Texte intégral
J.-P. Elkabbach J'interroge le nouveau ministre de la Défense et pas l'ex-présidente du défunt RPR. En un mois, vous avez vu des militaires français. Vous êtes allée à Karachi, dans les Balkans, au Kosovo et en Afghanistan. Et précisément, vous revenez de Kaboul où siège, à partir d'aujourd'hui, le grand conseil des chefs tribaux, chargé de reconstruire l'Afghanistan après 23 années de guerre. Cela concerne la région, mais est-ce qu'on peut comprendre que cela nous concerne aussi ?
- "Bien sûr que cela nous concerne aussi, dans la mesure où c'est une zone du monde qui est extrêmement fragile. C'est également une zone du monde d'où sont parties et d'où partent des menaces terroristes extrêmement précises. Le réseau Al Qaïda, pendant des années, et pour ce qu'il en reste, se trouve encore en partie dans la zone."
Les armées américaines continuent-elles de lutter contre Al Qaïda dans le Nord de l'Afghanistan, peut-être avec l'aide des soldats français ?
- "Bien entendu, effectivement. Tant que le terrorisme dans cette zone ne sera pas éradiqué, il sera la source de menaces pour l'ensemble des pays occidentaux, pour notre pays lui-même et, par conséquent, nous lutterons contre le terrorisme."
Et quand vous êtes allé sur place, est-ce que vous avez parlé de Ben Laden ou du Mollah Omar ? On vous a dit s'ils étaient là, en Afghanistan, au Pakistan ? Est-ce qu'il y a des traces ?
- "Les avis sont assez divers sur ces deux personnes. Simplement, ce qui est certain, c'est qu'il y a encore, c'est vrai, des traces, des groupes relevant d'Al Qaïda ou des réseaux voisins, qui sont en Afghanistan, qui sont à la frontière avec le Pakistan qui circulent et qui, d'ailleurs, sont partis également dans d'autres régions du monde ou ont des implantations dans d'autres régions du monde."
Hier, les Américains ont fait savoir qu'à Chicago, un terroriste d'Al Qaïda ou un complice a été arrêté, alors qu'il s'apprêtait à faire exploser une bombe sale radioactive. Pour les dirigeants américains, la menace terroriste persiste. Et pour nous ?
- "Pour nous aussi. Nous sommes dans une période de grande incertitude et je dirais de grand danger. C'est vrai qu'aujourd'hui, le terrorisme est une réalité qui peut frapper n'importe où et n'importe qui."
Même ici en France et en Europe ?
- "Bien sûr, la France est aussi menacée que tous les grands pays européens et c'est la raison pour laquelle nos armées sont en lutte contre cela. Et je crois que les Français ne savent peut-être pas suffisamment qu'il y a des centaines d'hommes et de femmes qui, tous les jours, sont prêts à donner leur vie et, en tout cas, font des efforts considérables, souvent dans des situations difficiles à vivre, en ayant laisser leurs familles, pour protéger les Français contre ces risques terroristes."
Mais de quelle nature est cette menace ? Quand vous en parlez, c'est une hypothèse ou vous savez qu'il y a des choses, là où vous êtes ?
- "Nous avons un certain nombre de renseignements effectivement, qui nous permettent de savoir qu'il y a dans le monde des réseaux terroristes. Ce terrorisme d'ailleurs prend des formes multiples. Aujourd'hui, c'est vrai que ce que l'on redoute le plus c'est le terrorisme qui s'attaque à des civils, au plus grand nombre possible de civils, bref du type de ce qui s'est passé le 11 septembre à New York, du type de ce qui a touché nos compatriotes à Karachi il y a quelques semaines, quand je me suis rendue pour voir et pour essayer d'aider les victimes de cet odieux attentat. Ce sont des risques qui existent avec effectivement aussi - c'est notre préoccupation majeure - des risques de nouvelles formes de terrorisme. Ce que l'on redoute, ce sont des attaques qui pourraient être d'ordre biologique, voire nucléaire dans un certain nombre de cas."
La France doit s'y adapter. Le président de la République vous a demandé de préparer une nouvelle loi de programmation militaire pour 2003-2008. Apparemment, vous avez commencé : quelles sont les priorités et quels efforts pourraient être consacrés à la défense, dont vous dites qu'il y a aussi une sorte d'insécurité extérieure à laquelle nous devons tenir compte ?
- "Le président de la République a bien dit qu'il souhaitait marquer un effort de redressement du budget d'équipement, en particulier, des armées, pour pouvoir lutter contre le terrorisme, pour pouvoir protéger nos concitoyens en France et à l'extérieur de la France. Effectivement, cette loi de programmation militaire que nous avons commencée à préparer et qui sera déposée, selon les souhaits du président de la République, avant la fin de l'année, insiste tout particulièrement sur l'effort de remise à niveau de nos matériels."
Le candidat de J. Chirac parlait de cinq milliards d'euros en cinq ans. Le président de la République et son ministre de la Défense vont le faire ?
- "Le président de la République a pris des engagements et il a demandé au Gouvernement de remplir tous ses engagements. Par conséquent, ces engagements seront tenus. Je crois que le chef de l'Etat a d'ailleurs souligné, dans un communiqué récent, que l'effort consenti et qui est nécessaire pour améliorer la sécurité des Français, correspondrait à un effort budgétaire qui serait fait en dépit des contraintes budgétaires et financières que nous connaissons et que connaît notre pays."
Cela, le ministre des Finances et le ministre de l'Economie doivent le savoir ?
- "Le ministre des Finances et le ministre du Budget doivent effectivement le savoir. C'est la sécurité de nos concitoyens qui est en jeu. Il y a des problèmes de sécurité intérieure au quotidien que nous connaissons. Il y a également ces problèmes de sécurité qu'il est indispensable de prendre en compte. Au cours des dernières années, l'effort n'a pas été consenti. On n'a pris sur le budget du ministère de la Défense des éléments pour financer d'autres choses. On l'a affaibli. Et, aujourd'hui, je crois qu'il est important de faire un effort."
Donnez-moi un ordre d'idée, parce que le fossé technologique et de défense est en train de se creuser entre les Etats-Unis - qui consacrent 380 milliards de dollars à la Défense - avec l'Europe et la France. La France consacre 1,9 % du produit intérieur brut, les Anglais 2,3 %, à la Défense. Nous, est-ce que nous irons jusqu'au 3 % qui sont, paraît-il, nécessaires pour mettre à niveau les forces de défense françaises ?
- "Le problème n'est pas là. D'abord, ce que je voudrais dire et ce que j'ai constaté sur le terrain, c'est que contrairement à ce que l'on dit, il n'y pas une différence technologique telle. Les Américains ont beaucoup plus de matériel. Cela ne veut pas dire que leur matériel est meilleur que le nôtre. Au contraire, j'ai constaté que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo, que dans un certain nombre de cas, ils nous confiaient un certain nombre de commandements, parce qu'ils estimaient que notre matériel était aussi bon ou sinon parfois meilleur que le leur. Cela il faut le dire aussi."
Sur les conditions de vie des militaires et leur place dans la société : vous aurez aussi les moyens de faire ce qui a été promis à la fois aux militaires et aux gendarmes ?
- "Je crois qu'il est indispensable de mieux reconnaître le rôle et la place de nos armées, de nos militaires dans la nation. Je voudrais que la nation française prenne conscience des efforts qu'ils font et des efforts qu'ils ont faits. Ils sont aujourd'hui dans un ministère probablement le plus moderne et le plus efficace. Ce sont des gens qui ont une très haute idée, je dirais presque du sacrifice personnel au profit des autres. Je crois que la France peut être fière de ses militaires de la même façon que les militaires sont fiers de servir la France."
Le match va commencer dans peu de temps : France-Danemark. Sans faire de nationalisme primaire, le drapeau va être défendu par Zidane, Desailly et toute l'équipe. Est-ce qu'ensemble on peut leur dire ce que l'on ne peut pas dire en temps normal : "merde" ?
- "Eh bien, écoutez, très volontiers. Je leur dis bonne chance et je leur dis .... !"
Vous voyez vous ne leur dites pas ! On leur dit "merde" quand même. Bonne journée et bon match !
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 juin 2002)
- "Bien sûr que cela nous concerne aussi, dans la mesure où c'est une zone du monde qui est extrêmement fragile. C'est également une zone du monde d'où sont parties et d'où partent des menaces terroristes extrêmement précises. Le réseau Al Qaïda, pendant des années, et pour ce qu'il en reste, se trouve encore en partie dans la zone."
Les armées américaines continuent-elles de lutter contre Al Qaïda dans le Nord de l'Afghanistan, peut-être avec l'aide des soldats français ?
- "Bien entendu, effectivement. Tant que le terrorisme dans cette zone ne sera pas éradiqué, il sera la source de menaces pour l'ensemble des pays occidentaux, pour notre pays lui-même et, par conséquent, nous lutterons contre le terrorisme."
Et quand vous êtes allé sur place, est-ce que vous avez parlé de Ben Laden ou du Mollah Omar ? On vous a dit s'ils étaient là, en Afghanistan, au Pakistan ? Est-ce qu'il y a des traces ?
- "Les avis sont assez divers sur ces deux personnes. Simplement, ce qui est certain, c'est qu'il y a encore, c'est vrai, des traces, des groupes relevant d'Al Qaïda ou des réseaux voisins, qui sont en Afghanistan, qui sont à la frontière avec le Pakistan qui circulent et qui, d'ailleurs, sont partis également dans d'autres régions du monde ou ont des implantations dans d'autres régions du monde."
Hier, les Américains ont fait savoir qu'à Chicago, un terroriste d'Al Qaïda ou un complice a été arrêté, alors qu'il s'apprêtait à faire exploser une bombe sale radioactive. Pour les dirigeants américains, la menace terroriste persiste. Et pour nous ?
- "Pour nous aussi. Nous sommes dans une période de grande incertitude et je dirais de grand danger. C'est vrai qu'aujourd'hui, le terrorisme est une réalité qui peut frapper n'importe où et n'importe qui."
Même ici en France et en Europe ?
- "Bien sûr, la France est aussi menacée que tous les grands pays européens et c'est la raison pour laquelle nos armées sont en lutte contre cela. Et je crois que les Français ne savent peut-être pas suffisamment qu'il y a des centaines d'hommes et de femmes qui, tous les jours, sont prêts à donner leur vie et, en tout cas, font des efforts considérables, souvent dans des situations difficiles à vivre, en ayant laisser leurs familles, pour protéger les Français contre ces risques terroristes."
Mais de quelle nature est cette menace ? Quand vous en parlez, c'est une hypothèse ou vous savez qu'il y a des choses, là où vous êtes ?
- "Nous avons un certain nombre de renseignements effectivement, qui nous permettent de savoir qu'il y a dans le monde des réseaux terroristes. Ce terrorisme d'ailleurs prend des formes multiples. Aujourd'hui, c'est vrai que ce que l'on redoute le plus c'est le terrorisme qui s'attaque à des civils, au plus grand nombre possible de civils, bref du type de ce qui s'est passé le 11 septembre à New York, du type de ce qui a touché nos compatriotes à Karachi il y a quelques semaines, quand je me suis rendue pour voir et pour essayer d'aider les victimes de cet odieux attentat. Ce sont des risques qui existent avec effectivement aussi - c'est notre préoccupation majeure - des risques de nouvelles formes de terrorisme. Ce que l'on redoute, ce sont des attaques qui pourraient être d'ordre biologique, voire nucléaire dans un certain nombre de cas."
La France doit s'y adapter. Le président de la République vous a demandé de préparer une nouvelle loi de programmation militaire pour 2003-2008. Apparemment, vous avez commencé : quelles sont les priorités et quels efforts pourraient être consacrés à la défense, dont vous dites qu'il y a aussi une sorte d'insécurité extérieure à laquelle nous devons tenir compte ?
- "Le président de la République a bien dit qu'il souhaitait marquer un effort de redressement du budget d'équipement, en particulier, des armées, pour pouvoir lutter contre le terrorisme, pour pouvoir protéger nos concitoyens en France et à l'extérieur de la France. Effectivement, cette loi de programmation militaire que nous avons commencée à préparer et qui sera déposée, selon les souhaits du président de la République, avant la fin de l'année, insiste tout particulièrement sur l'effort de remise à niveau de nos matériels."
Le candidat de J. Chirac parlait de cinq milliards d'euros en cinq ans. Le président de la République et son ministre de la Défense vont le faire ?
- "Le président de la République a pris des engagements et il a demandé au Gouvernement de remplir tous ses engagements. Par conséquent, ces engagements seront tenus. Je crois que le chef de l'Etat a d'ailleurs souligné, dans un communiqué récent, que l'effort consenti et qui est nécessaire pour améliorer la sécurité des Français, correspondrait à un effort budgétaire qui serait fait en dépit des contraintes budgétaires et financières que nous connaissons et que connaît notre pays."
Cela, le ministre des Finances et le ministre de l'Economie doivent le savoir ?
- "Le ministre des Finances et le ministre du Budget doivent effectivement le savoir. C'est la sécurité de nos concitoyens qui est en jeu. Il y a des problèmes de sécurité intérieure au quotidien que nous connaissons. Il y a également ces problèmes de sécurité qu'il est indispensable de prendre en compte. Au cours des dernières années, l'effort n'a pas été consenti. On n'a pris sur le budget du ministère de la Défense des éléments pour financer d'autres choses. On l'a affaibli. Et, aujourd'hui, je crois qu'il est important de faire un effort."
Donnez-moi un ordre d'idée, parce que le fossé technologique et de défense est en train de se creuser entre les Etats-Unis - qui consacrent 380 milliards de dollars à la Défense - avec l'Europe et la France. La France consacre 1,9 % du produit intérieur brut, les Anglais 2,3 %, à la Défense. Nous, est-ce que nous irons jusqu'au 3 % qui sont, paraît-il, nécessaires pour mettre à niveau les forces de défense françaises ?
- "Le problème n'est pas là. D'abord, ce que je voudrais dire et ce que j'ai constaté sur le terrain, c'est que contrairement à ce que l'on dit, il n'y pas une différence technologique telle. Les Américains ont beaucoup plus de matériel. Cela ne veut pas dire que leur matériel est meilleur que le nôtre. Au contraire, j'ai constaté que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo, que dans un certain nombre de cas, ils nous confiaient un certain nombre de commandements, parce qu'ils estimaient que notre matériel était aussi bon ou sinon parfois meilleur que le leur. Cela il faut le dire aussi."
Sur les conditions de vie des militaires et leur place dans la société : vous aurez aussi les moyens de faire ce qui a été promis à la fois aux militaires et aux gendarmes ?
- "Je crois qu'il est indispensable de mieux reconnaître le rôle et la place de nos armées, de nos militaires dans la nation. Je voudrais que la nation française prenne conscience des efforts qu'ils font et des efforts qu'ils ont faits. Ils sont aujourd'hui dans un ministère probablement le plus moderne et le plus efficace. Ce sont des gens qui ont une très haute idée, je dirais presque du sacrifice personnel au profit des autres. Je crois que la France peut être fière de ses militaires de la même façon que les militaires sont fiers de servir la France."
Le match va commencer dans peu de temps : France-Danemark. Sans faire de nationalisme primaire, le drapeau va être défendu par Zidane, Desailly et toute l'équipe. Est-ce qu'ensemble on peut leur dire ce que l'on ne peut pas dire en temps normal : "merde" ?
- "Eh bien, écoutez, très volontiers. Je leur dis bonne chance et je leur dis .... !"
Vous voyez vous ne leur dites pas ! On leur dit "merde" quand même. Bonne journée et bon match !
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 juin 2002)