Déclaration de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, sur l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, la lutte contre les violences envers les femmes et la parité politique, Paris le 25 juin 2002.

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Circonstance : Clôture des journées de travail des déléguées régionales et des chargées de mission départementales aux droits des femmes et à l'égalité à Paris le 25 juin 2002

Texte intégral


Qu'est-ce que qu'une République moderne ? Une démocratie vivante, ouverte, donnant à chacun et à chacune sa place dans la société et sa part de responsabilité dans les décisions publiques.
Je suis heureuse d'être parmi vous, pour la conclusion de cette journée. Et si je regrette que l'agenda ministériel ne m'ait pas permis de la commencer en votre compagnie, je veux vous exprimer ma satisfaction d'assumer, au sein de l'équipe gouvernementale, la responsabilité de la parité et de l'égalité professionnelle.
La mission qui m'a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre est ambitieuse, puisqu'elle entend donner un nouvel élan à la progression vers l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit, à côté des blocs des réformes sociales qui s'imposent à notre pays, de faire progresser notre démocratie vers l'égalité.
Assurée d'un soutien actif au plus haut niveau de l'État, il m'appartient donc de mettre en place la politique moderne définie par le Premier ministre, dont je rappelle les trois orientations :
Le respect de l'État dans son domaine régalien, ce qui suppose que celui-ci soit défini, qu'il soit lisible par tous et compris par chacun ;
La restauration de la démocratie économique et sociale par le dialogue, car l'État doit laisser agir les acteurs économiques et sociaux ;
La libération des énergies des forces vives de la nation, et singulièrement de la créativité et du potentiel des femmes.
Ces grands principes s'appliquent parfaitement à l'égalité entre les hommes et les femmes, si l'on accepte de suivre la voie tracée par l'Union européenne pour l'atteindre. Il nous appartient de rejoindre enfin les États qui ont compris toute l'importance du mainstreaming, c'est-à-dire d'une stratégie globale et intégrée qui peut remettre en cause une partie sans doute de notre fonctionnement et certainement beaucoup de nos habitudes.
Le concept exige, en effet, de définir des objectifs clairs, de fixer des agendas, de mobiliser tous les acteurs pour leur mise en uvre et de mener des évaluations qualitatives et quantitatives régulières, pour adapter et optimiser les outils et les politiques.
Cette démarche nouvelle implique un maillage du territoire et une mise en réseau des intervenants, pour connaître au plus près les besoins et définir des actions appropriées.
Je sais que vous vous y employez déjà avec détermination et conviction. On m'a signalé des réalisations exemplaires et je m'engage à apporter, dans la mesure de mes possibilités, tout le soutien nécessaire à vos initiatives et à vos actions.
Je voudrais évoquer d'abord l'égalité de traitement.
Si la loi est dans son rôle lorsqu'elle vise la modernisation de la société, elle doit intervenir au terme d'une démarche de dialogue et de partenariat qui doit être systématiquement encouragée.
Il s'agit d'engager, à tous les niveaux, les concertations nécessaires, avec les entreprises, avec la société civile, et notamment les associations, dont je connais l'importance du travail et le dévouement des membres, qu'ils soient salariés ou bénévoles, et avec les partenaires sociaux.
Ces derniers, comme le soulignait récemment le Chef de l'État, doivent être incités fermement, au niveau des entreprises et des branches, à négocier sur l'égalité de traitement et à le faire dans un sens positif, qui privilégie la libération des nouveaux talents et des énergies comme facteurs de performance à porter au sein des entreprises.
On ne peut, en effet, accepter que perdurent 13 % d'écart de rémunération à qualification et expérience égales.
Les partenaires sociaux doivent s'emparer de cette inégalité criante et la négociation doit s'engager sur l'égalité professionnelle, y compris la promotion des femmes à des postes de responsabilité. Là encore, l'Union européenne nous invite à mettre en place l'équité et nous en donne les moyens dans l'article 141.- 4 du traité de Rome, relatif à l'égalité de traitement, qui permet à " un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ".
Naturellement, le Gouvernement demeure attaché à la négociation, qui doit primer sur toute autre méthode, et entend la privilégier. J'attends, pour ma part, beaucoup des préconisations du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle et de l'introduction du thème de l'égalité professionnelle dans les négociations que mène François Fillon qui, comme vous le savez, a redonné toute son importance au dialogue social.
Mais c'est à vous, au niveau des régions et des départements, qu'il appartiendra de veiller à la mise en uvre des accords qui interviendront et des mesures qui seront prises. Il s'agit d'aller au-delà de l'égalité des chances, indispensable pour " ouvrir toutes les portes " et d'exercer la plus grande vigilance sur l'égalité de fait.
Sachez que l'égalité professionnelle est, à mes yeux, " la priorité des priorités " et que je mettrai tout en uvre pour la faire progresser autant que je le pourrai.
Je voudrais aborder maintenant la lutte contre les violences.
Violences conjugales, viols ou prostitution, sont des atteintes intolérables aux droits et à la dignité inhérente à tout être humain. Nous nous reconnaissons volontiers comme le " pays des droits de l'Homme ", alors que ceux-ci sont bafoués quotidiennement près de nous.
Avec le service central, vous avez souvent eu à assurer quasiment seules la lourde tâche de combattre ces violences.
Là encore, j'entends solliciter chacun de mes collègues du Gouvernement pour les faire participer à cette lutte.
J'attache une grande importance à faire reconnaître et à faire jouer la dimension interministérielle de ma mission. Je m'y emploierai avec la toute détermination dont une femme est capable, quand ses convictions les plus profondes sont en jeu.
Il m'apparaît, en effet, que, notamment pour la question de l'accès aux droits et celle des violences à l'égard des femmes, c'est l'ensemble du Gouvernement et la totalité des administrations qui sont concernés.
Je veux également travailler sur la prévention de ces délits et de ces crimes avec tous mes collègues. Le ministre de l'Éducation nationale, pour qu'ensemble nous puissions mieux sensibiliser les jeunes au respect et à la dignité de l'autre, ainsi qu'à l'égalité entre les hommes et les femmes. Le ministre de l'Intérieur, qui mène une lutte sans relâche contre le trafic et la traite des êtres humains, notamment ses formes extrêmement brutales venues de l'Est. Le ministre des Affaires étrangères, qui participe à la mise en place de la coordination transnationale indispensable notamment pour éliminer les réseaux mafieux.
Conformément au mainstreaming, l'ensemble du Gouvernement doit être attentif au problème des violences et chaque département doit développer des partenariats en direction des intervenants et des associations de terrain qui luttent contre ce phénomène alarmant, étroitement lié à l'insécurité. Il faut les encourager et les soutenir, pour mettre fin à ces violations intolérables des droits des femmes.
On connaît encore imparfaitement la situation des femmes victimes de pauvreté ou d'exclusion qui ont souvent vécu plus discrètement la précarité et le cumul des difficultés familiales, financières, psychologiques, ou autres dans leurs efforts pour maintenir à tout prix le lien familial pour leurs enfants. Comme nous y invite le Chef de l'État, je souhaite remédier à cette carence.
Je pense également à l'isolement des femmes immigrées qu'il faut rompre pour réussir leur intégration et celle de leur famille.
Cela suppose une stratégie globale et intégrée.
Si j'ai évoqué l'aspect interministériel de la lutte contre les violences, la stratégie globale que je veux mettre en place doit mobiliser tous les ministères et s'exprimer dans tous les domaines : politique, santé, éducation, emploi, logement, affaires sociales, famille, recherche, sport, culture
Je vois trois axes d'action, qu'il faut conjuguer dans l'espace et dans le temps :
Le premier est la prévention, qui doit être pensée en fonction du moyen et du long terme.
Depuis des années, par exemple, on évoque les stéréotypes dévalorisants qui accompagnent l'image de la femme.
Il est grand temps de remédier à cette situation et je ne veux pas croire que, dans ce domaine où règne le plus large consensus, on puisse continuer à opposer aux solutions proposées le principe de la liberté d'expression. Dans aucun pays, la liberté d'expression n'est mieux établie ou garantie qu'en France.
Mais dans les atteintes à la dignité des femmes, que nous observons trop souvent, il faut considérer que la liberté d'expression comme toute liberté, doit respecter les autres valeurs et les principes qui fondent notre société.
Le second axe est la mise en place de la stratégie globale et intégrée qui pourra seule conduire à l'égalité réelle, si des synergies se créent entre tous les acteurs dans le cadre d'action défini ensemble.
Une stratégie soumise à de fréquentes évaluations qui se développera dans tous les domaines et en direction de toutes les femmes vivant sur notre sol, enrichie des expériences européennes positives.
Le troisième axe concerne le développement de la concertation et du dialogue pour redéfinir les rôles et les coopérations à mettre en place. Dialogue social, dialogue civil, dialogue entre les générations
Enfin demeure la question de la parité politique. Si les femmes ne sont plus les héroïnes ridicules d'Aristophane et de Molière, elles sont encore trop peu nombreuses malgré les progrès réalisés dans une démocratie comme la notre. Faut-il rappeler que la démocratie repose sur la loi du nombre et que ne pas peser assez revient à ne pas peser du tout.
L'avenir des femmes dans la vie politique n'est pas un débat de pure forme. La réhabilitation du politique comme sa meilleure adéquation aux réalités du temps exigent que l'on confie un nouveau rôle politique aux femmes et que l'on développe une culture politique plus participative. Redonner du sens à la vie politique, c'est redonner du pouvoir aux français, et singulièrement aux françaises. Cette politique moderne pour mettre en place l'égalité dans les faits doit également être généreuse. Et je veux engager résolument mon ministère à exercer la plus grande vigilance en ce qui concerne l'accès à leurs droits des femmes des pays en transition et des pays en développement.
Pour ce faire, aux côtés du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie, dans toutes les enceintes internationales, j'entends faire entendre la voix de la France en faveur des droits des femmes.
Nous avons donc un devoir de vigilance et de propositions dans l'amélioration des dispositions électives, afin de favoriser l'émergence et l'implication des femmes au sein des milieux politiques pour faire progresser une véritable culture paritaire.
Vous l'avez compris, je veux impulser une politique volontaire qui, tout en maintenant notre action commune en faveur des femmes victimes de violences, de discrimination, voire d'exclusion, veillera à engager tous les ministères à participer à cette action.
Mais je veux également que les femmes ne soient pas sans cesse présentées comme des victimes. Beaucoup réussissent de manière remarquable dans les domaines d'activité qu'elles ont choisis. La grande majorité d'entre elles vivent dans des familles heureuses. Alors, tout en veillant à protéger les plus fragiles, il est indispensable de présenter un discours plus positif.
La parité, l'égalité professionnelle, la gestion du temps, ont toujours été au cur de ma réflexion. J'ai, du reste, rencontré certaines d'entre vous dans ma région ou à Paris en travaillant sur ces thèmes.
Les approfondir conduira à construire, pour les jeunes filles et les jeunes femmes d'aujourd'hui, la société paritaire dont nos aînées ont rêvé et pour laquelle elles se sont battues.
Vous allez maintenant regagner vos départements et vos régions pour être les agents dynamiques de cette politique moderne qui se veut une politique de proximité, une politique tournée vers l'égalité dans la vie quotidienne, une politique qui se construit et se mène ensemble. Je viendrai, dès que cela sera possible, vous rencontrer sur le terrain, mais dès à présent, avec mon équipe, avec Brigitte Grésy, je suis bien décidée à vous apporter tout mon soutien.
Bon retour à toutes et à très bientôt.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 15 juillet 2002)