Texte intégral
S. Paoli - Hors la concertation sociale, tout est-il déjà décidé par le Gouvernement s'agissant du Smic ? Dès vendredi dernier, le Premier ministre annonçait qu'il n'y aurait pas d'augmentation du salaire minimum, hors la revalorisation légale de 2,4 % le 1er juillet. Auparavant, le ministre de l'Economie et des Finances, avait exprimé ses réserves concernant la hausse du Smic. Quant au secrétaire d'Etat au Transport, il s'était dit avant de recevoir les syndicats, prêt à légiférer sur le service minimum en cas de grève dans les transports publics. Est-ce une maladresse ou est-ce une stratégie à vos yeux , cette façon qu'a le Gouvernement d'annoncer les choses avant de les avoir négociées ?
- "Il va falloir que chacun se forge une opinion. Je trouve que c'est un peu "fort de café". Lorsque j'ai rencontré le Gouvernement, à la veille des élections législatives, j'avais expliqué combien les citoyens trouveraient normal d'avoir au moins une indication quant aux intentions du Gouvernement s'agissant de l'évolution du Smic. D'autant plus qu'il faisait feu de tout bois à ce moment-là pour intervenir, s'agissant du pouvoir d'achat d'autres catégories de citoyens - je pense au conflit des médecins. Et on m'avait rétorqué à l'époque qu'il convenait de respecter la procédure de concertation avec les organisations syndicales, une procédure qui est censée intervenir aujourd'hui. Chacun est à même de constater que le moment étant venu, quelques jours auparavant, on annonce ce qui semble être désormais la décision officielle du Gouvernement. Donc, une des questions qui va se poser est de savoir si la posture concernant le dialogue social est davantage une posture de publicité ou est-ce que le Gouvernement va réellement entendre les organisations syndicales sur une série de sujets, notamment celui-là."
Comment les choses vont-elles se passer ? Tout à l'heure, va s'ouvrir la Commission nationale de la négociation collective au ministère du Travail et des Affaires sociales, vous allez rencontrer monsieur Fillon : qu'est-ce qui peut se passer à ce moment-là ?
- "Ce qui peut se passer, c'est déjà une série de protestations. Je crois avoir compris que l'ensemble des organisations étaient loin d'être satisfaites sur la procédure. Et au-delà, réexpliquer, pourquoi selon nous, cette décision politique est grave de conséquences. 5.800 francs nets - vous l'avez rappelé avec d'autres collègues depuis quelques jours -, c'est la réalité du Smic aujourd'hui. C'est un salarié sur six : la proportion du smicard a doublé en dix ans. Nous sommes dans un pays qui est en train de s'installer dans de basses rémunérations de bas niveau. Alors, qu'est ce qui va se produire dans les premiers jours de juillet ? C'est l'annonce d'une hausse de la cotisation chômage, c'est une annonce de hausse du tarif de la carte orange. Autre mesure gouvernementale : l'impôt sur le revenu est annoncé en baisse. S'agissant des smicards, je rappelle que beaucoup d'entre eux ne paient pas l'impôt sur le revenu puisqu'ils font partie des 8,6 millions salariés sont concernés par la Prime pour l'emploi et qui sont donc en dessous du niveau réputé comme devant contribuer à l'impôt sur le revenu."
Mais vous en concluez quoi au fond ? Que le Gouvernement affiche ouvertement qu'il veut plutôt privilégier les classes favorisées ?
- "Si je m'en tiens aux quelques mesures qu'il a d'ores et déjà prononcées - impôt sur le revenu -, et si comme sur le Smic, il ne tient pas du tout compte de ce que les organisations syndicales lui disent - à savoir que ce n'est pas une mesure de justice sociale -, nous pensons, pour ce qui nous concerne, qui si nous voulons modifier la manière dont l'impôt est perçu dans notre pays pour y introduire des mesures de justice sociale, c'est tout à fait nécessaire et nous sommes demandeurs. Mais ce n'est certainement pas en abaissant le seuil de l'impôt sur le revenu, de manière unilatérale, de ceux qui en paient, en sachant mathématiquement que, bien évidemment, plus les revenus seront hauts, plus vous payez d'impôts sur le revenu, plus vous serez bénéficiaire de cette mesure. S'agissant des smicards, la hausse qui va intervenir va représenter l'équivalent d'une petite baguette de pain par jour. Vous avouerez qu'il y aura là [de quoi] dégager un mécontentement manifeste de la part de ceux qui constateront un parti pris en faveur des plus favorisés."
Mais puisqu'on sait pas mal de choses avant qu'elles ne soient négociées, quand le Gouvernement dit que son objectif, c'est plutôt l'harmonisation des Smic - au 1er juillet, il y aura six taux différents pour les Smic - est-ce qu'il n'y a pas là une piste de réflexion intéressante, si l'harmonisation devait se faire plutôt vers le haut ?
- "Oui, et vous dites "si l'harmonisation doit se faire plutôt vers le haut". Or je crains que nous n'ayons ni le beurre, ni l'argent du beurre dans cette affaire. Le Medef, de son côté, ne veut plus de Smic ; il ne l'a pas encore assumé publiquement, mais cela ne saurait tarder. Il ne veut plus de salaire de référence interprofessionnel. Nous sommes dans une situation, de ce point de vue, un peu particulière en Europe, c'est vrai. Sauf que compte tenu de la nature des rapports sociaux dans notre pays, s'il n'y a pas de décision politique sur un salaire minimum, il est évident, concernant la posture du patronat, que nous n'aurons aucune négociation de branche. Vous savez que le Medef refuse désormais de négocier sur un plan interprofessionnel à l'échelle des branches professionnelles. Cela veut dire que nous rentrerions dans une espèce de maquis concernant les salaires. Je crains bien que cette non-revalorisation masque une deuxième étape qui consistera à nous expliquer, s'agissant de l'harmonisation, que là aussi, le procédé est très difficile et qu'il faudra nous renvoyer à des négociations à l'intérieur des entreprises."
Au-delà de la question du Smic, comment envisagez-vous le paysage syndical et politique ? Parce qu'on a entendu beaucoup de choses, y compris sur le service minimum - je faisais allusion à ce qu'avait déjà dit monsieur Bussereau -, des questions se posent s'agissant des retraites, d'autres - et on a vu FO réagir assez vivement déjà - se posent sur les privatisations possibles, à commencer par celle d'EDF. Comment envisagez-vous les semaines qui viennent ?
- "Nous avons organisé - et j'espère qu'elles seront représentatives - des délégations. Aujourd'hui, nous en aurons au ministère du Travail, nous en avons dans les préfectures. Je sais qu'un certain nombre de professions sur la question du pouvoir d'achat ont décidé de se mobiliser en proposant des rendez-vous particuliers. Nous sommes en même temps à quelques jours des premiers départs en vacances. C'est d'ailleurs une très mauvaise carte postale envoyée par le Gouvernement avant cette période particulière. Nous en appelons, pour ce qui nous concerne, à la mobilisation, pour avoir des négociations sur un autre terrain que celles qui nous sont proposées. La question du pouvoir d'achat est la première source de conflit dans les entreprises durant ces premiers mois. Cela a été le cas aussi l'année dernière ; c'est le cas aussi en Allemagne ou dans d'autres pays européens. Nous ne pensons pas que la croissance puisse être durable et forte si nous nous installons sur des stratégies de bas salaires et de précarité de l'emploi. Si notre message est perçu et partagé par beaucoup de salariés, il est évident que nous répondrons présents pour des mobilisations qui nous sembleront nécessaires, si se confirme une posture du Gouvernement qui se caractérisera quand même par l'adhésion à un certain camp dans les questions sociales que nous avons à aborder avec le patronat."
Mais la mobilisation, ce serait quand ? Ce serait maintenant ou c'est plutôt une rentrée sociale agitée en septembre ?
- "Il ne s'agit pas de la programmer. Je crains aussi que pendant l'été se poursuivent des plans de restructuration et de suppression d'emplois. Cela fait maintenant de longues années où nous sommes malheureusement un peu habitués à cette responsabilité très particulière de se voir annoncer de très mauvaises mesures durant l'été. Nous allons donc devoir faire preuve de grande vigilance par le biais de nos unions départementales, de nos unions locales pour surveiller ce qui se passe au niveau de l'emploi et ne pas avoir de mauvaises surprises. Pour ce qui concerne l'ensemble des questions, il est évident que la rentrée, sans doute, posera avec beaucoup d'exigences la nécessité d'être présents. Nous avons d'ores et déjà décidé d'une mobilisation particulière sur l'avenir des retraites car nous pensons qu'il ne faut pas attendre de mauvaises propositions sur le sujet, mais plutôt se préparer à une mobilisation pour défendre nos revendications en la matière. D'autant plus que le Medef risque de rééditer son chantage sur les retraites complémentaires qui arrivent en sursis à compter du 31 décembre 2002. Nous avons donc bien l'intention de prendre l'initiative et de ne pas rester à la remorque de mauvaises décisions."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 juin 2002)
- "Il va falloir que chacun se forge une opinion. Je trouve que c'est un peu "fort de café". Lorsque j'ai rencontré le Gouvernement, à la veille des élections législatives, j'avais expliqué combien les citoyens trouveraient normal d'avoir au moins une indication quant aux intentions du Gouvernement s'agissant de l'évolution du Smic. D'autant plus qu'il faisait feu de tout bois à ce moment-là pour intervenir, s'agissant du pouvoir d'achat d'autres catégories de citoyens - je pense au conflit des médecins. Et on m'avait rétorqué à l'époque qu'il convenait de respecter la procédure de concertation avec les organisations syndicales, une procédure qui est censée intervenir aujourd'hui. Chacun est à même de constater que le moment étant venu, quelques jours auparavant, on annonce ce qui semble être désormais la décision officielle du Gouvernement. Donc, une des questions qui va se poser est de savoir si la posture concernant le dialogue social est davantage une posture de publicité ou est-ce que le Gouvernement va réellement entendre les organisations syndicales sur une série de sujets, notamment celui-là."
Comment les choses vont-elles se passer ? Tout à l'heure, va s'ouvrir la Commission nationale de la négociation collective au ministère du Travail et des Affaires sociales, vous allez rencontrer monsieur Fillon : qu'est-ce qui peut se passer à ce moment-là ?
- "Ce qui peut se passer, c'est déjà une série de protestations. Je crois avoir compris que l'ensemble des organisations étaient loin d'être satisfaites sur la procédure. Et au-delà, réexpliquer, pourquoi selon nous, cette décision politique est grave de conséquences. 5.800 francs nets - vous l'avez rappelé avec d'autres collègues depuis quelques jours -, c'est la réalité du Smic aujourd'hui. C'est un salarié sur six : la proportion du smicard a doublé en dix ans. Nous sommes dans un pays qui est en train de s'installer dans de basses rémunérations de bas niveau. Alors, qu'est ce qui va se produire dans les premiers jours de juillet ? C'est l'annonce d'une hausse de la cotisation chômage, c'est une annonce de hausse du tarif de la carte orange. Autre mesure gouvernementale : l'impôt sur le revenu est annoncé en baisse. S'agissant des smicards, je rappelle que beaucoup d'entre eux ne paient pas l'impôt sur le revenu puisqu'ils font partie des 8,6 millions salariés sont concernés par la Prime pour l'emploi et qui sont donc en dessous du niveau réputé comme devant contribuer à l'impôt sur le revenu."
Mais vous en concluez quoi au fond ? Que le Gouvernement affiche ouvertement qu'il veut plutôt privilégier les classes favorisées ?
- "Si je m'en tiens aux quelques mesures qu'il a d'ores et déjà prononcées - impôt sur le revenu -, et si comme sur le Smic, il ne tient pas du tout compte de ce que les organisations syndicales lui disent - à savoir que ce n'est pas une mesure de justice sociale -, nous pensons, pour ce qui nous concerne, qui si nous voulons modifier la manière dont l'impôt est perçu dans notre pays pour y introduire des mesures de justice sociale, c'est tout à fait nécessaire et nous sommes demandeurs. Mais ce n'est certainement pas en abaissant le seuil de l'impôt sur le revenu, de manière unilatérale, de ceux qui en paient, en sachant mathématiquement que, bien évidemment, plus les revenus seront hauts, plus vous payez d'impôts sur le revenu, plus vous serez bénéficiaire de cette mesure. S'agissant des smicards, la hausse qui va intervenir va représenter l'équivalent d'une petite baguette de pain par jour. Vous avouerez qu'il y aura là [de quoi] dégager un mécontentement manifeste de la part de ceux qui constateront un parti pris en faveur des plus favorisés."
Mais puisqu'on sait pas mal de choses avant qu'elles ne soient négociées, quand le Gouvernement dit que son objectif, c'est plutôt l'harmonisation des Smic - au 1er juillet, il y aura six taux différents pour les Smic - est-ce qu'il n'y a pas là une piste de réflexion intéressante, si l'harmonisation devait se faire plutôt vers le haut ?
- "Oui, et vous dites "si l'harmonisation doit se faire plutôt vers le haut". Or je crains que nous n'ayons ni le beurre, ni l'argent du beurre dans cette affaire. Le Medef, de son côté, ne veut plus de Smic ; il ne l'a pas encore assumé publiquement, mais cela ne saurait tarder. Il ne veut plus de salaire de référence interprofessionnel. Nous sommes dans une situation, de ce point de vue, un peu particulière en Europe, c'est vrai. Sauf que compte tenu de la nature des rapports sociaux dans notre pays, s'il n'y a pas de décision politique sur un salaire minimum, il est évident, concernant la posture du patronat, que nous n'aurons aucune négociation de branche. Vous savez que le Medef refuse désormais de négocier sur un plan interprofessionnel à l'échelle des branches professionnelles. Cela veut dire que nous rentrerions dans une espèce de maquis concernant les salaires. Je crains bien que cette non-revalorisation masque une deuxième étape qui consistera à nous expliquer, s'agissant de l'harmonisation, que là aussi, le procédé est très difficile et qu'il faudra nous renvoyer à des négociations à l'intérieur des entreprises."
Au-delà de la question du Smic, comment envisagez-vous le paysage syndical et politique ? Parce qu'on a entendu beaucoup de choses, y compris sur le service minimum - je faisais allusion à ce qu'avait déjà dit monsieur Bussereau -, des questions se posent s'agissant des retraites, d'autres - et on a vu FO réagir assez vivement déjà - se posent sur les privatisations possibles, à commencer par celle d'EDF. Comment envisagez-vous les semaines qui viennent ?
- "Nous avons organisé - et j'espère qu'elles seront représentatives - des délégations. Aujourd'hui, nous en aurons au ministère du Travail, nous en avons dans les préfectures. Je sais qu'un certain nombre de professions sur la question du pouvoir d'achat ont décidé de se mobiliser en proposant des rendez-vous particuliers. Nous sommes en même temps à quelques jours des premiers départs en vacances. C'est d'ailleurs une très mauvaise carte postale envoyée par le Gouvernement avant cette période particulière. Nous en appelons, pour ce qui nous concerne, à la mobilisation, pour avoir des négociations sur un autre terrain que celles qui nous sont proposées. La question du pouvoir d'achat est la première source de conflit dans les entreprises durant ces premiers mois. Cela a été le cas aussi l'année dernière ; c'est le cas aussi en Allemagne ou dans d'autres pays européens. Nous ne pensons pas que la croissance puisse être durable et forte si nous nous installons sur des stratégies de bas salaires et de précarité de l'emploi. Si notre message est perçu et partagé par beaucoup de salariés, il est évident que nous répondrons présents pour des mobilisations qui nous sembleront nécessaires, si se confirme une posture du Gouvernement qui se caractérisera quand même par l'adhésion à un certain camp dans les questions sociales que nous avons à aborder avec le patronat."
Mais la mobilisation, ce serait quand ? Ce serait maintenant ou c'est plutôt une rentrée sociale agitée en septembre ?
- "Il ne s'agit pas de la programmer. Je crains aussi que pendant l'été se poursuivent des plans de restructuration et de suppression d'emplois. Cela fait maintenant de longues années où nous sommes malheureusement un peu habitués à cette responsabilité très particulière de se voir annoncer de très mauvaises mesures durant l'été. Nous allons donc devoir faire preuve de grande vigilance par le biais de nos unions départementales, de nos unions locales pour surveiller ce qui se passe au niveau de l'emploi et ne pas avoir de mauvaises surprises. Pour ce qui concerne l'ensemble des questions, il est évident que la rentrée, sans doute, posera avec beaucoup d'exigences la nécessité d'être présents. Nous avons d'ores et déjà décidé d'une mobilisation particulière sur l'avenir des retraites car nous pensons qu'il ne faut pas attendre de mauvaises propositions sur le sujet, mais plutôt se préparer à une mobilisation pour défendre nos revendications en la matière. D'autant plus que le Medef risque de rééditer son chantage sur les retraites complémentaires qui arrivent en sursis à compter du 31 décembre 2002. Nous avons donc bien l'intention de prendre l'initiative et de ne pas rester à la remorque de mauvaises décisions."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 juin 2002)