Déclaration de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, sur le bilan et les orientations de la CFDT depuis le congrès de Lille, notamment les impacts de la mondialisation, la politique sociale et l'ARTT, Nantes le 27 mai 2002.

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Circonstance : 45ème congrès de la CFDT à Nantes les 27 au 29 mai 2002

Texte intégral

Il me plaît de vous sentir en forme.
Bienvenue à vous les délégués CFDT représentant nos 865 528 adhérents.
Bienvenue à vous nos invités représentant les organisations syndicales étrangères, les organisations syndicales françaises. Bienvenue aussi à vous, journalistes, observateurs.
A vous, amis fidèles.
Bienvenue à tous pour ce premier congrès CFDT du XXIème siècle.
Nous allons, c'est le rôle d'un congrès, regarder, évaluer le chemin parcouru de Lille à Nantes. C'est l'objet principal de nos débats.
Mais d'abord, la situation politique inédite que nous avons vécue, son poids sur le contexte politique aujourd'hui, nous invitent à y revenir.
Au soir du 21 avril, le choc a été, pour tous les démocrates, d'une violence inouïe, et la qualification de Le Pen pour le deuxième tour ressentie comme un véritable affront, une menace pour la démocratie et la vie politique française.
Il fallait, alors, aller à l'essentiel. L'essentiel, c'était de contenir le score de Jean-Marie Le Pen et de l'extrême droite à son plus bas niveau possible, c'était d'ouvrir les yeux du maximum de monde sur ce qui était en jeu, c'était de faire connaître le programme réel de ce parti politique.
Dès le 22 avril, la Commission exécutive a appelé ses adhérents et ses sympathisants à voter massivement, et à voter pour le seul candidat du camp démocrate encore en lice, Jacques Chirac.
Nous avons, avec la CGT, avec l'Unsa et la FSU, fait du 1er mai une journée de manifestation à cet effet.
Nous l'avons fait, parce qu'il n'y avait pas d'autre choix possible.
Nous l'avons fait sans que cela évidemment ait pu être interprété comme un vote partisan ou une remise en cause de notre indépendance.
Le premier résultat, c'est la formidable mobilisation du 1er mai. Et bravo à toute la CFDT d'y avoir participé.
Le deuxième, c'est le score du 5 mai. Un score qui nous a soulagés, plus qu'il ne nous a réjouis.
Le danger immédiat a été écarté, mais à l'évidence l'enracinement du Front national est une réalité de la vie politique française. Avec lui, ce sont cinq millions d'électeurs qui expriment une défiance systématique, affirmée à l'égard de l'offre politique traditionnelle.
Alors, un mois après, le temps est venu de tirer quelques enseignements pour éclairer le paysage et accompagner l'action.
Les commentateurs ont évoqué, à juste titre, toute une série de causes à cet événement inédit : l'émiettement de l'offre politique, le taux d'abstention, la cohabitation, l'exploitation sur l'insécurité ou encore le vieillissement du corps électoral, les sondages et le rôle des médias, l'usure des institutions de la Vème République.
Il y a, dans chacun de ces éléments, une part de vérité, une part d'éclairage sur une réalité pour le moins complexe. Une complexité qui doit pourtant nous amener à repousser les explications trop mécaniques ou trop rassurantes.
Et je voudrais ici m'arrêter sur l'instantané, la photographie crue et cruelle, grandeur réelle, que nous renvoie ce scrutin : c'est celle d'une société atomisée à une offre politique elle-même atomisée, décalée, sans qu'il soit toujours possible de dire où est la cause, où est la conséquence.
Celle d'une société qui souffre de la rareté de lieux de synthèse, de lieux où on se forge une opinion structurée, d'une société où beaucoup, ayant perdu tout sentiment d'appartenance, réagissent en exprimant leurs coups de colère, de cur, effaçant ainsi l'enjeu réel d'une élection dès lors vidée de son objet.
Celle d'une société, aux attentes certes confuses, mais qui ne trouve pas dans l'offre politique les éclairages et les réponses qu'elle attend. Une offre politique qui ne fédère plus de groupes d'adhésions larges et cohérents.
Les forces politiques ne sont plus des capteurs des réalités sociales, mais trop souvent de simples promoteurs de la candidature de leur leader.
Un sursaut politique est nécessaire, qui doit inventer de nouvelles perspectives politiques et de nouvelles pratiques pour les incarner. Et il y a urgence.
Ce sursaut, personne n'en fera l'économie. Et si la CFDT a pris la mesure de l'obligation de renforcer sa représentativité, force est de constater que, dans l'espace de la société civile, cette préoccupation n'a pas encore surgi avec force, et quand tout état de cause, il y a encore beaucoup à faire.
Ce que cette élection révèle, c'est que la société française n'a jamais eu autant besoin de corps intermédiaires forts, capables d'exprimer des intérêts concurrents, d'organiser une parole et une confrontation collectives, d'être les acteurs de la fusion, de la conciliation d'intérêts particuliers en intérêts collectifs.
Dans ce combat, la responsabilité des forces syndicales est engagée. La responsabilité de la CFDT est engagée. A cet égard, le bilan de notre activité, les résolutions proposées à ce congrès, les thèmes mis en débat et les enjeux qui les sous-tendent, trouvent une activité tout à fait nouvelle.
A Lille, j'introduisais le rapport d'activité, en qualifiant les années 95/98 de peu banales pour la CFDT. J'ai le sentiment que celles que nous avons vécues de 1998 à 2002, ne l'ont pas été davantage.
Nous avons en effet connu peu de répit. Les faits, les événements nous ont même poussés à forcer l'allure, à exprimer les positions découlant des ambitions et des orientations de Lille, à passer aux travaux pratiques tout azimut. Nous avons eu, au total, peu le temps de souffler.
Le contexte mondial, mais le contexte européen aussi, et bien sûr le contexte national, ont largement structuré et influencé notre action, comme ils ont eu des incidences sur le quotidien des citoyens et des salariés.
Les impacts de la mondialisation, c'est à l'évidence sur le terrain de la concurrence des activités et des emplois que les impacts de la mondialisation sont les plus perceptibles pour les salariés, avec leur lot de restructurations souvent douloureuses. Elles ont rythmé l'action de plusieurs fédérations, mais aussi de plusieurs régions quand elles étaient particulièrement touchées.
L'ouverture des marchés, la libéralisation des échanges ont incontestablement eu des conséquences sur la localisation de ces activités et des emplois. Nous avons refusé les lectures trop simplistes, les positions faussement confortables désignant " La Mondialisation ", avec un grand M, comme responsable de tous les drames. Qui peut en effet nier qu'à Moulinex le manque de dynamisme dans l'investissement, les erreurs commises en matière de stratégie industrielle et d'adossement capitalistique, d'ailleurs dénoncées en leur temps par la CFDT, n'ont pas pesé lourdement dans l'histoire de cette entreprise ? Qui ne voit que les choix de Marks et Spencers de réduire ses gammes ont découragé bien des clients ? Et comment ne pas voir AOM coulée aussi sûrement par la stratégie de Swissair que par la concurrence dans le transport aérien ? Et au rayon des erreurs de gestion, Bata n'est pas en reste.
Alors oui, ces erreurs, il faut les mettre en évidence, les dénoncer dans le souci d'en établir, rigoureusement, les causes et les responsabilités. Et elles ne sauraient exonérer les dirigeants et les actionnaires de leurs responsabilités, pudiquement cachées derrière le masque de l'inexorable concurrence.
Tous les syndicalistes avertis savent que, lorsque les dirigeants sont pris en défaut d'anticipation stratégique, alors ce sont les salariés et l'emploi qui trinquent. C'est la raison pour laquelle le Bureau national a décidé de réaffirmer sa stratégie syndicale face aux restructurations. Tel a été le sens du rassemblement des délégués syndicaux centraux organisé le 19 octobre 2001, et réaffirmant la nécessité de peser sur les choix stratégiques des entreprises.
Tel a été le sens de la campagne " Zéro chômeur " initiée chez Danone, marquant les responsabilités des entreprises à l'égard des territoires et des salariés, quand ces derniers étaient contraints de quitter leur emploi. Tel a été aussi le sens de notre positionnement sur la loi de modernisation sociale.
L'impact de la mondialisation, ce sont aussi les débats, les polémiques, les actions qui l'accompagnent. Débat sur le sens du développement économique et la responsabilité des entreprises au niveau mondial. Nous y avons pris incontestablement notre part.
Nous y avons pris notre part dans les multinationales. L'action ne s'y limite pas aux situations de crise. Nous avons commencé à faire avancer l'idée de leur responsabilité mondiale, sociale et environnementale. En négociant des accords-cadres, des codes de bonne conduite, des chartes éthiques, en participant surtout à la campagne "Ethique sur l'étiquette " ou "Exploiter n'est pas jouer " visant l'application des droits sociaux fondamentaux.
Nous y prenons encore notre part quand nous approfondissons nos réflexions sur le développement durable en signant le manifeste du même nom , coordonné par le club Convictions, ou encore, quand nous participons à l'action pour l'annulation de la dette pour les pays pauvres.
Mais, face aux impacts de la mondialisation, nous sommes allés au-delà dans la conquête de nouveaux espaces et de nouveaux leviers d'action.
Dans le prolongement du colloque de réflexion "Les transformations du capitalisme et les leviers de l'action syndicale", nous avons choisi de franchir la frontière qui séparait les domaines du travail et ceux du capital. Nous l'avons fait en entrant de plain-pied dans les négociations sur l'épargne salariale, impulsées par la loi Fabius. Nous l'avons fait en instituant, avec la CGT, avec la CFTC et la CGC, un comité intersyndical pour l'épargne salariale. Ce choix marque un tournant décisif de la conquête de nouveaux moyens de pression, d'action sur les choix des investisseurs et les pratiques sociales des entreprises. Et opérer ce tournant dans une démarche unitaire, c'est un sacré ballon d'oxygène, un gage supplémentaire de réussite dans ce domaine.
inter à venir
Mais, mon propos serait incomplet si, parlant des bouleversements du monde, je n'évoquais pas devant vous l'incroyable tragédie du 11 septembre dernier.
Le 11 septembre, nous l'avons vécu dans l'horreur d'un acte terroriste que rien ne peut justifier. Nous l'avons vécu bien sûr dans l'expression de notre solidarité. Nous l'avons vécu aussi dans l'affirmation du refus de l'amalgame et des explications réductrices.
Refus d'assimiler l'Islam et le monde arabe aux terroristes islamistes.
Refus de lire cet événement comme le reflet d'un choc de culture ou de civilisation, d'un affrontement entre l'Orient et l'Occident.
Refus enfin de voir dans cet événement une nouvelle forme d'expression radicale des pauvres contre les riches, des dominés contre les dominants.
Nous ferions évidemment une grave erreur en refusant de voir qu'une libéralisation des échanges, trop rapide, creusant les écarts de développement, est dévastatrice pour les peuples cherchant en vain les bénéfices de la mondialisation.
Ce terreau, on le sait, est exploitable par les faux héros des temps modernes qui galvanisent et instrumentalisent les populations.
Oui, l'électrochoc du 11 septembre invite de façon pressante, au-delà de l'action contre le terrorisme, à accentuer l'action en faveur d'un développement plus équilibré de la planète, d'une mondialisation profitable à tous.
Il est urgent, et les Etats-Unis doivent le savoir, d'abandonner la chimère du culte du marché et de l'Etat faible qui garantirait la prospérité de tous. Il est nécessaire que se forge et se développe une conscience universelle autour d'aspirations et de biens communs à tous les peuples de la planète.
Il est temps que l'avenir du monde relève de choix et de décisions politiques concertés, bref que le monde soit gouverné non pas en vertu des intérêts de quelques-uns, mais dans un sens qui en assure un bénéfice pour tous.
En organisant, pendant ce congrès, une séquence sur "Le monde que nous voulons ", nous exprimons ces volontés, nous apportons notre pierre à cette belle aventure.
Comment ne pas évoquer ici la question cruciale et douloureuse de la paix dans le monde, et en particulier au Moyen-Orient. Le cycle infernal de la violence, militaire ou terroriste, les impasses où elle conduit, les victimes qu'elle multiplie, éloignent des solutions équilibrées qui sont, pourtant, à portée de négociation.
Nous ne le répèterons jamais assez : la solution est sur le terrain politique, elle n'est pas dans la multiplication des champs de bataille et des logiques de guerre.
La reconnaissance du droit à la sécurité des uns, à la création d'un Etat souverain pour les autres, est la seule voie de passage pour un compromis équilibré et durablement garanti.
Au-delà de cette prise de position, notre contribution à cette démarche passe par le renforcement de nos liens et l'expression concrète de notre solidarité avec la Histadrut israélienne et la PGFTU palestinienne.
Cette solidarité se manifestera à l'occasion de ce congrès, puisque nous accueillerons ici le secrétaire général de l'organisation palestinienne. Il nous fera le plaisir, il nous fera l'honneur d'être parmi nous. Nous saurons lui manifester soutien et encouragement dans ses efforts de paix.
Ce contexte mondial renforce aussi notre option européenne, car l'Europe peut être, car l'Europe doit être - c'est en tout cas notre conviction profonde - l'aiguillon d'une mondialisation maîtrisée et solidaire.
Ces trois années ont été pour l'Europe celles de nouveaux rendez-vous, et pour le syndicalisme européen de nouvelles occasions d'affirmer sa force et de jouer son rôle.
Nouveau rendez-vous : celui de l'euro, chaleureusement accueilli et désormais adopté.
Rendez-vous encore, ces sommets des chefs d'Etat rythmés par des manifestations de plus en plus importantes, de Porto à Barcelone, en passant par Bruxelles et Nice. Manifestations qui ont donné de la force et de la visibilité à l'Europe syndicale et dans lesquelles la CFDT a pris sa part. Une présence nombreuse et dynamique. Et si Nice a laissé quelques souvenirs mouillés et mitigés, Bruxelles étincelante de soleil les a dissipés et gardé intacte grâce à une capacité de mobilisation demeurée intacte. Soyez-en fiers !
Un syndicalisme européen visible qui a aussi engrangé des résultats partiels, mais réels avec la Charte des droits fondamentaux proclamée à Nice, et la directive sur l'information et la consultation des travailleurs enfin adoptée.
Rendez-vous réussis enfin dans le domaine des relations intersyndicales, ce n'est pas le moindre des résultats. Ce sont les déclarations communes avec la CGT, la CFTC, la CGC et l'Unsa lors de la présidence française, à l'occasion des réunions de l'OMC à Seattle et à Doha, le travail commun sur la Charte des droits fondamentaux ou encore des déclarations avant chaque sommet européen.
Ces trois années ont encore vu se développer l'intervention de la CFDT dans les comités de groupes européens, dans les organisations sectorielles et dans la CES elle-même.
Avec la CES, nous avons, à chaque occasion, appelé à l'affirmation de l'Europe politique, de l'Europe élargie, à la consolidation de son modèle de développement intégrant l'impératif social.
Décidément, le mouvement syndical est apparu, là encore, souvent plus nettement engagé que les gouvernements sur la place de l'Europe.
inter à venir
J'en viens aux réalités nationales. Je voudrais d'abord relever, devant vous, les résultats engrangés qui ont un impact concret sur les conditions de vie, de travail ou d'emploi des salariés, des chômeurs ou des retraités.
Je n'ignore évidemment pas tout ce qui reste à faire pour faire reculer la précarité, reculer le chômage et la pauvreté. Et je sais combien l'avenir apparaît flou et menaçant à bon nombre de personnes en mal de perspective et de sécurité.
Je sais qu'il est de bon ton, dans l'air du temps, de faire la fine bouche et de noircir le tableau, mais, franchement, peut-on dire que, pour les chômeurs, avoir accès au Pare ou non, c'est la même chose ?
Dire que, pour les exclus des soins, avoir ou ne pas avoir la CMU, c'est la même chose ?
Dire encore que, pour les personnes âgées, avoir ou non l'APA, ce serait la même chose ?
Dire que, sans la RTT effective, le résultat serait le même pour tous ceux qui ont, grâce à elle, obtenu un emploi ?
Peut-on dire que le financement de l'assurance maladie, avec ou sans la CSG, c'est bonnet blanc ou blanc bonnet ?
Nous savons bien, nous qui venons de loin sur ces questions, que c'est non.
Et s'il est hors de propos de nous attribuer tout le mérite d'avancées qui ont bénéficié d'un contexte politique porteur. Nous pouvons être fiers de la part que nous avons prise dans ces acquis concrets, dont bénéficient salariés, chômeurs et retraités.
Alors quel bilan pouvons-nous sereinement tirer du Pare ?
Le Pare, au-delà de ses effets concrets pour les chômeurs, c'est aussi une victoire de principes. Victoire du principe d'activation des dépenses de l'assurance chômage. Victoire du traitement personnalisé pour un retour à l'emploi le plus rapide possible. Victoire du principe de la responsabilité des institutions à le garantir. Victoire du principe de réciprocité entre droits et engagements des chômeurs eux-mêmes.
Oui, une nouvelle logique est née, il reste à la rendre irréversible. Notre meilleur atout, c'est aujourd'hui l'attractivité que le Pare connaît chez les demandeurs d'emploi, ce sont les 2,3 millions de bénéficiaires d'un plan d'action personnalisé, c'est le recours accru à la formation et à des prestations d'accompagnement sur mesure. C'est la prévention accrue du chômage de longue durée.
La CMU, voilà encore un acquis social de première grandeur, qu'elles qu'aient été les critiques légitimes que nous avons pu porter sur ses modalités.
La CMU, c'est l'universalité de l'accès aux soins qu'il faut mettre en relation avec l'universalité du financement de la Sécu grâce à la CSG. Quand on se souvient d'où l'on vient, le nombre de fois où on a dû mouiller notre chemise, quel chemin parcouru !
Nous avons ainsi atteint deux objectifs : l'universalité de la couverture et l'universalité du financement. Deux objectifs, je vous le rappelle, qui étaient au cur de notre soutien à la réforme de la Sécu en 1995.
Et deux objectifs atteints, sous deux gouvernements différents, ce qui permet d'espérer, même s'il faut toujours rester vigilants, qu'après tant de péripéties, nous avons désormais atteint le port.
L'allocation personnalisée à l'autonomie ? Un résultat, je souhaite le souligner, auquel nos retraités ont particulièrement contribué. L'APA apporte un vrai plus aux personnes âgées dépendantes.
Parce qu'elle concerne quatre fois plus de personnes que la prestation dépendance. Parce qu'elle n'est plus une allocation d'aide sociale, mais une prestation légale dont le montant dépend des ressources et du degré de dépendance. Parce qu'elle répond aussi à des principes d'universalité.
Parmi les acquis de cette période, il y a eu aussi les retraites. Je perçois votre étonnement. Une réforme aurait eu lieu qui vous aurait échappé ? Non, celle-là, elle est devant nous. Mais regardons ce qui est déjà gagné.
Ce que nous avons acquis, c'est que l'organisation tout entière, des militants, des adhérents, des salariés se sont approprié les termes du débat. Si certaines équipes ont pu se trouver prises au dépourvu à l'automne 95 sur les positions exprimées par la confédération, et cela malgré les décisions prises à Montpellier sur l'assurance maladie, ce ne devrait plus être le cas cette fois-ci. Le débat, voulu par le BN, a irrigué largement l'organisation : plus de 1000 forums organisés, des dizaines de milliers de tracts et d'argumentaires distribués, toutes les occasions saisies pour faire connaître publiquement nos analyses et nos positions, lors du rapport Charpin, du rapport Teulade, ou à l'occasion des réunions du Conseil d'orientation des retraites.
Le résultat, ce sont des positions CFDT parfaitement identifiées, à partir de quelques principes simples mais fondateurs : la garantie durable d'un bon taux de remplacement et l'accès à la retraite à taux plein dès quarante années de cotisation, quelle que soit l'âge.
Ces revendications, elles nous identifient, elles ont même eu, osons-le dire, quelques effets sur les propositions avancées dans le cadre de la campagne électorale.
Et puis, après aussi une mobilisation réussie le 25 janvier 2001, le Medef a dû revenir à une juste mesure. Et l'accord signé, quoi que certains aient pu en dire, constitue un rempart contre le report pur et simple de l'âge de la retraite à 65 ans.
Voilà les acquis, disons des points d'appui précieux pour demain.
Je veux aussi relever les résultats obtenus dans le cadre du 1% logement qui, pour être restés souvent loin des projecteursn'en sont pas moins réels. Des droits nouveaux ont été ouverts, et particulièrement aux salariés des TPE, aux jeunes, aux chômeurs, pour l'accès au logement. Des moyens d'action nouveaux se dessinent pour renforcer ainsi la mixité sociale et la rénovation de l'habitat, en partenariat avec les pouvoirs publics.
Je n'oublie pas davantage toute l'action conduite pour une meilleure insertion des personnes handicapées.
Mais bien sûr, s'il y a eu une revendication satisfaite, emblématique pour la CFDT, qui a eu un impact pour des millions de salariés, c'est évidemment la réduction du temps de travail.
La RTT, c'est neuf millions de salariés du privé qui en bénéficient, c'est 400 000 demandeurs d'emploi qui ont, grâce à elle, accédé à un emploi. La RTT, c'est 45 000 emplois d'ores et déjà annoncés dans les hôpitaux, et ces des milliers dans la Fonction publique territoriale.
La RTT à grande échelle, c'est une expérience et une pratique sociale de grande ampleur, pour plusieurs dizaines de milliers de négociateurs ou négociatrices de la CFDT et d'autres organisations syndicales. La CFDT y a accumulé une expérience et un savoir-faire largement reconnus ; j'en veux pour preuve les 13 000 mandatés qui se sont tournés vers la CFDT. C'est toute l'organisation qui y a gagné en crédibilité.
La RTT, c'est une stratégie du changement social qui a été validée, celle qui mise sur la mobilisation du corps social, du mouvement syndical et des salariés. Une mobilisation qui ne se limite pas à soutenir simplement ou à appuyer une loi aussi bonne soit-elle. Une mobilisation active, pour faire, pour créer, les conditions sans lesquelles la loi resterait une coquille vide, sans impact réel.
Ce que nous avons créé, ce que vous avez réalisé, cela s'appelle un mouvement social, un vrai. Je sais bien qu'il est d'usage de réserver cette "appellation déposée", pas toujours contrôlée, aux grandes heures lyriques de l'histoire sociale, à ces grands moments de protestation, de grèves et de manifestations, ces moments hautement fusionnels et symboliques. Mais le vrai mouvement social, ce sont bien ces mouvements d'en bas qui convergent sur un objectif partagé et porteur de transformation sociale.
Car, si la RTT a réussi, si elle a eu un tel écho chez les salariés, c'est parce qu'elle visait la réduction du chômage, mais c'est aussi parce qu'il y avait une attente culturelle forte, à laquelle elle a répondu : celle de tous ceux qui ne veulent plus perdre leur vie à la gagner. De tous ceux qui savent que le travail est structurant, il est essentiel et décisif, mais qu'il n'a pas vocation à envahir tous les temps de la vie. Et reconnaissons ici que l'apport des femmes à cette nouvelle relation au travail et aux autres temps de vie a été déterminant. "Du temps pour soi, du travail pour tous ", disait notre slogan. Eh bien oui ! ce slogan a identifié le sens de la RTT et la CFDT ; il a conquis des millions de salariés qui en ont perçu et apprécié les bénéfices concrets pour eux-mêmes et pour l'emploi.
Alors, bien sûr, une telle expérience a ses zones d'ombre, ses résultats mitigés, ses insuffisances.
La RTT aujourd'hui est une conquête sociale, mais une conquête sociale inachevée.. Inachevée, elle l'est dans les Fonctions publiques. La RTT y aura illustré les défaillances de l'Etat employeur dans l'exercice de la négociation collective. Elle aura mis à nu son incapacité à entrer dans une dynamique de négociations associant RTT, organisation du travail, qualité du service public et emplois. C'est la combinaison de tous ces ingrédients qui conditionne le succès de la RTT, que l'Etat a refusé de s'appliquer à lui-même de manière franche et ouverte. Une position qui a tout simplement conduit à un rendez-vous manqué, à une opportunité gâchée de modernisation des services publics et des relations sociales de grande envergure.
Et pourtant, la RTT négociée dans ces secteurs n'a pas partout succombé à la RTT décrétée.
Je pense à la fonction publique hospitalière d'abord où, après un conflit notoire, après un accord-cadre, les négociations locales laissent enfin percevoir l'application effective de la RTT avec création d'emplois. J'invite le ministre du Travail à lire et bien relire cet accord.
Je pense à la fonction publique territoriale où, malgré l'absence d'accord-cadre, un mouvement décentralisé de négociation a produit en bien des endroits des résultats certes contrastés, mais des résultats réels. Je pense enfin à quelques ministères : Défense, Environnement, Intérieur, Education nationale pour les Atoss, où la négociation a débouché sur un accord.
Conquête inachevée aussi, parce que la généralisation de la RTT à tous les salariés n'est pas acquise. Les mesures prises pour les moins de 20 salariés risquent fort de faire des TPE/PME une fois encore les parents pauvres d'une avancée sociale.
Qu'il y ait des problèmes spécifiques à traiter pour l'application de la RTT dans ces secteurs, nous le savons. Que la solution apportée passe par le recours exclusif, massif et permanent aux heures supplémentaires, ça nous le refusons.
Et c'est parce que nous ne voulons pas, à la CFDT, que les 35 heures restent une chimère pour les salariés concernés, que nous voulons en négocier l'application profession par profession. Nous ne le répèterons jamais assez, à l'heure où le syndicat, la CFDT en tout cas, pénètre le monde des PME, les salariés des petites et moyennes entreprises ne sont pas des salariés de seconde zone, et nous continuerons à affirmer que "ce n'est pas parce qu'on est dans une petite entreprise qu'on a des petits droits".
Oui, cette conquête est inachevée, mais parions qu'elle est irréversible. Et, en ce sens, elle a déjà profondément changé la réalité sociale. Il est juste d'y voir le résultat de la persévérance de la CFDT.
inter à venir (refondation sociale)
Sur le terrain des rapports sociaux, ces années ont été structurées, rythmées par l'exercice dit de la refondation sociale. A Lille, nous avions affirmé le choix d'une stratégie d'acteur syndical en quête d'une nécessaire refondation du contrat social. Nous disions qu'elle devait, je cite, " se distinguer du recours systématique au politique et à l'Etat, un Etat certes garant de l'intérêt général, mais qui, pour exercer pleinement cette fonction, rendait indispensable l'implication des corps intermédiaires ".
L'occasion est venue plus vite que nous ne l'imaginions. Et nous avons été servis ! C'est le bras de fer engagé par le patronat avec le gouvernement précédent sur les 35 heures qui a servi d'accélérateur.
Embarqué dans une stratégie d'opposition frontale aux 35 heures, le tout nouvellement nommé Medef fustigeait l'intervention de l'Etat, en même temps qu'il prônait la fin des négociations nationales et menaçait de quitter les organismes sociaux et paritaires.
Puis, mesurant l'impasse de sa stratégie, cherchant à sortir d'une situation sans issue, le Medef a interpellé les organisations syndicales sur l'ouverture du chantier de la refondation sociale.
Le Bureau national, éclairé par des débats au Conseil national, n'a pas manqué d'analyser le contexte dans lequel le patronat lançait son initiative, d'autres diraient offensive. Un contexte empoisonné par l'épreuve de force avec le gouvernement. Un contexte pollué par les arrière-pensées réelles ou supposées du Medef, donnant à cette initiative un caractère antigouvernemental et libéral.
Sans sous-estimer tout cela, mais conscients des conséquences qu'aurait sur les relations professionnelles une désertion tout azimut du patronat, nous avons lucidement choisi de "relever le gant" et saisi l'opportunité de creuser le sillon de la refondation du contrat social, car c'est le fil rouge de notre action.
Nous y avons vu l'opportunité de faire progresser une pratique plus systématique du contrat collectif comme moyen de régulation de conflits d'intérêts.
Nous y avons vu l'opportunité de jeter les bases d'une architecture renouvelée des relations professionnelles entre des acteurs reconnus.
Nous avons enfin saisi l'occasion pour affiner nos analyses et nos propositions sur la légitimité et la représentativité des acteurs comme sur la validation des accords.
Ce congrès est tout naturellement amené à en faire le bilan, à en évaluer la portée.
La refondation sociale, c'est une fusée à trois étages :
- le premier étage, c'est celui des retombées concrètes pour les salariés, les retraités ou les chômeurs et sur lesquelles il n'y a pas lieu de faire la "fine bouche".
On l'a vu, je n'y reviens pas, le Pare occupe ici une bonne place ; mais je veux aussi relever les retraites complémentaires préservées et l'accord Santé au travail qui va permettre de développer la prévention et qui se matérialise déjà par la création de plusieurs Observatoires régionaux, résultats d'une négociation territoriale qui prend forme ;
-le deuxième étage, celui des dégâts collatéraux, aux effets temporaires, je l'espère : c'est l'échec sur la formation professionnelle en décembre et le départ du Medef des organismes de Sécurité sociale. Un départ, sachons-le, qui fait peser une hypothèque lourde sur une gestion déléguée pour bâtir une nouvelle architecture conventionnelle, tout simplement sur le paritarisme.
Mais l'apport le plus spectaculaire de la refondation sociale réside dans l'image sans concession qu'elle a donnée des acteurs, de leur rôle, de leur stratégie, de leurs forces et de leurs faiblesses. C'est le troisième étage.
Avouons que le brusque virage effectué par le Medef en faveur d'une stratégie de la négociation sociale nationale, après en avoir prôné une seule au niveau de l'entreprise, n'a pas aidé à la clarté des enjeux de la refondation, y compris en son sein.
L'urgence de l'exercice l'a conduit à rejeter à la périphérie contradictions et jeux internes. Ajoutez à cela quelques déclarations fracassantes, une bonne dose d'attitudes provocatrices et des menaces à répétition, agitez le tout et observez.
Ce que nous observons, c'est une mise en mouvement lente mais réelle de certains Medef régionaux et c'est beaucoup d'attentisme du côté des fédérations patronales.
Ce que nous observons, c'est qu'au-delà du discours de sommet, les choix patronaux en faveur d'une réelle généralisation de la représentation collective syndicale, en faveur d'une véritable impulsion d'une politique contractuelle à tous les niveaux nécessaires, tardent pour le moins à s'afficher, a fortiori à se traduire dans les faits.
J'en veux pour preuve la valse hésitation patronale qui a présidé dans la négociation "Voies et moyens de la négociation collective" pour parvenir à la position commune de juillet 2001. J'en veux pour preuve le peu d'empressement des branches à ouvrir les discussions et négociations que le texte interpro recommande pourtant.
Le Medef en appelle à une réforme de la représentativité des syndicats. Très bien, mais il serait bien qu'il commence à balayer devant sa porte.
Comment expliquer, en effet, le refus patronal opposé à la CFDT et à la CGT qui proposaient de trouver les moyens de mesurer la représentativité de chaque syndicat en procédant aux élections professionnelles d'entreprise sur une même période ?
Une élection de représentativité, dont je redis ici solennellement, qu'elle n'a vocation à exclure personne du jeu contractuel.
Comment expliquer encore la tiédeur -voire la fraîcheur - patronale à réformer les règles de validation des accords de branche ?
Mais regardons aussi quelques résultats quand même. L'accord intervenu entre l'UPA et les cinq confédérations ouvre un espace de taille à la création et à la généralisation du dialogue social dans l'artisanat. S'il y a aujourd'hui une déclinaison à la position commune de juillet dernier, c'est bien celle-là. Et l'extension de cet accord, intervenue le 26 avril, est une bonne nouvelle et ouvre à l'action syndicale des champs nouveaux. Du côté syndical, ce qui apparaît le plus brutalement à la lumière de la refondation, c'est la division syndicale.
Une division révélée, et non pas créée, par la refondation, mais aux effets indiscutablement négatifs.
Ce qui a été mis en relief à cette occasion, c'est plus qu'une bataille pour tel ou tel leadership, c'est plus que des considérations tactiques, au demeurant présentes ici ou là. Ce qui a été projeté en pleine lumière, ce sont des questions de fond, qui ont entraîné des positions quasi inconciliables entre nous.
Question de fond sur la conciliation droits collectifs et modalités d'application personnalisées, interprétée par d'autres comme atteinte à l'universalité des droits.
Question de fond sur la réciprocité des droits et des obligations des chômeurs.
Question de fond encore sur la place du service public, de l'emploi, sur la légitimité d'autres acteurs à coopérer avec lui.
Question de fond aussi sur la place de la loi et du contrat dans la construction de garanties collectives réelles.
Question de fond enfin sur les conditions de la légitimité des acteurs sociaux et des accords collectifs.
Au moins, l'exercice aura-t-il été utile pour identifier ces questions qui ne peuvent être éludées, et doivent au contraire être maintenant approfondies entre nous.
Utile pour démontrer que la CFDT, si elle y est contrainte, si le jeu en vaut la chandelle, au regard des conclusions d'une négociation, peut assumer et tenir,-seule parfois ou presque seule- une position qui mérite d'être tenue. Mais utile surtout pour faire mesurer à chacun les limites de l'exercice du jeu syndical actuel.
Du côté de l'acteur gouvernemental d'alors, l'histoire pourrait s'intituler "Le grand malentendu". Dès le départ, et pour les raisons que j'ai évoquées, le gouvernement a vu, dans la refondation sociale, une opération politique dirigée contre lui et orchestrée par le Medef. Si cette lecture ne manquait pas de fondement, son erreur a été de s'y enfermer, de ne pas avoir voulu, ramener cet exercice au statut classique de la négociation collective entre partenaires sociaux.
Le contexte y est pour beaucoup mais, là encore, la posture gouvernementale ne doit rien au hasard. Elle a pour origine une certaine conception des rapports sociaux, résultant d'une culture historique où l'Etat est, aux yeux de beaucoup
- particulièrement des acteurs politiques -, le seul acteur légitime du changement, le seul protecteur des salariés. Conviction profonde qui enferme l'action des partenaires sociaux dans une dépendance étroite vis-à-vis de l'action politique et qui la relègue, de fait, au second plan.
A cette culture, qui n'est pas seulement celle de la gauche, s'ajoute le fait que celle-ci se vit comme le protecteur quasi naturel des salariés, et la boucle est bouclée.
Ajoutez à cela les démêlées de nos fédérations du public avec l'Etat employeur, et le tableau est complet.
L'Etat s'est montré incapable de développer dans son champ une politique contractuelle structurée et maîtrisée. Ses dérobades furent multiples, sur la RTT et les salaires pour n'évoquer que les plus emblématiques. Nous avons dû constater l'absence de volonté, au niveau central, de déboucher sur des accords-cadres ou des compromis négociés et constater la préférence pour la décision unilatérale et le décret.
Nous ne sous-estimons pas, ici, le poids des cultures et des pratiques syndicales à l'uvre dans les fonctions publiques. Mais, est-ce si différent du privé ?
La CFDT, pied à pied, avec courage parfois, a affirmé et conduit une stratégie de changement social privilégiant la négociation. L'existence à ce congrès d'une résolution sur "L'Etat et les fonctions publiques ", traduit notre entière détermination à ne pas baisser la garde demain.
Au total donc, devrait-on en conclure que le bilan de la refondation n'est pas brillant ? Ce serait manquer de discernement car, au-delà des résultats concrets, si les enjeux qui ont sous-tendu la refondation ont percé dans le débat public et politique, si les questions de la démocratie sociale et de la légitimité des acteurs, le rôle de la loi et du contrat, sont entrées avec autant de force dans les programmes des Présidentielles, si elles sont aujourd'hui reprises ,et à l'ordre du jour par exemple de l'actuel gouvernement, c'est bien le signe que nous avons créé, à l'occasion de la refondation sociale, un rapport de force favorable à la prise en compte de ces questions. Un rapport de force qui n'a pas fini de produire ses effets et ça ce sera le travail de demain.
Dans cet exercice, nous avons dû faire face à bien des polémiques et des controverses. Mais l'organisation CFDT a fait mieux que résister, elle a su transformer les moments de mise à l'épreuve en autant d'opportunités d'agir, d'occasions de convaincre. Surtout, vous avez, nous avons, inlassablement affirmé nos choix et assumé nos actes. Et ce n'est pas le fait du hasard.
Non, nos résultats ne sont pas le fait du hasard, mais d'une volonté collective d'être toujours plus représentatifs du salariat dans sa diversité.
Représentatifs, nous le sommes toujours plus, grâce au nombre croissant de nos adhérents. 865 528 salariés sont adhérents à la CFDT. Depuis Lille, ce sont 140 000 salariés supplémentaires qui ont rejoint la CFDT. Nos ressources émanant des cotisations atteignent 74 % de nos ressources globales. Le rapport financier qui vous est présenté à ce congrès le met en évidence.
Quand on sait combien le nombre d'adhérents conditionne notre indépendance et notre indépendance financière en particulier, quand on sait qu'il est un élément décisif du rapport de force, on comprend que toute la CFDT en soit fière et on comprend pourquoi elle n'a pas l'intention de s'arrêter en si bon chemin.
Représentatifs, car ces adhérents sont de plus en plus divers. 43,50 % d'entre eux sont des femmes. Notre progression est importante dans le privé et nous nous développons dans les petites et moyennes entreprises. Il fallait voir ce rassemblement de militants et de mandatés des PME /TPE en décembre dernier pour se rendre compte de cette réalité bien vivante. Cette diversité est une richesse, cette diversité est aussi un élément du rapport de force pour permettre à la CFDT d'entrer dans ce monde des petites entreprises.
Représentatifs, nous le sommes encore plus aujourd'hui qu'hier, grâce au développement des pratiques participatives en direction des salariés. Celle de l'écoute des salariés pour nourrir les revendications.
Comment aurions-nous pu mener à bien des milliers d'accords d'entreprise sur la réduction du temps de travail sans cela ?
Et puis, le TEQ en est une des très belles illustrations : 85 000 salariésse sont exprimés.
Je pense aux 10 000 assistantes maternelles, ou plus récemment aux 3500 salariés des centres d'appel, ou au TEQ qui vient de s'achever en direction des cadres.
Des enquêtes qui poussent au contact, qui tissent du lien social, qui renouvellent les relations entre syndicats et salariés, des enquêtes qui apportent une connaissance fine des réalités de travail, qui alimentent les cahiers revendicatifs comme les effets de la RTT. Ces pratiques conditionnent la pertinence de nos choix, l'efficacité de nos actes. Elles sont au fondement de la fonction émancipatrice du syndicalisme.
Alors, certes, il y a encore beaucoup à faire et le contexte nous incite à pousser les feux. Mais, preuve est faite que la désyndicalisation n'est pas une fatalité, que les salariés font confiance au syndicalisme pour peu que celui-ci fasse la preuve de sa proximité, de son utilité et de son efficacité.
Et puis nous avons pu apprécie rla solidité de l'organisation.
Les événements qui nous ont bousculés, reconnaissons aussi que, par un splendide paradoxe, ils nous ont aidés à traduire nos choix en actes.
Et chaque fois, chacun a pu mesurer combien nos orientations étaient largement partagées, largement portées par les équipes au plus près du terrain, aussi bien que dans les institutions étaient un atout pour notre action collective.
Tout cela a été possible grâce au développement du débat interne, dans des structures de plus en plus ouvertes, cherchant de plus en plus à multiplier les occasions d'échanges, de confrontation, les plaçant ainsi elles-mêmes en meilleure capacité de décision.
Ce sont les réunions sur la RTT ou sur le Pare, les réunions d'administrateurs, les 1000 forums sur les retraites, les 15000 militants réunis au total sur la refondation sociale. Ce sont les outils argumentaires mis à disposition des équipes. Ce sont les 11000 journées annuelles de formation. Tout cela a permis d'avoir des militants aguerris, capables d'expliquer, de convaincre, d'avancer, dans la cohésion.
L'organisation est solide, mais nous savons qu'elle peut, qu'elle doit l'être plus encore. C'est pourquoi nous sommes engagés dans un mouvement de renforcement de nos syndicats en innovant dans leur structuration, en leur garantissant une taille viable. C'est pourquoi nous avançons avec prudence, mais détermination, dans la réflexion sur des champs fédéraux plus adaptés aux nouvelles réalités.
Et 2005 devrait ainsi voir la naissance d'une grande fédération de la communication.
C'est pourquoi nous avons engagé une grande réforme de la formation syndicale, pour répondre plus et mieux aux besoins de tous.
C'est là autant d'évolutions nécessaires, si nous voulons, en étant plus nombreux et plus forts, aller encore plus loin.
Mais, justement, parce que nous sommes la première organisation française en nombre d'adhérents, parce que vous allez faire un bond en avant aux Prud'hommes, parce que la CFDT est solide, rassemblée, cela nous donne des responsabilités d'autant plus grandes dans le paysage social français.
Un paysage dans lequel nous nous sommes trouvés isolés à plusieurs reprises. Un isolement que nous avons assumé, parce qu'il n'y avait pas alors d'autre stratégie possible, mais un isolement, auquel nous ne nous sommes pas résignés, comme nous ne nous résignons pas à l'émiettement stérile du syndicalisme français.
Dans ce paysage contrasté, alternant des signes unitaires et coopératifs avec des crispations, parfois même des blocages quasi irréductibles, notre attitude est restée constante.
D'une manière générale, notre relation aux autres acteurs, quels qu'ils soient, est sereine. Elle est fondée sur le respect mutuel, sur le débat ouvert avec tous, sur la clarté des positions exprimées sans masquer les désaccords et les tensions quand elles existent, mais sans les aviver inutilement. C'est à nos yeux la méthode la plus sûre pour progresser. Elle est exigeante ; elle suppose la volonté partagée des acteurs de s'y inscrire ensemble. La nôtre est en tout cas intacte.
Nos acquis, notre expérience, notre esprit d'ouverture, sont des atouts pour la CFDT de demain.
Nous en aurons bien besoin, dans cette société en crise d'identité, en perte de repères, en mal de lien social.
Mais, prenons le temps du débat, le temps d'évaluer notre action, nos résultats.
Je vous invite à faire de ce moment un moment d'expression, de confrontations riches et intenses, franche et ouvertes. Et je vous laisse la parole.
(Source http://www.cfdt.fr, le 28 mai 2002