Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, à Europe 1 le 5 juin 2002, sur l'accord entre les médecins et la CNAM sur la revalorisation des honoraires et sur la campagne pour les élections législatives.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Bienvenue François BAYROU, bonjour.
Bonjour
Vous écoutez sans doute Europe 1. Médecins, CNAM, accord, le Bleu RAFFARIN a marqué un but ce matin, est-ce que vous applaudissez ?
Je trouve que c'est une bonne chose, ça fait que des mois que ce conflit durait, 7 mois que ce conflit durait et il était profondément justifié sur le fond. D'ailleurs, ce conflit ne se limite pas, cette inquiétude ne se limite pas au prix des consultations, il y a un très grand problème parce qu'on ne trouve plus de médecins pour remplacer les médecins en milieu rural en particulier. Il y a un très grand problème parce qu'ils s'inquiètent pour leur avenir, on a mal géré le nombre des médecins avec un numerus clausus trop rigide, je veux dire des places aux concours trop fermées et on se trouve aujourd'hui en pénurie de médecins, d'infirmières. Donc, c'est tout le système de santé en France qu'il va falloir revoir et c'est vrai aussi du point de vue hospitalier.
C'est-à-dire qu'il faut profiter de cette situation qui va redevenir normale et du climat de confiance pour effectivement réformer la gestion de la santé publique
Il faut donner aux médecins et aux professions de santé plus largement, leur place dans la définition de l'avenir du monde de la santé.
Vous avez lu l'accord de ce matin, l'idée de coûte de cet accord n'apparaît pas. Peu importe, vous pensez ?
C'est bien que l'accord soit réalisé. Moi, j'avais proposé pendant la campagne présidentielle, l'idée qu'on laisse un euro à la charge du patient, de manière qu'à la fois on équilibre les comptes, qu'on responsabilise et un euro par visite pour tous ceux qui ne sont pas économiquement faibles, c'était un moyen, je crois, de rééquilibrer les comptes qui était de bon aloi.
Sans vouloir gâcher la fête, est-ce que vous êtes sûr dans ce climat que dans les cinq ans, il n'y aura pas d'augmentation des cotisations ?
Je ne sais pas, ça n'est pas moi qui aujourd'hui suis en situation de responsabilité, je sais qu'on a un immense problème de santé en France avec des personnes âgées qui ont besoin d'autonomie et qui ne vont pas trouver les infirmières pour s'occuper d'elles.
Avis à la population française
Avec les médecins qui disparaissent et un vieillissement de la population française. Donc, c'est un problème qui ne se règle pas seulement par la fixation d'un nouveau prix des consultations.
François BAYROU, j'ai dit tout à l'heure Jean-Pierre RAFFARIN a marqué un but, c'est vrai qu'il avait réclamé cet accord et promis cet accord avant le premier tour des législatives, c'est fait
Mais ça aurait dû être fait avant, vous savez
Vous voulez dire que la CNAM n'a pas pu ou n'a pas su résister à un gouvernement de droite alors qu'elle pouvait résister à un gouvernement présidé par une équipe de gauche ?
Je ne connais pas le secret de ces consultations-là. Je sais que si le gouvernement socialiste avait mis tout son poids dans la balance avant, on aurait eu un accord du même genre que celui qui vient d'être signé.
Pardon de vous poser la question mais vous ne croyez pas que Jean-Pierre RAFFARIN est verni ? Regardez, 64 % des Français jugent que c'est un bon choix pour un Premier ministre, Valéry GISCARD d'ESTAING l'a béni hier en Auvergne, le trouve accessible, habile, sage, avec en plus Anne-Marie, une épouse auvergnate, pour un homme modeste ça fait beaucoup de lauriers. Mais est-ce qu'ils sont mérités aujourd'hui ?
Vous voyez, on a un bon indice là. Ce que je sais, c'est que la France avait et a un grand besoin de changement, qu'il ne faut pas la décevoir, qu'elle attend beaucoup de cette équipe, qu'elle attend beaucoup de la majorité nouvelle qui, j'espère, sera élue les 9 et 16 juin et qu'on a besoin dans cette majorité nouvelle de l'équilibre qui fait que toutes les sensibilités de la France y trouveront leur place.
La rumeur, c'est que l'UMP, l'Union pour la majorité présidentielle, va obtenir toute seule la majorité absolue
D'abord, méfiez-vous des rumeurs. On aurait dû être payé aux dernières élections présidentielles pour savoir que tout ce qu'on raconte avant risque d'être démenti par les urnes. C'est un combat. La première question, vous le savez bien, c'est qu'il faut trancher pour éviter la cohabitation, parce que si, imaginez
D'accord, l'argument on l'entend depuis longtemps. Vous vous considérez, vous, comme faisant partie de la majorité du président de la République, Jacques CHIRAC.
Oui, je suis membre de cette majorité, j'ai contribué à ma place, à me faire élire et en mobilisant l'ensemble de ceux qui m'avaient fait confiance et deuxièmement, je suis membre de la majorité parlementaire future si nous gagnons parce que je soutiens le gouvernement.
Mais pas dans l'UMP ?
Non, je ne serais pas dans l'UMP, parce que je trouve que s'il n'y a qu'un seul partie, il n'y a qu'une seule ligne et rien n'est pire en politique que de n'avoir dans une majorité qu'une seule ligne parce que la voix des Français ne peut pas s'y faire entendre. Donc, je suis pour que la majorité comporte deux mouvements qui se respectent l'un l'autre pour l'élargir et l'équilibrer.
Un 350 et les hommes de BAYROU, 15 ,20, ce que vous aurez d'après ce que vous avez calculé, un groupe.
L'enjeu, c'est d'avoir un groupe. Tout avait été fait pour que cela soit rendu impossible, je ferais tout pour que ça devienne possible et qu'au soir du 16 juin, l'UDF ait un groupe pour équilibrer cette majorité.
C'est bon une majorité pour la cohérence des institutions et de la politique que l'on veut conduire. Une trop forte majorité, c'est bon ?
D'abord, attendons les urnes. Avant de crier victoire et de faire des cocoricos. Pour ma part, je sais que c'est un combat à mener mais je sais aussi que jamais en France, tous les pouvoirs n'ont été remis entre les mains d'un seul parti et que donc, il est nécessaire d'avoir une majorité pluraliste, à deux pôles, dans laquelle l'équilibre se réalise.
Un gros gros gros et un tout petit petit.
Oui, ça c'est le début de l'histoire. Après vous voyez que
Ça se rééquilibre
Que le rééquilibrage se produit parce que la démocratie, c'est la force de ce qu'on dit et de ce qu'on fait. Ça n'est pas tant des questions de quantité que des questions de qualité ou en tout cas, de vérité et de justesse de ce qu'on dit.
Est-ce que vous craignez, François BAYROU, une nouvelle avancée du Front national ? On sait bien que Jean-Marie LE PEN est en train de prédire des duels par centaines, une hécatombe de la droite républicaine, il affirme que le Front national sera le premier parti de France. Est-ce que vous sentez cette menace sur le terrain quand vous allez dans votre circonscription, parce que vous faites beaucoup de meetings.
Moi, je ne la sens pas sur le terrain dans ma circonscription mais il est vrai que c'est une des circonscriptions de France où nous avons réussi à faire que le Front national ne fasse pas de score important. Donc, j'attends de voir le résultat des urnes. Ce qu'il me semble, c'est que les électeurs se taisent beaucoup, ma crainte, c'est que l'abstention soit importante et c'est pourquoi il convient de mobiliser tous ceux qui se sentent citoyens, civiquement engagés pour qu'ils participent à cette élection et qu'ils tranchent de la question de savoir, quelle va être la majorité de la France.
Au deuxième tour, dimanche 16 juin, dans le cas d'un duel socialiste - Front national, qu'est-ce que vous faites, qu'est-ce que vous dites ?
Je dis que la règle du jeu républicaine qui a prévalu pour l'élection présidentielle et qui a fait que la gauche s'est mobilisée pour élire Jacques CHIRAC doit jouer en sens inverse parce qu'autrement, les Français ne comprendraient pas.
C'est-à-dire, vous vous exprimerez là-dessus, si ça se produit ?
Je dis que chaque fois qu'il y aura danger qu'un candidat du Front national soit élu, je ferais jouer cette règle qui a joué à l'élection présidentielle.
Rapidement, François BAYROU, deux questions. Le président de la République s'engage dans la campagne, il l'avait promis, il veut sa majorité, il intervient ce soir sur FRANCE 3. Qu'est-ce que vous attendez du président de la République pour lequel vous avez fait voter et pour lequel vous avez voté ?
J'attends qu'il définisse clairement un cap, que pour l'avenir, il conduise une politique équilibrée et qu'il garantisse que dans la majorité, toutes les sensibilités auront leur place parce qu'on ne peut pas enfermer en France, le pouvoir entre les mains d'un seul parti, quel que soit le parti et quel que soit son bord, je dirais la même chose.
En un mot, vous vouliez avec Lionel JOSPIN le quinquennat, l'inversion du calendrier ?
Et bien, vous voyez que ça porte des fruits heureux.
Pour vous, c'est l'effet boomerang ?
Vous voyez que tous ceux qui disaient que remettre le calendrier à l'endroit, ça ferait élire la gauche, se sont largement trompés, et c'est ceux qui voulaient la logique des institutions républicaines qui avaient raison.
Je ne regrette rien ?
Non seulement cela mais c'était la logique et la justice ou la justesse des institutions.
Bonne journée.

(source http://www.udf.org, le 6 juin 2002)