Interviews de M. Daniel Gluckstein, candidat du Parti des travailleurs à l'élection présidentielle 2002, à "LCI" le 25 janvier 2002, et à "France Inter" le 14 mars 2002, sur les raisons de sa candidature à la présidence de la République.

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Média : France Info - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

LCI
Monsieur Gluckstein, bonjour. Vous êtes candidat du Parti des travailleurs, candidat à l'élection présidentielle. Vous allez tenir votre première réunion ce soir à Marseille. Ca sera sous quelle forme ?
Ce sera une rencontre avec les militants de notre parti. A cette occasion, je vais rencontrer beaucoup de maires de la région. Il faut dire que pour préparer cette campagne, nous avons rencontré 7000 à 8000 maires. Et les maires de notre pays nous ont fait part d'une très grande inquiétude. Ils avaient placé de grands espoirs dans la décentralisation, ils pensaient qu'ils auraient plus de moyens pour s'occuper des besoins de leurs administrés. Ils ont aujourd'hui le sentiment qu'on veut étouffer les communes. Et je vais à leur rencontre...
Vous êtes le candidat des travailleurs, ou le candidat des maires ?
Vous savez, ce n'est pas contradictoire. Les milliers de maires que nous avons rencontrés, nous ont dit : "faites savoir qu'il faut sauver les 36 000 communes dans notre pays. Faites savoir qu'une loi a été votée, qui est la loi "démocratie et proximité".
Et de l'intercommunalité
Et l'intercommunalité, qui prolonge la loi de Monsieur Chevènement, et qui en fait dessaisit les communes de tout pouvoir, qui les transfère à l'intercommunalité
Voir aussi... Interview sur France-Info Communiqué de presse du 26/02
Il y a une certaine rationalisation dans l'intercommunalité
Je crois que dans l'intercommunalité, il y a aussi la destruction des services publics, il y a la fermeture des écoles, des maternités. Et les 36 000 communes, ça fait partie de l'exception française, ça fait partie de l'héritage de la Révolution française. Nous estimons, et c'est l'un des mots d'ordre de notre campagne, qu'il faut reconquérir la démocratie. Et reconquérir la démocratie, cela veut dire sauver les 36 000 communes, préserver leur existence, leur restituer leurs prérogatives.

Est-ce que c'est parce que vous avez pris à votre compte la défense des communes françaises, que vous avez obtenu sans problème le nombre de signatures nécessaires pour présenter votre candidature ?
Il est certain que beaucoup de maires ont choisi de nous donner leur soutien même s'ils ne partagent pas le point de vue du Parti des travailleurs sur d'autres questions, parce que sur cette question, nous avons un point de vue commun. J'attire votre attention sur le fait que traditionnellement, c'était une position de toute la gauche naguère, d'être attachés à la commune, comme une cellule de base de la République. Aujourd'hui, c'est malheureusement un gouvernement de gauche, qui remet en cause l'existence des communes, sur la base des exigences de l'Europe de Maastricht. Nous sommes dans cette tradition de la gauche et de la République, qui est pour la liberté communale, pour l'autonomie communale.
Voir aussi... Interview sur RMC Communiqué de presse du 06/02 Conférence de presse du 06/02
Vous défendez d'autres choses, vous défendez les travailleurs, vous défendez les droits syndicaux. C'est ce message que vous allez faire passer, la défense d'une politique sociale, si j'ai bien compris.
Certainement. Et la défense et la reconquête de droits qui ont été remis en cause. Nous voulons parler des faits, dans cette campagne. Par exemple vous savez, traditionnellement dans notre pays, le travail des enfants était interdit avant 16 ans. Est-ce que vous savez, est-ce que vos spectateurs savent, que depuis le 22 février de l'an dernier, une ordonnance qui est signée par Jacques Chirac et Lionel Jospin, Jean-Claude Gayssot, Madame Guigou et Monsieur Glavany, rétablit le travail des enfants à partir de 13 ans ? Que cette ordonnance remet en cause l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans ? C'set à notre avis, quelque chose qui nous ramène très loin en arrière. Et nous pensons effectivement que l'interdiction du travail des enfants, l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans, ce sont des conquêtes extrêmement importantes, qu'il faut aujourd'hui reconquérir, puisque l'actuel gouvernement les a remises en cause.
Cela ne s'est pas beaucoup su, vous n'avez pas beaucoup fait campagne, contre cela.
Vous vous trompez : nous sommes allés à l'Assemblée nationale, manifester le jour du vote de la loi, le 22 février 2001. En même temps, nous avons protesté contre l'ordonnance qui rétablissait le travail de nuit des femmes dans l'industrie. Vous vous rendez compte, le travail de nuit des femmes dans l'industrie était interdit dans notre pays depuis 1892. Il a été rétabli voilà un an, par une majorité parlementaire de gauche. C'est un formidable retour en arrière.

C'est une directive européenne.
C'est une directive européenne, mais s'il faut au nom de l'Europe, abdiquer tous les droits sociaux qui existent dans notre pays, nous pensons qu'il y a quelque chose qui va exactement en sens inverse des besoins des salariés, de nos concitoyens.
Voir aussi... 16 questions au Monde Interview sur RMC

Et c'est pour ça que vous vous présentez ? Vous pensez que les autres candidats d'extrême gauche ne défendent pas ces valeurs-là ?
En démocratie, je pense qu'il est normal que tout courant politique puisse se présenter. Je ne veux pas faire de polémique.

Personne ne vous le conteste, seulement le créneau est quand même relativement étroit.
Cela dépend de quel point de vue on se place. Par exemple, j'ai entendu Madame Laguiller qui dit que l'euro est quelque chose de favorable aux travailleurs. Pour ma part, je pense que l'euro - comme l'ensemble du traité de Maastricht dans lequel cela est inscrit - c'est quelque chose (et beaucoup de mères de familles font souvent des comptes, et qu'elles sont allées faire des courses ces dernières semaines), d'extrêmement défavorable aux travailleurs, qui est extrêmement défavorable au pouvoir d'achat. Mais au-delà de cet effet immédiat, l'euro c'est un instrument pour imposer la déréglementation, la flexibilité, la remise en cause des droits sociaux. Pour ma part, j'ai bien l'intention dans cette campagne, de montrer que la reconquête de la démocratie, des droits sociaux et ouvriers, c'est quelque chose qui est contradictoire avec cette Europe de Maastricht, et à l'euro qu'on veut nous imposer.

Quel regard est-ce que vous jetez sur le phénomène, mouvement antimondialisation ? Est-ce que vous auriez envie d'aller à Porto Alegre la semaine prochaine ?
Vous savez, il ne faut pas confondre le bruit et la fureur qu'on fait autour d'un certain nombre de phénomènes, et la réalité. La réalité, c'est que si on applique les directives du Fonds monétaire international, si on applique les directives de l'Union européenne, on peut toujours aller à Porto Alegre, dire qu'on est contre la mondialisation au Brésil. Mais qu'est-ce qu'on fait en France ? Quand je vois que six ministres du gouvernement Jospin, plus plusieurs conseillers de Monsieur Chirac vont à Porto Alegre, mais qu'en même temps, par exemple en France, ils sont en train de fermer des milliers de classes, qu'ils sont en train de fermer toutes les classes de perfectionnement Vous savez ce que c'est, les classes de perfectionnement ? Ce sont les classes pour les enfants en difficulté ? On va leur interdire la possibilité d'apprendre à lire, à écrire.
Alors, on peut faire des discours sur la non mondialisation ou l'antimondialisation, si c'est pour faire une politique qui est exactement ce que sont les directives du FMI ou de la Banque mondiale, je pense que tout cela est un rideau de fumée.
Voir aussi... 16 questions au Monde Interview sur RFI Interview sur France-Info

Le phénomène est récupéré, donc ?
Je ne sais pas s'il est récupéré, je pense qu'il faut regarder la politique concrète qui se mène dans ce pays. Vous avez les grèves d'enseignants en ce moment, qui réclament l'ouverture de milliers de classes. C'est cela, les problèmes concrets auxquels on est confrontés.

Dernière question, qui concerne les liens de Lionel Jospin avec l'organisation à laquelle vous appartenez. Vous allez sortir un livre ; est-ce que c'est pour faire des révélations là-dessus ? Ou est-ce que Lionel Jospin, c'est le passé, on n'en parle plus ?
Je crois que c'est un lien qui est rompu depuis très très longtemps. Il y a un livre qui va sortir, il va surtout essayer de répondre aux questions politiques. Beaucoup de choses ont été dites sur le courant politique auquel j'appartiens, ou écrites par des gens qui n'étaient pas nécessairement les mieux informés. Suivant le bon vieux dicton, il vaut mieux être servi par soi-même, nous allons nous-mêmes nous expliquer sur des questions que beaucoup de gens posent sur notre courant.

Et pourquoi ce mystère ?
Sur quoi ?

Sur votre mouvement.
Je constate que c'est la première fois que je suis invité à LCI, et donc le mystère est entretenu par les journalistes qui ne m'invitent pas. Invitez-moi toutes les semaines, et il n'y aura aucun mystère.

Mais Monsieur Lambert est venu sur la chaîne.
Oui, cela fait donc deux fois. Donc cela a donné deux fois l'occasion de lever le mystère. Invitez-nous quinze fois, vingt fois, et nous lèverons le mystère.

Comme cela, vous parlerez de votre fonctionnement, et pourquoi vous travaillez toujours à huis clos, etc ?
Mais nous ne travaillons pas à huis clos, vous faites erreur, et je serai ravi de pouvoir m'expliquer devant vos spectateurs.

Eh bien vous êtes là. Dernière question, elle concerne votre proposition pour une augmentation générale des dépenses de santé. Est-ce que vous pensez qu'il faut bien augmenter les médecins ?
Vous savez, tout le monde aujourd'hui, nous dit qu'il faut réduire les dépenses de santé. Moi, j'ai tendance à penser qu'une société est civilisée quand elle augmente ses dépenses de santé. Quand elle les réduit, c'est la barbarie. Si l'avenir qu'on veut nous proposer, c'est celui de l'Afrique, où l'espérance de vie a diminué de dix ans dans la dernière période parce que malheureusement, les pays africains n'ont pas les moyens de faire face à la pandémie du SIDA, si c'est ça, l'avenir de notre société, cet avenir est celui de la barbarie. La civilisation, c'est l'augmentation des dépenses de santé. Les médecins ont parfaitement raison de revendiquer la revalorisation de leurs honoraires, de leurs consultations et de leurs visites.
(Source http://www.informations-ouvrieres.presse.fr, le 15 mars 2002)
France Inter (14 mars 2002)
S. Paoli
Faut-il invoquer "l'infamie", comme le fait P. Broussel, dit Lambert, chef historique du Parti des travailleurs, ou la fatalité, après l'incendie qui a ravagé hier matin les locaux de la formation politique trotskiste ? Engagé dans la présidentielle, le Parti des travailleurs entendait profiter de la campagne pour s'organiser et se construire.
Prononcer le mot "infamie", comme le fait P. Broussel, est-ce considérer qu'il y a un complot contre le Parti des travailleurs ou pas ?
- "C'est un fait que depuis le début de cette campagne, il y a un traitement très particulier du candidat que je suis, du Parti des travailleurs : boycott des médias, accumulation de livres extrêmement hostiles à notre courant, diffamation, mensonges, calomnies. Cela n'arrête pas. Et qu'au milieu de tout cela, intervienne un incendie l'avant-veille du jour où les signatures officielles devaient être déposées au Conseil constitutionnel, disons que c'est pour le moins une coïncidence étonnante."
Mais est-ce qu'on n'en est qu'aux coïncidences ou est-ce que vous avez des éléments objectifs qui permettent de penser qu'il y a une mauvaise intention à votre égard ou à celui du Parti des travailleurs ?
- "L'enquête est en cours. La police et les pompiers n'excluent aucune hypothèse non plus."
Pourquoi dites-vous qu'il y a contre vous une forme d'ostracisme, contre vous ou contre le parti que vous représentez ?
- "Les comptes du CSA sont très clairs : le Parti des travailleurs n'a pas eu droit à la parole pendant deux mois sur les chaînes nationales dans les journaux du soir. Par ailleurs, dix livres, en deux mois, qui déversent un torrent de calomnies contre mon parti, c'est beaucoup."
Tous les petits candidats disent à peu près la même chose que vous, et souvent d'ailleurs à juste titre. C'est vrai qu'on les entend beaucoup moins que les autres. Mais pas vous moins que les autres petits.
- "Puisqu'on a peu l'occasion de m'entendre, je vais en profiter tout de suite et je vais passer au vif du sujet. La campagne présidentielle est une totale mascarade. Vous avez dans ce pays des millions de gens qui s'apprêtent à s'abstenir et ils ont raison de vouloir s'abstenir. Ils veulent s'abstenir, parce qu'aucun des problèmes auxquels l'immense majorité de la population est confrontée ne va trouver de solution dans la prochaine élection présidentielle. Il y a des centaines de milliers d'emplois qui sont en train d'être détruits dans l'industrie. Qui peut croire que, quel que soit le président élu, il va y avoir une amélioration de la situation après la prochaine élection ? Il y a des travailleurs hospitaliers qui sont en grève depuis trois mois pour obtenir des postes. Qui peut croire qu'ils vont obtenir ces postes plus facilement après l'élection, quel que soit celui qui est élu ? Vous avez les routiers, les instituteurs, les maires que j'ai rencontrés - nous avons rencontré 11.000 maires. Les maires s'inquiètent, parce qu'on veut liquider les communes en France, parce qu'on veut créer une situation où les habitants des communes devraient demain, comme dans d'autres pays d'Europe, faire 20, 30 à 40 kilomètres pour aller à la mairie. Il n'y aurait plus de Poste, plus d'école. Qui peut croire qu'après la prochaine élection présidentielle, ces problèmes vont trouver une solution ? Bien au contraire. Nous pensons que cela va continuer, que cela va même s'aggraver."
Vous pensez que c'est une des explications qu'il faudrait donner au fait que les maires sont à ce point réticents pour donner aujourd'hui leur caution aux candidats ?
- "C'est évident. Les maires sont extrêmement inquiets. Ils estiment qu'on veut liquider les communes. Il y a des projets sur l'intercommunalité forcée, il y a des projets sur l'élection du conseil d'intercommunalité au suffrage universel, et il est évident qu'aujourd'hui, dans le cadre des directives européennes, comme pour toutes les questions politiques, on veut, au nom de l'Europe, liquider les communes, parce que c'est l'instance de base de la démocratie et de la République. C'est une évidence."
Vous dénoncez au fond l'absence de propositions faites par les grands candidats pour cette présidentielle. Mais vous, pourquoi êtes-vous dans la présidentielle ? J'ai lu dans la presse que n'étant pas assuré évidemment d'être élu, que c'était au fond juste une occasion pour vous de construire ou d'organiser le Parti des Travailleurs ?
- "D'abord, vous vous méprenez. Il y a les propositions des différents candidats. Chirac et Jospin ont des propositions très précises. Par exemple, après les élections, ils ont l'intention de liquider les retraites par répartition. Il y en a un qui appelle "les fonds de retraite", l'autre qui appelle "l'épargne salariale". Mais en fait, ils veulent introduire les fonds de pension dans notre pays. Ils ont des propositions. Ils veulent accélérer les privatisations. C'est ce qu'ils font aujourd'hui et demain à Barcelone, à propos de l'électricité, lorsqu'ils siègent côte à côte au sommet européen. Ils ont les propositions qui se résument à ceci : après les élections, quel que soit l'élu, nous allons aggraver les mesures contre les travailleurs, contre la jeunesse, contre la démocratie. C'est des propositions très précises. Et si je suis candidat dans cette élection, c'est pour poser ces problèmes et c'est pour dire ce que tout le monde sait très bien, à savoir qu'il n'y aura aucune solution dans ces élections, à savoir qu'aucun de ces problèmes ne va trouver de réponse, et pourtant, il faudra bien qu'ils trouvent une réponse. Si vous croyez que les médecins, les hospitaliers, les instituteurs, les ouvriers victimes de licenciements, vont demain, après les élections, parce qu'on aura un nouveau président, accepter plus facilement ce qu'ils refusent aujourd'hui, vous vous trompez. Et tout le monde sait que ceux qui aujourd'hui se dressent contre cette politique continueront à se dresser demain. Si je suis candidat, c'est pour poser ces problèmes dont personne ne parle, et c'est effectivement pour poser à l'ordre du jour la construction d'un parti ouvrier qui est nécessaire à l'organisation de ce combat de résistance."
Le candidat que vous êtes est face à une réalité incontournable : c'est l'Europe, c'est l'euro adopté par 320 millions citoyens. Vous dites quoi face à cela ?
- "Il n'y a aucune réalité incontournable. Ce qu'une loi a fait, une loi peut le défaire. Le Traité de Maastricht est une fabrication contre les intérêts de la démocratie, de la classe ouvrière, de la jeunesse, de la paysannerie. Il faudra défaire le Traité de Maastricht."
Savez-vous que C. Pasqua disait à peu près la même chose, avec les mêmes mots, il y a 48 heures, sur cette antenne ?
- "Non, non, non ! C. Pasqua, d'abord, dit qu'il faut amender l'euro. Surtout, C. Pasqua ne dit pas ce que je dis là, qu'il faut interdire les licenciements, qu'il faut interdire les privatisations, qu'il faut renationaliser les services publics. Il ne tient pas ce discours, parce qu'il ne se situe pas du côté de la classe ouvrière ni de la jeunesse."
Je parlais de l'Europe...
- "Mais c'est un tout ! Si nous nous opposons à l'Europe de Maastricht, c'est au nom des intérêts de la classe ouvrière, au nom de la défense des conventions collectives, la défense des statuts, la défense des droits ouvriers, la défense des prérogatives des organisations syndicales, et je crois que, de ce point de vue, elles ne sont défendues par personne d'autre dans cette élection."
Comment vous positionnez-vous par rapport à Lutte Ouvrière d'A. Laguiller, par rapport à la LCR ? Si on fait le total - il faut se méfier des sondages, bien entendu, à ce moment de la campagne - en gros des estimations, l'extrême gauche représenterait à peu près 10 % des voix aujourd'hui. Comment vous vous situez par rapport à eux ?
- "D'abord le Parti des travailleurs n'est pas un parti d'extrême gauche. C'est un parti ouvrier indépendant, dans lequel se retrouvent différents courants du mouvement ouvrier. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être dites par A. Laguiller qui portent sur des constats que je peux partager, mais il y a pour le moins une finalité sur laquelle je m'interroge. D'abord, A. Laguiller est député au Parlement européen. Je ne l'ai jamais entendu dire qu'il fallait abroger l'Europe de Maastricht - elle s'est même abstenue lors du référendum de 1992. Ensuite, au Parlement européen, elle siège dans le groupe du Parti communiste, et le Parti communiste, lui, siège au Gouvernement avec Jospin. Donc, j'ai du mal à comprendre la stratégie qui consiste à critiquer le Gouvernement d'une part, et être membre d'un groupe qui lui-même est membre du Gouvernement et participe aux privatisations, comme le fait le ministre communiste Gayssot. Enfin, il y a un problème de finalité dans cette élection. Quand j'entends A. Laguiller polémiquer avec R. Hue pour savoir lequel des deux, en obtenant des voix, va, je la cite, "tirer Jospin vers la gauche", je crois que ce n'est pas réaliste. Aucun travailleur dans ce pays ne pense que plus il y aura de voix pour untel ou untel, que ce soit Laguiller ou qui que ce soit, y compris moi-même, c'est cela qui va tirer Jospin vers la gauche. Qui peut croire que quel que soit le résultat du premier tour, Jospin, s'il est élu, va moins privatiser, que Jospin ne va plus s'opposer aux licenciements, qu'il ne va plus satisfaire nos revendications ? Jospin, comme Chirac appliqueront les directives européennes de Maastricht et c'est une illusion mortelle que de croire qu'il est possible dans cette élection de faire pression sur celui qui sera élu au deuxième tour. Pour notre part - et c'est ce qui nous distingue -, nous ne sommes les supplétifs de personne pour le deuxième tour, ni Chirac bien évidemment, ni Jospin. Et la différence principale, elle est là. Nous, nous nous positionnons pour le règlement des véritables problèmes qui n'aura pas lieu dans cette élection présidentielle, mais qui, inévitablement, viendra dans l'après-élection présidentielle."
Une chose encore. Vous parliez de livres contre vous, contre le Parti des travailleurs. Un livre va paraître début avril aux éditions du Rocher, que vous signez, auquel vous êtes associé ?
- "Que j'ai écrit avec mon camarade P. Lambert."
Il paraît qu'on attend de grandes révélations sur les anciens, sur l'entrisme. Evidemment, à nouveau, on va se reposer la question Jospin.
- "Au risque de vous décevoir, je vous dirai qu'il ne faut pas croire tout ce que croient les médias, il ne faut pas croire tout ce que racontent les médias. Il y a dix livres qui ont été écrits contre notre courant. Il y en aura un qui sera écrit par les principaux intéressés, c'est-à-dire nous-mêmes. Et dans ce livre, on va expliquer pourquoi, depuis des décennies, nous nous sommes attelés à la construction d'un parti qui défend les intérêts des ouvriers, des employés, des jeunes, des exploités, des chômeurs. Nous allons expliquer le pourquoi, le comment et la finalité [passage inaudible] et on ne trouvera aucune complaisance à l'égard du Premier ministre Jospin, parce que, comme je viens de vous l'expliquer, ce qui caractérise notre courant, c'est que nous ne roulons pour personne au deuxième tour, ni Chirac ni Jospin. Il devrait y avoir une différence entre la gauche et la droite. Historiquement, l'électorat de gauche et l'électorat de droite, ce n'est pas pareil. Mais dans la vie aujourd'hui, quand on considère, c'est que et Chirac et Jospin veulent faire, une fois élu président, force est de constater que c'est exactement la même politique."
Vous dites qu'il n'y a plus de clivage ?
- "J'espère qu'un jour il y aura un clivage. Mais dans cette élection, Chirac et Jospin, sur toutes les questions concrètes qui concernent les travailleurs, c'est la même politique qui est en préparation."
(Source :Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 mars 2002)