Texte intégral
A. Hausser.- C'est la dernière ligne droite pour l'obtention des signatures, pour vous permettre d'être officiellement candidate à l'élection présidentielle. Vous avez dit que vous aviez plus de 500 promesses. Ces promesses, vous êtes sûre de les transformer ?
C.B.- "Je pense que oui, puisque maintenant, j'ai même plus de 500 promesses de signatures. Les imprimés officiels sont en train de rentrer, j'en ai plus de 160 ou 170 qui sont arrivés cette semaine. Donc, je n'ai aucune difficulté. Vous savez, je crois que les gens qui ont signé pour moi, sont des gens d'engagement. J'aurai sans doute quelques défections, comme toujours au dernier moment, mais je ne pense pas que j'en aurai beaucoup."
Les maires ne font pas la grève des signatures, comme le dit J.-L Borloo ?
C.B.- "Je pense que ça n'a pas été facile d'obtenir ces signatures, il a fallu"
Comment les avez-vous convaincus ?
C.B.- "Beaucoup par le relationnel en fait, par les amis d'amis etc., et c'est ainsi que nous sommes arrivés à avoir ces 500 signatures."
Imaginez-vous une élection présidentielle sans A. Laguiller, sans J.-M. Le Pen ?
C.B.- "Ce qu'il me semble, c'est que la règle du jeu des 500 signatures est une bonne règle du jeu, contrairement à ce que disent beaucoup. Il est normal pour se présenter à une élection suprême d'être parrainé par des gens responsables élus. Donc, le chiffre de 500 par rapport à près de 40.000 possibilités de signatures me semble normal. Maintenant, peut-être que s'ils ont des difficultés - d'abord est-ce vrai, est-ce que ce n'est pas de l'intox, grande question -, et deuxièmement s'ils n'arrivent pas à les avoir, c'est sans doute qu'il y a une réalité qui fait qu'ils ne doivent pas être candidats."
Il y a quand même un problème, quand un candidat ou une candidate est crédité de plus de 8 % de voix dans les sondages et qu'il ne peut pas être présent...
C.B.- "Il faudra voir quels seront les résultats de ces élections. Vous savez, même les sondeurs disent aujourd'hui que c'est assez difficile de savoir exactement les choses. Pour moi, par exemple, pour qui il n'y a pas de références par rapport à d'autres élections, les sondeurs sont très hésitants pour donner des résultats en ce qui me concerne. Alors, ce sont des calculs, vous savez, de pondération etc. Il est important qu'il y ait un minimum de signatures pour qu'il n'y ait pas de candidatures trop en dehors de la réalité."
Les sondages ne vous créditent pas d'un score faramineux.
C.B.- "Pour l'instant, non."
Donc, comment est-ce que vous pensez pouvoir...
C.B.- "Le transformer ?"
Le développer, le transformer...
C.B.- "Madame Voynet a fait 3 % en 1995 ; regardez le poids des Verts pendant toute la mandature. Je pense qu'un petit score peut peser beaucoup, surtout quand on a deux gros qui sont crédités de 50/50, chaque voix du premier tour comptera énormément. Naturellement, je souhaite avoir le plus gros score, mais même un score faible ne m'inquiète pas du tout, car il pèsera pour le second tour, c'est évident."
Justement, vous dites que vous ne donnerez pas de consigne de vote ?
C.B.- "Absolument."
Aujourd'hui, tous les sondages donnent L. Jospin gagnant au deuxième tour. Cela vous laisse de marbre ?
C.B.- "Pour l'instant, ce que je regarde, c'est le programme des uns et des autres, en ce qui concerne M. Chirac, je vois une "bachelotisation" très importante de sa campagne, qui naturellement"
Attendez, il faut expliquer ce que c'est ! Vous en voulez à R. Bachelot ?
C.B.- "Non je n'en veux pas à R. Bachelot, mais à ce qu'elle incarne et, du reste, si M. Chirac l'a choisie comme porte-parole, ce n'est pas pour rien, c'est pour donner un signe. Et quand madame Bachelot indique aujourd'hui, dans VSD, qu'elle est prête à accepter l'adoption pour les personnes homosexuelles, il est bien évident que le choix de cette porte-parole n'est pas neutre et que J. Chirac a pris une certaine option. Je pense qu'il a pris des risques importants pour le deuxième tour, parce qu'il est bien évident qu'il y a un certain nombre de Françaises et de Français, qui n'acceptent pas un certain nombre d'orientations qui sont prises dans son programme, c'est son problème. J'essaie de rassembler des hommes et des femmes qui croient dans un certain nombre de valeurs fondamentales et ces voix-là seront nécessaires bien sûr au deuxième tour. Pour l'instant, je vous dis très clairement, je ne donnerai pas de consignes de vote et je pense que le choix de M. Jos... de M. Chirac - le lapsus est remarquable ! -, le choix de M. Chirac, en ce qui concerne son porte-parole - encore une fois, ça n'a rien à voir avec la personne de madame Bachelot, mais elle est emblématique -, cela le met en bachotage très défavorable."
Cela veut dire qu'il ne donne pas assez d'importance à la famille ?
C.B.- "Oui, il y a un certain nombre de clarifications qu'il faut faire par rapport à des choix."
Lesquels ?
C.B.- "On parle beaucoup de l'insécurité aujourd'hui"
Je crois que, là dessus, vous ne pouvez pas lui reprocher de ne pas s'intéresser à l'insécurité !
C.B.- "Mais il fait comme tout le monde, comme M. Jospin, tout le monde veut mettre un gendarme ou un policier derrière chaque Français, ce n'est pas la solution. Le problème est de voir quelles sont les causes, pour quelles raisons la France est dans une situation telle d'insécurité et de violence, et ça, personne n'en parle. Et parmi les causes, je pense qu'il y a la pauvreté qui est importante dans notre pays - plus de 10 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, 12% de la population française est illettrée, elle ne sait ni lire ni écrire ni compter, comment voulez-vous qu'elle puisse s'exprimer ? Et troisièmement, la famille stable, comme facteur de paix sociale, n'est absolument pas reconnue dans ce pays, elle est au contraire marginalisée et ringardisée. Il va falloir regarder les choses en face ! Ce n'est pas tout de dire "tolérance zéro". Bien sûr, tout le monde veut la tolérance zéro, la gauche, la droite, tous les Français veulent avoir la sécurité. Et, du reste, l'Etat est en défaillance actuellement par rapport à cela. Mais regardons quelles sont les causes fondamentales de cette violence. Pourquoi est-ce que nous en sommes arrivés là ?"
Aujourd'hui, on ne peut pas seulement regarder les causes, il faut chercher les remèdes, non ?
C.B.- "Oui, mais les remèdes, il faut sans doute donner davantage de moyens aux policiers, du reste les reconnaître dans leur fonction. Vous savez, depuis plus de 40 ans, tout ce qui symbolise l'autorité dans notre pays a été marginalisé, mis de côté ou ridiculisé. Eh bien; nous avons maintenant les fruits du regard que nous avons sur les repères fondamentaux que sont, par exemple, l'autorité. L'armée a été ridiculisée, la police également, la justice, on ne lui a pas donné les moyens, et la famille, n'en parlons pas, surtout quand elle est stable et quand elle a des enfants. Maintenant, nous arrivons dans le mur, il va bien falloir regarder les choses en face."
Est-ce que vous considérez que la question du statut pénal du chef de l'Etat est une priorité pour la prochaine mandature ?
C.B.- "Non absolument pas et du reste, je suis étonnée que M. Chirac propose cette réforme, car personnellement, ce n'est pas parce qu'il est en place, mais j'ai toujours dis que le président de la République, quel qu'il soit, représente la France, sa fonction doit être protégée et tant qu'il est en exercice, effectivement, il n'a pas à aller voir le juge. Par contre, dès qu'il redevient citoyen, comme vous et moi, bien sûr, il doit répondre devant la justice. Sauf s'il s'agit de crime de sang, mais jusqu'à présent, on n'a jamais vu de président de la République en exercice avoir un crime de sang."
Est-ce qu'il promet trop en promettant une baisse des impôts de 5% par an ?
C.B.- "Ce qui m'inquiète dans cette promesse, c'est que, pour arriver à trouver l'équilibre, il faut prévoir un déficit plus important du budget de l'Etat. Et il me semble que ce n'est pas une bonne formule, car nous avons un déficit très important, du reste nous arriverions à ne plus être dans les critères de convergence de Maastricht mais, surtout, on fera encore peser sur nos enfants et nos petits-enfants, le manque de décisions d'aujourd'hui. Je m'engage à ce qu'il n'y ait pas d'augmentation du déficit de l'Etat et que les dépenses de l'Etat soient à un niveau constant."
C'est-à-dire que c'est une chose que vous négocieriez éventuellement pour le deuxième tour ?
C.B.- "Ce que je négocierai pour le deuxième tour, c'est des choses encore plus fondamentales, c'est quels sont les repères, quelle société on veut construire pour demain pour la France, pour les Françaises et les Français, pour mes enfants, pour mes petits-enfants et tous les Français. Vous savez, aujourd'hui, il y a un cri très important, je le vois dans mes déplacements : la France est en mal-être, elle a envie d'être reconnue et elle est submergée par l'administration."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 mars 2002)