Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur les perspectives d'évolution de l'industrie pétrolière française, la nécessité de concilier la couverture des besoins énergétiques croissants et le respect de l'environnement, et sur les mouvements de concentration dans l'industrie pétrolière, Paris, le 12 octobre 1999.

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Circonstance : Journée annuelle du pétrole et de la pétrochimie de l'AFTP, à Paris, le 12 octobre 1999

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Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs,
" L'industrie française face aux modifications de son environnement ". Tel est le thème que vous avez choisi pour cette journée annuelle de l'AFTP que j'ai l'honneur de clôturer. Ce sujet aura, j'en suis sûr, suscité de nombreux échanges au terme d'une année particulièrement riche en changements, que ceux-ci concernent l'organisation de l'industrie pétrolière ou son environnement économique.
Pour illustrer ces évolutions, présente et future, j'aimerais aujourd'hui évoquer les conséquences possibles pour l'industrie pétrolière française de l'aspiration légitime à un développement économique durable. J'évoquerai ensuite, comme vous l'avez fait ce matin, l'important mouvement de concentration de l'industrie pétrolière que nous avons constaté depuis un an.
1 - L'aspiration d'un développement économique durable n'est pas sans conséquences sur l'industrie sur les industries pétrolières et gazières.
Chacun sait que la croissance démographique et le développement économique généreront des besoins supplémentaires considérables en énergie. Cette demande additionnelle, source de croissance pour toutes les énergies, s'adressera partiellement aux hydrocarbures liquides. Cet accroissement des besoins en pétrole pourrait nécessiter une production supplémentaire de 1,5 Mb/j par an d'ici 2010, la contribution des hydrocarbures au bilan énergétique mondial restant de l'ordre de 60% avec une montée en puissance du gaz naturel.
Les réserves d'hydrocarbures liquides qui serviront à répondre à ces attentes présentent une forte concentration géographique dans la zone du Moyen-Orient. Mais les flux d'énergie entre producteurs et consommateurs sont aussi vitaux pour les revenus des premiers que pour l'économie des seconds. C'est pourquoi je suis convaincu que nous devons entretenir et développer avec l'ensemble des pays producteurs un dialogue de long terme d'autant plus que le caractère capitalistique de l'industrie pétrolière impose des investissements qui s'inscrivent par nature dans la durée. La France est particulièrement attachée à ce dialogue dans lequel elle joue un rôle moteur par sa participation fidèle aux forums internationaux de l'énergie.
A court terme, la volatilité des prix de l'énergie, qui restent liés au prix du pétrole, pose des problèmes pour la gestion des économies et particulièrement pour celle des pays producteurs. Un degré extrêmement élevé de volatilité a ainsi marqué le marché pétrolier depuis 2 ans. Le baril de Brent culmine à 24 $/b début 1997. Il tombe à 15$/b au début de l'année suivante. Il atteint un plancher de 10 $/b un an après. Neuf mois plus tard, le niveau record de 1997 est dépassé ! Ce trop fort niveau d'incertitude est dommageable pour l'ensemble des acteurs notamment par les politiques de " stop and go " qu'il provoque.
L'extrême faiblesse des cours est dangereuse pour les consommateurs car elle hypothèque la réalisation des investissements nécessaires à la couverture des besoins futurs. Il serait parallèlement trompeur pour les producteurs d'attendre un effet positif de prix des hydrocarbures trop élevés. Les conséquences d'une telle situation sur les consommations ont été illustrées de façon spectaculaire par les effets des chocs pétroliers. C'est pourquoi une certaine stabilité des prix du brut me semble préférable aussi bien pour les pays producteurs que pour les pays consommateurs.
2 - La hausse des besoins en énergie exige par ailleurs que nous soyons très attentifs aux conséquences de l'accroissement de la consommation d'énergie sur l'environnement
Cette attention renforcée au respect de l'environnement a motivé la mise en place de nouvelles spécifications communautaires sur les produits pétroliers. L'application des directives issues des programmes auto-oil contribuera de manière significative à la réduction de la pollution automobile notamment en milieu urbain. La réduction des émissions de soufre sera en même temps accélérée par la mise en uvre de la directive sur les combustibles liquides.
Les investissement nouveaux sur les sites de raffinage, les innovations sur les catalyseurs, les échanges entre plates-formes devraient permettre d'atteindre ces objectifs de la manière la plus économique pour le consommateur. Je note que ces nouveaux besoins créent aussi de nouveaux marchés auxquels le para pétrolier français peut apporter des réponses compétitives.
D'ores et déjà, des compagnies proposent des lubrifiants et des carburants " économiseurs d'énergie " ou respectant les spécifications 2005. Les compagnies pétrolières s'affirment comme acteurs du changement et intègrent ainsi les aspirations de nos concitoyens à un respect croissant de l'environnement.
C'est pour répondre à cette préoccupation que le gouvernement a souhaité mettre en place en 1999 des inflexions sensibles de la fiscalité française sur les carburants. Le mouvement de rééquilibrage entre le gazole et l'essence sans plomb sera poursuivi dans le budget 2000. Je constate que cette mesure fait déjà sentir ses premiers effets au regard de la progression des consommations enregistrée au premier semestre de 1999 de ces deux types de carburant.
Je me félicite par ailleurs que l'avantage fiscal consenti au GPL et le GNV ait conduit au développement significatif de ces carburants propres avec une consommation de GPL-c en croissance de 40% en 99. Cette percée a pu être réalisée grâce à un accroissement rapide du nombre de stations services distribuant ces carburants propres, qui prouve la réactivité des opérateurs français.
3 - Face à cette demande accrue d'énergie, il y a une place pour toutes les énergies même si un certain rééquilibrage s'opère au profit du gaz naturel et des énergies renouvelables.
Les travaux du CEPM COPREP d'hier ont mis en avant les fabuleux défis technico-économiques auxquels doit faire face l'industrie pétrolière. Un de ses atouts, en France, est de pouvoir le faire en liaison étroite avec l'IFP et un secteur para pétrolier particulièrement développé. Les nouvelles ressources devront être exploitées à moindre coût pour conserver la compétitivité des hydrocarbures liquides face aux autres énergies. La limitation des émissions polluantes tout au long de la chaîne pétrolière constitue également un enjeu majeur.
Le secteur para pétrolier français, dont la journée d'hier a démontré l'excellence technologique et auquel l'Etat manifeste un appui confirmé au travers du FSH, doit y contribuer pleinement.
Au regard des rapprochements récents, le maintien de synergies fortes entre les compagnies pétrolières françaises, les acteurs du para-pétroliers et l'ensemble IFP-ISIS est un objectif prioritaire.
Le gaz naturel présente des perspectives de croissance forte à l'heure où les marchés de l'énergie s'ouvrent. Cette évolution offre des opportunités nouvelles aux acteurs français, gaziers et pétroliers.
Gaz de France, qui a rempli avec efficacité les missions générales qui lui ont été confiées, évoluera en France dans un marché plus concurrentiel. L'Etat restera attentif à ce que les missions de service public et la sécurité d'approvisionnement soient garanties dans le cadre de la transposition de la directive du Marché Intérieur du Gaz.
Gaz de France s'adapte d'ores et déjà à ce nouveau contexte par l'internationalisation et par d'ambitieux développements vers l'Amont. Gaz de France a vocation à devenir un acteur gazier majeur. Elle en a aussi les atouts.
Les compagnies pétrolières françaises disposent également d'atouts importants : un portefeuille amont gazier solide ; des positions dans le trading et l'aval gazier européen ; une compétence reconnue et en développement dans le GNL.
4 - C'est à l'aune de ces changements qu'il faut lire le formidable mouvement de concentration qui a marqué l'industrie pétrolière depuis un an.
1999 aura été marquée par un rapprochement entre de nombreuses compagnies du secteur. BP et Amoco ont ouvert le bal rejoint sur la piste par Exxon Mobil puis par Total et PetroFina. Des duos sont devenus trios Arco adoptant le rythme de BP Amoco, Elf et Totalfina décidant de se regrouper pour ne citer que les opérations les plus importantes.
Pourquoi ces fusions ? De l'aveu même de leurs initiateurs, ces opérations ont été motivées par des visions long terme marquées par l'anticipation d'un niveau modéré des prix futurs de l'énergie, par des incertitudes pesant sur l'environnement géopolitique imposant de diversifier ses approvisionnements ainsi que par le mouvement de globalisation du marché de l'énergie.
Pour maintenir et améliorer la rentabilité des entreprises dans un environnement perçu comme plus sévère et incertain, la réduction des coûts, l'optimisation des investissements et l'atteinte d'une taille critique dans les différentes activités s'imposent. Les fusions constituent un moyen de répondre à ces objectifs.
Dans ce contexte, le gouvernement se félicite de ce rapprochement des deux compagnies françaises au fort ancrage européen.
Les conséquences sociales de ce rapprochement seront suivies avec attention par le gouvernement comme le seront les intérêts du consommateurs pris en compte dans le cadre du contrôle des concentrations. Cette fusion à venir constitue un gage de continuité de la sécurité d'approvisionnement de l'économie française sur laquelle l'Etat est extrêmement vigilant. C'est pourquoi l'Etat entend conserver dans le nouvel ensemble les droits conformes à ceux qu'il détenait par l'action spécifique dont il disposait dans Elf-Aquitaine.
La conclusion d'un accord, de façon amicale, sur un pied d'égalité et s'appuyant de manière équilibrée sur les compétences des équipes des deux groupes, apparaît positive pour assurer le succès de cette opération industrielle, avec un nouveau groupe qui occupera le 4ème rang mondial.
L'industrie pétrolière se trouvera renforcée par ce rapprochement. Je souhaite également que le secteur para-pétrolier français bénéficie de l'effet d'entraînement que doit représenter la création d'un groupe pétrolier national encore plus performant et pérenne.
Soyez convaincu que pour ma part je suis, avec le support de mon administration, un appui et un avocat de votre industrie chaque fois que je peux contribuer à favoriser son développement en France comme à l'international.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 14 octobre 1999)