a contribué à son organisation, c'est l'Indonésie qui avait passé un accord sous l'égide de l'ONU pour qu'il ait lieu, et l'Indonésie a accepté le principe de la venue de la force multinationale", force qui est appelée, dans une phase ultérieure, à se transformer en une force de maintien de la paix. L'Indonésie répond : "Nous coopérons". Je lui ai dit que la coopération doit aller jusqu'à une coopération avec une commission d'enquête internationale qui n'existe pas encore mais qui très certainement verra le jour d'une façon ou d'une autre. Il nous dit: "nous allons avoir une commission d'enquête nationale, indépendante, et d'ailleurs Mme Robinson nous l'a demandé". Il y aura les deux. Il faudra examiner les conséquences tirer de ce qui sera établi de cette façon.
Dans l'immédiat, ce qui est le plus important c'est que la force qui est maintenant en train de s'installer à Timor oriental puisse rétablir d'urgence la sécurité et l'ordre, ce qui veut dire reprendre le contrôle des milices et à cet égard, il est clair que l'Indonésie a une responsabilité, un rôle à jouer, et certainement des moyens.
Q - En ce qui concerne le dialogue entre Alger et Paris, après les entretiens de
M. Jospin avec le Président Bouteflika, est-ce que le dialogue avec Alger est vraiment renoué et quand peut-on espérer avoir des relations normales entre Paris et Alger ?
R - D'abord le dialogue entre Paris et Alger n'a jamais complètement cessé. On ne peut pas en parler comme s'il n'y avait pas de dialogue du tout.
Deuxièmement il a été renoué dès l'élection du Président Bouteflika, puisque très peu de temps après, M. Chevènement avait eu l'occasion de participer à Alger à une réunion des ministres de l'Intérieur de la Méditerranée. Je m'y suis rendu ensuite fin juillet. Le Président Bouteflika m'a reçu longuement. On a passé en revue absolument tous les aspects de la relation franco-algérienne.
Nous avons pris les décisions qu'il fallait pour régler, surmonter les contentieux issus du passé. Quand je dis prendre des décisions, cela ne veut pas dire tout régler d'un coup de baguette magique, parce que ce sont des questions techniquement compliquées, mais nous sommes en train de les résoudre et nous allons avancer, et cela se verra très vite. Et le développement normal de ce dialogue - je ne dis pas relance, je ne dis pas redémarrage, je dis développement puisqu'il a déjà redémarré - le développement normal de ce dialogue, c'était cette rencontre entre le Président Bouteflika et le Premier ministre, M. Lionel Jospin, à New York, où ils ont parlé des perspectives des relations franco-algériennes sur tous les plans. Le développement normal, ce sera la rencontre entre le Président Bouteflika et le Président Chirac.
Ce dialogue existe donc à nouveau. Il se développe. C'est très important pour nous puisque nous avons par ailleurs des relations excellentes avec le Maroc, très bonnes avec la Tunisie, et que pour notre relation avec le Maghreb dans son ensemble, pour la dimension hors-Maghreb, Europe-Méditerranée, cette situation un peu difficile auparavant avec l'Algérie était une sorte de handicap par rapport à cette grande politique. Cette situation nouvelle est donc extrêmement prometteuse.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 1999)
R - Ces déclarations de part et d'autre montrent que le temps de la vraie négociation approche et qu'ils se préparent les uns et les autres. Donc ils parlent à la fois pour leurs partenaires de négociations et ils parlent pour leurs propres opinions. Il y a quelque chose de très important qui a été relancé au Proche Orient, c'est l'engagement mutuel pour l'application des accords déjà conclus, ce qui était constamment bloqué par
M. Netanyahu. C'est le résultat de Charm El-Cheikh et, à mon avis, de l'adoption de ce mémorandum qui reprend tout ce qui avait été signé à Wye et avant. Et maintenant, à travers les déclarations auxquelles vous faites allusion, à l'occasion desquelles chacun rappelle ses grandes positions de principe sur les points clé, comme Jérusalem et d'autres, entre les Israéliens et les Palestiniens, se prépare la négociation sur le statut final.
Q - Alors vous dites "ne pas se laisser enfermer par le temps", mais il y a quand même des dates qui sont données, par exemple février pour l'accord cadre ?
R - Attendez, il faut distinguer. Il y des engagements pris concernant l'application des accords passés, et quand il y a des dates sur des retraits de l'armée israélienne de telle ou telle partie de la Cisjordanie, il est évident que ce sont des dates précises, que les Israéliens se sont engagés, et que justement, du point de vue des dirigeants arabes à commencer par les Palestiniens, c'est un élément majeur de la crédibilité de M. Barak que d'appliquer les engagements en respectant le calendrier, et les Palestiniens aussi se sont engagés à un certain nombre de choses. Ils doivent donc respecter les engagements qu'ils ont pris les uns par rapport aux autres, y compris dans les détails du calendrier.
En revanche, quand on parle de la négociation sur le statut final qui va s'engager, on voit s'exprimer des voeux, des souhaits disant qu'un certain nombre d'acteurs souhaitent que l'accord ait lieu dans l'année ou dans tel ou tel mois. Ce sont des objectifs, des déclarations d'intention qui sont positives, puisque les protagonistes principaux veulent aboutir, c'est très important, mais on ne peut pas être sûr que ce soit atteint dans les délais. Le plus tôt sera le mieux, mais l'accord sera fait quand les problèmes de fond auront été résolus. Quand de part et d'autre on aura trouvé des solutions et que les Israéliens, les Palestiniens, les Syriens, les Libanais se seront mis d'accord sur ce point. Donc il faut distinguer le respect des engagements pris et les espérances affichées pour la négociation à venir.
Q - Vous avez vu le ministre syrien des affaires étrangères. Est-ce que du côté du Golan il y a maintenant espoir d'une négociation renouée rapidement ?
R - Il faut distinguer : les Israéliens et les Palestiniens ont renoué. Les Israéliens et les Syriens sont encore à la recherche des modalités pour renouer. Mon pronostic avis est qu'ils parviendront à discuter à nouveau. Après, il faudra qu'ils traitent le problème de fond de l'avenir du Golan. Ce sera l'objet de la négociation.
Q - La France a toujours affirmé qu'elle était prête à aider à la relance du processus de paix. Après vos entretiens avec plusieurs ministres arabes, les entretiens de M. Barak à Paris, et en vue également de vos déplacements dans la région, quelle sera sa contribution durant cette période ?
R - Il est vrai que d'une façon générale, la France n'a pas d'autre but que d'être utile au Proche Orient. Tous nos partenaires, tous nos amis du Proche Orient, et nous n'y avons que des amis, le savent. Mais nous n'avons plus besoin à ce stade de proposer notre aide pour relancer le processus parce qu'il est relancé aujourd'hui.
Il est relancé par l'élection de M. Barak, qui remplace un Premier ministre qui, lui, avait comme axe de sa politique d'arrêter ce processus de paix. Aujourd'hui la relance est accomplie en ce qui concerne la relation israélo-palestinienne, s'agissant de l'application des accords passés. Ils se préparent les uns et les autres à la grande négociation sur le statut final.
En revanche la relance n'est pas faite encore entre les Israéliens et les Syriens, ils y parviendront certainement, mais la difficulté viendra de la question de l'avenir du Golan.
A chaque étape ultérieure de la négociation, de la conclusion, de la mise en oeuvre des engagements pris, de leur garantie, je peux redire ce que disent régulièrement le Président Chirac et le Premier ministre à tous nos interlocuteurs : "Nous sommes disponibles, nous sommes là, nous sommes vos amis". La France a été je crois plus passionnée que n'importe quel autre pays occidental dans la recherche de la paix au Proche-Orient. C'est quelque chose qui a une extrême importance pour les Français pour toutes sortes de raisons. Voir et connaître un Proche Orient en paix, imaginer une France ayant des relations fortes et confiantes avec tous les protagonistes en train de dépasser les fatalités de l'histoire et de créer entre eux régionalement un Proche Orient tout à fait différent, je ne crois pas qu'il y ait de plus grand et de plus haut objectif dans la politique étrangère française.
Voilà l'état d'esprit qui nous inspire à chaque étape, ils le savent. Ils le savent et je crois qu'ils sauront nous demander, le moment venu, ce qui sera vraiment utile pour eux.
Q - En ce qui concerne le volet syro-libanais, avez-vous transmis des messages précis de la part de M. Barak aux Syriens et des Syriens aux Israéliens. ?
R - Non, il n'y a pas de transmission de message avec une sorte de connotation un peu secrète comme si les uns et les autres avaient besoin de quelqu'un d'extérieur pour passer des lettres. Ils se parlent, par toutes sortes de canaux, et heureusement nous sommes sortis de l'époque au Proche Orient où ils n'avaient même pas de moyens de se parler. Ni directs, ni indirects.
Nous entrons dans une réflexion en commun sur ce que pourrait être le contenu de l'accord à atteindre, mais cette responsabilité est d'abord la leur. C'est celle des Israéliens et des Syriens, des Israéliens et des Libanais, pour l'avenir. Et ils savent que nous sommes là, que nous sommes à leur côté, et encore une fois, excusez-moi de me répéter, mais c'est la vérité, nous sommes prêts à être là, à accompagner, à être là pour consolider. Dans cette phase il y a le travail entre les protagonistes et cette présence amicale des pays qui ont un grand intérêt dans la recherche de la paix, dont la France au premier chef.
Q - Qu'est-ce que vous retiendrez de l'Assemblée générale cette année ?
R - Deux choses différentes : en ce qui concerne l'Assemblée générale en tant que telle, elle a été marquée par le discours du Secrétaire général, M. Kofi Annan, le premier jour, qui a posé dans des termes synthétiques, stimulants et intéressants la question de la combinaison entre la souveraineté des Etats et la nécessité de l'ingérence dans certains cas.
Evidemment la Charte prévoit déjà une forme d'ingérence, l'ingérence n'a pas été inventée récemment, c'est déjà inscrit dans la Charte des Nations unies, en 1945, et c'est le sens même du chapitre sept. On voit bien que ça ne suffit plus et qu'il y a un certain nombre de cas dans lesquels ce que l'on appelle "la communauté internationale" voudrait pouvoir faire plus face à des situations d'extrême détresse.
Ce débat est lancé, on a vu au cours de la semaine certains pays s'exprimer très favorablement, avec des réserves de contre, résolument contre cette idée, ce débat va se développer. Il concerne tous les pays membres de l'ONU et pas simplement le Conseil de sécurité et au bout d'un certain temps que je ne peux pas enfermer dans des dates précises, je crois que nous arriverons à redéfinir justement cette combinaison entre la souveraineté qui doit être préservée et les limites au-delà desquelles se déclenche une action internationale. Nous aurons à répondre dans ce débat aux questions suivantes : qui s'ingère ? Dans quelles conditions ? Dans quel pays ? Pour faire quoi ?
Q - Quand le Président Bouteflika dit " la souveraineté finalement c'est notre dernier rempart ", que répondez-vous?
R - Le débat est fait pour intégrer tous les éléments, y compris la position de ceux qui considèrent que "la souveraineté est le dernier rempart des pays faibles", c'est lui qui a employé cette expression, et qu'ils n'ont pas d'autre protection. Il faut discuter. Je crois qu'il n'a pas dit que le but de la souveraineté était de permettre à des gouvernements de maltraiter telle ou telle partie de leur population, donc je crois que même les pays les plus intransigeants en ce qui concerne la préservation de la souveraineté acceptent cette discussion.
Ce sont les modalités d'intervention qui sont importantes. Et même les défenseurs les plus convaincus de ce que l'on appelle "le droit d'ingérence" ne peuvent pas passer par pertes et profits la souveraineté des Etats qui est un élément fondamental pour garantir le droit, l'ordre et la sécurité, la protection des citoyens. Ce sont donc des principes que nous ne devons pas opposer mais que nous devons combiner. La combinaison trouvée jusqu'ici n'est plus tout à fait satisfaisante. Nous sommes à la recherche d'une nouvelle combinaison. Mais on ne va pas le faire en deux jours.
C'est un vrai débat, c'est un débat international qui devra se développer au cours des mois qui viennent et sur lequel certainement la France aura des choses fortes à dire.
Q - Et si on renverse l'argument en disant pourquoi intervenir là et pas ailleurs ?
R - Ne me faites pas conclure le débat avant qu'il ait eu lieu. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans cette réflexion. Cela nous ramène aux questions que je posais il y a un instant : qui s'ingère ? qui décide ? à quel endroit ? pour faire quoi ? Nous allons traiter toutes ces questions. Nous avons examiné cours de cette semaine l'éventail des positions représentées par les 188 pays membres, et il faut maintenant travailler.
Q - Au Timor oriental, la France est présente. Cette nuit des soldats français mettent le pied au Timor. Vous avez insisté auprès du ministre indonésien des affaires étrangères ? La France souhaite-t-elle qu'il y ait une enquête sur ce qui s'est passé au Timor ?
R - J'ai rencontré M. Alatas qui est le ministre indonésien des Affaires étrangères, et j'ai insisté sur la nécessaire coopération de l'Indonésie à la mise en oeuvre du processus qui doit conduire à la concrétisation de l'indépendance de Timor oriental tel que les électeurs ont décidé dans le référendum.
M. Alatas m'a dit : "C'est l'Indonésie qui a accepté le référendum, c'est l'Indonésie qui a contribué à son organisation, c'est l'Indonésie qui avait passé un accord sous l'égide de l'ONU pour qu'il ait lieu, et l'Indonésie a accepté le principe de la venue de la force multinationale", force qui est appelée, dans une phase ultérieure, à se transformer en une force de maintien de la paix. L'Indonésie répond : "Nous coopérons". Je lui ai dit que la coopération doit aller jusqu'à une coopération avec une commission d'enquête internationale qui n'existe pas encore mais qui très certainement verra le jour d'une façon ou d'une autre. Il nous dit: "nous allons avoir une commission d'enquête nationale, indépendante, et d'ailleurs Mme Robinson nous l'a demandé". Il y aura les deux. Il faudra examiner les conséquences tirer de ce qui sera établi de cette façon.
Dans l'immédiat, ce qui est le plus important c'est que la force qui est maintenant en train de s'installer à Timor oriental puisse rétablir d'urgence la sécurité et l'ordre, ce qui veut dire reprendre le contrôle des milices et à cet égard, il est clair que l'Indonésie a une responsabilité, un rôle à jouer, et certainement des moyens.
Q - En ce qui concerne le dialogue entre Alger et Paris, après les entretiens de
M. Jospin avec le Président Bouteflika, est-ce que le dialogue avec Alger est vraiment renoué et quand peut-on espérer avoir des relations normales entre Paris et Alger ?
R - D'abord le dialogue entre Paris et Alger n'a jamais complètement cessé. On ne peut pas en parler comme s'il n'y avait pas de dialogue du tout.
Deuxièmement il a été renoué dès l'élection du Président Bouteflika, puisque très peu de temps après, M. Chevènement avait eu l'occasion de participer à Alger à une réunion des ministres de l'Intérieur de la Méditerranée. Je m'y suis rendu ensuite fin juillet. Le Président Bouteflika m'a reçu longuement. On a passé en revue absolument tous les aspects de la relation franco-algérienne.
Nous avons pris les décisions qu'il fallait pour régler, surmonter les contentieux issus du passé. Quand je dis prendre des décisions, cela ne veut pas dire tout régler d'un coup de baguette magique, parce que ce sont des questions techniquement compliquées, mais nous sommes en train de les résoudre et nous allons avancer, et cela se verra très vite. Et le développement normal de ce dialogue - je ne dis pas relance, je ne dis pas redémarrage, je dis développement puisqu'il a déjà redémarré - le développement normal de ce dialogue, c'était cette rencontre entre le Président Bouteflika et le Premier ministre, M. Lionel Jospin, à New York, où ils ont parlé des perspectives des relations franco-algériennes sur tous les plans. Le développement normal, ce sera la rencontre entre le Président Bouteflika et le Président Chirac.
Ce dialogue existe donc à nouveau. Il se développe. C'est très important pour nous puisque nous avons par ailleurs des relations excellentes avec le Maroc, très bonnes avec la Tunisie, et que pour notre relation avec le Maghreb dans son ensemble, pour la dimension hors-Maghreb, Europe-Méditerranée, cette situation un peu difficile auparavant avec l'Algérie était une sorte de handicap par rapport à cette grande politique. Cette situation nouvelle est donc extrêmement prometteuse.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 1999)